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CHRONIQUE

ALLEMAGNE

A un banquet de la diete de Brandebourg, l'Empereur a prononcé le discours suivant qui a eu un grand retentissement:

Je commence, messieurs, par vous remercier d'avoir exprimé le désir de me voir ce soir au milieu de vous. Il y a aujourd'hui trois ans, en faisant abstraction d'une courte visite que j'ai faite à la Chambre à la fin de votre session de l'année dernière, il y a trois ans que je ne me suis pas trouvé au milieu des Brandebourgeois. Pendant ces trois ans, il s'est passé bien des choses qui ont touché ma maison et, avec ma maison, la marche de Brandebourg,

L'union intime des Hohenzollern et des Brandebourg, cette union que l'on a admirée souvent et que les étrangers n'ont jamais comprise, repose, avant tout, sur ce fait qu'à l'encontre des autres Etats, le Brandebourg a eu cette bonne fortune de pouvoir prouver à la maison des Hohenzollern sa fidélité dans les jours de malheur.

Laissez-moi vous rappeler mes aïeux et tout d'abord le Grand Electeur dont j'aime beaucoup à vous entretenir, car on l'appelait déjà de son vivant le Grand Brandebourgeois. Laissez-moi vous rappeler ensuite Frédéric le Grand. Ces deux princes ont toujours considéré comme un devoir de ne pas exploiter, à leur profit, le pays qu'ils avaient échangé contre une patrie plus belle, comme on dit, contre leur patrie de l'Allemagne du Sud; ils ont toujours pensé qu'il était de leur devoir de confondre leurs intérêts propres avec ceux de leur nouvelle patrie, et que la tâche suprême qui leur incombait consistait à travailler au bien de cette patrie.

Dans mes voyages, dont vous a parlé votre président, je n'ai pas eu seulement pour but d'étudier des pays étrangers avec leurs institutions politiques et de nouer des relations amicales avec les souverains d'empires voisins; ces voyages, qui ont été mal interprétés de divers côtés, ont eu pour moi cet avantage immense de me permettre d'échapper pour un temps aux agitations des partis, et d'étudier de loin avec tout le calme nécessaire la situation de mon pays. Quiconque se trouvant seul en pleine mer, debout sur le pont d'un navire, el ne voyant au-dessus de sa tête que le ciel étoilé de Dieu, et qui est rentré en lui-même pour méditer sur les choses, comprendra la valeur d'un tel voyage. Je souhaiterais que beaucoup de mes compatriotes pussent passer par des moments pareils où l'homme est poussé à se rendre compte du but qu'il a poursuivi et de ce qu'il a fait pour y atteindre. On en revient guéri de l'envie de se surfaire, et c'est ce qu'il nous faut à tous.

Dans ma chambre est suspendu un tableau dont on avait longtemps oublié l'existence. Ce tableau qui représente une longue rangée de navires portant l'aigle rouge du Brandebourg peint sur leur pavillon, me rappelle tous les jours que le Grand Electeur avait déjà compris que le Brandebourg devait conquérir, sur le marché du monde, une place où il pût faire valoir les produits de son

travail et de sa grande activité. Les progrès qu'ont faits depuis ce temps-là le commerce et l'industrie de la Prusse et de l'Allemagne ont été grands, surtout sous le Gouvernement de mon grand-père. Je considère comme un de mes devoirs les plus sérieux de travailler au développement ultérieur de notre activité économique. C'est pourquoi j'ai consacré mon attention aux affaires intérieures, après avoir commencé par assurer la paix à l'extérieur.

J'ai résolu de poursuivre le but que mon grand-père avait fixé dans son message. Marchant sur ses traces, j'ai pensé que mon souci principal devait être de in'occuper avec plus de soin du bien-être des classes inférieures de notre société. Les résultats qu'ont eus les délibérations du Conseil d'Etat et qui, je l'espère, produiront à leur tour, sous forme de lois, des effets utiles pour notre patrie, sont dus en grande partie au concours fidèle et dévoué des Brandebourgeois. Les principes qui ont guidé mes aïeux et la famille des Hohenzollern dans leurs relations avec le Brandebourg, et que j'ai rappelés tout à l'heure, s'étaient pour ainsi dire, incarnés dans la personne de mon grand-père. Il considérait sa situation comme une tâche que Dieu lui avait imposée et à l'accomplissement de laquelle il a consacré toutes ses forces jusqu'à la dernière heure de sa vie.

Je pense comme lui, et je considère le peuple et le pays qui m'ont été confiés comme un héritage qu'il est de mon devoir d'augmenter, comme il est dit dans la Bible, et de la gestion duquel j'aurai un jour à rendre compte. Je compte le gérer, dans la mesure de mes forces, de telle sorte que je puisse l'augmenter de plus d'une façon.

Ceux qui voudront m'aider dans l'accomplissement de cette tâche seront les très bien venus, quels qu'ils soient d'ailleurs; ceux qui chercheront à m'entraver dans ce travail, je les briserai en mille morceaux.

Si de mauvais jours doivent arriver, je serai sùr de la fidélité de mes Brandebourgeois, et je compte qu'ils m'aideront fidèlement à accomplir mes devoirs. Dans cet espoir, je bois à la santé de mes Brandebourgeois, au bonheur de ce cher pays en invoquant la devise: «< Vive le bon Brandebourg, à jamais!

Démission du prince de Bismarck.

Dans une seconde édition, le 20 mars, le Moniteur de l'Empire a publié la démission de M. de Bismarck qui, sur sa demande, est relevé de ses fonctions de chancelier de l'Empire, de président du ministère prussien et de ministre des affaires étrangères, et la nomination de M. Caprivi comme chancelier et comme président du Conseil des ministres de Prusse.

Le Moniteur contient, en outre, un ordre de Cabinet dont voici le texte :

Mon cher prince,

C'est avec une profonde émotion que j'apprends par votre requête du 18 courant que vous êtes décidé à résigner les fonctions que vous remplissez depuis tant d'années avec des résultats aussi incomparables. J'avais espéré que, tant que vous et moi aurions vécu, il ne serait pas question de notre séparation. Mais aujourd'hui, en me rendant parfaitement compte de l'importance de votre retraite et obligé de faire face à cette éventualité, je le fais, le cœur bien oppressé, mais aussi avec la conviction qu'en agréant votre requête je contribuerai à la conservation de votre vie et de votre force qui ont toutes deux une valeur inappréciable pour la patrie.

Les raisons que vous produisez à l'appui de votre décision me démontrent que toute tentative ultérieure pour vous amener à retirer votre démission serait inutile. Je me rends donc gracieusement à votre désir et je vous relève de vos fonctions de chancelier, président du ministère et ministre des affaires étrangères, avec la ferme conviction que vos conseils et votre grande habileté, votre fidélité et votre abnégation seront utiles à l'avenir, comme elles l'avaient été dans le passé, à moi et à la patrie.

J'ai toujours considéré comme une circonstance des plus heureuses de ma

vie qu'à l'époque où commença mon règne je vous avais à mes côtés comme principal conseiller. Tout ce que vous avez fait et accompli pour la Prusse et pour l'Allemagne, tout ce que vous avez été pour ma maison, pour mes prédécesseurs et pour moi, restera cher à jamais aussi bien à moi qu'à tout le peuple allemand.

Même dans d'autres pays que le nôtre, votre sage et fructueuse politique de paix, que je suis fermement résolu à prendre pour base de ma politique future, restera toujours comme un souvenir glorieux.

Il n'est pas en mon pouvoir de récompenser des services tels que les vôtres el je dois me contenter de vous assurer de ma rconnaissance éternelle, ainsi que de celle de la patrie. En témoignage de ces sentiments, je vous élève à la dignité de duc de Lauenbourg et je vous fais présent, en outre, de mon portrait en grandeur naturelle.

Que Dieu vous ait en sa sainte garde, mon cher prince, et qu'il vous accorde encore de longues années d'une existence paisible, réjouie par la conscience d'un devoir noblement accompli. Avec cette espérance, je resterai à jamais votre sincèrement dévoué et reconnaissant empereur et roi.

Berlin, le 20 mars.

Au prince de Bismarck.

GUILLAUME I. R.

Dans une seconde lettre, l'empereur confère au prince de Bismarck le grade de colonel-général de la cavalerie, qui lui donne le rang de feld-maréchal. Cette lettre est ainsi conçue :

Je ne puis vous laisser quitter le poste où vous avez agi si longtemps pour ma maison, pour la gloire et le bien de la patrie sans penser, comme chef de l'armée, avec toute ma reconnaissance, aux services inoubliables que vous avez rendus à mon armée.

Avec une fermeté de fer, avec une prudence de longue portée, vous étiez aux côtés de mon grand-père à l'époque difficile où il s'agissait de réorganiser notre armée. Vous avez aidé à ouvrir la route où l'armée, avec l'aide de Dieu, est allée de victoire en victoire. Avec héroïsme, vous avez fait votre devoir de soldat pendant les grandes guerres et, depuis ce temps jusqu'à aujourd'hui, vous avez, avec une prudence et un courage continuels, tout fait pour conserver à notre peuple Théritage de ses ancêtres. Vous avez aidé par là même à maintenir la paix.

Je sais que j'agis selon les désirs de mon armée, en conservant en tête des listes l'homme qui a fait de si grandes choses. Je vous nomme colonel-général de cavalerie avec le rang de feld-maréchal et j'espère qu'avec l'aide de Dieu vous garderez longtemps cette charge.

Berlin, 20 mars 1890.

GUILLAUME, I. R.

Au général de cavalerie prince de Bismarck, à la suite du régiment de cuirassiers de Seydlitz (Magdebourg), no 7 et du deuxième régiment de la garde (landwehr.)

Voici le texte de l'ordre de Cabinet du 8 septembre 1852, qui règle les rapports du président du ministère prussien avec ses collègues, dont il a été Souvent question pendant la crise qui a amené la retraite de M. de Bismarck, et que ce dernier a refusé de modifier sur la demande de l'empereur :

J'estime nécessaire que le ministre-président ait, plus que jusqu'ici, une vue générale sur les diverses branches de l'administration intérieure, et la possibilité d'y maintenir, en vertu de sa charge, l'unité nécessaire, ainsi que de me donner, si je le demande, des éclaircissements sur toutes les mesures administratives importantes. A cet effet, j'arrête ce qui suit :

1° Au sujet de toutes les mesures administratives importantes qui n'exigent pas, d'après les règlements existants, une décision préliminaire du ministère d'Etat, le chef du département compétent aura à s'entendre au préalable, soit verbalement, soit par écrit, avec le ministre-président. Celui-ci aura la faculté, s'il le juge utile, de mettre la question en délibéré au ministère d'Etat, et aussi, selon l'occurrence, de m'en faire rapport.

2o Si, pour les mesures administratives de l'espèce susdite, mon autorisation est nécessaire, d'après les principes en vigueur, le rapport sur la question doit être remis préalablement au ministre-président qui aura à me le transmettre avec ses remarques, s'il y a iicu.

3 Si le chef d'un département ministériel eroit devoir m'exposer personnellement une affaire de son ressort, il doit en informer auparavant le ministreprésident, à temps, pour que celui-ci assiste au rapport, s'il le juge utile. Les rapports réguliers du ministre de la guerre à ma personne sont exceptés de cette procédure.

Charlottenburg, le 8 septembre 1852.

Contre-signé: MANTEUFFEL.

Signé FRÉDÉRIC GUILLAUME.

Les dépêches suivantes ont été échangées entre M. de Bismarck et M. Crispi:

A S. A. le prince Bismarck.

Bien que Votre Altesse, en renonçant aux hautes fonctions auxquelles l'avait appelée et conservée la confiance de trois empereurs, laisse à l'Allemagne comme précieux héritage une politique de paix, à laquelle Votre Altesse était complètement dévouée, je n'éprouve pas moins un profond regret de votre détermination, regret qui m'est inspiré aussi bien par l'amitié qui m'unit à Votre Altesse que par la confiance sans limites que j'avais en vous. Cette amitié, cette confiance ne peuvent diminuer. Votre Altesse doil en être convaincue, Vous pourrez toujours compter sur mon dévouement le plus complet, le plus cordial. CRISPI.

M. de Bismarck a répondu :

A S. Exc. Crispi.

Je remercie de tout mon cœur Votre Excelience des paroles affectueuses qu'elle n'a adressées. Elles sont un nouveau témoignage des sentiments de confiance et d'affection dont elle m'honore. Je les lui retourne du plus profond de mon cœur. J'ai été heureux de me trouver en présence d'un homme d'Etat comme vous quand nous avons dù traiter les affaires de nos deux pays, et je vous prie de continuer avec mon successeur les relations de confiance qui out si bien servi les intérêts de nos deux pays. Je conserverai toujours le souvenir de nos relations politiques. Je vous prie de me continuer votre amitié personnelle, qui me restera comme un résultat inaltérable de nofre travail au service de la patrie.

Conférence ouvrière.

Elle a tenu sa séance de clôture le 29 mars.

BISMARCK.

M. de Berlepch, ministre du commerce, a prononcé une longue allocution où il a fait ressortir que la Conférence n'était pas chargée d'amener une entente internationale, mais qu'elle devait formuler des voux et des opinions. « Je crois, a-t-il dit, que la Conférence a trouvé les vrais moyens de réaliser et de développer les idées tendant à protéger davantage les ouvriers et à garantir leurs forces matérielles, physiques, morales et intellectuelles; si les difficultés ont paru considérables au début, on a cependant obtenu ce résultat, que les différents Etats ont une manière de voir commune qui pourra guider les Gouvernements dans la solution des questions sociales, en même temps qu'ils tiendront compte des particularités propres à chaque nation.

«L'existence et la prospérité de l'industrie, garanties par les Gouvernements, impliquent la prospérité de la classe ouvrière.

Je suis chargé par l'empereur de vous exprimer les remerciements les plus chaleureux pour vos travaux savants et approfondis. Que la bénédiction du Seigneur fasse porter des milliers de fruits à votre œuvre ! »

M. Gorst, délégué anglais, a remercié l'empereur d'avoir convoqué une Conférence dont les résultats ont été très satisfaisants. I a exprimé l'espoir que ce ne serait pas la dernière. Quand des millions d'enfants auront pu échapper à une condition misérable, quand des millions de femmes auront été rendues aux soins domestiques, les uns et les autres se souviendront avec reconnaissance de l'initiative de l'empereur.

M. Jacobs, ministre d'Etat, délégué belge, a adressé des remerciements à M. de Berlepsch, ministre du commerce, pour la direction qu'il a imprimée aux délibérations de la Conférence.

La Conférence a été déclarée close, à trois heures vingt-cinq au nom de l'empereur.

Voici le discours que M. de Berlepsch a prononcé vendredi soir au diner qu'il offrait, à l'hôtel du Kaiserhof, à tous les délégués de la Conférence :

Je vous demande la permission d'enfreindre les prescriptions du règlement qui a dirigé jusqu'ici le cours de nos délibérations, en vous adressant quelques mots en allemand, car je suis d'avis que, lorsqu'il s'agit d'exprimer, non pas tant les réflexions de la raison que les sentiments du cœur, il faut se servir de la langue maternelle, de la langue que la mère nous a apprise et qui est pour nous la source première de tous les bons et nobles mouvements du cœur. Parmi ces bons mouvements je range la recounaissance. C'est la reconnaissance qui me pousse à vous parler en ce moment.

Je dois vous remercier, honorés collègues de la Conférence internationale pour la protection des ouvriers, dont je m'honorerai toujours d'avoir été le président, je dois vous remercier du zèle avec lequel vous vous êtes voués à la solution de la haute tâche qui nous était imposée, de la bonne volonté avec laquelle vous avez mis à la disposition de la Conférence vos nombreuses connaissances et expériences; je dois vous remercier du zèle avec lequel vous avez accompli les travaux et supporté les fatigues de notre collaboration de quinze jours, et avant tout de la déférence que vous avez montrée chacun pour les opinions des autres, pour atteindre le but fixé à la Conférence.

Jamais, Messieurs, vous n'avez oublié que vous étiez appelés à délibérer pour la première fois, dans une réunion internationale, sur des questions dont la solution n'est possible que si la raison et le cour, l'âme et l'intelligence sont appelés à coopérer au même titre à l'oeuvre commune. Et vous avez prouvé que les efforts qui tendent à améliorer le sort des classes qui travaillent, sont doués d'une puissance morale tellement grande, que les frontières des divers pays ne sont plus un obstacle insurmontable lorsqu'on ne perd pas de vue le grand but à atteindre et que les questions de forme ne sont pas considérées comme l'essentiel.

Mais, Messieurs, je dois vous remercier d'autre chose encore, et c'est là ce qui m'émeut le plus, aujourd'hui que je vous parle pour la dernière fois et non pas à titre officiel, je dois vous remercier de l'esprit dans lequel et de la façon dont vous avez pris part aux délibérations de la Conférence. Bien que, parmi les délégués des diverses nations, il ne s'en trouvât probablement pas un qui en connût un autre; bien que dans la discussion des questions qui nous étaient soumises, nous fussions tous liés plus ou moins par les intérêts particuliers de notre patrie, par le développement extérieur et l'état actuel de notre législation, ainsi que par les instructions de nos Gouvernements, nous avons

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