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cupe que de ses jouissances sensuelles, s'il en fait l'objet unique de ses soins, on ne sympathise pas avec un pareil homme, parce que, par son abrutissement, il devient incapable d'être utile à ses semblables; et le mépris serait à son comble si, pour servir sa sensualité ou son avarice, il employait les moyens condamnés par la raison.

Si on a admiré dans certaines circonstances les hommes qui ont méprisé les peines et se sont privés des jouissances, c'est que la raison nous dit de supporter avec résignation les maux que nous ne pouvons pas empêcher et les privations qui sont convenables dans la position où nous nous trouvons.

Mais on ne peut admirer raisonnablement le mépris des peines et des plaisirs physiques, que lorsque l'individu qui éprouve ce mépris ne l'étend pas aux peines et aux plaisirs physiques des autres. L'homme qui, après avoir admis en principe que la douleur n'est pas un mal, et que nous devons la mépriser, en tirerait la conséquence qu'il peut laisser mourir de faim sa femme et ses enfans, ne serait approuvé de personne. Si on honore ceux qui méprisent la dou leur physique, on honore encore plus ceux qui nous en délivrent, et il n'y a rien de contradictoire dans ces deux opinions; l'une, au contraire, est une conséquence de l'autre : nous voulons que nos semblables méprisent les douleurs qui n'atteignent qu'eux, afin qu'ils puissent nous délivrer de celles qui peuvent tomber sur nous; nous voulons qu'ils méprisent les jouissances qui ne seraient senties que par eux, afin que notre part soit plus grande; et nous payons en estime les peines qu'ils prennent à notre égard, ou les plaisirs auxquels ils renoncent pour nous obliger. Et comme ce sentiment est universel, il n'a rien d'injuste; parce que ce que les autres admirent en nous,

nous l'admirons chez les autres, et qu'ainsi tout est parfaitement égal. Il résulte de cette double exposition, que chez aucun peuple et dans aucune secte les peines physiques n'ont été regardées comme désirables en elles-mêmes, ni les jouissances de même nature comme essentiellement funestes: il ne peut être question que de rechercher quelles sont les circonstances qui influent sur l'appréciation des unes et des autres. Les moralistes qui, sans égard à ces circonstances, condamneraient les plaisirs sensuels dans tous les cas, seraient des fous qui feraient peu de prosélytes. On ne parvient pas aisément à changer les penchans de la nature, et surtout celui qui nous appelle au plaisir. Il serait difficile de nous servir de choses utiles, et de n'y prendre aucun intérêt; de rejeter des jouissances qui ne nuiraient à personne; d'aller au-devant des douleurs dont on peut s'affranchir, pour se faire un mérite de sa résignation. La douleur, par elle-même, ne peut pas plus être un bien que le plaisir un mal. Si le dévouement et la résignation peuvent être conseillés, c'est qu'ils ont pour effet de tempérer le mal qu'on ne peut empêcher, d'en diminuer l'amertume, et de remplacer en quelque sorte le plaisir. Mais l'objet de la saine morale ne peut jamais être de rechercher les peines dont on peut s'exempter, pour avoir le vain mérite de les endurer avec patience.

Politique naturelle, ou Discours sur les Principes du Gouvernement. -Recherches sur la Nature et les Lois de l'Imagination, par BoNsTetten. Traité de - Etudes de l'Homme, par le même. - Pensées de HUME. Législation, par Ch. COMTE. - Essai sur les Rapports primitifs qui lient ensemble la Philosophie et la Morale, par le chevalier BoZZELLI.

S 2.

Convenance du Sentiment de l'Utile.

Caractère de la véritable utilité.

565. La marche que la raison nous trace dans la recherche de l'utile, est de ne s'attacher qu'à des objets qui puissent servir à des besoins réels. Si nous nous laissons entraîner, par les erreurs de l'imagination, à des désirs désordonnés, nous ne trouvons pas dans la possession des choses les avantages que nous nous flattions d'y rencontrer, parce qu'elles ne sont pas de nature à satisfaire des besoins véritables. De là toutes les erreurs de la conduite de la vie, toutes les ambitions déçues, tous les écarts faits dans la route du bonheur.

L'utilité que nous devons rechercher ne doit pas être instantanée, mais durable. Il ne faut pas que ce qui nous convient pour le moment, puisse nous nuire pendant tout le temps de notre existence. Il n'est pas de vices, de folies, de crimes même, qui n'aient un intérêt pour celui qui s'y livre. Mais l'expérience prouve tôt ou tard que, loin de procurer un bien-être, les jouissances fondées sur des actions pareilles, deviennent la source des malheurs de celui qui s'y livre. Il est donc souvent important pour nous de sacrifier l'intérêt du moment à celui de toute la vie. La raison, qui nous fait prévoir l'avenir et ses suites, peut nous déterminer à ce sacrifice.

$ 3.

Convenance du Sentiment harmonique, ou du Beau.

Elle résulte du travail de l'intelligence et de l'imagination. 566. Si la sensibilité nous fait trouver les choses belles, c'est à l'intelligence, réunie à l'imagination, à produire la notion du beau. Une fois frappé de l'idée du beau, l'homme s'en empare, la dégage, l'étend, la développe dans sa pensée; et, à l'aide de cette idée, que lui ont inspirée les objets extérieurs, il examine de nouveau ces mêmes objets, et les trouve, à une seconde vue, inférieurs par quelques côtés à l'idée qu'ils lui avaient suggérée. Le plus bel objet du monde a ses défauts; la plus charmante figure a ses taches. Tout ce qui est récl est mélangé et imparfait. Toute beauté, quelle qu'elle soit, pâlit devant l'idéal de beauté qu'elle révèle. Mais l'homme refait l'idée du beau sur cette idée même, et la fait plus belle encore. Au lieu de s'arrêter à la contemplation stérile de l'idéal, il crée pour cet idéal une nature nouvelle qui réfléchit la beauté d'une manière beaucoup plus transparente que la nature primitive. Le génie de l'homme a le pouvoir de changer la face du monde par sa puissance intellectuelle, au moyen des prodiges que son imagination enfante par les sciences, les arts et l'industrie.

Voyons la convenance du sentiment du beau 1o dans la nature et les arts; 2° dans les sentimens et les mœurs; 3° dans la poésie.

Cours de Philosophie de V. CoUSIN, année 1828.

(

No 1.

Convenance du Beau dans la nature et les arts.

Conditions nécessaires pour former cette convenance. Son utilité pour le perfectionnement des mœurs.

367. Pour produire le sentiment du beau et du sublime dans les objets sensibles, il faut, 1o la réunion de plusieurs de ces objets; 2° qu'ils soient présentés à l'ame dans un ordre convenable à produire ce sentiment; 3o qu'ils arrivent au sens du beau ; 4o que l'intelligence opère sur le produit des sensations.

I. Un objet individuel n'est beau à nos yeux que parce qu'il est en rapport avec le beau idéal auquel nous le rapportons. Ce beau est dans l'ensemble de l'objet, et non pas dans ses parties ainsi le beau n'est pas dans une qualité du cercle, dans une qualité de la ligne; il n'est pas non plus dans quelques parties d'une colonne, dans les mots qui composent un discours, dans les parties détachées d'un tableau, etc.; mais il est dans l'ensemble de la figure, du discours, du tableau, et en général de l'objet qui peut produire le sentiment que nous examinons.

II. Pour que les parties de l'objet concourent, par leur réunion, à produire le sentiment du beau, elles doivent avoir, dans leur arrangement, des rapports de convenance qui soient saisis par l'ame, du moins quant à l'effet de susciter un sentiment agréable.

Les différens arrangemens que les objets peuvent avoir relativement à l'influence qu'ils exercent sur notre manière de sentir, se rapportent à l'accord et à l'harmonie qui nous en font voir la perfection.

Il y a accord, convenance ou proportion, quand

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