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C'est sur la constatation seule de ces faits que mes efforts se fussent concentrés.

En médecine légale, je tiendrais fort peu compte de l'expérience que M. Collard de Martigny a faite sur lui-même. Est-il réellement prouvé d'une manière absolue que l'on ne peut demeurer dans une chambre où brûle du charbon, parce que cet expérimentateur dit avoir éprouvé des symptômes d'asphyxie, pour être resté 10 minutes, le corps seulement, exposé aux vapeurs d'un cuvier. A supposer que M. Collard de Martigny ne se soit pas un peu exagéré les effets qu'il a éprouvés, n'est-on pas en droit de penser qu'il était doué d'une impressionnabilité exceptionnelle ?

Je ne m'arrêterais pas davantage à des calculs sur la quantité et la nature des gaz produits, attendu que je pense, comme MM. Orfila et Tardieu, que ces calculs n'ont qu'une valeur abstraite, et qu'ils ne peuvent donner lieu qu'à des déductions exclusivement theoriques. Ce serait en effet une grande erreur de croire qu'on peut mesurer exactement et déterminer par des chiffres ces conditions de l'asphyxie et limiter les effets que peut produire, en se mélangeant avec l'air respirable, telle ou telle quantilé de gaz délétères produits par la combustion du charbon de bois.

Ainsi, dans le fait qui nous occupe, la croisée de cette chambre est parfaitement close; il en est de même de la porte, au-dessous de laquelle l'air ne peut pénétrer que très-difficilement, parce qu'on s'appuie contre une traverse placée en dehors.

Mais la présence de la traverse ne garantit rien: il suffit d'un peu de poussière dans les coins pour empêcher la porte de s'y adapter hermétiquement.

La croisée est placée en face et à l'extrémité de la chambre opposée à celle où se trouve la croisée.

C'est là une de ces conditions dans lesquelles les courants d'air qui restent le plus insignifiants, sous une température moyenne, prennent une valeur excessive, quand la pièce est réchauffée. Ces courants deviennent même d'autant plus puissants qu'il y a plus de différence entre l'air du dedans et celui du dehors. Pour s'en convaincre, il n'est point nécessaire de faire des expériences directes sur les gaz chauds : il suffit de se rappeler combien, en hiver, il est

difficile, dans une pièce où il y a un feu ardent, de se préserver des l'air du dehors, qui fait irruption par toutes les issues, entre les fentes du parquet, par-dessous les portes, entre les croisées et leurs chassis, etc. etc. Aussi, tant que l'air chaud est répandu dans la pièce, il y est dilaté et raréfié; mais en se rapprochant du sol, lequel est nécessairement d'une température inférieure, et lui cède de son calorique, il se condense, et en définitive il exerce sur l'air du dehors une attraction des plus puissantes.

Cette fille avait donc pu respirer, pendant qu'elle était contre la porte, un air presque pur et frais, malgré l'intensité des vapeurs dégagées dans la chambre.

« Un individu convient avec sa femme de s'asphyxier, ils allument du charbon et se placent à terre assis et le dos appuyé contre le lit: le mari voil sa femme succomber et n'éprouve rien. Cependant le combustible est épuisé, il en va chercher du nouveau et il le rallume: il passe ainsi cinq jours en tentatives renouvelées. En définitive, quand on entra dans la chambre, la femme était morte et le mari, n'était qu'étourdi. »

Y avait-il eu un crime? Plusieurs circonstances portaient à le supposer. En effet, comment admettre que cet homme eût pu résister, pendant cinq jours, à des causes d'asphyxie aussi violentes que celles qui résultaient de la combustion d'une si grande quantité de charbon: tout portait à croire qu'il avait dû se réserver la possibilité de respirer l'air du dehors. Cependant il se présentait deux circonstances qui, en pareil cas, doivent faire naître de graves embarras :

1° Cet homme, ayant résisté aux vapeurs du charbon, alors que sa femme venait de mourir, était sorti pour se procurer de nouveaux combustibles : j'admettrais volontiers que par le fait seul de cette première tentative de suicide infructueuse, il avait acquis une sorte d'invulnérabilité à la vapeur du charbon, invulnérabilité en raison de laquelle il n'était asphyxié que d'une manière incomplète, dans chacune des tentatives suivantes, de sorte qu'il revenait à lui spontanément, quand l'air de la chambre était devenu moins délétère. En effet, après avoir acquis son maximum de densité, le gaz ne peut plus que s'affaiblir jusqu'au moment où, au moyen des courants extérieurs, il a complétement disparu. MM. Tardieu et Lassaigne allumèrent du charbon ordinaire dans une chambre assez vaste, puis, l'ayant soigneusement calfeutrée, ils placèrent une bougie allumée sur un meuble, de manière à pouvoir suivre la flamme par

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une fente de la porte. L'expérience avait commencé à 2 heures 40 minutes; à 3 heures, le disque de la flamme était réduit de moitié; à 3 heures 23 minutes, un brouillard épais remplissait la chambre, la flamme était presque invisible; à 4 heures, le brouillard s'éclaicit; à 4 heures 20 minutes, le brouillard avait disparu, la flamme était ranimée.

2o Il portait sur les membres et en différents points du corps des brûlures assez profondes. On pouvait supposer qu'il se les était faites volontairement; mais ne se pouvait-il pas qu'il se fût trouvé, à un moment donné, réellement asphyxié et dans l'impossibilité de se soustraire au contact du charbon enflamme; qu'il se fût laissé brûler enfin en raison de cette anesthésie puissante qui apparaît aux membres inférieurs à une période peu avancée de l'asphyxie par le charbon, ainsi qu'on le verra plus loin? Or, s'il eût été démontré que cet homme avait subi un commencement d'asphyxie, pouvait-on mettre en doute la sincérité de sa tentative de suicide? Il faudrait admettre que l'on peut à son gré graduer l'asphyxie à laquelle on se soumet et s'arrêter à un point déterminé d'avance. Je ne crois pas qu'il en soit ainsi. Vingt exemples sont là pour prouver qu'une fois les premiers symptômes développés, les facultés ont subi une telle atteinte que toute détermination volontaire est devenue impossible. Le contraire n'arrive que par des exceptions, dont il faut tenir compte sans doute dans l'histoire de l'asphyxie, mais sur la foi des quelles assurément aucun individu ne voudrait risquer sa vie. M. Orfila, que tant d'expériences avaient instruit, professait, dans l'examen des affaires où se présentaient des difficultés de ce genre, un système de doute qui n'a malheureusement pas toujours été imité.

De telles questions d'ailleurs offrent toujours des difficultés presque insurmontables; elles ne peuvent être éclaircies que par des investigations d'une minutie extrême, car on peut toujours se demander, même en reconnaissant la plus grande sincérité dans les intentions de celui qui a survécu, s'il était réellement dans les mêmes conditions que celuiqui a succombé. On a vu périr asphyxiées certaines personnes dans une pièce mal close, non fermée même. Il suffit, à cet égard, de se rappeler les faits authentiquement constatés dans lesquels on a vu des personnes mourir asphyxiées dans une chambre où une vitre entière manquait à

la croisée (Orfila); mais par contre, dans une pièce convenablement calfeutrée d'ailleurs, un seul courant d'air, s'il est dirigé d'une manière favorable, peut suffire à l'entretien de la vie.

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M. Malgaigne voulut éprouver par lui-même les effets des vapeurs du charbon. L'expérience commença à onze heures vingtquatre minutes à deux heures vingt-quatre minutes, trois heures après, le charbon était consumé, et pourtant il était bien portant. Il n'avait éprouvé qu'un léger mal de tête; le pouls avait monté à 180. Ce résultat négatif paraissait surprenant; on finit par découvrir de très-petites fentes, par lesquelles l'air s'introduisait.

Un étudiant avait été asphyxié involontairement; quand on entra dans sa chambre, un jeune chien qu'il avait chez lui vivait encore. Cet animal avait eu l'instinct de se placer près de la porte, de manière à recevoir l'air qui arrivait par-dessous.

Le 2 mai, un chien et un chat sont placés ensemble dans l'appareil à 2 heures 13 minutes; le thermomètre marquait 20 degrés, il s'élève seulement à 25 degrés dans cette première expérience. A 2 heures 35 m., le chat est mort, le chien était à peine étourdi. Quand il fut tout à fait remis, je l'exposai de nouveau: 25 minutes après, il était étendu sur le ventre, la tête entre les pattes, contre la porte; il paraissait respiter à peine; le croyant au plus bas, je le retirai: ma surprise fut extrême de le voir non-seulement se tenir ferme, mais marcher et courir comme dans l'état le plus naturel. Une seconde expérience s'étant terminée de la même manière, j'examinai la partie contre laquelle il se portait de préférence, et je découvris à la porte une fente à peine capable de recevoir l'épaisseur d'un papier ; je la bouchai, je réintrodisis l'animal, il se mit d'abord à la même place, mais ne trouvant plus son courant d'air, il se leva, flaira tout autour de lui et se posa enfin comme précédemment le museau contre la terre; 40 minutes après, je le retirai: le charbon était consumé entièrement, et l'animal parfaitement vivant. N'ayant pu trouver cete fois la fissure qui lui avait fourni de l'air, je dus renoncer à l'asphyxier.

Il m'a paru, et les quelques faits précédents sont de nature à confirmer cette pensée, que certains individus, par des expositions renouvelées aux vapeurs du charbon, devenaient, à la longue, sus- . ceptibles de les supporter presque impunément. Mainte et mainte fois, j'ai vu des animaux, que je plaçais dans l'appareil et que j'en retirais à un certain état de gravité pour étudier l'état du cœur et du poumon, acquérir, comme je l'ai dit, une telle invulnérabilité, qu'il devenait pour ainsi dire impossible de les asphyxier.

Ce que j'ai dit relativement aux individus qui savent se mettre à l'abri des vapeurs du charbon, dans des cas de suicide simulé, n'infirme en rien l'idée que l'on doit se faire de la diversité des effets de ces vapeurs en raison de la constitution et du tempérament des sujets. Chez les uns, elles agissent presque subitement; chez les autres, il y a une longue résistance. Ainsi un asphyxié qui fut sauvé, et qui écrivit ses impressions à M. Ségalas, avait soigneusement calfeutré sa chambre, qui était petite; il brûla à plusieurs reprises une grande quantité de charbon; il s'évanouit enfin, mais on le rappela par de simples frictions: il avait passé toute la nuit dans cet état. Au contraire, une femme, auprès de qui fut appelé M. le Dr Vasseur, était morte quand il arriva il y avait moins d'un quart d'heure qu'elle était apparue à sa fenêtre, chantant, une guitare à la main.

Mais voici un exemple des plus remarquables, où l'on voit une seule personne sur quatre échapper aux causes d'asphyxie qui causèrent la mort chez les autres.

Le 13 février, un feu de joie avait été allumé sur la place publique du vilage des Andes (Puy-de-Dôme), pour fêter le brandon. Une femme resta avec ses filles pour recueillir ce qui resterait de charbon ardent, et l'emporter chez elle. Le lendemain, les voisins entendirent quelques cris étouffés, sa porte fut enfoncée; l'imprudente femme et deux de ses enfants étaient mortes asphyxiées, la troisième seule vivait encore. (Moniteur des hôptiaux, t. L, p. 184.)

Ill. Sous une température de 20 à 30 degrés, c'est-à-dire dans la condition la plus commune et celle de toutes les asphyxies volontaires, les symptômes apparaissent dans l'ordre suivant :

A. Céphalalgie, malaise général, bruits dans les oreilles, affaiblissement des facultés et des forces musculaires, sécheresse de la gorge, tendance au tournoiement et aux mouvements circulaires, vomissements, perte de connaissance. Les battements du cœur s'accélèrent au début, mais ils ne tardent pas à se ralentir; il y a ordinaire⚫ment une émission d'urine, une déjection de matières fécales trèsabondantes. La peau est insensible aux irritations mécaniques; on peut la piquer, la pincer, sans provoquer aucun signe de douleur; mais le moindre contact du fer chaud détermine le réveil. Le retour spontané à la vie est possible simplement à l'air frais.

B. En général les battements du cœur ont des alternatives d'a

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