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"Le 18 janvier 1791, le cit. Leforestier fait signifier cette sentence au domicile de Simon Delessart, avec assignation de se trouver, le 24 du même mois, à la forge de Putanges, pour être présent à la possession qu'il se propose d'en prendre en conséquence, ainsi que des bâtimens et autres objets qui en dépendent.

» Le jour de cette assignation arrivé, Simon Delessart, au lieu de comparaître au procèsverbal de prise de possession, fait signifier au cit. Leforestier, un acte d'appel des trois sentences dont nous venons de retracer les dispositions.

>> Remarquons ici une chose fort essentiellc: c'est que le cit. Leforestier aurait pu, nonobstant cet appel, passer outre à l'exécution de ces trois sentences, puisqu'elles en contenaient la disposition expresse; et d'ailleurs nous avons déjà vu que, même dans le cas où elles auraient été muettes à cet égard, le cit. Leforestier n'en aurait pas moins eu le droit, d'après la jurisprudence normande, de les faire exécuter provisoirement, en obtenant, à cet effet, sur simple requête, un jugement du tribunal d'appel.

» Mais il paraît que le cit. Leforestier a préféré attendre que l'appel fût jugé.

» Il a en conséquence fait citer Simon Delessart devant le tribunal de district de Caen, pour procéder sur son appel.

» Simon Delessart ne comparaissant pas, un premier défaut est obtenu contre lui, l'audience du 5 juin 1791.

» Et le 20 du même mois, il intervient, au tribunal de district de Caen, un jugement ainsi conçu : Le tribunal, par son jugement en dernier ressort, a accordé à la partie de Tourniant (le cit. Leforestier), défaut deuxième sur ledit Delessart; et pour le profit, a dit que, par le jugement dont est appel, il a été bien jugé, mal et sans griefs appelé, l'appelant débouté de son appel avec amende et dépens.

» Le 16 juillet suivant, Simon Delessart présente au tribunal de district de Caen, une requête par laquelle il forme Opposition à ce jugement.

» La cause portée à l'audience, et au moment où il allait être statué contradictoirement sur l'Opposition qui en était l'objet, l'avoué de Simon Delessart déclare que son client vient de décéder.

» En conséquence, l'audience est renvoyée après l'assignation en reprise d'instance qui devra être donnée par le cit. Leforestier à Delessart, fils et héritier du défunt.

» Le 1er décembre 191, cette assignation est effectivement donnée à Delessart fils; et s'il en faut croire le jugement attaqué, elle lui est donnée dans la ville d'Argentan.

» Delessart fils ne se présente pas sur cette assignation.

» Le 10 du même mois de décembre 1791, le cit. Leforestier obtient contre lui un premier défaut.

» Le 23 janvier 1792, Delessart étant toujours défaillant, le tribunal de district de Caen rend un jugement qui prononce contre lui défaut second; pour le profit, le reçoit, en sa qualité d'héritier de son père, opposant pour la forme au jugement du 20 juin 1791; et sans s'arrêter à son Opposition, dont il est débouté, ordonne que ce jugement sortira son plein et entier effet.

» Le cit. Leforestier fait signifier ce nouveau jugement au domicile de Delessart fils, ainsi que l'atteste le procès-verbal dont il va, dans un instant, être question.

» Le 2 mars suivant, il fait sommer Delessart fils de se trouver, le 19 du même mois, à la forge de Putanges, pour être présent à la prise de possession qu'il en doit faire.

» Delessart fils ne se présente pas encore sur cette sommation. Mais cette fois, l'on passe outre; et, par procès-verbal des 19 et 20 mars 1792, le cit. Leforestier est remis en possession de tous les objets qui avaient été compris dans le bail à fieffe du 18 mai 1740.

» Le cit. Leforestier jouissait paisiblement de tous ces objets, et il paraît même qu'il les avait remis en bon état, non sans de trèsgrandes dépenses, lorsqu'en messidor an 7, le cit. Godet, fils du vendeur de Simon Delessart, est venu former une tierce-Opposition aux deux jugemens du tribunal de district de Caen, des 20 juin 1791 et 23 janvier 1792.

» A quel titre et en quelle qualité l'a-t- il formée ? C'est ce qu'il importe de bien connaître. 1

» Il aurait pu, s'il eût renoncé à la succession de son père, la former en vertu du tierscoutumier qu'il avait sur les objets fieffés, à l'époque de la vente que son père avait faite de ces objets à Simon Delessart. Alors, il serait venu comme propriétaire partiel de ces mêmes objets ; et en cette qualité, il aurait soutenu, avec autant de raison que d'avantage, que jugemens auxquels il se rendait tiers-opposant, n'avaient pas pu être légalement rendus, sans qu'il y eût été appelé.

les

, il

» Mais pour cela, nous l'avons déjà dit, i aurait fallu qu'il eût renoncé à la succession de son père; car voici ce que porte l'art, 399

de la coutume de Normandie: La propriété du tiers de l'immeuble destiné par la coutume pour le douaire de la femme, est acquise aux enfans, du jour des épousailles ; et néanmoins la jouissance en demeure au mari, sa vie durant, sans toutefois qu'il le puisse vendre, engager, ni hypothéquer; comme en pareil cas, les enfans ne pourront vendre, hypothe quer ou disposer desdits biens, avant la mort du père, ET QU'ILS AIENT TOUS RENONCÉ A SA

SUCCESSION.

» Or, dans le fait, non seulement le cit. Godet n'avait pas renoncé à la succession de son père; mais il s'était porté formellement son héritier : c'est un fait dont il nous a luimême fait l'aveu de vive vois ; et comme, par là, son droit de tiers-coutumier s'était évanoui, il est évident qu'il ne pouvait pas, en vertu de ce droit qui était censé n'avoir ja mais existé, revenir par tierce Opposition contre les jugemens des 20 juin 1791 et 23 janvier 1792.

» Aussi, n'est-ce pas en vertu de son tierscoutumier, qu'il a formé sa tierce Opposition; il l'a formée uniquement comme créancier de Delessart, pour restant du prix de la vente que son père avait faite à celui-ci, de la forge de Putanges. C'est ce qui résulte des conclusions mêmes qu'il a prises devant le tribunal d'appel de Caen : Le cit. Godet (est-il dit dans le jugement attaqué) a conclu à ce qu'il plaise au tribunal, considérant que tous les biens d'un débiteur sont, de droit, affectés à toutes les dettes qu'il a contractées, et que la conséquence de ce principe est que chaque créancier est recevable à examiner le titre en vertu duquel on veut lui enlever le gage de sa crédite.....; considérant que le cit. Godet est créancier sur le cit. Delessart, par titre authentique signifié au cit. Lefores

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domicile à Argentan, où la citation du 1er décembre 1791 lui a été adressée ;

» L'autre, tiré de ce que ni le jugement du 20 juin. 1791 ni celui du 23 janvier 1792 ne contenaient les quatre parties prescrites par l'art. 15 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790.

» Le cit. Godet ajoutait que, sans ces deux jugemens, le cit. Leforestier n'aurait pas pu prendre possession de la forge de Putanges, puisque les sentences des 7 janvier, 4 août et 25 novembre 1790 avaient été frappées d'appel; qu'ainsi, l'exécution en avait été necessairement suspendue ; et que les deux jugemens du tribunal de district de Caen étant irréguliers, conséquemment nuls, la prise de possession devait être considérée comme non

avenue.

» Ces moyens, nous devons le dire, n'étaient pas à beaucoup près sans réplique ; et nous verrons, dans la suite, ce que l'on pouvait y opposer. Mais le jugement attaqué constate lui-même que le cit. Leforestier n'a pas cru devoir les combattre, et qu'il a borné toute sa défense à une fin de non-recevoir.

» Il a soutenu que le cit. Godet n'était pas recevable dans sa tierce-Opposition, parceque, la formant en qualité de créancier de Delessart, il ne pouvait pas avoir plus de droit que Delessart lui-même; que les jugemens des 20 juin 1791 et 23 janvier 1792 avaient acquis contre Delessart, l'autorité irrefragable de la chose jugée, au moyen de ce qu'il avait laissé passer les trois mois de la signification, sans les attaquer par la voie de cassation; que, dès-là, ils faisaient irrévocablement loi, non seulement entre ceux qui y avaient été parties, mais encore entre leurs ayant-droit, et par conséquent entre leurs créanciers respectifs.

» Cette défense n'a pas eu au tribunal d'appel de Caen, le succès qu'en attendait le cit. Leforestier; mais ce qui est singulièrement à remarquer, c'est que le jugement de ce tribunal (du 28 messidor an 8), immédiatement après avoir rejeté la fin de non recevoir du cit. Leforestier, a tout de suite prononcé sur les moyens de la tierce-Opposition, et les a accueillis, sans les avoir préalablement soumis à un débat particulier, sans avoir préalablement ordonné au cit. Leforestier d'y répondre.

pourvu

» Le cit. Leforestier s'est pourvu en cassa、 tion contre ce jugement, et son recours a été admis par la section des requêtes, le 4 frimaire an 9.

» Vous avez maintenant à examiner si, en

effet, ce jugement doit être cassé, ou s'il doit être maintenu.

» Il doit être maintenu, s'il s'est conformé aux lois dans tous les points qu'il a juges; il doit être annulé, dans le cas contraire. » Quels sont donc les points qu'il a décidés? Nous en comptons quatre.

» Il a jugé que le cit. Godet avait, comme créancier hypothécaire de Delessart, pour un restant du prix de la vente qu'il lui avait faite du fonds fieffé, qualité pour former tierceOpposition à deux jugemens confirmatifs de trois sentences par lesquelles le fieffant avait été renvoyé en possession de cet immeuble.

» Il a jugé qu'en rejetant la fin de non-recevoir proposée contre cette tierce Opposition, il pouvait, tout de suite et sans ordonnance préalable de plaider au fond, statuer sur les moyens proposés au fond même par le cit. Godet.

» Il a jugé que les deux jugemens du tribunal de district de Caen, des 20 juin 1791 et 23 janvier 1792, étaient nuls, pour n'avoir pas, dans leur rédaction, observé les dispositions de l'art. 15 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790.

» Il a jugé enfin que le dernier de ces deux jugemens était encore nul, pour avoir été rendu sur assignation donnée à un faux domicile.

par

» Tels sont les quatre points décidés le jugement déféré à votre censure; et quoique le demandeur en cassation n'en ait discuté qu'un seul, il est de notre devoir de les discuter tous, parcequ'ils sont tous en rapport immédiat avec la loi.....

» Voyons d'abord si le tribunal d'appel de Caen a pu, sans violer la loi, déclarer que le cit. Godet avait une qualité suffisante pour former sa tierce-Oposition.

» Nous avons déjà observé que le cit. Godet avait formé cette tierce - Opposition, comme créancier hypothécaire de Delessart, pour un restant du prix de la vente qu'il avait faite à celui-ci, des objets fieffes.

» La question est donc de savoir si un créancier hypothécaire peut attaquer, par la voie de tierce Opposition, un jugement rendu en dernier ressort contre son débiteur.

» Saus contredit, il le peut tant que le débiteur lui-même a la faculté de s'opposer à ce jugement, c'est-à-dire, lorsque ce jugement a été rendu par défaut, et que le débiteur est encore dans le délai utile pour y former Opposition.

l'est ici, et beaucoup au-delà, relativement à Delessart), une fois ce délai écoulé, disonsnous, le créancier a-t-il plus de droit que son debiteur ?

» L'art. 1er du tit. 35 de l'ordonnance de 1667 porte: Les arrêts et jugemens en dernier ressort ne pourront être rétractés que par lettres en forme de requête civile, à l'égard de ceux qui y auront été parties ou dument appelés, et de leurs héritiers, successeurs ou

AYANT CAUSE.

» Cet article ne distingue point entre les jugemens contradictoires et les jugemens par défaut; il proscrit, au contraire, bien clairement toute distinction entre les uns et les autres, puisqu'il comprend, en termes exprès, dans sa disposition, les jugemens lors desquels on n'a été que dúment appelé, comme ceux dans lesquels on a été partie.

» Ce n'est pas encore le moment d'examiner si Delessart fils a été dûment appelé lors du jugement par défaut du 23 janvier 1792: nous devons supposer ici qu'il l'a été; et nous le devons d'autant plus, que le tribunal d'appel de Caen a admis la tierce Opposition, avant de décider si l'assignation donnée à Delessart fils était valable ou non, et par des motifs absolument étrangers à la validité ou nullité de cet acte.

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» Nous n'avons donc ici à nous fixer que sur un seul point, sur celui de savoir si, d'après l'art. 1 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667, le cit. Godet était, en sa qualité de créancier hypothécaire de Delessart, recevable à demander, par une simple tierce-Opposition, la rétractation des deux jugemens rendus en dernier ressort contre celui-ci, les 20 juin 1791 et 23 janvier 1792.

» L'ordonnance dit formellement que les ayant-cause de Delessart n'y sont pas plus recevables qu'il ne le serait lui-même.

» Or, qu'un créancier soit, relativement à l'exception de chose jugée, considéré comme l'ayant-cause de son debiteur, c'est ce qu'il n'est pas permis de révoquer en doute.

» Jousse en fait la remarque expresse sur ces mots, ayant-cause, de l'art. 1 du tit. 35 de l'ordonnance: ayant cause, dit-il, comme sont les créanciers qui exercent les droits de leur débiteur.

» Dans le fait, n'est-ce pas du débiteur, n'est-ce pas du contrat qu'il a passé avec lui, que le créancier tire son droit ? Or, l'art. 62 du même titre de l'ordonnance de 1667 décide, de la manière la plus générale et la plus

» Mais une fois ce délai écoulé ( comme il positive, que celui qui tire son droit d'une

personne contre laquelle il a été rendu, en dernier ressort, un jugement définitif qu'on lui oppose dans le cours d'une instance, ne peut pas faire rétracter ce jugement, sans prendre la voie de requête civile, même devant le tribunal qui l'a rendu : Si les arrêts ou jugemens en dernier ressort produits ou communiqués, sont définitifs et rendus entre les mêmes parties, ou avec ceUX DONT ILS ONT DROIT OU CAUSE, soit contradictoirement ou PAR DÉFAUT OU FORCLUSION, les parties se pourvoiront, en cas de requête civile, pardevant les juges qui les auront donnés, sans que les cours ou juges pardevant lesquels ils seront produits ou communiqués, en puissent prendre aucune juridiction ni connaissance.

» Rien de plns décisif, comme vous le voyez, que ces mots, avec ceux dont ils auront DROIT ou cause; ils tranchent absolument toute difficulté.

» Et c'est sur ce fondement, qu'un arrêt du parlement de Paris, rendu à la grande audience du 22 février 1701, et rapporté au Journal des audiences dans l'ordre de sa date, a jugé que les créanciers (ce sont les propres termes de l'arrêtiste) de celui avec lequel des arrêts ont été rendus, ne peuvent s'y opposer, non plus qu'aucun avant-cause du dé

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» M. l'avocat général Joly de Fleury (nous copions encore ici les termes du Journal des audiences) dit, sur cette proposition, que la maxime était vraie, et que les créanciers d'un débiteur ne pouvaient attaquer un arrêt que par les mêmes voies qu'il pourrait faire; que leur Opposition n'était pas recevable.....

» Brillon, au mot Opposition, no 1, cite également un arrêt du grand-conseil, rendu au semestre d'été 1704, qui juge que les créanciers ayant les mêmes droits que leur débiteur, ne peuvent venir par Opposition contre un arrêt rendu contradictoirement avec lui, et qu'il faut alors prendre la voie de la requête civile.

» Qu'oppose à cette doctrine le cit. Godet? Il y oppose d'abord une distinction que fait Cochin dans un de ses plaidoyers, entre

TOME XI.

les arrêts contradictoires et les arrêts par dé. faut.

» Mais il est évident que cette distinction n'a été imaginée par Cochin, que pour la défense de la cause dont il était alors chargé, puisqu'elle contrarie formellement le texte littéral, non seulement de l'art. 1 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667, mais plus encore celui de l'art. 26 du même titre, qui se sert précisément de ces termes, soit contradictoi rement, soit par défaut.

» Le cit. Godet oppose ensuite l'arrêt rendu en faveur des parties pour lesquelles Cochin plaidait cette étrange doctrine. Mais le cit. Godet ne fait pas attention aux circonstances extraordinaires sur lesquelles cet arrêt a prononcé. Il ne fait pas attention que l'arrêt contre lequel les créanciers de la duchesse de Guise se pourvoyaient par tierce-Opposition, n'avait véritablement d'arrêt que le nom. Cochin, en effet, nous apprend qu'il avait été rendu par des magistrats vendus à la maison de Guise, et en révolte ouverte contre Henri IV; qu'ils avaient même affecté de ne le qualifier que de roi de Navarre, quoiqu'il fût bien réellement devenu le chef du gouvernement par la mort de Henri III; que la duchesse de Guise était venue elle-même siéger au parlement, pour lui dicter cet arrêt; qu'enfin il était impossible de donner à un monument aussi monstrueux de l'anarchie, l'autorité de la chose jugée.

» Le cit. Godet oppose, en troisième lieu, l'arrêt du parlement de Paris, du 6 février 1778, rendu en faveur de la dame de Sahure(1). Mais qu'a jugé cet arrêt? Une seule chose : c'est que la dame de Sahure était recevable à attaquer par tierce - Opposition, un arrêt qui, sans l'entendre et sans qu'elle eût été appelée, avait adjugé à Mourette, én toute propriété et jouissance, un bien sur lequel elle avait, par son contrat de mariage, un droit de douaire, et par conséquent d'usufruit. Assurément cet arrêt a très-bien jugé; mais qu'a-t-il de commun avec notre espèce? Le cit. Godet, lors des jugemens rendus contre Delessart, avait accepté la succession de son père, et par conséquent renoncé à son tiers-coutumier; il n'avait donc ni la co-propriété ni l'usufruit des objets dont Delessart a été évincé par ces jugemens : il

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n'y avait donc pas, pour nécessiter sa mise en cause, à l'effet de voir prononcer l'éviction, les mêmes raisons qui avaient rendu indispensable la mise en cause de la dame de Sahure dans le procès contre Mourette et l'héritier de la fille Dupont, et faute de laquelle la dame de Sahure a été, comme elle a dû l'être, reçue tierce-opposante à l'arrêt dont elle se plaignait; un usufruitier n'est point l'ayant-cause du possesseur de la nue propriété des biens soumis à son usufruit; ce n'est point de ce possesseur qu'il tire son droit ; son droit est indépendant de celui du possesseur de la nue propriété.

» Au lieu qu'un créancier, même avec hypothèque spéciale, est nécessairement l'ayant cause de son débiteur; c'est de son débiteur qu'il tire son droit. Il n'est créancier hypothécaire, que parceque son débiteur lui a affecté ses biens; mais, en les lui affectant, il ne l'en a rendu ni co-propriétaire ni usufruitier; il ne lui a donné qu'un droit subordonné à sa propriété personnelle ; et s'il vient à être jugé avec le débiteur que sa propriété n'existe pas, ou qu'elle est dans le cas d'être résolue par l'effet d'une cause inhérente au titre même d'où elle dérive, alors il faut bien que l'hypothèque du créancier s'évanouisse avec elle: resoluto jure dantis, resolvitur jus accipientis.

» S'il en était autrement, il faudrait donc, pour pouvoir faire juger sûrement une question de propriété avec un homme chargé de dettes, mettre en cause tous ceux de ses créanciers qui auraient acquis hypothèque sur l'immeuble que l'on entend revendiquer. Mais c'est bien là l'idée la plus absurde que l'on puisse mettre en avant. Le cit. Godet n'ose pas pousser son système jusqu'à ce degré d'absurdité, et voilà cependant jusqu'où il faudrait aller pour être conséquent.

» Par là tombe à l'avance et sans retour, la différence que le cit. Godet prétend établir entre le créancier hypothécaire et le créancier simple. Mais nous devons ajouter que sa distinction est encore condamnée dans les termes les plus formels, par le passage, que nous avons déjà cité du Dictionnaire de droit normand: il y est dit, en effet, que les créanciers perdent leurs hypothèques sur les biens fieffés, lorsque le fieffant y rentre faute de paiement de sa rente, en vertu d'une sentence obtenue contre le possesseur de ces biens.

>> Et c'est en vain que le cit. Godet cherche à excepter de la règle générale, le créancier

hypothécaire pour restant du prix d'un bien vendu.

» Une fois le bien vendu et livré, le vendeur n'a plus qu'une hypothèque.

» C'est une hypothèque privilégiée sans doute; mais elle n'est toujours qu'une hypothèque.

» Or, rien de plus incompatible que les qualités de créancier hypothécaire et de propriétaire foncier.

» Il est si vrai d'ailleurs que la créance du vendeur, malgré son hypothèque et son privilége, conserve perpétuellement, à l'égard des tiers, sa nature de créance proprement dite, qu'elle se purgeait, sous l'édit du mois de juin 1771, par le défaut d'Opposition au

sceau des lettres de ratification.

>> Pour dernière ressource, le cit. Godet cherche à insinuer que les jugemens des 20 juin 1591 et 23 janvier 1782 sont le fruit d'une collusion entre les cit. Leforestier et Delessart.

» Mais, outre que le jugement du tribunal d'appel de Caen ne dit rien de semblable, le seul récit que nous vous avons fait de la procédure, prouve jusqu'à la dernière évidence que si jamais un plaideur s'est defendu avec opiniâtreté, c'est certainement Delessart père.

>> Il est vrai que son héritier s'est laissé, en définitive, juger par défaut. Mais qu'aurait-il pu dire de supportable, pour soutenir un appel à l'appui duquel aucun grief n'était allégué? D'ailleurs, en cette matière, le seul moyen que puisse employer un fieffataire, c'est de payer les arrérages dont il est redevable, et de remettre le bien fieffé en bon état. Or, c'est ce que n'ont fait ni Delessart père ni Delessart fils. Qu'importe, après celà, qu'ils aient élevé plus ou moins de chicanes, pour demeurer en possession des objets litigieux, sans payer ce qu'ils devaient, sans faire les réparations auxquelles ils étaient tenus?

>> Disons donc que rien, absolument rien, ne peut justifier le jugement du tribunal d'appel de Caen, sur la question de savoir si le cit. Godet avait qualité pour attaquer par tierce Opposition les jugemens des 20 juin 1791 et 23 janvier 1792; et qu'en prononçant comme il l'a fait, il a expressément violé les art. 1 et 26 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667.

» Passons au deuxième point décidé par ce jugement, ou, en d'autres termes, examinons si, en rejetant la fin de non-recevoir pro

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