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peut, dans le droit, résulter la Paternité; que ces faits ont d'ailleurs dans la cause une trèsgrande liaison entre eux;

>>

Qu'il est articulé que, depuis long-temps et pendant la durée de son mariage, François Dubois vivait en concubinage avec Françoise Lemur; que, pendant la vie de son épouse, il l'avait placée dans une maison dont il payait les loyers; qu'il la nourrissait et entretenait dans cette maison, et y allait lui rendre des visites fréquentes et tellement assidues, qu'il y couchait souvent ; que ces faits étaient avoués par Dubois lui-même et reconnus publiquement; que c'est pendant ces fréquentations, que naquirent les deux enfans qui sont institués légataires universels dudit Dubois, les quatre autres étant décédés;

» Que ces faits sont soutenus par un commencement de preuve par écrit résultant d'une déclaration que ledit Dubois s'était fait donner par le père de ladite Lemur, le 21 jan vier 1779, enregistrée le 8 février dernier, dans laquelle on voit que ce dernier s'obligeait, sous la perte de ses fonds, envers le cit. Dubois, à ne point souffrir que sa fille fût renfermée; déclaration qui fait conjecturer que la famille de la Lemur sollicitait des mesures pour faire cesser son commerce scandaleux avec ledit Dubois ; que l'écriture et signature de cette déclaration, surabondante dans la cause, n'ont été déniées dans aucune écriture signifiée;

» Qu'il est aussi articulé qu'après la mort de Françoise Desjobert, sa femme, ledit Dubois rappela et reçut dans sa propre maison ladite Lemur et ses deux enfans naturels ; que, depuis cette époque, il a nourri et entretenu chez lui la mère et les deux enfans; qu'il a reconnu, par ses propos, par ses actions extérieures et par ses soins, que ces deux enfans étaient provenus de ses fréquentations avec Françoise Lemur; qu'il leur donnait familierement le nom de ses enfans, et que ceux-ci le traitaient du nom de père; qu'ils les a placés dans différentes écoles pour leur éducation, et payé les frais de pension; que, dans les derniers momens de sa vie, il ne cessait de demander des conseils sur les moyens d'assurer à ces enfans toute sa fortune, et de faire un sort avantageux à leur mère;

» Que les faits de cette nature furent toujours admis pour prouver la Paternité, lorsqu'il y cut lieu de le faire ; qu'il y a ici nomen, tractatus et fama; et que le Code s'en tient lui-même à des faits graves pour établir la filiation de celui qui aspire au titre d'enfant légitime;

» Que, suivant M. d'Aguesscau, en son

trente-quatrième plaidoyer, la voix de lạ nature s'explique par les circonstances de l'éducation comme par celle de la naissance, et que puisqu'elle est appelée par plusieurs auteurs une seconde naissance, on présume toujours que celui qui a donné la seconde avec tant d'affection, a été constamment l'auteur de la première:

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Qu'ici, les présomptions seraient fortifiées par les premiers faits relatifs au concubinage; mais qu'on peut dire encore que François Dubois a, sous quelque rapport, trahi dans son testament le sentiment de la Paternité qu'il voulait cacher; qu'il y déclare en effet le jour de la naissance de chacun des enfans qu'il veut gratifier: notes minutieuses, qu'un étranger ne conserve pas. Il déclare encore que ces deux enfans ont perdu leur père, mais comment connaissait-il ce père, dès que les actes de naissance portent que le père était inconnu ? Et si ce n'était lui-même, il faudrait dire que Dubois était simplement le confident et le protecteur de la debauche de Françoise Lemur; mais cette odieuse supposition ne peut être admise d'après tous les faits articules, en sorte que le testament luimême offre un moyen de plus pour autoriser la preuve desdits faits;

>> La cour joint les appels; et avant faire droit sur iceux, autorise les héritiers Dubois à faire preuve, dans le délai de la loi,

» 10 Que, depuis long-temps, pendant la durée de son mariage, François Dubois vivait en concubinage avec Françoise Lemur;

» 2o Que, pendant la vie de l'épouse dudit Dubois, il avait place ladite Lemur dans une maison dont il payait les loyers; qu'il la nourrissait et entretenait dans cette maison;

» 30 Qu'il allait lui rendre, dans ladite maison, de fréquentes visites, et tellement assidues, qu'il y couchait souvent;

» 4° Que tous ces faits de fréquentation étaient avoués par Dubois lui-même, et reconnus publiquement;

» 50 Que c'est pendant le temps de ces assiduités notoires, que naquirent les deux enfans qui sont institués légataires universels de François Dubois;

» 6o Que, d'abord après la mort de Françoise Desjobert, son épouse, ledit Dubois appela et reçut dans sa propre maison, ladite Françoise Lemur, et ses deux enfans naturels;

» 7° Que, depuis cette époque, il a nourri et entretenu chez lui la mère et ses deux enfans;

» So Qu'il a reconnu par ses propos, par ses

actions extérieures et par ses soins, que ces deux enfans étaient provenus de ses fréquentations avec la fille Lemur;

» 9° Qu'il leur donnait familièrement le nom de ses enfans, et que ceux-ci le traitaient du nom de père;

» 10° Qu'il les a placés dans différentes écoles pour leur éducation, et payé les frais de pension;

» 11° Que, dans les derniers ans de sa vie, il ne cessait de demander des conseils sur les moyens d'assurer à ses enfans sa fortune, et de faire un sort avantageux à leur mère;

» La preuve contraire réservée à Françoise Lemur, au nom qu'elle procède ».

Le 2 décembre de la même année, la cour d'appel de Limoges rend, en ces termes, son arrêt définitif :

« 1o L'enquête faite à la requête des héritiers Dubois dans les formes prescrites par l'ordonnance de 1667, est-elle valable?

» 2o Dans l'affirmative, résulte-t-il des enquêtes la preuve du concubinage adultérin de François Dubois avec Françoise Lemur, à l'époque du contrat du 13 floréal an 3, contenant vente du domaine de Laborde?

» 3o Ces enquêtes contiennent-elles la preuve de faits d'où puisse résulter, dans le droit, que les enfans en faveur desquels François Dubois a fait son testament, sont les enfans adultérins dudit Dubois?

» 4° Si le legs est déclaré nul, les enfans naturels ont-ils droit à des alimens contre les appelans, encore que lesdits enfans fussent devenus propriétaires de la moitié de l'hérédité par l'effet du désistement d'appel de Barthelemi et Jeanne Auclerc ; et en quoi devraient

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» Sur la première question, considérant.. ; » Sur la seconde question, considérant qu'il n'a jamais été contesté que, depuis que la Lemur a quitté la maison de son père, jusqu'au décès de l'épouse dudit Dubois, elle a demeuré à Saint-Dizier; mais que, suivant les déclarations des premier et dix-huitième témoins de l'enquête, elle y était logée aux frais dudit Dubois;

» Que c'est ce dernier qui y fit conduire les meubles qui étaient nécessaires, suivant la déclaration du sixième témoin, et même du vivant du père de ladite Lemur;

» Que, d'après les déclarations des dixième et treizième témoins de l'enquête, Dubois,

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pendant la vie de son épouse, tenait la Lemur Saint-Dizier, et lui fournissait, ainsi qu'à ses deux enfans, tous les moyens d'existence;

» Que les fréquentations de Dubois avec la Lemur dataient de bien loin, d'après l'écrit du 21 janvier 1779 dont il est parlé dans les motifs donnés sur la cinquième question de l'arrêt de 31 mars dernier, et le quatorzième témoin de l'enquête; en sorte que ces fréquentations dataient de dix-huit ans avant la mort de l'épouse dudit Dubois;

» Qu'il est aussi établi que, pendant lesdites fréquentations, Dubois passait plusieurs jours à Saint-Dizier et même les nuits, suivant les premier, second, troisième, onzième, treizième, quatorzième et quinzième témoins de l'enquête. Les uns tiennent de lui qu'il avait des fréquentations criminelles avec la Lemur. On l'a vu couché dans le lit de la Lemur. D'autres témoins ont déclaré qu'il y passait souvent les jours et les nuits; il y mettait si peu de mystère, suivant le septième témoin de l'enquête, que, lorsqu'il était à Saint-Dizier, il disait : Je viens voir ma femme de contrebande;

>>

Qu'ainsi, soit d'après lesdites dépositions, soit d'après les autres énoncées dans les enquêtes, les premier, second, troisième et quatrieme faits admis en preuve par l'arrêt du 31 mars dernier, sont complètement établis;

» Qu'il résulterait encore au besoin de ladite enquête, que réellement la vente du 13 floréal an 3 était simulée : car il dit au quinzième témoin, qu'il n'avait déjà que trop donné à la Lemur, en lui faisant don de son domaine de Laborde; et que, s'il lui en donnait davantage, elle se marierait et laisserait leurs enfans sans pain. Il tint les mêmes propos au dix-neuvième. témoin qui lui disait qu'ayant déja donné un domaine à la Lemur, il pouvait en vendre un autre pour qu'elle en touchât le prix ;

» Qu'ainsi, en se rattachant aux motifs donnés sur la seconde question de l'arrêt du 31 mars dernier, l'acte de vente du 13 floreal an 3 doit être annulé;

» Sur la troisième question, considérant qu'en rapprochant les actes de naissance des enfans dont il s'agit, du résultat des enquêtes, on voit qu'ils sont nés pendant le commerce adultérin de Dubois avec la Lemur; qu'il paraît même, suivant le second témoin, que l'objet de ses fréquentations avec ladite Lemur, avait été, d'après les propos de Dubois, d'avoir des enfans avec la Lemur, attendu que son mariage avait été sterile. Il fit même à SaintDizier, suivant le treizième témoin, un festin pour célébrer la naissance d'un desdits enfans;

» Considérant qu'il a toujours été convenu, qu'après la mort de Françoise Desjobert, épouse de Dubois, ce dernier reçut dans sa maison Françoise Lemur et ses deux enfans naturels ; que l'enquête établit d'ailleurs positivement ce fait; que l'enquête établit encore que, depuis cette époque, il a nourri et entretenu la Lemur et ses deux enfans.

» Dubois faisait manger lesdits enfans à sa table, suivant le neuvième et dernier témoin de l'enquête, et le dixième témoin de la contre-enquête. Il appelait les enfans de la Lemur ses enfans ou sa petite contrebande; presque tous les témoins le déclarent. Il les appelait ses enfans, pendant la vie de son épouse, suivant le cinquième témoin. Voici mes enfans de contrebande, disait-il au septième témoin. Il se faisait appeler par eux du nom de père, suivant le neuvième témoin. Ces enfans l'appelaient leur père, il les appelait ses enfans ou sa petite contrebande, suivant les onzième, douzième, quatorzième, quinzième, seizième, dix-septième et dixneuvième témoins.

» Le même fait résulte des dépositions des troisième, seizième, dix-huitième et ving. tième témoins de là contre-enquête.

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» Dubois traitait lesdits enfans comme les siens; c'était lui qui payait les pensions et frais d'éducation, suivant les premier, troisième, quatrième, sixième, dixième, onzième et quinzième témoins de l'enquête; les quatrième et sixième témoins expliquent même comment quelques quittances données à Dubois, ont été ensuite changées et données au nom de la Lemur./

>> Tout ce qui caractérise particulièrement le sentiment qu'avait Dubois sur sa Paternité, c'est l'inquiétude où il était de ne pouvoir valablement disposer en leur faveur. Il disait souvent en pleurant, d'après le cinquième témoin: Si la mort me surprend, que deviendra ma petite contrebande? Il faut que je prenne des précautions pour lui assurer du bien. Cette inquiétude l'accompagna jusqu'au tombeau. Le jour même de sa mort, il fit appeler le huitième témoin, pour lui recommander les deux enfans de la Lemur, comme étant les siens; il pria même le témoin de les concilier sur sa succession avec sa famille. Le quinzième témoin a aussi déclaré que Dubois lui avait souvent témoigné, en pleurant, la peine qu'il avait de voir que les avocats qu'il avait consultés, ne s'accordaient pas sur les moyens à prendre pour faire un sort aux enfans de la Lemur, qu'il appelait ses pauvres enfans.

» Le premier témoin a déclaré l'avoir ac

compagné à Gueret, plusieurs fois, chez deux jurisconsultes qu'il consultait sur les moyens de disposer en faveur desdits enfans; mais ces jurisconsultes ne trouvaient d'autres moyens que la vente."

» Le deuxième témoin a lu un mémoire à consulter que Dubois avait fait rédiger sur les moyens de transmettre sa fortune aux enfans de ladite Lemur; et ils y étaient désignés comme les enfans adultérins dudit Dubois. Il dit au troisième témoin, qui le croyait indisposé : Je ne suis point malade, mais j'ai des inquiétudes; et lui dit qu'il venait de Gueret, pour consulter des jurisconsultes ; qu'il avait fait trois projets d'acte pour faire passer son bien à ses enfans, en montrant ceux de la Lemur, et qu'on n'en avait pu trouver encore aucun de bon, quoique ce fussent bien ses enfans, et qu'il les reconnût pour tels. Les neuvième, dixième et onzième témoins ont déclaré avoir connaissance de ces mouvemens et consultations. Dubois trouvait étrange de ne pouvoir donner son bien à ses propres enfans.

» Cependant il se trouva un avocat qui rédigea le projet du testament qui fait l'objet de la contestation. Dubois lui-même en fit l'aveu à Reynaud, cinquième témoin. Le seizième de la contre-enquête, a déclaré tenir du notaire même qui a reçu ce testament, qu'il avait été fait d'après le projet d'un avocat, que ledit témoin et le cinquième désignent; et d'après cette rédaction étrangère et les précautions que l'on prenait pour masquer le mensonge, il n'est pas surprenant que l'on ait fait dire, dans le testament du 17 fructidor an 12, que le père desdits enfans était décédé.

» La Lemur elle-même, suivant le premier témoin, s'était souvent plainte de ce que Dubois ne faisait point de dispositions pour assurer sa fortune à leurs enfans.

» Qu'ainsi, les cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, dixième et onzième faits admis en preuve par l'arrêt du 31 mars 1808, sont complètement établis;

» Que ces faits fortifies en partie par la contre-enquête de Françoise Lemur, ne sont pas détruits par les témoignages de quelques témoins d'après lesquels Francoise Lemur a voulu établir sa prostitution envers d'autres personnes; que lesdits témoins, et notamment les neuvième, onzième et douzième de la contre-enquête, en parlant des fréquentations de la Lemur avec le nommé B...., disent que ce B.... avait été désigné pour le service de la patrie; qu'il avait déserté, et qu'il venait se retirer chez ladite Lemur; et que c'est

pendant ledit temps que sont nés lesdits enfans; mais que l'acte de naissance de Silvain, l'un desdits enfans, ayant pour date le 201 mars 1790, c'est-à-dire, étant antérieur de plusieurs années à toute mesure de réquisition ou conscription pour les armées, il en résulte que lesdits témoins n'ont point dit la vérité relativement audit B....; qu'on pourrait faire aussi des rapprochemens qui mettraient lesdits témoins en opposition sur l'époque de la prétendue désertion de B.... et la naissance et la conception du second enfant ; mais qu'au surplus, aucun témoin ne dépose qu'il y ait eu, entre les enfans dont il s'agit et le prétendu B...., cès rapports d'où puisse s'induire, dans le droit, la Paternité; et qu'enfin, il n'y avait pas à s'occuper de ce B.... dans les enquetes, d'après l'arrêt du 31 mars dernier;

"

Qu'en rapprochant le résultat des enquêtes, des motifs de l'arrêt du 31 mars dernier, et particulièrement de ceux donnés sur la cinquième question y énoncée, il y a lieu de décider que le legs universel apposé au testament du 17 fructidor an 12, doit être annulé, comme fait en faveur d'enfans adultérins ;

» Sur la quatrième question,

» Considérant que les alimens ne sont dus qu'au besoin ; et que les enfans dudit Dubois se trouvant propriétaires de la moitié de tous ses biens, au moyen de l'acquiescement donné aux jugemens dont est appel, par une des branches de l'hérédité, ils n'ont point le droit de réclamer des alimens en vertu de l'art. 762 du Code civil; car ils ont déjà, dans la succession, une portion égale à celle des appelans contre lesquels ils demandent une quotité de biens à titre d'alimens; que Françoise Lemur, tant en son nom que comme tutrice, a évalué elle-même, dans ses imprimés, la fortune de François Dubois à 100,000 francs; que l'extrait des contributions prouve, en effet, que cette fortune est considérablę, de manière que la moitié d'icelle étant dévolue aux enfans adultérins dudit Dubois, comme il est dit cidessus, ils se trouvent, par leur état d'aisance, sans besoin de pension alimentaire;

» Que cependant on peut, sans inconvé nient, leur laisser les fruits qu'a perçus Françoise Lemur de l'hérédité depuis le décès de François Dubois; que le capital de ces fruits serait seul susceptible de donner les moyens d'une pension alimentaire suffisante, de manière qu'à ce nouveau titre, il n'y aurait à accorder aux enfans dont il s'agit, aucune autre pension alimentaire;

» Sur la cinquième question, considérant que la cour s'est réservé, par les motifs donnés sur la seconde question de l'arrêt du 31 mars TOME XI.

dernier, d'examiner si, après avoir décidé, en principe, que l'acte de vente du 13 floréal an 3 était nul, comme contenant une libéralité déguisée, il n'y aurait pas lieu à réduire simplement cette libéralité; mais que, d'une part, Françoise Lemur se trouve propriétaire de la moitié dudit domaine, par l'effet de l'acquiescement donné aux jugemens dont est appel, par une partie des héritiers Dubois; que, d'une autre part, sa vie licencieuse dont elle-même a fait preuve, ne mérite aucune faveur; que cependant on peut, par humanité, la dispenser du rapport des fruits de la moitié dudit domaine revenant aux appelans, et qu'elle a perçus depuis le décès de François Dubois;

» La cour, sans s'arrêter ni'avoir égard à la demande en nullité contre l'enquête des parties de Mounier (les sieurs Dubois), dans laquelle demande la partie de Mestadier (Françoise Lemur) est mal fondée et non-recevable; faisant droit sur les appels, met les appellations et ce dont est appel au néant; émendant, déclare nul et de nul effet, dans l'intérêt des parties de Mounier, le contrat du 13 floréal an 3, qualifié de contrat de vente du domaine de Laborde; déclare pareillement nul et de nul effet le legs universel ou institution d'héritier porté au testament de François Dubois, du 17 fructidor an 12, en faveur des deux enfans naturels de Françoise Lemur, comme étant lesdits legataires enfans adultérins dudit François Dubois; renvoie lesdites parties de Mounier, en qualité d'héritiers légitimes, pour une moitié, dudit François Dubois, en possession de la moitié de tous les biens meubles et immeubles de ladite hérédité;

» Ordonne en conséquence qu'il sera fait partage, entre ladite Françoise Lemur, en son nom personnel et les parties de Mounier, du domaine de Laborde compris dans l'acte de vente du 13 floréal an 3, pour en être délaissé moitié à ladite Lemur, à cause de l'acquiescement donné aux jugemens dont est appel, par une partie des héritiers dudit Dubois, et l'autre moitié être distribuée aux parties de Mounier;

» Ordonne pareillement qu'il sera fait partage, entre ladite Lemur, comme tutrice, et les parties de Mounier, des autres biens de l'hérédité de François Dubois, pour en être délaissé moitié à ladite Lemur, audit nom, d'après l'acquiescement ci-dessus énoncé d'une partie desdits héritiers Dubois, et l'autre moitié être attribuée aux parties de Mounier; à l'effet de quoi, ladite Lemur, audit nom de tutrice, rapportera l'inventaire qu'elle a fait

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faire des meubles et effets dudit Dubois;

>> Dispense néanmoins ladite Lemur, en son nom personnel, du rapport des fruits qu'elle a perçus jusqu'à ce jour; et, soit d'après le capital que peut donner la perception desdits fruits, soit d'après la circonstance que les enfans naturels de ladite Lemur se trouvent propriétaires de la moitié de l'hérédité de François Dubois, déclare qu'il n'y a lieu à attribuer aucune autre chose, à titre d'alimens, auxdits enfans adultérins ;

» Sur le surplus des demandes des parties, les met hors de cour; compense tous les dépens, sauf le coût de l'arrêt, qui est à la charge de ladite Françoise Lemur.... D.

Françoise Lemur, tant en son nom pivé qu'en sa qualité de tutrice, se pourvoit en cassation contre cet arrêt et contre celui du 31 mars 1808.

« La cour d'appel de Limoges ( ai-je dit à l'audience de la section civile, le 14 mai 1810) a-t-elle violé la loi, d'abord, en admettant les défendeurs à prouver que les enfans de Françoise Lemur étaient nés d'un commerce adultérin entre cette femme et François Dubois; ensuite, en jugeant, d'après les preuves rapportées par les défendeurs, que François Dubois était en effet le père des enfans de Françoise Lemur, et qu'en conséquence il n'avait pas pu les instituer ses légataires universels?

» A-t-elle violé la loi, en jugeant que la vente du 13 floréal an 3 était une donation simulée, et que cette donation était nulle, parceque, à l'époque où elle avait été faite, Françoise Lemur vivait en concubinage avec François Dubois?

» Telles sont les deux questions que cette affaire présente à l'examen de la cour.

>> Toutes deux sont importantes ; mais la seconde l'est beaucoup moins que la première : purement transitoire, elle ne peut plus renaître qu'au sujet des actes de libéralité faits, comme la donation prétendue dont il s'agit, avant le Code civil, parceque le Code civil n'ayant pas prohibé les donations entre concubinaires, les a par cela seul autorisées ; au lieu, que la première, dérivant des dispositions du Code civil lui-même, est de nature à se reproduire tous les jours; et qu'à ce titre, elle intéresse, non seulement la France entière, non seulement la grande partie de l'Europe que le Code civil régit actuellement, mais encore les générations futures, comme la génération présente, de l'une et de l'autre.

» C'est déjà pour nous une raison suffi sante d'appeler d'abord votre attention sur la seconde, afin de pouvoir ensuite la repor

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» 2o Est-ce par la loi du temps où il a été passé, est-ce par la loi du temps où est mort François Dubois, que doit être déterminée la capacité des parties entre lesquelles il a été fait?

» 3o Cet acte, que les parties avaient qualifié de vente, et qui en avait toutes les formes extérieures, a-t-il pu, sur le fondement que François Dubois et Françoise Lemur vivaient ensemble dans le concubinage, être jugé ne renfermer qu'une donation simulée ?

» 4° Les défendeurs ont-ils pu être admis à la preuve que Françoise Lemur avait vécu, avant et après cet acte, en concubinage avec François Dubois ?

» Sur le premier point, nulle difficulté. » Il est vrai que les lois romaines permettaient les donations entre concubinaires; mais

long-temps avant la loi du 17 nivose an 2, égard, dérogé à leurs dispositions; et cet l'usage général de la France avait, à cet usage avait été converti en loi par l'art. 132 de l'ordonnance du mois de janvier 1629, lequel déclarait toutes donations faites à concubines nulles et de nul effet.

» Il est vrai encore que le parlement de Paris, quoiqu'il eût enregistré l'ordonnance de 1629 dans un lit de justice, affecta longtemps de ne pas la reconnaître pour loi; et que plusieurs de ses dispositions n'y furent jamais observées.

» Et si l'on pouvait conclure de là que les donations entre concubinaires étaient autorisées dans le ressort du parlement de Paris, il n'y a nul doute que la prétendue donation faite à Françoise Lemur, le 13 floréal an 3, ne fût à l'abri de toute atteinte, puisque c'était au parlement de Paris que ressortissait la ci-devant province de la Marche, dans laquelle étaient domiciliées les parties qui ont stipulé dans l'acte dont il s'agit, dans laquelle aussi est situé le bien qui a fait la matière de

cet acte.

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