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SUISSE

Le travail législatif (p. 201). Proposition de création du droit d'initiative législative populaire (p. 201). La loi militaire d'avril 1907 (p. 202). Le nouveau Code civil (p. 204). Les finances de la Confédération (p. 204). La «< Banque nationale» (p. 205). La séparation de l'Eglise et de l'Etat et l'interdiction de l'absinthe dans le canton de Genève (p. 206). Les grèves du canton de Vaud (p. 207).

La vie politique de la Suisse évolue avec calme et sans à-coup. On constate seulement depuis quelques années un courant de plus en plus fort vers la centralisation et le développement d'organes fédéraux dont les manifestations les plus intéressantes ont été le rachat des chemins de fer de l'État et l'institution d'une Banque nationale.

Les élections du 29 octobre 1905 ont été marquées par une défaite éclatante des socialistes qui perdaient plusieurs sièges, principalement dans les cantons de langue allemande. Les radicaux et les libéraux avaient fait front contre l'ennemi commun, et le succès couronna cette tactique facilitée par les imprudences des socialistes au Congrès de Lausanne du mois d'août 1906 leur antimilitarisme outrancier leur valut le désaveu de la démocratie hetvétique, et ce désaveu a continué de se manifester en toute occasion depuis deux ans.

Le travail législatif. - Des faits importants se sont produits et des lois considérables ont été votées dans la Confédération ou dans les cantons au cours de l'année 1906-1907.

Le Conseil national n'a pas encore statué sur la proposition de Zurich et de Soleure qui, usant de leurs prérogatives constitutionnelles, demandaient à l'Assemblée fédérale d'introduire dans la Constitution, à côté de l'initiative populaire constitutionnelle, une initiative populaire législative, c'est-à-dire le droit octroyé à

50.000 citoyens de proposer une loi, ou la modification ou l'abrogation d'une loi. C'est le complément logique des droits populaires de l'initiative constitutionnelle et du référendum facultatif.

Cependant, la proposition ne paraît avoir suscité un enthousiasme bien vif, ni dans les Chambres ni dans les pays. D'ailleurs, le Conseil fédéral qui avait présenté le projet au Conseil national ne tenait pas compte de ce principe fondamental de l'organisation politique suisse qui repose tout entier sur la double coopération du peuple et des cantons. Le Conseil fédéral proposait de se passer du vote des États pour donner un caractère définitif à la loi émanée de l'initiative populaire, et, en cas de désaccord avec les Chambres ou avec l'une d'elles, de soumettre l'initiative populaire uniquement au référendum, c'est-à-dire de lui donner force de loi, si elle était approuvée par la majorité des citoyens suisses votants.

Après un débat de deux jours au Conseil national la proposition fut renvoyée au Conseil fédéral (décembre 1906) pour un nouvel

examen.

Les Chambres ont discuté un projet de loi sur l'assurance contre la maladie et les accidents. L'assurance-maladies fonctionnera par le moyen de caisses de secours que la loi reconnaît, surveille et subventionne. Quant à l'assurance-accidents, il y sera pourvu par un office suisse d'assurances placé sous la direction du Conseil fédéral et auquel seront tenues de s'assurer toutes les personnes employées dans une entreprise de travaux publics ou de mécanique. On a calculé que les charges totales qui seraient supportées de ce chef par les finances fédérales s'élèveraient à 3.256.000 francs pour l'assurance-maladies et à 3.650.000 francs pour l'assurance-accidents. On pense que les plus-values du budget permettront de subvenir à ces nouvelles dépenses, sans nécessiter un nouvel impôt qui compromettrait gravement la mesure au moment du référendum.

Mais la loi qui domine l'année 1907 est la nouvelle loi militaire votée le 12 avril 1907, et qui a eu pour but de rajeunir l'armée et de porter à son maximum la puissance défensive de la Suisse. Elle a été minutieusement étudiée dans tous ses détails.

Cette loi a pour but de faire une application plus stricte du principe que tout Suisse est tenu de porter les armes »>, tout en allégeant les charges du citoyen chaque fois que cela est possible sans préjudicier à la défense militaire.

Le citoyen suisse sera astreint au service militaire de vingt à quarante-huit ans, au lieu de cinquante ans, et à l'impôt militaire jusqu'à quarante ans, au lieu de quarante-quatre ans. La loi restreint les exemptions et appelle désormais au service, comme les autres citoyens, le personnel des administrations et les instituteurs primaires. Les familles des soldats indigents seront secourues plus complétement.

La loi réforme profondément l'instruction des troupes tout en subventionnant largement les institutions, sociétés de gymnastique ou de tir qui ont pour but de préparer au service militaire, elle concentre le service sur les jeunes classes de vingt à vingt-huit ans et exige une augmentation de service de dix jours. Cette loi entraîne enfin quelques sacrifices d'ordre financier : elle coûtera environ 5 millions de plus par an que la loi précédente.

Le projet de loi avait été adopté par 105 voix contre 4. Combattue avec la plus grande ardeur par les socialistes, bien que la classe ouvrière bénéficie d'une meilleure répartition du service, parce qu'elle exige quelques sacrifices de la part du citoyen, et surtout parce qu'elle prévoit l'intervention de l'armée pour le maintien de l'ordre à l'intérieur, la loi fut soumise sur leurs incitations au référendum populaire. Exploitant le thème connu des « exagérations militaristes », ils réussirent à recueillir 86.000 signatures au lieu de 30.000 seulement qui étaient nécessaires et firent une pro pagande très-active.

Cette propagande fut inutile. Le dimanche 3 novembre le peuple se prononça et accepta la loi à une énorme majorité : 592.000 électeurs sur 755.000 prirent part au scrutin, ce qui était un chiffre tout à fait inusité: 326.000 voix se prononcèrent pour l'acceptation, 264 000 contre. Il faut remarquer que tous les cantons catholiques à l'exception de Lucerne se trouvent parmi les rejetants. Le plus grand nombre des rejetants appartiennent à la Suisse française. Dans les cantons allemands, au contraire, la participation des acceptants dépassa parfois 80 p. 100 et atteignit même en Thurgovie 93 p. 100. C'est donc dans les pays allemands que cette réac

tion significative contre les « exagérations antimilitaristes » s'est produite avec le plus de force.

Au cours de la session de juin les deux Conseils ont réussi à se mettre d'accord sur une rédaction unique des lois civiles de la Suisse. Cette unification est une œuvre considérable qui rendra de grands services. Le nouveau Code civil entrera en vigueur en 1908.

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Les finances de la confédération. Les finances de la Suisse continuent à avoir l'aspect d'un organisme sainement constitué. La dette fédérale est de 93.800.000 francs, représentée par deux emprunts amortissables jusqu'en 1940 et 1952. Ces chiffres n'ont rien d'excessif. Cependant la loi militaire et les lois d'assurance creuseront vraisemblablement un trou d'une douzaine de millions dans le budget, On pense que les recettes nouvelles résultant d'un relèvement des tarifs douaniers, le seul impôt que la Confédération perçoive, permettront de boucler facilement le budget de .1908.

La Suisse a conclu, en effet, en 1906, une série de nouveaux traités de commerce. Un de ceux dont la négociation a été la plus laborieuse est le traité de commerce signé avec la France. On futà deux doigts de la rupture commerciale entre les deux pays, et l'on tomba d'accord sans éprouver de part et d'autre un bien vif enthousiasme pour la transaction qui permit la signature de la convention. Les chemins de fer fédéraux ne donnent pas des résultats

très encourageants. Le budget de ces chemins de fer en 1907 a été évalué à 53 millions, tant pour les recettes que pour les dépenses; il s'est équilibré à 250.000 francs près portés au compte de profits et pertes. Le budget des profits et pertes, recettes et dépenses, se présentait ainsi : recettes totales 53 millions (en augmentation considérable sur les années précédentes); dépenses. 39 millions pour le service de la dette consolidée; 6 millions pour amortissements; 607.000 francs pour le service de la dette flottante; 7 millions versés au fond de renouvellement.

La dette qui pèse sur le réseau fédéral est de 1.152 millions de francs et le service des intérêts, avec les emprunts nécessités pour les travaux nouveaux, va s'accroissant d'année en année. Les services sans doute ont été améliorés, ainsi que la situation du personnel. Il n'en est pas moins vrai que la progression des dépenses dépasse celle des recettes l'année 1907 laissera un déficit, peu important sans doute, mais qui risque de s'accroître pour peu que les recettes de 1908 fléchissent ou restent simplement stationnaires.

Le 15 octobre 1906 ont été commencés les travaux de percement de la ligne du Loetschsberg.

Un événement important dans le domaine intérieur a été l'ouverture dans la deuxième quinzaine de juin des guichets de la Banque nationale, fondée en exécution de la loi du 16 janvier 1906. Deux fois le peuple avait rejeté au référendum les projets instituant une Banque d'État. Aussi la Banque actuelle est-elle fondée avec la participation des capitaux privés. C'est une banque purement commerciale, qui a reçu le privilège de pratiquer l'émission des billets de banque et l'escompte de tous les effets de change, y compris les effets de change d'agriculteurs reposant sur une opération commerciale.

Le capital (25 millions) a été fourni pour 2/5 par des souscriptions privées, pour 1/5 par les anciennes banques d'émission cantonales au prorata du nombre des habitants des cantons. L'État s'est réservé la prépondérance dans les conseils de la Banque; sur 40 membres du conseil d'administration, 25, et notamment le président et le vice-président, sont nommés par le Conseil fédéral, qui nomme aussi 3 membres de la direction et tous les directeurs et sous directeurs des succursales. Les actionnaires touchent 40 p. 100 des bénéfices; le reste est partagé dans la proportion d'un tiers à la Confédération et de 2/3 aux cantons.

La situation économique de la Suisse est excellente. Elle est à l'heure actuelle, en proportion de sa population le pays le plus industriel de l'Europe. Beaucoup d'argent français est placé en Suisse, 800 millions de francs, au moins, peut-être 1 milliard.

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