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ENCYCLOPÉDIQUE.

BOTANIQUE.

SECONDE LETTRE de M. le Comte Léo HENCKEL de DONNERSMARCK, membre ordinaire de la Société des Scrutateurs de la nature de Halle, de la Société physico-économique de la Prusse Orientale, et honoraire de celle de Botanique de Ratisbonne, à M. A. L. MILLIN, membre de l'Institut et de la Légion d'Honneur, etc.; sur les changemens qu'éprouve le Lieu des Plantes (1).

MONSIEUR,

Il est temps que j'en vienne à des idées plus consolantes pour le botaniste, que ne l'étoient celles que j'ai pris la liberté de vous offrir dans ma Lettre précédente. Les causes

(1) Voyez la première Lettre, Magasin Encyclopédique, ann. 1810, t. II, p. 326.

qui agissent en bien sur le Lieu des plantes, seront donc aujourd'hui le sujet de notre entretien.

L'homme est pour ses semblables l'objet le plus digne de leur intérêt, sous tous les rapports; il est donc juste de commencer par faire connoître l'influence plus ou moins directe qu'il exerce sur le Lieu (accidentel) des végétaux. L'envie de voyager lui fait quitter les lieux qui l'ont vu naître, et il est sûr que la découverte du Nouveau Monde, en y ajoutant un motif puissant, celui de s'enrichir, n'a pas peu contribué à augmenter la passion des voyages. Le commerce est une suite nécessaire de cette passion : aussi lui devous nous une quantité prodigieuse de plantes, dont quelques-unes se sont tellement multipliées dans nos climats, qu'on les a rangées avec l'ivraie (Unkrauter). Le commerce à son tour n'enfante que trop souvent des guerres, et leur influence dans le monde moral est entièrement différente de celle qu'elles exercent dans le monde physique. Ce fait est digne de remarque. Tandis qu'une seule guerre semblable à un terrible incendie, embrase des contrées entières et fait mordre la poussière à des milliers de combattans, nous voyons des plantes profiter de l'appareil inséparable des armées, pour étendre les limites de leur Lieu (et

passer ainsi du Lieu nécessaire dans le Lieu accidentel. C'est aux excursions des Goths en Allemagne que l'on prétend y devoir le houblon, et mon collégue M. le professeur Jeanet DUVAL a prouvé dans un Mémoire lu à la Société de Botanique (2) que la Cochlearia Draba a été introduite dans les environs de Ratisbonne par des magasins à fourrages qui venoient de l'Autriche.

Il y auroit de l'injustice à ne pas faire mention ici de ces hommes respectables, qui brûlant du désir d'étendre les limites de la science ou d'être utiles à leur patrie, la quittent pour aller chercher au loin des productions, dont la culture peut l'enrichir ou en augmenter les charmes. Je ne vous parlerai pas cependant des premiers qui sont trop connus dans le monde savant. Je ne vous. dirai rien non plus de tous ceux qui ont été les victimes de leur noble zèle. Mais je ne puis me refuser le plaisir de citer André MICHAUX et BLIGH, noms chers aux sciences et à leurs concitoyens! Votre compatriote ne cessoit, dans ses voyages lointains, de confier à la terre des semences qui lui étoient étrangères. M. DESCHAMPS (3) a vu en Amérique des chênes qui attestent ce fait.

(2) Regensburger bot. Zeitung 1805, p. 223. (3) Voy. Annales du Museum d'Histoire naturelle, III, p. 191.

Et l'infatigable BLIGH a transporté le premier dans les Colonies angloises l'arbre-àpain, ( Artocarpus FORSTER) d'O - Taheiti

et la canne à sucre.

Je ne sais cependant pas au juste si l'on peut affirmer, que la plus grande partie des plantes exotiques nous viennent de botanistes de profession, car ils ne rapportent pour la plupart du temps, de leurs excursions et voyages, que des herbiers.

Cependant on a pensé de bonne heure à former des établissemens propres à recevoir les plantes étrangères. Ces établissemens sont connus, en Europe depuis le XVI.me siécle, sous le nom de Jardins botaniques: il étoit réservé au nôtre d'en établir de pareils dans les autres parties du monde. Vous vous rappellerez sûrement à cette occasion celui que des savans français avoient établi au Caire, pour cultiver en Ægypte les plantes de leur patrie.

Si on jette un coup-d'oeil sur les plantes que l'on cultive, on ne peut décider si ces établissemens, qu'un art factice enfante, sont des maisons d'éducation, des hôtelleries, ou bien des hôpitaux botaniques. Ne prenez pas en mauvaise part, Monsieur, ces expressions néologiques, quelqu'impropres qu'elles paroissent au premier abord, elles sont cependant adaptées à la nature des choses.

dans ces

En effet, n'accoutume-t-on pas, jardins, des plantes à un genre de vie, qui n'est que trop souvent contraire au vou de la nature? Il y a des plantes dont l'éducation ne s'achève véritablement jamais; tels sont les végétaux exotiques, qui sont trop sensibles pour s'acclimater dans nos contrées. Examinez, je vous supplie, attentivement, les plantes des hautes montagnes dites Alpines, transférées dans les jardins botaniques! Elles n'y mènent qu'une vie triste et languissante, tant il est vrai que l'art ne peut jamais vaincre la nature. Je crois qu'elles ont une espèce de nostalgie ou mal du pays, si commun parmi les montagnards des Alpes éloignés de leurs foyers, et j'en trouve une raison convaincante dans ce beau vers d'un poète célèbre :

Die Pflanzen der Gebürge leben vom Thau des Himmels!

Vous voyez que pour ces plantes, les jardins de la plaine ne ressemblent pas mal à de véritables hôpitaux. Les environs de ces établissemens nous offrent une quantité de végétaux échappés de leur étroite enceinte. Ils ont fait comme les étrangers dans les auberges, ils n'y ont passé que quelques temps. Comme des courses aux voyages il n'y a qu'un pas, ces plantes savent bientôt

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