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du corps, et que cependant les premiers ont plus de prix, comme si l'effet pouvait être supérieur à la cause : « Animi » voluptas oritur propter voluptatem corporis, et major est >> animi voluptas quam corporis? Ita fit ut gratulator lætior > sit quam is cui gratulatur. » Or, cela même n'est pas impossible, car souvent le bonheur d'une personne cause å d'autres personnes plus de plaisir qu'elle n'en reçoit elle

même.

Descartes applique non moins lestement le même principe en sens inverse, en inférant la nature des effets de la supposition qu'ils doivent ressembler à leur cause dans telle ou telle de leurs propriétés ou dans toutes. A cette classe appartiennent ses spéculations, et celles de tant d'autres après lui, tendant à juger de l'ordre de l'univers, non d'après l'observation, mais à priori, en l'inférant des qualités supposées de la divinité. Ce genre d'inférence n'a probablement jamais été aussi largement employé que ne l'a fait, dans un cas particulier, Descartes, lorsque, pour prouver un de ses principes de physique, que la quantité de mouvement dans le monde est invariable, il a recours à l'immutabilité de la Nature Divine. Une manière de raisonner analogue est cependant presque aussi commune aujourd'hui qu'elle l'était de son temps, et remplit largement son office comme moyen de défense contre des conclusions fâcheuses. On continue toujours d'opposer la bonté de Dieu à l'évidence de faits matériels, au principe de la population par exemple; et l'on semble, en général, croire avoir fait un très-puissant argument, quand on a dit que supposer vraie une certaine proposition, ce serait faire injure à la sagesse ou à la bonté divines. Réduit à sa plus simple expression l'argument revient à ceci : « S'il avait dépendu de moi, la proposition n'aurait pas été vraie, donc elle n'est pas vraie. » Mis en d'autres termes, il prend cette autre forme : « Dieu est parfait; donc la perfection (ce que je crois la perfection) doit être dans la nature. » Mais comme en réalité chacun voit bien que la nature est fort loin d'être parfaite, la théorie n'est jamais appliquée avec conséquence. Elle fournit un

argument auquel, comme à beaucoup d'autres du même. genre, on a volontiers recours quand il favorise notre opinion. Il ne convainc personne, mais chacun semble croire qu'il met la religion de son côté en l'employant, que c'est une bonne arme pour blesser un adversaire.

Bien d'autres variétés du sophisme à priori pourraient probablement être ajoutées aux précédentes, mais celles-ci sont les seules contre lesquelles il a paru nécessaire de se mettre particulièrement en garde. Nous voulons mettre le sujet à l'étude, sans essayer ni prétendre l'épuiser. Ayant donc suffisamment expliqué cette première classe de Sophismes, je passerai à la seconde.

CHAPITRE IV.

SOPHISMES D'OBSERVATION.

§ 1.

Des sophismes qui sont proprement des Préjugés, c'est-à-dire des présomptions établies avant et à la place de la preuve, nous allons passer à ceux qui consistent en un mode vicieux de procéder dans l'opération de la preuve. Et comme une preuve, dans toute son étendue, embrasse un ou plusieurs ou la totalité de trois procédés, l'Observation, la Généralisation et la Déduction, nous examinerons dans leur ordre les erreurs qui peuvent être commises dans ces trois opérations. Commençons par celles du premier procédé.

Un sophisme par mauvaise observation peut être négatif ou positif, de Non-observation ou de Mal-observation. Il y a Non-observation quand toute l'erreur consiste à laisser passer ou à négliger des faits et particularités qu'il fallait remarquer. Il y a Mal-observation lorsque une chose n'est pas inaperçue seulement, mais est mal vue; lorsque le fait ou phénomène, au lieu d'être reconnu pour ce qu'il est en réalité, est pris pour quelque chose autre.

§ 2. La non-observation peut avoir lieu, soit faute de

remarquer les faits, soit faute de remarquer quelques-unes des circonstances d'un fait donné. Si faute de noter les cas où les prédictions d'un diseur de bonne aventure ont été démenties par l'événement, nous concluions qu'il est un vrai prophète, ce serait une non-observation des faits; mais si nous ignorions ou oubliions que dans les cas où ses prédictions se sont accomplies il était de connivence avec un compère qui lui a fourni les informations sur lesquelles elles étaient fondées, ce serait une non-observation de circonstances.

Le premier de ces cas, en tant qu'il implique une induction insuffisante, n'appartient pas à la seconde classe de sophismes, mais à la troisième, à celle des sophismes de Généralisation. Dans tous les cas de ce genre, du reste, il y a deux erreurs au lieu d'une; il y a l'erreur de considérer comme suffisante une preuve qui ne l'est pas, ce qui est un sophisme de la troisième classe, et il y a l'erreur de l'insuffisance elle-même, du défaut de preuves meilleures, ce qui, lorsque ces preuves, ou, en d'autres termes, d'autres faits devaient avoir été recueillis, est de la Non-observation; et la mauvaise inférence, en tant qu'elle dépend de cette cause, est un Sophisme de la seconde classe.

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Nous n'avons pas à traiter ici de la non-observation provenant d'un manque d'attention accidentel, de mauvaises habitudes mentales, du défaut d'exercice des facultés d'observation ou du peu d'intérêt du sujet de la recherche. La question afférente à la logique est celle-ci Le défaut de complète compétence chez l'observateur étant admis, en quels points cette insuffisance doit-elle probablement le faire tomber dans l'erreur? ou mieux : quels sont les faits ou les circonstances d'un fait donné qui doivent le plus vraisemblablement échapper à l'attention du grand nombre des observateurs, de tous les hommes en général.

§ 3.

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Et d'abord, il est évident que lorsque les cas relatifs à une des faces d'une question sont de nature à être probablement plus aisés à retenir et à noter que ceux affé

rents à la face opposée, surtout s'il y a quelque motif trèsfort de conserver le souvenir des premiers et non des autres, ces derniers seront vraisemblablement négligés et échapperont, en général, à l'observation. C'est là évidemment l'explication du crédit accordé, contre toute raison et toute preuve, aux imposteurs de toute espèce, aux empiriques, aux diseurs de bonne aventure de tous les temps, au devin moderne et aux oracles anciens. Peu de gens ont remarqué combien est étendue en pratique l'influence de ce sophisme, même contre l'évidence la plus palpable. Un exemple frappant est la confiance que les agriculteurs sans instruction, dans ce pays et ailleurs, continuent d'avoir aux prédictions du temps que donnent les almanachs, bien que chaque saison leur apporte des cas nombreux de la complète fausseté de ces prophéties; mais comme chaque saison fournit aussi des cas où la prédiction est vérifiée, c'en est assez pour soutenir le crédit du prophète auprès des gens qui ne pensent pas au nombre des cas qu'il faudrait pour légitimer ce que nous avons appelé dans notre terminologie inductive l'Élimination du Hasard; un certain nombre de coïncidences fortuites entre deux événements sans rapport l'un à l'autre pouvant et même devant avoir lieu.

Coleridge, dans un de ses Essais, a éclairci ce point, en discutant l'origine de ce proverbe qui, avec des expressions différentes, se trouve dans toutes les langues de l'Europe: la Fortune favorise les fous. Il l'attribue en partie à la tendance à exagérer les effets qui semblent disproportionnés à leur cause visible, et les circonstances qui contrastent fortement de quelque manière avec ce que nous savons des personnes, qui s'y trouvent engagées ». J'omets quelques explications qui rapporteraient l'erreur à la mauvaise observation ou à la seconde espèce de non-observation (celle des circonstances), et je reprends un peu plus loin la citation. «Des coïncidences imprévues peuvent avoir grandement servi un homme; cependant si elles ne lui ont valu que ce qu'il aurait pu obtenir lui-même par ses propres moyens, sa réussite excitera moins d'attention et on se le

rappellera moins. Il paraît naturel qu'un homme habile arrive à ses fins, et l'on ne remarque pas les circonstances auxquelles seules peut-être, et sans son intervention et prévoyance personnelles, il doit son succès; mais on le remarque et on se le rappelle, comme un fait étrange, lorsque la chose arrive à un homme ignorant et incapable. Pareillement, bien que ce dernier ait échoué dans ses entreprises par des accidents qui auraient pu arriver à l'homme le plus sage, son échec, n'étant que ce qu'on pouvait attendre et prévoir de sa sottise, ne fixe pas l'attention, mais roule et disparaît au milieu des vagues indistinctes du courant de la vie murmurant autour de nous, et est oublié. Fût-il aussi vrai qu'il est notoirement faux que ces découvertes compréhensives, qui ont fait poindre la science sur l'art de la chimie, et donnent la juste espérance d'une grande loi constitutive, dans le sein de laquelle résident l'empire sur la nature et la puissance prophétique; si, dis-je, ces découvertes, au lieu d'être, comme elles l'ont été en réalité, élaborées par la méditation et fécondées par l'intelligence, étaient arrivées, par un concours d'accidents heureux, à l'illustre père et fondateur de l'alchimie philosophique; Si elles s'étaient offertes au professeur Davy uniquement parce qu'il aurait eu la chance de posséder une batterie électrique particulière; si cette batterie elle-même eût été pour Davy un accident et non (comme elle était en fait) un moyen voulu et obtenu par lui de confirmer ses principes par le témoignage de l'expérience, de soumettre la nature à l'inquisition de la raison, et de lui arracher, comme par la torture, des réponses catégoriques à des questions préparées et préconçues; les résultats de ses recherches n'auraient pas pour cela été considérés comme des bonnes fortunes, mais comme des conséquences de son génie et de son habileté reconnus. Mais si un accident avait fait faire de semblables découvertes à un ouvrier de Birmingham ou de Sheffield, et si cet homme s'était enrichi par elles, et si, en partie par envie, en partie par bonne raison, il passait chez ses voisins pour un homme de peu d'intelligence; oh! alors, quel heu

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