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jetoit nécessairement le dogme de la Providence.

Pline le naturaliste pensoit qu'il est absurde d'imaginer que Dieu s'abaisse jusqu'à s'occuper des choses d'ici-bas, et que c'est le dégrader, que de le supposer appliqué à des soins si ennuyeux et si multipliés (1).

On trouve dans Tacite un passage curieux que je crois devoir rapporter ici en entier, parce qu'il donne une idée exacte des opinions des anciens sur la Providence. Voici comment s'exprime cet historien, après avoir parlé de l'entrevue de Tibère avec l'astrologue Thrasylle qui lui promettoit l'empire. « Pour moi, ces faits et d'autres >> semblables me font douter si les événemens de » cette vie sont asservis aux lois d'une destinée » immuable, ou s'ils roulent au gré du hasard. » Je vois même de la contrariété dans les anciens » philosophes, et dans leurs disciples. Les uns » pensent que notre commencement, notre fin, » que l'homme, en un mot, est indifférent aux

dieux, et ils citent en preuves les fréquentes » calamités des bons et la prospérité des méchans.

D'autres, au contraire, nous soumettent à une » destinée, mais indépendante du cours des étoi » les, et qui n'est que l'enchaînement éternel

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des causes premières. Toutefois ils nous accor» dent la liberté dans le choix de nos actions; » mais ils prétendent qu’un premier choix en» traîne des conséquences inévitables; que les » biens et les maux ne sont point ce que le peu» ple pense; qu'on est heureux, malgré des dis» grâces apparentes, et misérable au sein des » richesses, si l'on supporte constamment la » mauvaise fortune, ou si l'on abuse de la bonne. » Au reste, la plupart des hommes ne renonce» ront point à l'idée que l'avenir de chaque mor» tel ne soit fixé dès le premier moment de sa » naissance; et que si les prédictions sont demen» ties par les faits, ce ne soit la faute des igno» rans et des imposteurs, plutôt que celle de

l'art, dont la certitude s'est démontrée claire» ment et dans les temps anciens et dans le no» tre (1) ».

Plutarque, qui souvent émet des opinions si saines sur la Providence, semble adopter quelquefois le sentiment des Epicuriens. « Platon et » Anaxagore, dit-il, se trompent l'un et l'autre, » lorsqu'ils soutiennent que Dieu dirige les cho» ses humaines, et que ce soit dans ce dessein » qu'il ait formé le monde. Un être heureux et

(1) Tacit. Annal. liv. VI, ch. 22, trad. de Dureau de la Malle.

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il se

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» exempt de toute altération, incapable de tout » mal, à qui il ne manque aucun bien, et dont » l'existence est dans sa propre félicité et dans » son immutabilité, ne peut pas s'occuper de ce

qui se passe sur la terre. Il seroit malheureux » si, comme ouvrier ou comme architecte,

fatiguoit à la construction et à la conservation » du monde (1) ».

Au troisième siècle, c'est-à-dire à une époque où la foi de la Providence se trouvoit répandue, avec le christianisme, dans une grande partie du monde, ce dogme étoit encore violemment combattu par les Païens. Dans le fameux dialogue de Minutius Felix, intitulé Octavius, Cecilius Natalis se scandalise de voir les Chrétiens reconnoître une Providence qui préside aux choses humaines.

Quelles monstrueuses absurdités ils osent sou» tenir! s'écrie-t-il; ils prétendent que leur Dieu, » qu'ils ne peuvent ni voir, ni montrer aux au» tres, a l'oeil sur la conduite des hommes ; qu'il » connoît leurs actions, entend leurs discours, » et pénètre dans le secret de leurs pensées. Ils

s'imaginent sans doute que cet être inquiet et » curieux jusqu'à l'impertinence, va par tout le » monde, épiant ce qui s'y passe; qu'il est pré

(1) Plut. Opin. des Philos. liv. I. ch. 7.

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» sent partout, examine tout, ce qui, selon eux,

signifie qu'il prend soin de tout, et se mêle en» core de chaque chose en particulier. Ils ne com» prennent donc pas que s'il est occupé du gou» vernement général, il ne sauroit prêter son » attention aux détails des événemens, et que s'il » surveille les détails, il ne peut pas suffire au » gouvernement général (1) ».

Passons maintenant aux systêmes des anciens philosophes sur la nature de la substance pensante. Les uns disent que l'ame

l'ame est le cour même ; les autres, une certaine portion du cerveau : ceux-ci croient que c'est un air subtil; ceux-là, une harmonie résultant de la concordance des diverses parties du corps. Pythagore et Xénocrate en font un nombre qui se meut de soi-même. Platon la considère, non comme un sujet simple, mais comme une portion de matière, qu'il divise en trois parties siégeant, savoir : la partie raisonnable dans la tête, l'irascible dans la poitrine, et la concupiscible dans le bas ventre. Selon Dicéarque l'ame n'est qu'un mot vide de sens ; il n'y a d'ame ni dans l'homme, ni dans la bête; le

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(1) Fleury, Hist. eccles. liv. 7, S. 39 et 40. Il existe une traduction française de ce dialogue de Ninutius Félix, par Perrot d'Ablancourt.

principe actif est également réparti dans tous les corps vivans. L'ame, n'existant pas, ne sauroit donc être séparée du corps; et ce qu'on appelle vie et sentiment résulte des combinaisons de la matière qui est une et simple. Aristote en attribue l'origine à un cinquième élément ou principé inconnu, et lui donne le nom d'entéléchie, ce qui signifie à peu près mouvement perpétuel. Euripide soutient que c'est un Dieu (1).

La singularité de ces diverses opinions sur l'essence de l'ame devoit nécessairement produire des erreurs grossières dans la croyance relative aux destinées futures de l'homme, Aussi la plupart des philosophes embrassèrent-ils à ce sujet les systêmes les plus monstrueux. Les uns, tels que les sectateurs de Démocrite, les Cyniques, les Cyrénaïques, les Sceptiques et les Epicuriens, pensoient que l'ame meurt avec le corps. Phérécyde le Syrien est le premier, dit-on, qui avança que l'ame est immortelle (2). Mais presque tous ceux qui reconnurent ce dogme en altérèrent la sainteté par d'étranges modifications. Pythagore, par exemple,

(1) Cic. Tuscul, 1.

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Plut. Opin. des Philos. liv. 111. ch. 2. — De Burigny, Theolog. païenne, ch. XIII; et Leland, Nouv. Dém. evang. 3. part. ch. 3, 4 et 5.

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