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volonté, en laissant intactes la sensibilité générale et spéciale, les facultés intellectuelles et affectives, et toutes les fonctions de la vie nutritive, autres que la nutrition musculaire.

2o Que cette paralysie musculaire graduelle est la conséquence de l'atrophie progressive des racines antérieures des nerfs rachidiens et de l'atrophie également progressive des muscles correspondants, avec intégrité parfaite des racines postérieures des mêmes nerfs, intégrité parfaite des cordons antérieurs et postérieurs de la moelle et intégrité parfaite de l'encéphale.

:

3° Que cette paralysie musculaire atrophique doit être rapprochée non de la paralysie qui a son point de départ aux centres nerveux, mais de celle qui résulte de la section des nerfs affectés aux muscles ainsi la section du nerf radial, du nerf cubital, ou du nerf médian, détermine dans les muscles de l'avant-bras et de la main, auxquels chacun de ces muscles fournit, une paralysie musculaire atrophique identique à celle qui résulte de l'atrophie des racines spinales antérieures, portée à son plus haut degré de développement.

4 Que les faits relatifs à la paralysie musculaire atrophique sont pleinement confirmatifs du grand théorème de Charles Bell, en ce qui touche la distinction des racines des nerfs spinaux en racines antérieures ou motrices, et en racines postérieures ou sensitives. J'ajoute que ces faits pathologiques peuvent en être considérés comme la démonstration la plus complète et la plus péremptoire.

5° Que ces observations établissent une influence non soupçonnée des racines antérieures des nerfs spinaux sur la nutrition musculaire; et je ne puis pas ne pas faire remarquer que des physiologistes modernes distingués ont dit, au contraire, que les racines postérieures des nerfs spinaux avaient, à l'exclusion des racines antérieures, des connexions intimes avec le travail nutritif des organes. Et qu'il me soit permis de dire que les faits d'anatomie pathologiques sont, bien souvent, des expériences toutes faites sorties des mains mêmes de la nature, qui doivent marcher parallèlement avec les faits de la physiologie expérimentale. N'oublions pas, comme je l'ai dit ailleurs, que les faits pathologiques sont une espèce de critérium qui confirme toutes les vérités conquises par l'expérimentation, et qui bat en brèche toutes les erreurs.

5° Que ces observations établissent en outre un fait bien im

portant dans l'état actuel de la physiologie, à savoir l'indépendance des racines spinales antérieures des cordons antéro-latéraux de la moelle; car les cordons antéro-latéraux correspondants aux racines spinales antérieures atrophiées n'avaient subi la moindre altération ni dans leur volume, ni dans leur forme, ni dans leur couleur, ni dans leur structure; les deux moelles que j'ai déposées au musée Dupuytren prouvent cette indépendance d'une manière irrécusable.

6o Donc l'origine réelle des racines antérieures des nerfs spinaux n'est pas aux cordons antéro-latéraux ; or, si cette origine n'est pas aux cordons antéro-latéraux, elle est nécessairement à la substance grise centrale de la moelle, ainsi que je l'ai souvent soupçonné, je dirais presque démontré, par mes études de la moelle à l'aide d'un filet d'eau assez délié pour séparer, sans les lacérer, les fibres nerveuses verticales, parallèles et indépendantes, qui constituent les faisceaux blancs de cet organe.

C'est donc dans la substance grise de la moelle qu'il faudra chercher le point de départ de l'atrophie des racines antérieures des nerfs spinaux, et je ne serais pas étonné qu'on trouvât dans cette substance grise centrale de la moelle, aussi peu connue dans sa structure que dans ses usages, une lésion matérielle explicative de l'atrophie des racines correspondantes.

Une autre question d'anatomie pathologique relative à la paralysie musculaire atrophique reste encore à résoudre :

Que deviennent les racines spinales antérieures atrophiées dans les cordons nerveux dont elles font partie? Rien de plus facile à déterminer quant aux nerfs exclusivement consacrés aux mouvements; rien de plus difficile quant aux nerfs mixtes.

Ainsi, chez un de nos sujets dont la langue était complétement paralysée et atrophiée, les nerfs grands hypoglosses n'avaient pas le tiers de leur volume ordinaire en outre, le tissu nerveux qui les constituait était d'une couleur gris terne et sans disposition linéaire. Or j'ai démontré ailleurs que la couleur grise et l'absence de disposition linéaire étaient les deux signes caractéristiques de l'atrophie nerveuse. L'immersion des nerfs dans l'acide nitrique, tout en permettant de les dépouiller de leur névrilème, a rendu l'atrophie plus évidente encore par le contraste qui existait entre les filets nerveux bien blancs et bien nourris du nerf lingual et l'exiguïté,

la couleur grise terne et la disposition pultacée du grand hypoglosse correspondant. On pourra consulter cette pièce au musée Dupuytren, où je l'ai déposée.

Quant aux nerfs mixtes, c'est-à-dire aux nerfs à la fois moteurs et sensitifs, j'ai suivi les racines antérieures atrophiées jusqu'au moment de leur immersion dans le cordon qui émane du ganglion des racines postérieures; mais il m'a été impossible de les poursuivre plus loin, à quelque préparation que j'aie soumis la pièce. Je n'ai pu retrouver l'atrophie que dans les filets nerveux terminaux qui se détachent du cordon nerveux pour se perdre dans les muscles complétement atrophiés.

Voici les deux observations qui m'ont permis de déterminer que dans la paralysie musculaire atrophique, il y avait non-seulement atrophie des muscles de la vie de relation, mais encore atrophie des racines antérieures des nerfs rachidiens correspondants aux muscles atrophiés.

La première de ces observations a été déjà l'objet d'une communication faite à l'Académie de médecine; c'est celle du saltimbanque Lecomte, dont le nom restera attaché à l'histoire de cette maladie, comme en ayant offert le type le plus parfait; je n'en présenterai ici que le résumé, renvoyant, pour les détails, aux bulletins de l'Académie de médecine (1).

La seconde observation, que j'ai recueillie dans mon service, l'année dernière, 1854, était encore inédite.

OBSERVATION [re.

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Paralysie atrophique du système musculaire ; atrophie des racines antérieures des nerfs spinaux. Lecomte, 32 ans, saltimbanque, est entré dans mon service en juillet 1850, avec une paralysie musculaire atrophique déjà en grande partie généralisée; il fait remonter à deux ans environ (en 1848) l'origine de sa maladie, dont il accuse une nuit passée à la belle étoile, sur un pavé boueux. Trois semaines après, Lecomte éprouve un sentiment de faiblesse dans la main droite, une grande difficulté à saisir les objets, à tirer son mouchoir de sa poche, et, dès ce moment, il ne lui fut plus possible de jouer du cornet à piston; il assure d'ailleurs qu'à cette époque, tous les mouvements du membre supérieur droit, autres que ceux de la main, comme aussi les mouvements du reste du corps, étaient parfaitement libres. Pendant un

(1) Bulletin, 1853. Voir à la suite de cette observation l'histoire générale de cette maladie, et la discussion dont elle a été l'objet; lire surtout l'intéressant discours de M. Parchappe.

an, l'affaiblissement de la myotilité fut bornée aux muscles de la main ; au bout de ce temps, à la suite d'une nuit froide et humide, également passée à la belle étoile, Lecomte éprouva pour la seconde fois une grande faiblesse dans les membres inférieurs.

Dès ce moment, la paralysie musculaire marche avec une grande rapidité.

En juillet 1850, époque de son entrée dans mon service, le plus grand nombre des muscles étaient envahis à des degrés divers, y compris les muscles de la face, les muscles de l'articulation des sons, les muscles de la déglutition et ceux de la respiration.

Le malade peut encore s'habiller seul, marcher péniblement, lenlement, mais sans point d'appui, porter les aliments à sa bouche et articuler des sons d'une manière intelligible. Je fus frappé d'un phénomène remarquable, c'est que tous les muscles étaient agités par un frémissement ou tremblement fibrillaire, espèce de soubresauts rapides comme l'éclair, ou plutôt comme ceux qui résulteraient d'une succession nou interrompue de petits chocs électriques, mouvements fibrillaires que j'ai presque constamment observés dans cette maladie, mais que jamais je n'ai vus à un degré aussi élevé.

Et en opposition avec cette décadence progressive des organes actifs de la locomotion, la sensibilité tactile est aussi développée que possible, les organes des sens spéciaux d'une délicatesse remarquable; les fonctions nutritives s'exécutent de la manière la plus régulière, sauf la nutrition musculaire; l'intelligence, les facultés affectives, sont dans l'état d'intégrité le plus parfait : j'ai rarement rencontré un malade qui m'ait rendu un compte aussi net de ses moindres impressions, et lorsqu'il pouvait encore se faire comprendre, voici en quels termes il me résumait lui-même sa position: «Je ne suis pas malade, mais les forces me manquent; je n'ai d'autre incommodité que ma faiblesse qui augmente tous les jours, et qu'un grand sentiment de lassitude dans lous les membres; ce sentiment, je l'ai à toute heure, mais surtout au moment du réveil.»

Depuis le mois de juillet 1850, jusqu'en janvier 1853, l'atrophie et la paralysie musculaires allèrent toujours croissant; j'ai dit qu'à l'époque de son entrée, Lecomte pouvait marcher sans point d'appui, s'habiller, manger sans secours étranger; déjà à la fin de 1851, toute progression était devenue impossible, ce malheureux était condamné à un décubitus dorsal permanent; il ne pouvait changer spontanément de position, on était obligé de le faire manger et boire, et de le retourner dans son lit comme un enfant au maillot.

Les muscles de la déglutition, de l'articulation des sons, de la phonation, de la respiration, sont de plus en plus envahis; le malade ne peut en aucune façon avaler sa salive qui découle continuellement de la bouche; la déglutition buccale ne peut plus s'effectuer à cause de la paralysie presque complète de la langue; deux fois il faillit être as

phyxié, une fois par une carotte, une autre fois par une pomme de terre engagée dans le pharynx, d'où le chirurgien de garde, qui heureusement se trouvait dans la salle, put les extraire avec les doigts. J'ai donc dû réduire la pitance de ce malheureux aux soupes très-épaisses et à la viande hachée menue et convertie en bouillie avec de la sauce et du pain.

Pour que la déglutition puisse s'accomplir, il faut que l'infirmier intelligent, chargé du soin de sa nourriture, enfonce très-profondément la cuiller chargée d'aliment, jusque dans le pharynx : alors le malade serre fortement, par une sorte de mouvement convulsif des muscles masticateurs (lesquels ont été tous respectés), cette cuiller entre ses dents, si bien qu'on a été obligé, par mesure d'économie, de substituer une cuiller en fer à la cuiller en étain, laquelle était hors de service au bout de quelques jours. La cuiller ainsi enfoncée jusque dans l'arrière-bouche, le malade fait alors des efforts considérables de déglutition et sur la cuiller et sur le bol alimentaire, qu'il avale d'autant plus facilement que celui-ci est plus considérable; la cuiller retirée, le malade continue à faire des efforts répétés de déglutition, et finit quelquefois par avaler la totalité du bol alimentaire; mais le plus souvent une partie de ce bol rétrograde et tombe sur la bavette de taffetas gommé dont on était obligé de le garnir. Le malade a d'ailleurs un très-grand appétit et avale quatre énormes soupes par jour, indépendamment de la viande hachée.

La déglutition des liquides est bien plus difficile encore, il en revient toujours la plus grande partie, qu'on reçoit dans un vase placé sous le menton. Il est bien évident que le premier acte de la déglutition, l'acte buccal, ne s'accomplit pas du tout, à cause de la paralysie de la langue et des lèvres, et que l'acte pharyngien n'est qu'affaibli.

L'articulation des sons, qui était devenue de plus en plus difficile, est complétement nulle. Le malade n'exprime ses besoins que par un léger mouvement de tête, par les yeux dont les mouvements propres ont conservé toute leur contractilité, par la contraction du grand zygomatique qui persiste encore, et par un son de voix inarticulé, guttural, nasoné, extrèmement faible.

La respiration, très-incomplète, ne parait plus se faire que par le diaphragme dont la contraction, notablement diminuée, ne se manifeste que par le soulèvement et l'écartement des cinq dernières côtes. Le malade, dont l'intelligence a conservé toute sa plénitude, a beau, sur ma demande, s'épuiser en efforts pour faire de profondes inspirations, jamais je n'ai pu obtenir ni le moindre soulèvement, ni le moindre abaissement en masse de la cage thoracique. Tout le jeu de la respiration paraît se faire à la base de la poitrine, aux dépens du diaphragme et des muscles des parois abdominales.

Il était évident que ce malheureux était à chaque instant menacé d'asphyxie, soit pendant l'acte de la déglutition, soit à l'occasion de la

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