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»>Mais il s'en faut beaucoup que l'on puisse tirer une pareille conséquence de la manière dont l'ordonnance de 1629 a été enregistrée au parlement de Paris; et nous n'avons besoin, pour nous en convaincre, que de rap peler les arrêts que le parlement de Paris a rendus sur la question de la validité ou de l'invalidité des donations entre personnes vivant dans le concubinage.

» Ces arrêts se rapportent à trois époques différentes: il y en a d'antérieurs à l'ordonnance de 1629; il y en a qui ont suivi de près cette ordonnance; il y en a enfin qui l'ont suivie de très-loin.

» Avant l'ordonnance de 1629, le parlement de Paris a quelquefois maintenu des donations faites entre concubinaires ; et c'est ce qu'il a fait notamment par un arrêt du 18 février 1610, rendu sur les conclusions de M. l'avocat-général Lebret, et rapporté par ce magistrat dans son recueil de décisions, liv. 1, S. 12. Mais quelquefois aussi il les a réduites à de simples alimens. Témoin l'arrêt prononcé en robes rouges, le 14 août 1582, et rapporté par Montholon, S. 14. Et le plus souvent il les déclarait purement et simplement nulles. Témoins les arrêts du 5 avril 1599, rapportés par Brodeau sur Louet, lettre D, Ș. 43, et du 4 août 1628, rapportés dans le

Journal des audiences.

» La seconde époque nous offre les mêmes variations.

» D'un côté, Lemaitre, dans son troisième plaidoyer, cite un arrêt du 1er juillet 1630 qui confirme une donation entre concubinaires.

>> De l'autre, Bardet, tome 1, liv. 3, chap. 71, en rapporte un du 13 décembre 1629, qui sur les conclusions de M. l'avocat-général Bignon, la réduit à une pension alimentaire.

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>>La troisième époque nous présente quatre arrêts qui jugent, savoir, deux des 4 mars 1727 et 7 juin 1737, que la donation faite à une concubine, est nulle, et doit être entièrement anéantie, lorsque la donataire n'a pas d'action en dommages-intérêts à exercer con. tre le donataire; et deux des 17 et 28 mars 1730, que, dans le cas contraire, la concubine peut, à la vérité, recevoir des alimens; mais que, si la donation excède le taux des alimens, elle doit y être réduite (1).

» Et c'est assez dire que, dans son dernier état, la jurisprudence du parlement de Paris

(1) V. l'article Concubinage, §. 1, no 2.

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était conforme au texte, comme au véritable esprit, de l'art. 132 de l'ordonnance de 1629.

» Vainement au surplus soutient-on ici, pour Françoise Lemur, que cet article et la jurisprudence qui s'y rattachait, avaient été abrogés par la loi du 17 nivôse an 2.

» Pour la validité d'une donation, le concours de quatre conditions est nécessaire : la première, que la chose donnée soit disponible; la seconde, que le donateur soit capable de donner; la troisième, que le donataire soit capable de recevoir ; la quatrième, que l'acte contenant la donation, soit revêtu de certaines formes.

» De ces quatre conditions, la loi du 17 nivôse an 2 a bien réglé la première, en réduisant la faculté de disposer au dixième des biens pour le donateur qui aurait des enfans, et au sixième, pour le donateur qui n'aurait que des ascendans ou des collatéraux.

» Elle a bien aussi réglé la seconde et la troisième, c'est-à-dire, la capacité de donner et de recevoir, quant aux époux.

>> Mais elle s'est tue complètement et sur la seconde, comme sur la troisième, quant aux donateurs et donataires non mariés ; et sur la quatrième, c'est-à-dire, sur les formes des donations, quant aux donateurs et donataires

de toutes les classes.

» Et sans doute, il résulte de là que, sur la capacité de donner et de recevoir entre personnes non mariées, comme sur les formes essentielles aux donations, la loi du 17 nivôse an 2 s'est référée aux anciennes lois.

» Prétendre qu'elle a, par son seul silence, aboli les incapacités de recevoir prononcées par les anciennes lois, c'est prétendre, en d'autres termes, qu'elle a aussi, par son silence, aboli les incapacités de donner que les anciennes lois avaient établies;qu'elle a aussi, par son seul silence, dégagé les donations de toutes les formes que les anciennes lois avaient prescrites pour leur validité.

C'est par conséquent prétendre que, sous la loi du 17 nivôse an 2, un mineur, un interdit, pouvaient donner entre-vifs, c'est-à-dire, aliener sans retour, la portion de leurs immeubles que cette loi déclarait disponible.

» C'est par conséquent prétendre que, sous la loi du 17 nivôse an 2, un homme mort civilement pouvait, par un testament ou par un codicille, disposer, soit du dixième, soit du sixième de ses biens.

» C'est par conséquent prétendre que, sous la loi du 17 nivôse an 2, les donations entre-vifs et les dispositions à cause de mort

étaient affranchies de toute espèce de formalités.

» Et si le bon sens repousse ces conséquences, si vous les avez constamment proscrites par vos arrêts, comment peut-on soutenir ici que l'incapacité de recevoir attachée par les anciennes lois au concubinage, avait été abolie par la loi du 17 nivôse an 2?

» Serait-ce parceque les lois du 4 juin 1793 et du 12 brumaire an 2 avaient admis les enfans naturels à la succession de leurs pères et de leurs mères ?

» Mais qu'a de commun le droit de suc cessibilité accordé par ces lois aux enfans naturels, avec l'incapacité de donner et de recevoir dont leurs pères et leurs mères étaient frappés par les anciennes lois ?

Les lois des 4 juin 1794 et 12 brumaire an 2 n'ont admis les bâtards à succéder, que parcequ'ils n'étaient pas coupables du vice de leur naissance; que parcequ'on ne pouvait pas leur reprocher les fautes de leurs pères et mères; que parceque toute faute étant personnelle, il a paru au législateur, que la peine devait l'être également. Comment donc pourrait-on raisonnablement inférer de ces lois, que, dès le moment où elles ont été publiées, les concubinaires ont été dégagés, l'un envers l'autre, des liens de l'incapacité dans laquelle la legislation les avait jusqu'alors placés? Pour faire admettre une pareille conséquence, il faudrait aller jusqu'à dire que ces lois ont efface, relativement aux concubinaires entre eux, ce qu'il y avait d'illicite, de répréhensible dans leur commerce; il faudrait aller jusqu'à dire qu'en mettant les bâtards à l'abri de tous les reproches que la haine de l'inconduite de leurs pères et mères avait précédemment fait étendre jusqu'à eux, elles ont voulu déclarer leurs pères et mères euxmêmes irréprochables; il faudrait aller jusqu'à dire qu'elles ont légitimé le concubinage, et qu'elles l'ont élevé à la dignité de l'union la plus sacrée.

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ni

Mais ce qui prouve bien que telle n'a pas été leur intention, c'est que la loi du vòse, qui les a suivies de si près, n'a pas rendu commune aux concubinaires, la faculté accordée aux époux, de s'avantager, soit par donation entre-vifs, soit par testament.

» Tenons donc pour bien constant qu'à l'époque où a été passé l'acte par lequel François Dubois a transporté son domaine de Laborde à Françoise Lemur, c'est-à-dire, le 13 floréal an 3, Françoise Lemur ne pouvait, si alors elle vivait avec lui en concubinage, recevoir de lui aucune espèce de donation.

» Mais François Dubois n'est pas mort à

cette époque; il n'est mort qu'en 1804, sous Pempire du Code civil, et conséquemment après l'abolition de l'incapacité dont les anciennes lois frappaient les concubinaires, de se faire réciproquement des donations; et dès-là, ne devons-nous pas regarder la prétendue donation faite par François Dubois à Françoise Lemur, même en supposant qu'ils aient vécu ensemble dans le concubinage, comme purgée de son vice originaire ? C'est le second point que nous avons à discuter. » Ricard, part. I, no 791, demande à quel temps il faut avoir égard pour établir les incapacités de donner et de recevoir; et voici sa réponse : Pour ce qui concerne la donation entre-vifs, cette question est fort facile à résoudre ; parceque le donateur étant obligé de se dessaisir dans le même temps qu'il donne, et la tradition étant de l'essence de la donation, elle est exécutée sitôt qu'elle est accomplie en sa forme; si bien que, n'y ayant qu'un temps à considérer, il n'y a point de doute qu'il est nécessaire que le donateur soit lors capable de donner, et le donataire capable de recevoir.

» Il y a même un arrêt de la section des requêtes, du 8 ventôse an 13, qui confirme positivement cette doctrine. Le sieur Lafaye attaquait un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, qui avait annulé une donation entrevifs, sur le fondement qu'à l'époque où l'acte avait été passé, le donataire était incapable de recevoir, quoique son incapacité eût cessé depuis; et son recours en cassation a été rejeté, au rapport de M. Vallée, attendu qu'en jugeant qu'un individu qui reçoit à titre de donation entre-vifs, pour être capable de recevoir à ce titre, doit avoir la capacité au moment de la donation, et qu'il ne peut l'acquérir par la suite, la cour d'appel de Bordeaux s'est conformée aux principes de la matière et aux dispositions du statut local.....

>> Si donc c'est comme une donation entre

vifs que doit être considérée celle que la cour d'appel de Limoges a jugé être renfermée dans l'acte du 13 floréal an 13, il est clair que, pour juger de la validité de cette donation, nous ne devons consulter que la loi du temps où elle a été faite; il est clair par conséquent que nous devons regarder cette donation comme nulle.

» Or, quel doute peut-il y avoir que cette donation, si véritablement c'en est une, ne soit une donation entre-vifs? Il n'y en a évidemment aucun.

» Peu importe, en effet, que cette donation soit déguisée sous la forme extérieure d'une vente. La vente est, comme la donation en

tre-vifs, un contrat proprement dit ; elle est, comme la donation entre-vifs, irrévocable; elle est, comme la donation entre-vifs, étrangère aux testamens, aux codicilles, aux dispositions quelconques à cause de mort. Une donation ne peut donc pas cesser d'être entre-vifs, par cela seul qu'elle est consignée, sous de fausses apparences, dans un acte de vente. C'est, au contraire, parceque le donaleur a pris, pour donner, le masque d'un vendeur, qu'il est censé avoir donné entrevifs.

» Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que le donateur conservât, en donnant sous la forme extérieure d'une vente, la faculté de révoquer sa donation. Or, il est très-certain qu'une donation déguisée sous la figure extérieure d'une vente, n'est pas moins irrévocable, de la part du donateur, que si elle était revêtue des solennités caractéristiques des donations entre-vifs. C'est ce qu'ont jugé, même contre des concubinaires qui prétendaient avoir fait des donations simulées à leurs concubines, deux arrêts du parlement de Paris, des 31 mars 1707 et 16 octobre 1782, et un arrêt du parlement de Grenoble, de 1771 (1).

» Mais, et ici se présente le troisième point de notre discussion, la cour d'appel de Limoges a-t-elle pu, en supposant la preuve du fait du concubinage acquise par témoins, juger que l'acte du 13 floréal an 3 n'était, sous le titre de vente, qu'une donation déguisée?

» Bien sûrement, elle n'aurait pas pu le juger, d'après le seul fait du concubinage prouvé par témoins; car il n'existait, du fait du concubinage, aucun commencement de preuve par écrit ; et il est de principe, c'est même le résultat nécessaire de la défense générale d'admettre, sans commencement de preuve par écrit, aucune preuve par témoins contre ni outre le contenu aux actes, que les contrats ne peuvent pas être jugés simulés d'après des faits dont il n'existe d'autre preuve qu'une enquête testimoniale.

» Il est également certain qu'elle n'aurait pas encore pu le juger, d'après le fait articulé par

les défendeurs, que Françoise Lemur n'avait, à l'époque de l'acte du 13 floréal an 3, aucun moyen personnel d'acquitter le prix de la vente prétendue faite par cet acte; car il n'y avait, de ce fait, ni preuve par écrit, ni commencement de preuve par écrit.

» Mais ce n'est pas seulement sur ce fait, ce

(1) V. l'article Concubinage, §. 1, no 7.

n'est pas seulement sur celui du concubinage, que la cour d'appel de Limoges s'est fondée dans cette partie de son arrêt : elle s'y est encore fondée sur deux circonstances prouvées par l'acte même du 13 floréal an 3: l'une, que cet acte n'annonce aucune numération actuelle de deniers; l'autre, que, par cet acte, François Dubois se réserve, ainsi qu'à son épouse, l'usufruit du domaine qu'il vend à Françoise Lemur. Et la question est de savoir si ces deux circonstances ont pu former, aux yeux de la cour d'appel de Limoges, une présomption assez forte, pour la déterminer à juger simulée une vente qu'elle n'aurait pas pu juger telle d'après les deux autres faits non prouvés par écrit.

» Cette présomption est-elle du nombre de celles que la loi qualifie de présomptions de droit? Non assurément.

» C'est donc tout au plus une de ces présomptions que les jurisconsultes appellent présomptions humaines, præsumptiones ho

minis.

» Mais des présomptions purement humaines peuvent-elles, lors même qu'elles résultent de faits prouvés par écrit, autoriser les magistrats à déclarer simulés les actes contre lesquels elles militent.

» Il y a, là-dessus, deux époques à distinguer dans notre jurisprudence.

» Avant le Code civil, les présomptions humaines étaient, dans tous les cas, hors celui où elles n'avaient pour base que des faits prouvés par témoins, des motifs suffisans pour déterminer les juges à considérer des contrats comme simulés. Les juges n'avaient, à cet égard, d'autre régulateur que leur conscience.

>> Mais le Code civil en dispose autrement. Il veut, art. 1353, que les présomptions humaines ne puissent être admises par les juges, lors même qu'elles sont graves, précises et concordantes, que dans les cas où la loi admet les preuves testimoniales. Et comme la loi n'admet pas la preuve testimoniale du fait de simulation d'un contrat rédigé par écrit, puisqu'au contraire elle prohibe expressement toute preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, et sur ce qui serait allégué avoir été dit lors, avant et depuis les actes, il est clair que l'art. 1353 du Code civil ne permet pas aux juges de déclarer un acte simulé, d'après des présomptions humaines, quelque précises, quelque concordantes qu'elles soient.

» Cela posé, il paraît, au premier aspect, que la cour d'appel de Limoges n'a pas pu déclarer simulé l'acte de vente du 13 floréal an 3,

d'après les deux circonstances prouvées par cet acte même, qu'elle a érigées en présomptions humaines.

» Mais d'abord, il est à remarquer que cet acte a été passé long-temps avant le Code civil; et de là naît ici une question fort importante:

» C'est de savoir si la cour d'appel de Limoges a dû, dans l'usage qu'elle a fait de ces présomptions, s'attacher à la jurisprudence du temps où l'acte avait été passé, ou ne consulter que la loi du temps où elle a rendu son arrêt..... (1).

>> Disons donc que la cour d'appel de Limoges a pu admettre, pour preuve du fait de simulation articulé par les héritiers Dubois, et nié par Françoise Lemur, des présomptions qui n'étaient pas établies par la loi.

» Disons donc qu'elle a pu, sans violer aucune loi, juger qu'il n'y avait simulation dans l'acte du 2 floréal an 3, par cela seul que, de deux circonstances prouvées par un acte, il résultait, à ses yeux, des présomptions dont il lui appartenait exclusivement et souverainement d'apprécier la gravité ou la faiblesse.

» Ce n'est pas tout. Quand la cour d'appel de Limoges n'aurait dù s'attacher ici qu'à l'art. 1353 du Code civil, son arrêt n'en serait pas moins inattaquable, en tant qu'il a pris pour base de la simulation qu'il a déclarée, des présomptions non établies par la loi.

» En effet, l'art. 1353 du Code civil, après avoir dit que les présomptions humaines ne peuvent être admises par les juges, que dans le cas où la loi admet les preuves testimoniales, ajoute : à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude et de dol. Il décide donc nettement que, dans le cas où un acte est attaqué pour cause de fraude et de dol, le juge peut se déterminer par des présomptions purement humaines, quoique d'ailleurs le fait que ces présomptions tendent à établir, ne soit pas susceptible de la preuve par témoins.

» Or, ici, n'est-ce pas précisément pour cause de fraude qu'est attaqué l'acte du 13 floréal an 3? Que prétendent les défendeurs? Que François Dubois, ne pouvant pas donner ouvertement à Françoise Lemur, parceque la loi l'en déclarait incapable, a cherche, dans un déguisement frauduleux, un remède contre la prohibition de la loi? Or, n'est-ce pas

(1) V. les conclusions du 22 mars 1810, rappor tées à l'article Contrat Pignoratif, §. 2, no 2.

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là ce que l'art. 1353 du Code civil appelle attaquer un acte pour cause de fraude?

» Mais, de ce que la cour d'appel de Limoges n'a violé ni l'art. 1353 du Code civil, ni aucune autre loi, en jugeant, d'après des présomptions purement humaines, que l'acte du 13 floréal an 3 renfermait une donation déguisée, il ne s'ensuit pas encore que son arrêt doive être maintenu en cette partie; car Françoise Lemur aurait pu, si elle n'en eût pas été incapable pour cause de concubinage, recevoir de François Dubois une donation déguisée, comme elle aurait pu recevoir de lui une donation patente.

>> Et ceci nous amène naturellement à examiner (ce qui forme le quatrième point de notre discussion) si les défendeurs étaient recevables à prouver par témoins que François Dubois et Françoise Lemur vivaient ensemble dans le concubinage, à l'époque de l'acte contenant la donation déguisée dont il s'agit.

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Pourquoi ne l'auraient-ils pas été? La demanderesse en donne deux raisons : l'une, qu'ils n'avaient pas de commencement de preuve par écrit; l'autre, que le testament de François Dubois les excluant de sa succession, leur ôtait toute qualité pour contester les actes qu'il avait faits de son vi

yant.

» La première de ces raisons serait d'un très-grand poids dans l'opinion de Houard, qui, dans son Dictionnaire de droit normand, regarde le commencement de preuve par écrit comme une condition essentielle de l'admissibilité de la preuve par témoins du fait de concubinage, à l'effet d'annuler les dispositions d'un donateur ou testateur au profit de sa concubine prétendue.

» Mais, à cette opinion, nous pouvons opposer celle de Furgole, Traité des testamens, chap. 6, sect. 3, no 194.... (1).

» La seconde raison est-elle aussi frivole que la première? Non, et bien loin de là : il est, au contraire, hors de doute que, si, par le testament de François Dubois, les défendeurs sont valablement exclus de sa succession, ou, ce qui est la même chose, si les enfans de Françoise Lemur sont valablement institués légataires universels de François Dubois, les défendeurs sont sans qualité pour critiquer les dispositions que François Dubois a pu faire, de son vivant, au profit de Françoise Lemur elle-même; puisque ces disposi

(1) V. l'article Concubinage, S. 1, no 5.

tions étant jugées nulles, les biens qui en sont l'objet, devraient rentrer dans la succession, et par conséquent appartenir, non aux héritiers ab intestat, mais aux légataires universels.

» C'est donc de la validité ou de l'inyalidité du legs universel dont François Dubois a gratifié les enfans de Françoise Lemur, que dépendent ici, et le sort de l'arrêt interlocutoire qui a admis les défendeurs à la preuve du fait de concubinage, et le sort de l'arrêt définitif qui, jugeant cette preuve complète, a déclaré nul l'acte du 13 floréal an 3.

» La question de savoir si ces arrêts doivent être maintenus ou cassés dans l'intérêt de Françoise Lemur, agissant en son nom privé, est donc absolument subordonnée à la question de savoir si ces arrêts doivent être maintenus ou cassés dans l'intérêt de Françoise Lemur, agissant comme tutrice de ses enfans; question, nous l'avons déjà dit, qui, par ses rapports directs avec toutes les classes de l'immense population que régit le Code civil des Français, et par les occasions presque journalières qu'elle a de se reproduire, est une des plus intéressantes que l'on puisse agiter devant vous, et sur laquelle il importe d'autant plus que vous vous prononciez, que, dans ce moment même, les opinions des citoyens flottent incertaines entre la manière dont cette question est décidée par les arrêts qui vous sont dénoncés, et la manière dont l'a jugée un arrêt de la cour d'appel de Paris, du 6 juin 1809, entre les héritiers du sieur Baude et François Blet, son légataire universel; arrêt qui, attendu que, par l'art. 340 du Code civil, toute recherche de Paternité est interdite à l'égard des enfans nés hors du mariage, déclare les héritiers du sieur Baude non-recevables dans leur offre de faire preuve que François Blet était né d'un commerce adultérin entre le défunt et Catherine Blet,

sa servante.

» Cette question serait bien facile à résoudre, s'il était constant,

» Ou que la prohibition de la recherche de la Paternité, écrite dans l'art. 340 du Code civil, est absolue et s'applique à toutes les personnes, comme à tous les cas, celui du rapt excepté ;

» Ou que cette prohibition n'est portée que contre les enfans nés hors du mariage, et qu'ils ne peuvent pas eux-mêmes s'en prévaloir.

» Dans la première hypothèse, il serait évident que l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, du 13 mai 1808, devrait être cassé, et que sa

cassation devrait entraîner celle de l'arrêt de la même cour, du 3 décembre suivant.

» Dans la seconde, au contraire, il serait d'une égale évidence que les deux arrêts devraient être maintenus.

» La question se réduit donc à ce seul point: la prohibition écrite dans l'art. 340, est-elle absolue; où n'a-t-elle pour objet que d'interdire aux enfans nés hors du mariage, la recherche du père qui ne les a pas reconnus ou n'a pas pu les reconnaître authentiquement?

» Pour nous fixer sur ce point, nous devons interroger successivement la lettre de la loi et l'esprit de la loi.

» La lettre de lá loi est dans l'art. 340; et cet article est divisé en deux parties.

» Dans la première, il établit une règle générale : la recherche de la Paternité est interdite; et il faut convenir que, par les termes qui l'expriment, cette règle est énon

cée comme absolue.

>> Dans la seconde, il limite la règle générale par une exception : dans le cas d'enlèvement, lorsque l'époque de cet enlèvement se rapportera à celle de la conception, le ravisintéressées, déclaré père de l'enfant; et, ici, seur pourra être, sur la demande des parties le législateur fait clairement entendre que c'est uniquement en faveur de l'enfant et de ceux qui en sont chargés, qu'il permet la recherche de la Paternité.

» Mais peut-on inférer de là, par argument à contrario sensu, que, dans la première partie de l'article, le législateur n'interdit la recherche de la Paternité qu'à l'enfant, et qu'il la permet contre lui? Non, sans doute. Par cela seul que la seconde partie de l'article forme une exception à la première, elle doit être restreinte dans son .cas et dans son objet précis; et elle ne peut pour les pas modifier, pour les autres cas ni autres objets, la disposition générale et absolue de la première partie.

suivant

» Par la même raison, rien à conclure contre le sens absolu de la première partie, de ce que, dans l'art. 342, il est dit qu'un enfant ne sera jamais admis à la recherche de la Paternité....., dans le cas où, l'art. 335, la reconnaissance n'est pas admise; c'est-à-dire que, même dans le cas d'enlèvement, et lorsque l'époque de l'enlèvement se rapportera à celle de la conception, la recherche de la Paternité demeurera interdite à l'enfant adultérin ou incestueux. Il est clair, en effet, que cette disposition ne faisant que resserrer l'exception établie par la seconde partie de l'art. 340, ne peut pas avoir plus

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