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moindre bronchite, vu l'impossibilité où il serait de se débarrasser des mucosités dont la bronchite entraîne la présence; et en effet, le 15 janvier 1853, il fut pris de la grippe régnante; les voies aériennes se remplirent de mucosités, la respiration devint râleuse, aucun effort d'expectoration spontanée ou provoquée ne fut possible. Un matin, on le trouva mort dans son lit.

Autopsie. — J'ai fait transporter le corps dans mon laboratoire à la Faculté ; l'artère aorte a été injectée; tous, ou presque tous les muscles ont été disséqués par les soins de M. le Dr Géry, alors mon interne; les centres nerveux ont été examinés avec le plus grand soin; les nerfs principaux disséqués en dehors des muscles et dans l'épaisseur des muscles eux-mêmes, puis les nerfs ont été soumis à l'action de l'acide nitrique étendu. Voici le résumé de mes observations, que j'ai exposé ailleurs avec beaucoup de détails.

Système musculaire. Plusieurs muscles ont échappé à l'atrophie: tels sont les muscles du bassin et de la cuisse; les muscles élévateurs de la mâchoire inférieure, les muscles du pharynx, ceux des régions sus et sous-hyoïdiennes, et les muscles peauciers et zygomatiques, n'ont subi que l'atrophie par macilence; d'autres muscles sont amaigris et pâles; d'autres ont subi l'atrophie avec transformation graisseuse; plusieurs semblaient au premier abord avoir disparu, tant ils étaient minces et grêles, mais on en retrouvait toujours le vestige et comme la charpente: aucun muscle des membres supérieurs n'a été complétement étranger à l'atrophie; mais tous n'ont pas été également affectés; dans chaque région il est des muscles qui ont été plus particulièrement envahis; enfin dans chaque muscle tous les faisceaux, toutes les fibres de chaque faisceau, n'ont pas été atteints au même degré.

Or, en classant ces muscles d'après le degré de leur atrophie, les muscles intrinsèques de la main occupent le premier rang, en deuxième ligne viennent les muscles de l'épaule, en troisième ligne les muscles de l'avant-bras, en quatrième ligne les muscles du bras.

La langue, dont la paralysie était si complète dans les dernières années de la vie, a dû fixer mon attention: elle était convertie en une masse adipeuse, au milieu de laquelle se voyait encore un grand nombre de faisceaux musculaires verticaux : quant aux faisceaux antéropostérieurs et transverses du noyau lingual, ils avaient complétement subi l'atrophie graisseuse.

Étudions maintenant l'état du système nerveux.

La masse encéphalique est dans l'état le plus normal son poids est de 1 kilogr. 300 gr., ce qui est à peu près le poids ordinaire; la moelle épinière est parfaitement saine et de volume et de couleur et de consistance. Les faisceaux ou cordons antéro-latéraux, que j'ai examinés d'une manière plus particulière, parce qu'on les considère comme présidant au mouvement, étaient dans l'état normal; il en était de même des cordons postérieurs de la moelle; mais les racines antérieures des nerfs spi

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naux sont d'uue infériorité remarquable par rapport aux racines postérieures; et cette infériorité est surtout énorme à la région cervicale. Ainsi, le rapport entre les racines postérieures et les racines antérieures, qui, d'après mes observations, est, dans l'état normal, comme 3 est à 1 à la région cervicale, de 1 1, à 1 à la région dorsale, de 2 à 1 à la région lombaire ce rapport était comme 10 à 1 à la région cervicale, comme 5 à 1 aux régions dorsale et lombaire; en outre, en plongeant la moelle dans l'acide nitrique étendu, j'ai pu constater qu'un très-grand nombre des racines cervicales antérieures étaient complétement réduites à leur névrilème et se présentaient sous l'aspect de filaments gris, qui, examinés à une forte loupe, n'ont présenté aucun vestige de tissu ner veux, tandis que les racines antérieures, dorsale et lombaire, n'avaient subi que l'atrophie par macilence.

Il m'a été impossible de poursuivre les filets nerveux gris ou atrophiés par macilence au delà du point où ces racines s'acollent au cordon qui émane du ganglion des racines postérieures; mais j'ai constaté l'atrophie des nerfs au moment où ils vont pénétrer les muscles; de plus, le contraste est frappant, si l'on compare l'exiguïté de ces nerfs musculaires aux nerfs destinés à la peau, lesquels ont conservé tout leur développement.

Mais c'est seulement à la langue qu'il m'a été donné de faire ces observations de la manière la plus convaincante. On sait que le nerf grand hypoglosse, est exclusivement le nerf moteur de la langue; avant l'immersion dans l'acide nitrique étendu, le nerf grand hypoglosse paraissait le tiers du volume ordinaire; dépouillé de son névrilème, il n'avait plus que le % du volume d'un nerf grand hypoglosse encore sain, également dépouillé de son névrilème, et sa couleur était lerne, grise.

Mais ce qui rendait l'atrophie du grand hypoglosse plus frappante encore, c'était sa comparaison avec le nerf lingual, dont les filets nerveux bien blancs et bien nourris contrastaient avec l'exiguïté et la couleur terne et grise du tronc et des divisions du nerf grand hypoglosse. OBS. II. - Paralysie musculaire atrophique, atrophie du système musculaire, atrophie des racines antérieures des nerfs rachidiens.— Le sujet de cette observation est un forgeron d'une quarantaine d'années, qui est entré dans mon service en 1854, et a succombé au bout de huit mois environ de son séjour à l'hôpital.

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La paralysie avait débuté par les membres supérieurs; de là elle s'était portée aux muscles de la déglutition, puis aux membres inférieurs, et plus particulièrement aux muscles du pied. Dans les premiers temps, le malade restait levé une bonne partie du jour, puis il a été forcé de garder le lit; les membres supérieurs, les muscles de la respiration et de la déglutition, ont surtout fixé mon attention.

Aux membres supérieurs, les muscles le plus complétement atrophiés étaient les muscles intrisèques de la main, les muscles de l'avant-bras, et surtout le deltoïde, le grand et le petit pectoral, les sus- épineux et les sous-épineux.

Les deltoïdes des deux côtés étaient d'une ténuité telle qu'on eût dit que la peau recouvrait immédiatement la tête et la partie supérieure de l'humérus; il en était de même des muscles sus-épineux et sous-épineux, qui semblaient avoir été retirés de leur gatne fibreuse, du grand pectoral et du petit pectoral, lesquels semblaient manquer complétement. Des vestiges de ces muscles étaient accusés par des mouvements fibrillaires ou sautillements rapides qui apparaissaient çà et là comme par petites secousses électriques.

Les muscles du bras étaient amaigris, mais tous jouissaient de la contractillité.

Les muscles de l'avant-bras étaient très-grêles.

Les extenseurs des doigts étaient complétement paralysés; il n'en était pas de même des fléchisseurs.

La main était fléchie sur l'avant-bras, la 1re phalange sur le 1er métacarpien, la 2e phalange sur la 1re, et la 3e sur la 2o.

Les mouvements d'extension forcée étaient douloureux à raison de la rigidité articulaire; dans ces conditions, les membres supérieurs ne pouvaient plus rendre aucun service et restaient appliqués sur les côtés du tronc.

Les membres inférieurs étaient de beaucoup moins atrophiés que les membres supérieurs. La paralysie atrophique ne portait essentiellement que sur les muscles propres des pieds et un peu sur la région antérieure de la jambe ; c'était cette paralysie atrophique du pied qui obligeait le malade à garder le lit. La station verticale et la progression n'étaient pas possibles. Ce fait prouve combien est grande l'importance des muscles intrinsèques du pied dans la station sur les deux pieds ou dans la progression.

La voix était forte, mais réduite à une seule note, une note grave. L'articulation des sons était incomplète, mais intelligible pour tous lors de l'entrée du malade; elle devint de plus en plus difficile, et bientôt elle se réduisit à un son monotone qu'il fallait deviner, et que l'infirmier intelligent, qui le soignait avec un dévoûment tout particulier, devinait mieux que nous (c'était le même qui avait soigné Lecomte). La langue était à peu près complétement paralysée.

La déglutition devint de plus en plus difficile, souvent accompagnée de strangulation. Ce que le malade avalait le mieux c'était une sorte de pȧtée; le vin pur passait mieux que les autres liquides, sans doute à cause de sa propriété astringente; et pour que la déglutition pût s'accomplir sans menace d'asphyxie, il fallait qu'on plaçât le malade sur le bord de son lit, les jambes pendantes, les pieds appuyés sur une chaise, la tête médiocrement renversée en arrière.

L'émission des urines et des matières fécales se faisait volontairement et très-bien, comme d'ailleurs chez tous les malades affectés de paralysie musculaire atrophique que j'ai observés : ce petit détail ne me paraît pas sans importance pour le diagnostic différentiel de la paralysie atrophique.

La respiration est bonne, elle s'opère à la fois par le diaphragme et par les muscles intercostaux.

La face est sans expression, à raison de l'atrophie des muscles de cette région; un seul muscle a été respecté, c'est le peaucier, qui est même extrêmement développé des deux côtés, et cela en opposition avec les sterno-cléido-mastoïdiens, qui sont très-grêles et complétement paralysés. Les muscles peauciers semblaient même supplémentaires des sterno-mastoïdiens. Quand je disais au malade de soulever la tête, l'effort incroyable qu'il faisait avait pour résultat le soulèvement dé la peau par les faisceaux musculeux du peaucier, qui ressemblaient à des cordes tendues; en outre, la lèvre inférieure était renversée en dehors et les commissures des lèvres abaissées.

Ce malade mourut d'asphyxie, comme le précédent; il fut pris de toux avec un peu de fréquence dans le pouls. Il me fit demander à manger par l'infirmier, son truchement, qui lui fit faire son repas comme de coutume et le coucha sur le côté; une heure après, il était mort.

Autopsie. Tous les degrés de l'atrophie musculaire s'observaient chez ce sujet :

1o L'atrophie par macilence, avec décoloration légère des muscles. L'atrophie portait sur les fibres musculaires et sur les fibres tendineuses. 2o D'autres muscles, plus avancés dans l'atrophie, étaient d'un blanc un peu rose, comme la chair de grenouille ou de poisson.

3o Certains muscles étaient arrivés à un tel état d'exténuation, qu'on aurait dit, au premier abord, qu'ils avaient complétement disparu. Ainsi, aux éminences thénar et hypothénar, la peau semblait recouvrir immédiatement le métacarpien correspondant; mais les vestiges de chaque muscle ont pu être retrouvés en s'aidant de leurs attaches fibreuses : ils étaient constitués par une lame celluleuse, mince, conservant assez bien l'aspect fasciculé... J'ai également retrouvé les vestiges des muscles deltoïde, sus et sous-épineux, grand et petit pectoral, dont j'ai signalé l'extrême atrophie.

Chez ce sujet, comme chez Lecomte, j'ai constaté l'indépendance atrophique non-seulement des muscles de la même région, mais encore celle des faisceaux de chaque muscle, et dans chaque faisceau, celle des fibres musculaires.

Mais une particularité bien remarquable, c'est que les muscles atrophiés ne paraissaient pas avoir subi la transformation graisseuse que j'avais constatée chez Lecomte et chez le berger Legrand. Ne trouvant dans ces muscles les caractères de la transformation graisseuse ni à l'œil nu, ni à l'aide d'une forte loupe, je pensais que le microscope y révélerait sa présence. Point du tout, M. Robin, à qui j'ai adressé les parties les plus altérées de ces muscles, n'y a pu découvrir de graisse microscopique.

Jeme mis alors à étudier ces muscles atrophiés : ils étaient convertis en une petite masse grise, poisseuse, se lacérant avec facilité, dont les fais

ceaux finissaient par se confondre. Or cette fusion des faisceaux s'appliquait non-seulement aux faisceaux du même muscle, mais encore aux faisceaux des muscles voisins; si bien qu'on ne pouvait plus distinguer ces muscles les uns des autres, qu'à raison de leurs insertions, et surtout de la présence des fibres aponévroliques et tendineuses, lesquelles ne subissent jamais l'atrophie au même degré que les fibres musculaires, sans doute parce qu'elles ne sont pas au même degré sous l'influence des nerfs. Les muscles avaient donc subi ici non une atrophie graisseuse, mais une atrophie qu'on pouvait appeler ædémateuse, la sérosité ayant remplacé la graisse; c'est d'ailleurs un mode d'atrophie musculaire que j'ai observé quelquefois dans les membres infiltrés.

État du système nerveux. Centre céphalo-rachidien (cerveau, cervelet, isthme de l'encéphale, moelle épinière) parfaitement sain.

La moelle épinière de ce sujet, que j'ai déposée au musée Dupuytren, à côté de celle de Lecomte, présente son volume ordinaire et dans ses cordons antéro-latéraux et dans ses cordons postérieurs; les racines postérieures des nerfs spinaux ont leur volume normal; tandis que les racines antérieures des mémes nerfs sont extrêmement grêles, surtout à la région cervicale (1).

Voici en détail le résultat de mes observations sur la partie périphérique de l'arbre nerveux.

Nerfs olfactifs et optiques, nerfs moteurs communs, nerfs trijumaux, nerfs auditifs, dans l'état normal.

Nerfs faciaux atrophiés. Le nerf facial gauche n'a pas la moitié du volume du nerf moteur commun; le droit n'a pas le quart de ce volume. Nerfs glosso-pharyngiens et pneumogastriques à l'état normal.

Les nerfs spinaux ou accessoires de Willis ne présentent rien de particulier depuis leur première racine d'origine jusqu'au moment où ils reçoivent les filets de la première paire cervicale, lesquels sont trèsgrêles, réduits à leur névrilème. Bien loin d'augmenter de volume, ces nerfs semblent diminuer après les avoir reçus.

Nerfs grands hypoglosses. Les racines sont toutes atrophiées.

Racines antérieures des nerfs cervicaux. Extrêmement grêles, un grand nombre n'avaient pas le volume d'un fil du cocon du ver à soie. Le contraste entre les racines postérieures et les racines antérieures est on ne peut plus frappant. J'estime que ce rapport était comme 1 est à 10, le même que chez Lecomte (2).

La disproportion entre les racines antérieures et les racines posté

(1) Pour cette préparation, il faut que la moelle épinière enlevée avec ses enveloppe soit plongée dans l'alcool concentré pendant 24 heures; puis dans l'acide nitrique étendu. Après 48 heures de macération dans l'acide, j'étudie la moelle sous une couche d'eau alcoolisée.

(2) Ne pas oublier que le rapport normal est de 1 à 3 à la région cervicale.

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