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La séparation de l'Eglise et de l'Etat, et l'interdiction de l'absinthe dans le canton de Genève. Dans le canton de Genève, deux faits politiques et sociaux importants se sont produits en 1907. D'abord, la suppression du budget des cultes. Cette suppression était depuis longtemps proposée par les radicaux et cette proposition, bien qu'elle ait été déjà discutée sans résultats en 1880 et en 1898 ne pouvait froisser ou les protestants ou les catholiques. L'Église nationale protestante est elle-même divisée, et l'Église catholique nationale n'était plus qu'une Église schismatique sans clergé, sans fidèles et qui détenait inutilement les plus importants édifices religieuxdu canton'.

Les raisons politiques pour lesquelles Antoine Carteret avait favorisé en 1873 une Église schismatique aux dépens des catholiques romains n'existant plus ou plutôt ayant changé, les radicaux genèvois ont proposé la suppression du budget des cultes dont les subventions profitaient aux seuls catholiques schismatiques.

La mesure était préconisée principalement par les libres penseurs et les socialistes. Les protestants étaient divisés et les catholiques, eux-mêmes, n'avaient pas les mêmes raisons qu'autrefois d'accepter la séparation, parce que le dépérissement de l'Église catholique officielle pouvait leur permettre d'espérer de recueillir, à un moment donné, son héritage, y compris les subventions gouvernementales. Aussi le camp catholique était-il partagé en deux groupes à peu près égaux sur la question : les séparatistes qui voyaient le moyen de reprendre rapidement possession des églises remises aux schismatiques, les antiséparatistes qui voyaient surtout dans la séparation un signe d'affaiblissement des idées religieuses.

Le peuple de Genève, à une faible majorité, consacra le principe de la séparation. Il reste à savoir si cet exemple, le premier, gagnera les autres cantons.

Le gouvernement fédéral, en Suisse, ne reconnaît aucun culte national et n'en subventionne aucun. Chacun des cantons règle comme il l'entend ses rapports avec les églises la plupart subventionnent les cultes. Les idées de séparation des Eglises et de l'Etat n'ont pénétré jusqu'ici que dans les cantons de Genève, Bâle-Ville, Soleure, Schaffhouse, Neuchâtel et Vaud.

En avril, eut lieu une autre consultation populaire sur la suppression de la vente en détail de l'absinthe dans le canton de Genève établie dans la loi du 2 février 1907 qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1908.

Par 7.895 voix contre 7.173, à majorité faible, par conséquent (mais il faut tenir compte de l'effort énorme déployé contre la loi par tous les industriels et commerçants intéressés à la vente du produit), le peuple de Genève approuva la loi. Cet acte de sagesse est de bon augure pour le succès de la loi due à l'initiative fédérale pour la prohibition de la fabrication, de l'importation et de la vente de l'absinthe dans toute la Confédération. Le 3 janvier 1907 une pétition en ce sens, portant 168.341 signatures, a été remise aux autorités fédérales. Le vote du peuple et des cantons suisses concernant cette loi doit avoir lieu au commencement de 1908.

Les grèves du canton de Vaud. Des troubles assez sérieux se sont produits à Vevey, Montreux, et Lausanne à l'occasion d'une grève d'ouvriers chocolatiers dans les derniers jours du mois de mars 1907. Les ouvriers des fabriques Kohler, Nestle et Ormond, ayant réclamé une augmentation de salaires, entendirent obliger les patrons à négocier par l'entremise de leur syndicat. Le refus de ceux-ci de reconnaître ce syndicat entraîna la grève. La grève proclamée, les excitations des meneurs eurent leur effet habituel : cortèges, discours enflammés et bagarres. Bientôt le mouvement s'étendit, l'Union ouvrière proclama la grève générale à Lausanne (26 mars).

L'autorité cantonale agit avec beaucoup de vigueur et de sangfroid. Vevey fut immédiatement occupé par un bataillon d'infanterie et un escadron de dragons mobilisés pour la circonstance : ils dispersèrent les grévistes. En même temps les patrons, persistant dans leur refus, réclamèrent l'arbitrage du gouvernement. Lausanne fut occupée militairement; l'imprimerie de l'Union ouvrière, qui avait publié un manifeste violent fut fermée, l'anarchiste français, Sébastien Faure, expulsé.

Devant ce déploiement de vigueur, les syndicats exaspérés ten

tèrent un suprême effort. Les syndicats ouvriers de Genève, par solidarité, proclamèrent la grève générale. A Lausanne, les troubles augmentaient, les réfugiés révolutionnaires russes s'en mêlaient. Il y eut une tentative d'incendie des chantiers d'une Compagnie de navigation (28 mars).

Mais le syndicalisme suisse est loin d'avoir sur les populations la même emprise qu'en d'autres pays. La grève générale fit long feu. On chôma le 29 mars à Genève. Mais ce fut le chômage habituel du Vendredi Saint, et le travail reprit le lendemain après quelques courtes bagarres. L'opinion publique était très montée contre les grévistes, les commerçants mécontents de l'arrêt des affaires, les agriculteurs furieux d'être arrachés à leurs travaux par ce brusque appel aux armes que les troubles nécessitaient.

En même temps, les négociations, qui avaient échoué, étaient reprises à Vevey et à Lausanne entre les patrons chocolatiers et les ouvriers. Cette fois elles aboutirent. On convint de reprendre le travail le 2 avril. Dès le 30 mars, les autres métiers qui n'avaient pas de raisons de continuer la grève reprenaient le travail. Le calme revenait et les troupes étaient licenciées.

Les grèves étaient donc promptement terminées. Mais l'alarme avait été chaude dans la paisible population de Vaud. L'opinion publique exaspérée contre les meneurs s'est montrée favorable à tout ce qui pouvait empêcher le retour des troubles analogues. Une garde civique a éte organisée à Vevey, de concert avec la police, par un comité d'initiative. Elle se recrute par enrôlements volontaires; les enrôlés s'engagent à répondre immédiatement à toute convocation du commandant ou de son remplaçant et à obéir aux ordres des chefs avec la plus étroite discipline. L'état-major de la garde peut refuser l'inscription d'un citoyen, bonne précaution contre l'intention qu'avaient manifestée certains éléments anarchistes de s'inscrire. Il y a là une initiative intéressante et qui est d'un enseignement utile.

BELGIQUE ET ÉTAT LIBRE DU CONGO

I. BELGIQUE.

Les élections de 1906 et Naeyer (p. 210). Le ministère de Trooz

la chute du ministère de Smet de (p. 211). Le travail parlementaire

(p. 212). Les élections communales (p. 214). Le lock-out de Verviers et le lock-out du port d'Anvers (p. 215).

II. ETAT LIBRE du CONGO.

Question de l'annexion à la Belgique (p. 218). Le bilan de l'État libre (p. 220). Le traité de cession, 28 novembre 1906 (p. 221).

I

BELGIQUE

La caractéristique de la vie politique belge, depuis bientôt un quart de siècle, a été la permanence du parti catholique au pouvoir. Cette permanence n'a pas été sans influencer profondément la vie économique et sociale du pays. Les catholiques ont apporté dans l'étude des problèmes sociaux un sens très vif des réalités et une grande indépendance à l'égard des principes de l'école libérale. Aussi disputent-ils avec des chances de succès sérieuses la clientèle populaire au parti socialiste, principalement dans les Flandres où ils prédominent. Cependant leur prépondérance n'est plus aussi marquée que dans les premières années qui suivirent leur retour au pouvoir en 1884. La réforme constitutionnelle, (le suffrage universel et la représentation proportionnelle) a rendu des forces à leurs adversaires, principalement aux libéraux, qui ne comptaient plus à la Chambre des représentants. Les libéraux, unis aux socialistes, constituent une opposition considérable, mais très morcelée. Leurs divisions sont pour eux une grande cause d'impuissance. Toutefois, il faut noter que la présence de cette opposition oblige le gouvernement catholique à une certaine pru

VIE POLIT. 1906-07.

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dence et à une plus grande modération qu'au début de sa domination d'autant plus qu'une partie de la majorité, sous le nom de <«< jeune droite », tente depuis quelques années de secouer le joug que la toute-puissance de M. Woeste a fait peser si longtemps sur la politique du parti au pouvoir.

Les élections de 1906 et la chute du ministère de Smet de Naeyer. Les élections de mai 1906 n'ont apporté que très peu de changements à la situation des partis. Le « bloc » composé des libéraux et des socialistes allait à la bataille électorale avec un programme qui comprenait les réformes suivantes : 1° instruction obligatoire; 2° suffrage universel, c'est-à-dire suppression du vote plural; 3° réforme du service militaire, c'est-à-dire suppression du remplacement. Quelques-uns des articles de ce programme, surtout le premier, répondent à certaines nécessités importantes : le nombre des illettrés atteint, en Belgique, 17,5 p. 100 de la population. Cependant ce programme n'a pas réussi à amoindrir sensiblement la majorité catholique. Avant la réforme de 1900, celle-ci atteignait 70 voix. En 1902, elle tomba à 26 voix. En 1904 elle était encore de 20 voix; en mai 1906, elle n'a plus été que de 12 voix. Les catholiques restaient à la Chambre des députés au nombre de 89; les libéraux étaient 46, les socialistes 30. Les catholiques perdaient cinq sièges, dont 3 gagnés par les radicaux et 2 par les socialistes.

Le scrutin du 28 mai 1906 indiquait donc, comme les précédents, une lente décroissance des forces de parti catholique sans signifier une décadence assurée, ni même très prochaine. Cette petite diminution de la majorité a rendu néanmoins le gouvernement plus difficile, d'autant plus que des hommes considérables du parti catholique, MM. Beernaert, Helleputte, Verhaegen faisaient au président du Conseil M. de Smet de Naeyer, au pouvoir depuis le 5 août 1899, une opposition assez vive, quoique discrète, qui se manifesta principalement dans la question des fortifications d'Anvers.

Ces difficultés sont surtout apparues, au cours de la session parlementaire 1906-1907, à propos de la discussion de la loi sur les

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