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naisseurs en morale, de même que nous devenons connaisseurs en peinture, en architecture, etc.

Aucun individu ne naît si mal constitué, que la connaissance des objets qui sont à sa portée n'excite pas en lui des affections. Il ne peut être originairement, à moins d'être dans l'idiotisme, incapable d'amour, de pitié, de reconnaissance, et de tout autre sentiment social. Après avoir connu le juste et l'injuste, il ne peut rester dans une parfaite neutralité relativement aux affections que ces sentimens inspirent; il ressent nécessairement de la satisfaction pour les qualités sympathiques et bienfaisantes, et de l'aversion pour les qualités antipathiques et haineuses; il connaît les actions qui sont utiles à ses semblables, et celles qui leur sont nuisibles.

Si, par un vice d'organisation ou une dépravation de mœurs difficile à concevoir, les penchans d'un homme le portaient à la méchanceté, il serait plus qu'indifférent aux peintures du vice et de la vertu; tous ses sentimens seraient renversés et entièrement opposés à ceux des autres hommes: ce qui ferait le bien général lui déplairait, et il se complairait dans ce qui produirait le désordre et causerait le malheur de la société; son ame ne se révolterait pas contre des maximes perverses; il se plairait dans des sentimens bas et ignobles; enfin, il serait incapable de vertus, et on devrait s'attendre à une conduite conforme à cette perversité de goût.

Le goût moral ne s'éteint pas; mais il peut s'affaiblir, se vicier, se dépraver, comme on se gâte le goût sensuel par l'usage des épices et des liqueurs fortes.

Il y a une mode dans les sentimens et la conduite de la vie, comme dans les vêtemens et les ameublemens, et elle entraîne le goût moral: elle met en vogue certains défauts, elle décrie certaines qualités

qui méritent-l'estime. C'est ainsi que les esprits superficiels admirent les vices des grands: ces vices sont liés dans leur esprit à l'éclat de la fortune. Au contraire, les vertus des hommes obscurs, l'économie, la frugalité, le travail, leur paraissent des qualités vulgaires : ils les unissent dans leur pensée avec la bassesse de l'état dans lequel ces qualités sont plus communes, et avec plusieurs vices qu'ils supposent accompagner ces basses conditions, tels que la méchanceté, la grossièreté, la friponnerie, l'ivrognerie, etc.

Le goût moral se perfectionne lorsqu'une nation policée s'éclaire, qu'elle met ses institutions sociales en harmonie avec la nature humaine.

Ceux qui sont élevés dans des familles vertueuses, et qui sont accoutumés à ne voir dans ceux qui les entourent que des sentimens de justice, d'humanité et d'ordre, sont beaucoup plus aisément blessés de ce qui est opposé à ces sentimens. Ceux, au contraire, qui ont le malheur de fréquenter des hommes pervers, perdent, non pas tout sentiment du désordre qu'entraîne un pareil caractère, mais celui de sa monstruosité; familiarisés avec la conduite de ces hommes par le temps et l'habitude, ils sont disposés à la regarder comme résultant des usages du beau monde sur lesquels on doit se modeler.

Essai de Morale de HUME.-De la Nature. dique, Logique, mot Beau.

Encyclopédie métho

Théorie des Sentimens moraux, par SMITH.

N° 3.

Convenance du Beau poétique.

Son origine. Différence entre la poésie et la versification. 369. Le pouvoir de rapprocher par le discours les images des sentimens, les objets physiques des ob

jets moraux, est une création. L'auteur qui a dit que le jeune enfant moissonné dès le berceau est comme la fleur naissante que l'orage a flétrie, n'a aucunement inventé l'idée de l'enfant, ni celle de la fleur: les élémens de la poésie viennent du monde extérieur; mais la création est dans le rapport, l'analogie que la poésie découvre entre ces deux êtres; nulle production n'est plus complète. Dans l'univers, il n'existe que des faits isolés et des lois physiques, et toute comparaison, toute liaison entre deux êtres totalement dissemblables, puisque l'un est de l'ordre physique, et l'autre de l'ordre moral, est nécessairement un produit de notre ame. Ce produit est de la poésie. La comparaison est une création. Ce n'est qu'au-dedans de nous qu'elle a de l'existence; audehors elle est absurde, elle est impossible: il n'y a que l'ame qui puisse voir un rapport. Ce rapport n'est pas un jugement: c'est une analogie, une conscience de rapport établie par l'ame et existant dans l'ame même entre deux objets. La poésie est donc en nous; notre ame en est le foyer et la source.

La poésie est de tous les peuples, de tous les âges. Il est plus facile à l'homme de trouver d'instinct et d'inspiration ces rapports inattendus et subits du monde moral et du monde physique, que d'élever lentement les arts et les sciences. Aussi les sauvages, pour peu qu'ils aient un langage un peu commode, au milieu de leur grossière ignorance, inondent leurs conversations de comparaisons et de figures poétiques.

Partout le fonds de la poésie sera le même: le monde moral et le monde physique ne changent pas. Mais les tableaux des différens climats varient avec la latitude, changent avec les zones de la terre, et offrent des scènes différentes. Il se pourra donc qu'il y ait

entre les images des poésies qui ont paru sur le globe autant de différence que les sombres pins du Nord, les oliviers et les chênes des pays tempérés, et les palmiers des régions de l'équinoxe, en présentent entre eux: voilà ce qui cause la principale différence des poésies dans les différens pays. Les mœurs changent aussi, mais moins que les climats. L'homme reste à peu près immuable, quand toute la nature change autour de lui. Ainsi, les poètes sont obligés de s'accoutumer aux images de la nature de leurs pays. La poésie se composera toujours des passions immuables du cœur humain, modifiées par les mœurs et rapprochées des images de la patrie. Sous ce rapport, les diverses poésies pourront offrir de grandes différences pour la forme, le style, les allégories. Une contrée peut être plus ou moins embellie par la nature; dans un état de civilisation donné, les passions pourront être plus ou moins fortes, et toutes ces choses se réfléchiront dans la poésie.

Ce qu'on appelle versification, est une chose toutà-fait distincte de la poésie. Il y a loin entre faire de la poésie et écrire des vers. La versification est une espèce de musique; elle forme une branche du grand art de l'harmonie. L'impression qu'elle produit tient à la répétition d'une certaine cadence à un rhythme régulier: c'est une des formes du beau. Mais si cet art n'est pas la poésie, il la seconde; c'est un accompagnement puissant, harmonieux. Voilà pourquoi les poètes, pour répandre leurs idées, ont de grands avantages sur les prosateurs. Une pensée mise en vers faciles et élégans, qui portent sans contrainte le dur joug de la rime, plaira toujours infiniment plus que la même pensée exprimée sans harmonie.

Mais chez les grands écrivains, soit qu'ils écrivent en prose ou en vers, toute pensée grande et

forte prend une teinte poétique. Tacite et Montesquieu sont des écrivains éminemment poétiques ; et il n'est pas nécessaire, pour l'être, d'abonder en comparaisons, en images: on est poétique en un seul mot; on est pittoresque par l'expression. Ainsi, lorsque tout se réunit dans une composition, pensées fortes, images riches, variées et précises, harmonies parfaites, alors la langue humaine a atteint le maximum d'effets dont elle est susceptible pour produire des affections soit du beau, soit même du sublime.

CARITEAS.

ARTICLE IV.

CONVENANCE DU SENTIMENT DE SOCIABILITÉ.

570. Le sentiment de sociabilité sera conforme à la raison, quand il sera dirigé par une sympathie éclairée, qu'il suivra les voies de la justice et de l'amour propre rationnel.

S 1.

Convenance du Sentiment de sympathie.

Utilité de soumettre les sympathies et les antipathies à la réflexion.

371. La nature ayant attaché l'homme à son espèce par le sentiment de sympathie, rien de plus naturel et de plus raisonnable que de régler sa conduite sur ce noble penchant.

Mais les sympathies peuvent ne pas convenir; on peut par elles former des liaisons dangereuses. Combien, dans la vie, n'a-t-on pas rencontré de faux amis, d'hommes perfides qui ont abusé de la confiance trop irréfléchie qui leur a été imprudemment donnée!

A la vérité, quand la sympathie s'élève au degré de la passion, la raison devient impuissante pour la

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