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pas: s'il nous loue pour une chose que nous blâmons, sa louange, comme nous l'avons fait remarquer, loin de flatter l'amour-propre, l'humilie; s'il nous blâme, ou ne nous accorde pas l'estime qui nous est due, nous sommes blessés de son injustice.

Il semblerait que tous les avantages, toutes les qualités que nous pouvons posséder, devraient être autant d'alimens pour l'amour-propre ; et cependant cela n'est pas. Il faut que ces qualités se manifestent en nous, et soient de nature à être recherchées et approuvées par autrui. Ainsi, la paix, le contentement d'une ame résignée aux ordres du destin, qui la tranquillise au milieu des plus grands malheurs, est assurément la plus désirable de toutes les dispositions; cependant c'est de tous les avantages celui dont on se flatte le moins, parce que, renfermé dans le cœur qu'il charme, il n'a point cet extérieur où l'on brille dans le commerce du monde.

par

Les avantages dont se prévaut l'amour-propre, doivent être durables, et possédés par peu de personnes on ne peut se flatter de jouir d'un beau temps, d'habiter un climat heureux, d'être jeune, bien portant, etc. Cependant notre amour-propre est mortifié d'une maladie incurable; une femme coquette cache son âge; un vieillard a honte de parler de la faiblesse de ses sens.

Quoique l'approbation de nos semblables soit nécessaire à notre bien-être, nous ne devons pas l'espérer de ceux qui, sans motifs légitimes, cherchent à nous offenser et à nous nuire. Nous avons vu que dans ce cas la nature nous avait donné le pouvoir de nous venger de leur injuste agression: c'est une loi pénale dont elle confie l'exécution au plaignant; mais l'exercice de ce droit n'a pas toujours le pouvoir de nous rendre l'affection bienveillante de nos

ennemis. Dans ce cas, la raison nous présente deux manières de nous conduire, et pour chacune desquelles nous pouvons opter suivant les circonstances. La première est de renfermer la vengeance dans de justes bornes; si elle les dépassait, elle deviendrait elle-même injuste. Pour nous porter à la modération et empêcher l'excès du ressentiment, la raison nous présente la conscience de la fragilité humaine; le souvenir d'avoir en nous-mêmes besoin de pardon, le plaisir de renouer les liens d'une amitié rompue, l'approbation intérieure qu'emportent avec elles la générosité et l'indulgence, enfin l'amertume et le mal-aise qui accompagnent la colère et la haine.

La seconde manière est le pardon total de l'injure, si les circonstances ne rendent pas l'impunité dangereuse. Lorsque nous considérons, d'une part, que toute affection bienveillante est agréable en ellemême, bienfaisante à l'ame, et salutaire au corps; que les signes extérieurs qui l'expriment sont à la fois le plus doux des spectacles et le principal élément de la beauté humaine; et d'une autre part, que toute affection malveillante, non-seulement dans ses excès, mais dans son degré modéré, est un tourment: il est évident que la nature nous avertit hautement, par ces signes, d'user des affections bienveillantes, comme nous usons d'un aliment agréable au goût et salutaire à la santé; et de ne considérer les affections malveillantes que comme un remède amer qu'on ne doit jamais prendre sans nécessité, ni en plus grande quantité que le besoin ne l'exige.

374. Le jugement que nous portons de nos sentimens et de notre conduite soit envers nous-mêmes, soit envers les autres, se manifeste par la conscience ou le sentiment moral qui nous décèle ce qui convient ou ne convient pas à la nature de notre être.

L'homme qui en offense un autre, sent que sa conduite doit soulever contre lui le ressentiment et l'animosité de tous ceux qui l'observent. Celui qui fait tort à un seul individu, se reconnaît intérieurement pour aussi odieux à chaque homme que s'il les avait tous offensés: d'où il suit que le crime trouve pour ennemis tous ceux qu'il alarme, et que la vertu d'un particulier a droit à la bienveillance de tout le monde.

On a regardé la conscience ou le sentiment de moralité comme l'expression innée du bien et du mal que nous pouvons faire: c'est une erreur; rien n'est inné dans l'homme que ses dispositions. L'affection morale qu'il éprouve résulte toujours du jugement qu'il porte des effets qu'il attend de ses volontés et de ses actions.

La conscience (274) n'est par elle-même que la manifestation des affections que l'ame éprouve et du jugement qu'elle en porte, et non pas une faculté particulière qui produise des actes.

Elle se manifeste par un état de satisfaction intérieure si nous approuvons notre conduite, et par un état de peine que l'on appelle remords, si nous la condamnons: le premier fait tout le charme de la vertu, et le second tout le supplice du crime. Ces émotions de la conscience ne sont que le sentiment subit de la concordance ou de la discordance de nos actions avec les sentimens d'harmonie, si nécessaire au repos du cœur et à l'action des hommes.

Cependant les effets de la conscience ne sont pas toujours des preuves que les actions qui lui plaisent soient bonnes, et que celles qui la blessent soient vicieuses. Et en effet, la conscience peut provenir ou de nos dispositions naturelles, ou de nos dispositions acquises; et ces causes peuvent nous inspirer des

sentimens contraires à ceux qui devraient nous ani

mer.

Celui, par exemple, qui est porté au crime par penchant, suscité par les mauvaises mœurs de la société où il vit, éprouvera du remords d'avoir laissé échapper l'occasion de commettre un forfait, parce que toute résistance faite à nos penchans nous occasione une peine morale; et par la même raison, si le crime a été commis par suite du même penchant, l'individu n'éprouvera point de remords.

Mais s'il s'est laissé entraîner contre son inclination à une action coupable, il éprouvera des remords d'autant plus vifs, que son inclination était plus en opposition avec l'action qu'il a commise.

L'homme apporte en naissant des penchans qui ne sont pas condamnables; mais s'il a reçu une mauvaise éducation, s'il vit dans une société corrompue, les mauvais principes et les mauvaises mœurs dénatureront chez lui les règles du beau moral : c'est pourquoi il commet sans remords les actions les plus criminelles. C'est ainsi que, dans nos mœurs, tel qui aurait horreur d'assassiner un homme, n'éprouvera pas la plus légère émotion de le tuer en duel. Celui qui est élevé dans les principes d'un fanatisme aveugle, frémira d'avoir manqué à une pratique inutile, absurde, ou contraire à la raison.

Enfin, la conscience suit les lois du jugement de l'ame: elle sera convenable quand le jugement aura la rectitude qu'il doit avoir, et elle sera trompeuse quand il sera vicieux. Ainsi la conscience ne peut être un bon guide, un censeur utile, que chez l'homme qui a des principes vrais et l'habitude d'y obéir. Une faute, une faiblesse, interrompent pour ainsi dire son caractère; elles le font rougir; elles le tourmentent; elles lui donnent le sentiment de son infériorité. Une

bonne action, au contraire, réveille en lui le sentiment de sa force, de ses perfections, et lui rend délicieux les retours sur lui-même. C'est par une connaissance exacte de nos vrais devoirs et des avantages que l'on trouve à les suivre, c'est après avoir joui souvent du plaisir de s'estimer et du juste contentement de soi-même, c'est en se nourrissant de l'amour de la vertu, c'est en prenant l'habitude de sacrifier l'intérêt personnel au sentiment moral, que nous nous faisons une conscience qui nous interdit ou nous reproche les actions contraires à l'ordre.

L'effet de la conscience est tout à la fois énergique et durable: il domine sur les passions qui semblent lui être le plus contraires, et résiste à leur emportement; il trouble leurs plus vives jouissances, nous fait trahir malgré nous nos plus chers intérêts, et prolonge souvent jusqu'au dernier terme de la vie les suites funestes d'un seul instant de faiblesse ou d'abandon. Il n'y a que de nouveaux efforts de la vertu qui puissent en arrêter sûrement les ravages.

L'énergie de la conscience tient, comme toutes les autres manières de sentir, au caractère propre de l'individu, et est influencée par toutes les causes qui peuvent le modifier.

Théorie des Sentimens moraux, par SMITH. - Pensées de HUME. Théorie des Sentimens agréables. Essai philosophique sur la Nature morale et intellectuelle, par SPURZHEIM.-Etudes de l'Homme, par BonSTETTEN. Cours du Droit naturel, par Th. Jouffroy.

OEuvres com

plètes de Th. REID.

ARTICLE V.

CONVENANCE DU SENTIMENT RELIGIEUX.

Variétés des croyances religieuses entre les peuples et les individus. Différences entre l'opinion et le sentiment religieux. Effets de l'un et de l'autre. Caractère d'une révélation divine.

575. Les hommes, sous le rapport du sentiment religieux, doivent être divisés en trois classes:

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