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» Mais qu'entend-elle par cette expression, monnaie ? C'est ce que n'explique point la demanderesse; et c'est cependant ce qu'il importe d'éclaircir.

» Il y a, comme vous le savez, deux sortes de monnaies, l'une réelle, l'autre nominale. >> La monnaie réelle, ce sont les pièces d'un centime, d'un décime, de deux, six, douze, vingt-quatre et trente sous, les écus de trois livres, les écus de six livres, les pièces de cinq francs, les louis, les ducats, les séquins, les piastres, etc.

» La monnaie nominale, ce sont les deniers, les livres tournois, les livres parisis, les livres de gros.

>> La première est sujette à varier : on peut donner à une pièce de vingt-quatre sous la valeur d'un écu, à un écu celle de six livres, à une pièce de vingt-cinq francs, celle de cinquante francs. La seconde est invariable : un denier est toujours un denier, une livre est toujours une livre, quoique telle pièce qui valait hier vingt-quatre deniers, n'en vaille plus aujourd'hui que seize ; quoique telle pièce qui valait hier trois livres, n'en vaille plus que deux aujourd'hui.

» Cela posé, est-ce de la monnaie réelle, est-ce de la monnaie nominale , qu'il est question dans le placard de 1489? Bien évidemment c'est de la monnaie réelle; et au surplus, les doutes qui pourraient exister sur ce point, sont clairement levés par le placard des archiducs Albert et Isabelle, du 25 juin 1601.

» Ce placard porte

» 1o Que toules rentes, facultés de rachat, gagères ou autres obligations constituées à florins, livres, francs, patars, sous, et semblables formes et noms (c'est-à-dire, en monnaie nominale), se pourront racheter, décharger et acquitter à livres, florins, etc., en toutes sortes de pièces d'or et d'argent ayant cours dans le pays, au jour des paiemens ou remboursemens, nonobstant que, par les contrats, les pièces d'or et d'argent y mentionnées fussent évaluées et appréciées sur le pied des monnaies de ce temps-là, sans prendre égard si elles sont augmentées ou diminuées ce qui aura lieu, encore que les contrats feraient mention de rachat à carolus, réaux et autres pièces, moyennant toutefois que l'évaluation et prisée desdites pièces soient apposées dans les contrats à livres, sous, etc., de sorte que l'on passera semblablement audit cas, en payant livre pour livre, florin pour florin ;

» 2o Que, si les rentes, facultés de rachat,

gages et autres constitutions, sont créées et constituées en certaines espèces d'or et d'argent désignées par les contrats, comme carolus, écus, ducats, ou autres pièces en espèces d'or ou d'argent, sans faire évaluation des prix ou estimation d'icelles, le rembours ou acquit d'icelles obligations se devra faire en mêmes espèces ou pièces d'or et d'argent, si semblables pièces se peuvent commodément recouvrer, sinon en autre monnaie d'or ou d'argent, selon qu'icelles pièces sont estimées, appréciées et évaluées par nos placards au jour de l'extinction, décharge ou remboursemens desdites obligations.

» Telle est donc, en matière de remboursemens, la législation de la Belgique. Une ́ rente a-t-elle été constituée en monnaie réelle? Il faut, pour l'éteindre, rendre les mêmes espèces qu'on a reçues, ou si l'on n'en peut pas trouver, la valeur qu'elles avaient au temps du contrat. A-t-elle été constituée en monnaie nominale? Il suffit de rendre livres pour livres ou florins pour florins, soit que les espèces dans lesquelles a été fournie la somme évaluée en florins ou en livres, aient augmenté, soit qu'elles aient diminué depuis la constitution de la rente.

» Et il ne faut pas croire que l'édit du 21 décembre 1725 ait apporté le moindre changement à cette legislation. Cet édit n'est relatif qu'a des mesures de finances particulières aux circonstances momentanées pour lesquelles il a été fait ; et il laisse subsister, dans toute son intégrité, la distinction que fait le placard de 1601, entre les rentes constituées en monnaie nominale et les rentes constituées en monnaie réelle.

» Or, ce n'est pas en monnaie réelle, c'est en monnaie nominale, qu'a été constituée, en 1792, la rente annuelle de soixante-quinze florins dont il est ici question. Le contrat de constitution porte que Campenaere l'a constituée moyennant un capital de 250 livres de gros, argent de change.

Campenaere a donc pu rembourser cette rente par une somme égale, en monnaie ayant cours à l'époque du remboursement.

» Il a donc pu, même d'après le placard de 1601, la rembourser en assignats, puisqu'à l'époque du remboursement, les assignats avaient cours de monnaie dans la Belgique.

» Nous disons que les assignats avaient alors cours de monnaie dans la Belgique ; et c'est une vérité qu'il est impossible de contester sérieusement.

» La loi du 3 brumaire an 4, particulière à la Belgique, porte, art. 2, que les arrêtés

du comité de salut public, et ceux des repré sentans du peuple en mission, auxquels il n'a point été dérogé par le comité de salut public, CONTINUERONT d'être exécutés dans ce pays, jusqu'à l'établissement qui s'y fera successivement des lois françaises.

» Les arrêtés pris pour la Belgique, par les représentans du peuple qui y ont été en mission, ont donc force de loi dans ces contrées.

» Or, parmi ces arrêtés, il en existe plusieurs qui, après la seconde entrée des troupes françaises dans la Belgique, ont assimilé ce pays à l'intérieur de la France, pour la circulation forcée des assignats.

» Tel est notamment celui du 23 messidor an 2, qui donne aux assignats le même cours qu'à la monnaie métallique.

» Tel est encore celui du 27 thermidor de la même année, dont l'art. 14 veut que les assignats soient reçus en paiement de toutes transactions commerciales, de toutes dettes, de toutes créances réciproques des habitans.

» Tel est pareillement celui du 26 brumaire an 3, qui porte, art. 12 et 13, que toutes les créances et dettes, quand même elles seraient contractées et échues avant que l'ennemi eût évacué ces contrées, pourront être soldées en assignats.

» C'est sous l'empire de ces arrêtés, qu'a été fait le remboursement de la rente constituée en 1792 par Campenaere au profit de la veuve Ameels; ce remboursement est donc valable le tribunal d'appel de Bruxelles a donc bien jugé, en infirmant le jugement de première instance d'Audernarde, qui l'avait déclaré nul.

» Mais, dit la demanderesse, les arrêtés des représentans du peuple n'ont pas autorisé spécialement le cours forcé des assignats pour le remboursement des rentes; ils ne l'ont autorisé que pour le paiement des rentes que l'on appelle dans le pays réitérables.

» Les arrêtés ne font aucune distinction: ils permettent de solder en assignats, toutes les créances, toutes les dettes, même contractées avant la conquête de la Belgique; et assurément, une rente est une créance pour celui à qui elle est due, comme elle est une dette pour celui qui en est grevé.

» Mais, dit encore la demanderesse, les représentans du peuple ont annoncé, par l'art. 3 de leur arrêté du 9 prairial an 3, qu'ils allaient soumettre aux comités de salut public et des finances, les nombreuses réclamations qui leur étaient parvenues contre les remboursemens de rentes en assignats. Ils

ont donc reconnu que ces remboursemens pouvaient n'être pas légitimes; mais le doute qu'ils ont alors manifesté, n'a jamais été levé depuis. Ni les comités de salut public et des finances, ni la Convention nationale, ni le corps législatif, ne se sont expliqués sur le référé relatif à ces remboursemens. Ainsi, déclarer aujourd'hui ces remboursemens valables, c'est juger une question dont un arrêté formel a réservé le jugement à l'autorité législative; c'est, par conséquent, transgresser les bornes du pouvoir judiciaire.

» Mais la demanderesse ignore ou feint d'ignorer quels ont été les résultats de l'art. 3 de l'arrêté du 9 prairial an 3. En exécution de cet article, les représentans du peuple en mission dans la Belgique, se sont rendus auprès des comités de salut public et des finances. Ils leur ont exposé les inconvéniens, les abus, les injustices qui étaient résultés de la faculté accordée aux débiteurs de renberer en assignats dépréciés. Frappés de leurs tes constituées avant la conquête, de se liobservations, les deux comités les ont autorisés à prendre l'arrêté qu'ils ont pris en effet le 12 thermidor an 3, et dont voici les dispositions :

» Art. 1. Aucun débiteur ne pourra DORÉ. NAVANT se libérer d'une obligation antérieure à la seconde entrée des troupes de la république dans la Belgique, que dans les mêmes espèces dans lesquelles l'obligation aura été contractée, ou en assignats au cours d'Amsterdam.

» 2. Cette disposition aura lieu Avec effet RÉTROACTIF AU 9 PRAIRIAL; les paiemens, consignations ou remboursemens faits DEPUIS CETTE ÉPOQUE, sont nuls.

» Cet arrêté a-t-il porté atteinte au remboursement fait par Campenaere à la veuve Ameels? Non : il l'a, au contraire, confirmé de la manière la plus positive. Car, dire qu'on ne pourra dorénavant se libérer en assignats, c'est bien dire qu'on l'a pu précédemment. Et annuler les remboursemens faits en assignats depuis le 9 prairial, c'est bien maintenir et sanctionner de plus fort ceux qui ont été faits avant cette époque.

» Telle est, en effet, la conséquence qu'en a tirée le gouvernement, dans sa proclamation du 21 fructidor an 4, aux habitans de la Belgique. Cette proclamation rappelle d'abord les art. 1 et 2 de l'arrêté du 9 prairial an 3; ensuite elle ajoute :

Annuler les remboursemens faits en assignats postérieurement au 9 prairial an 3, c'est véritablement confirmer tous les paiemens antérieurs qui avaient été faits avec

cette monnaie. La valeur réelle que conservait encore l'assignat avant le 9 prairial, exigeait cette différence. On essaie cependant de vous égarer sur la légitimité de ces libérations. Les insinuations les plus perfides ont été pratiquées pour répandre des inquiétudes et produire des agitations parmi les habitans de la campagne; dans quelques cantons de ces départemens, des proclama. tions ont été faites, pour qu'on eût à reprendre les assignats donnés en paiement depuis la seconde entrée des troupes françaises dans la Belgique, en les remplaçant en espèces d'or ou d'argent. Des avis du même genre ont été remis et colportés de différens côtés; et pour laisser croire que le gouvernement participait à ces mesures, des gardes champêtres et des huissiers ont été les émissaires dont s'est servie la malveillance.

» Le gouvernement, au contraire, a donné les ordres les plus positifs et les plus sévères pour rechercher et découvrir les auteurs de mesures si grossièrement contre-révolutionnaires. Malheur aux autorités constituées et à tous fonctionnaires publics qui auraient eu la bassesse de se prêter à de pareilles manœuvres, ou seulement dont la vigilance se trouverait en défaut ! Les coupables, quels qu'ils soient, ne doivent espérer aucun ménagement.

» Rassurez-vous donc, paisibles habitans, sur les suites de ces excès; la déclaration des droits que vous avez juré de défendre, fait votre sauvegarde : aucune loi, dit l'art. 1er de cette loi primitive et fondamentale, ne peut avoir d'effet rétroactif. Vos législateurs mêmes sont dans l'heureuse impuissance de révoquer, pour le passé, les lois et les arrêtés qui vous régissaient avant le 9 prairial

an 3.

» Le directoire exécutif impose de nouveau aux diverses autorités qui vous dirigent, à vos administrateurs et à vos juges, le devoir, chacun en ce qui le concerne, de maintenir, avec le respect dû à des lois irrévocables, l'entière exécution des arrêtés qui avaient assuré la libre circulation des assignats.

» Aussi, dans le bulletin de vos jugemens, en trouvons-nous un du 23 messidor an 5, par lequel est cassé, comme contraire à l'arrêté du 12 thermidor an 3, un jugement du tribunal civil du département de Jemmapes, qui avait déclaré nul le remboursement fait en assignats, le jour même du 9 prairial an 3, d'une rente de 15,053 livres, constituée le 18 mai 1790, par Henri Joiry, au profit de Louis Poter.

» Considérant (y est-il dit) que, si, par

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cette dernière disposition (celle de l'art. 2 J, l'effet rétroactif est reporté au 9 prairial, ce jour n'y est pas compris, puisque, d'une part, il y est formellement énoncé que les remboursemens faits depuis cette époque seulement, sont nuls; et que, d'autre part, le mot INCLUSIVEMENT n'est point ajouté au NEUF PRAIRIAL; attendu que, dans l'espèce, le remboursement a eu lieu le 9 prairial; QU'AINSI, il a été fait

EN TEMPS UTILE;

» Le tribunal casse et annulle......

civil du département de l'Ourthe, à qui le >> On objecterait vainement que le tribunal fond de cette affaire a été renvoyé, l'a jugé le 3 thermidor an 7, comme l'avait fait celui de Jemmapes, et que, sur un nouveau recours en cassation, son jugement a été maintenu par les sections réunies, le 25 frimaire an 9.

» Sur quoi se sont fondées les sections réu. nies pour maintenir ce jugement? Uniquement, comme elles l'ont dit elles-mêmes dans leurs motifs, sur ce que l'art. 2 dudit arrêté des représentans du peuple, reportant l'effet rétroactif au 9 prairial précédent, comprend ledit jour 9 prairial dans sa disposition; que la deuxième partie de cet article tions ou remboursemens faits depuis cette portant annullation des paiemens, consignaépoque, se rapporte évidemment à l'époque disposition; qu'il existe plusieurs autres déjà désignée et comprise dans la première du mot DEPUIS, comme inclusif de l'époque exemples dans notre législation, de l'emploi à laquelle il est appliqué; qu'ainsi, et dans le doute de la véritable acception d'une expression, le tribunal dont le jugement est attaqué, en se décidant pour le sens qui n'est dispositions de l'arrété, n'a pu commettre réprouvé ni par l'équité ni par les autres

aucune contravention formelle à ladite loi.

» Il résulte évidemment de ces motifs, que le jugement du tribunal de l'Ourthe aurait été cassé, comme celui du département de Jemmapes, s'il se fût agi d'un remboursement fait le 8 prairial an 3.

» Et de là, la conséquence nécessaire qu'à plus forte raison y aurait-il lieu de casser le jugement du tribunal d'appel de Bruxelles, si, au lieu de confirmer le remboursement fait par Campenaere, en ventôse an 3, il se fût permis de l'annuler.

» Vainement la demanderesse vient-elle réclamer les dispositions des lois romaines, qui ordonnent la rescision de tout ce qui a été fait par l'impulsion de la terreur et de la crainte.

» Sans doute, la demanderesse se serait

exposée à des poursuites fâcheuses, et peutêtre à des peines, si elle eût refusé un remboursement en assignats, à une époque où les assignats avaient, dans la Belgique, cours forcé de monnaie.

» Mais est-ce à dire pour cela qu'elle peut aujourd'hui revenir par restitution en entier contre la quittance qu'elle a donnée de ce remboursement? Si elle avait cette faculté, il n'y aurait pas de raison pour qu'elle ne fût pas commune à tous ceux qui, dans toute l'étendue de la république, ont reçu des paiemens en Papier-monnaie; car tous devaient craindre l'effet des lois pénales qui avaient été portées contre les refus d'assignats.

» Or, que l'on songe au désordre, au bouleversement qui s'éleverait dans toutes les familles, dans toutes les fortunes, si on accueillait un pareil système.

» Sur quoi d'ailleurs ce système repose-til? Sur l'application la plus fausse et la plus absurde des lois romaines relatives aux actes faits par crainte.

"Les lois romaines ordonnent bien la res

cision des actes faits par la crainte qu'impose une violence déjà exercée ou prête à l'être injustement et au mépris des lois.

» Mais elles ne souffrent pas que, pour faire rescinder un acte, on vienne se prévaloir de la crainte qu'on a pu avoir d'encourir des peines légales: Sed vim accipimus atrocem et eam quæ adversùs bonos mores fiat, non eam quam magistratus rectè intulit, licet jure licito, et jure honoris quem sustinet. Ce sont les termes de la loi 3, §. 1, D. quod metús causá gestum erit.

sci

» Et c'est sur le fondement de cette loi, que Pothier, dans son Traité des obligations, no 6, dit : La violence qui peut donner lieu à la rescision d'un contrat, doit être une violence injuste, adversùs bonos mores; les voies de droit ne peuvent jamais passer pour une violence de cette espèce. C'est pourquoi un débiteur ne peut jamais se pourvoir contre un contrat qu'il a fait avec son créancier, sur le seul prétexte qu'il a été intimidé par les menaces que ce créancier lui a faites d'exercer contre lui la contrainte par corps qu'il avait droit d'exercer.

» Et vainement encore la demanderesse vient-elle dire que Campenaere n'a pas pris, à son égard, les voies de droit; qu'il s'est adressé au commandant militaire de la place d'Audenarde; et que c'est, de sa part, un acte d'oppression, que d'avoir interposé l'autorité de cet officier pour la contraindre de recevoir son remboursement.

» A quelle époque et à quelle fin Campe

naere a-t-il eu recours au commandant d'Audenarde? Est-ce avant le remboursement dont il s'agit, et pour forcer la demanderesse de le recevoir? Ou n'est-ce que depuis et pour obtenir de la demanderesse la remise du titre de son obligation? La demanderesse n'a rien prouvé à cet égard. Campenaere soutenait, devant les premiers juges, que le remboursement avait précédé de huit jours sa démarche auprès du commandant de la place d'Audenarde; il soutenait n'avoir fait cette démarche que par une précaution surabondante; il soutenait l'avoir faite, non pas pour faire accepter un remboursement qui était déjà accepté et dont il avait déjà la quittance, mais uniquement pour se faire remettre le titre de la constitution de la rente, et par là empêcher que la veuve Ameels ne cherchat à faire revivre ce titre, dans le cas où il viendrait à perdre sa quittance. Et ces assertions, la veuve Ameels ne les a point detruites, elle ne les a même pas effleurées par son enquête. Or, si ces assertions sont vraies, en quoi la veuve Ameels peut-elle se plaindre de l'ordre que Campenaere lui a fait donner par le commandant de la place d'Audenarde? Elle peut bien dire qu'on l'a forcée par la menace de la prison, de remettre à Campenaere le titre de sa créance; mais il n'en demeure pas moins constant que ce titre était alors éteint par un remboursement légal.

» Et d'ailleurs, à l'époque où tout cela s'est passé, la Belgique n'était pas encore réunie au territoire français; elle était gouvernée comme pays conquis, c'est-à-dire, militairement. Il appartenait donc alors aux commandans militaires de rechercher les délits, d'en faire arrêter les auteurs, de les livrer aux tribunaux, en un mot, de faire tout ce qu'ont fait depuis dans cette contrée les juges de paix et les autres officiers de police. Or, si, sur le refus de la veuve Ameels de recevoir le remboursement qu'il lui offrait, Campenaere eût été trouver un juge de paix, et que celui-ci, après avoir mandé la veuve Ameels, lui eût déclaré que, si elle persistait dans son refus, il ne pourrait pas se dispenser de l'envoyer en prison, qu'y aurait-il eu là d'illégal et d'oppressif? La veuve Ameels pourrait dire sans doute qu'elle a été contrainte de recevoir le remboursement de sa rente; mais on lui répondrait qu'elle y a été contrainte par une voie legitime, jure licito. Eh bien ! C'est ici la même chose, puisque le commandant de la place d'Audenarde était véritablement juge de paix à l'époque dont il s'agit.

» Par ces considérations, nous estimons

qu'il y a lieu de rejeter la requête en cassation, et de condamner la demanderesse à l'amende ».

Arrêt du 29 messidor an 11, au rapport de M. Vermeil, qui prononce conformément à ces conclusions,

« Attendu 1o que les lois relatives au cours forcé des assignats, étaient en pleine vigueur dans la Belgique, lorsque la veuve Ameels a reçu de Campenaere, au 8 ventôse an 3, le remboursement d'une rente par lui constituée en 1792 au profit de cette dernière;

2o Qu'en supposant que la veuve Ameels n'ait signé la quittance de ce remboursement et remis à Campenaere la grosse de son contrat, que dans la crainte de se voir, en cas de refus, exposée à la rigueur de ces lois, cette crainte ayant une cause légale, n'a pu justifier la demande par elle formée, et tendante à faire envisager comme nul ce rembourse

ment ».

S. IV. 10 Quel a été l'effet de la compensation sur deux dettes réciproques qui se sont trouvées exigibles à la même époque pendant le cours du Papier-monnaie, et qui appartenaient, l'une à la classe de celles que la loi du 11. frimaire an 6 a depuis déclarées payables en numéraire, l'autre à la classe de celles que la même loi a soumises à la réduction d'après l'échelle départementale? La compensation les a-t-elle éteintes de plein

droit au moment où elles se sont rencontrées, quoiqu'elle n'ait été opposée que postérieurement à la démonétisation des assignats et même à la loi du 11 fri

maire an 6?

2o Les a-t-elle anéanties, quoiqu'elles fussent dues mutuellement à et par une succession acceptée sous bénéfice d'inventaire ?

Le 19 mars 1792, André Barety, négociant à Lyon, fait un testament dans lequel il s'exprime ainsi : « Je donne et lègue à Jean» Joseph Jouve, mon cousin, la somme de » 30,000 livres, payable sans intérêts, une » année après mon décès. Je n'entends point » lui donner ni léguer les sommes qu'il pourra » me devoir. Il sera, par conséquent, tenu » d'acquitter ses engagemens ».

Le 30 juin suivant, Jean-Joseph Jouve se marie. André Barety intervient au contrat de mariage, et donne à son parent 30,000 livres payables une année après son décès.

Le 2 avril 1793, André Barety fait à Thérèse Barety, épouse de Gabriel Jars, une

donation universelle de ses immeubles et d'un mobilier considérable.

Le 4 du même mois, Jean-Joseph Jouve souscrit un billet par lequel il reconnaît devoir, et s'oblige de payer, dans trois mois, à André Barety, une somme de 30,091 livres 9 deniers, pour valeur semblable qu'il a reçue de lui.

Le 14 ventôse an 2, jour correspondant au 4 mars 1794, décès d'André Barety.

Son heritier maternel, le cit. Forge, n'accepte sa part de la succession que sous bénéfice d'inventaire.

Jean-Joseph Jouve, l'un des héritiers paternels, déclare renoncer à cette qualité pour s'en tenir à sa donation de 30,000 livres. Plusieurs années s'écoulent sans qu'il réclame l'effet de cette donation; mais après la publication de la loi du 11 frimaire an 6, et à la vue de l'art. 17 de cette loi, qui déclare les sommes dues à titre de libéralité payables en numéraire métallique, il se pourvoit contre les héritiers personnellement, et par action hypothécaire contre la dame Jars, pour les faire condamner à lui payer en écus les 30,000 livres qui lui ont été promises par son contrat de mariage, sous l'offre d'imputer sur cette somme le montant de son billet du 4 avril 1793 en valeurs réduites.

Le 25 frimaire an 7, jugement du tribunal civil du département du Rhône, contradictoire avec le cit. Forge et la dame Jars, mais par défaut contre les héritiers de la ligne paternelle, qui adjuge les conclusions de Jean-Joseph Jouve.

Toussaint Barety, l'un des héritiers de la ligne paternelle, forme opposition à ce jugement; et le 23 ventóse an 9, le tribunal civil de l'arrondissement de Lyon,

« Considérant que toute dette se compense dès qu'elle est liquide et non susceptible d'être contestée; que la créance du cit. Jouve, de 30,000 livres, était de même nature que celle des co-héritiers Barety;

» Que les deux créances étaient payables en la même monnaie; qu'au moment où ces deux créances ont été exigibles, la loi a voulu qu'elles se compensassent de plein droit, qu'elles s'éteignissent l'une par l'autre;

» Que, lors même que l'une eût été supérieure en quantité à l'autre, la loi a voulu que la compensation se fit jusqu'à concurrence;

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Qu'au 14 ventose an 3, les deux créances étaient exigibles, payables dans les mêmes valeurs, et qu'au jour de l'échéance, la loi les éteignait par la force de la compensation; que la loi du 11 frimaire an 6 n'est pas ap

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