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vant moi à la fourrière, je me suis attaché à suivre les mouvements de l'iris à l'heure de la mort, et j'ai reconnu que la dilatation extrême était une loi absolue et invariable. J'ai suivi les phénomènes, ayant sous les yeux, en quelque sorte, le Traité des signes de la mort, de M. Bouchut, et j'ai reconnu qu'il serait difficile d'être plus exact dans sa description. Il est surtout vrai de dire que la pupille se dilate deux ou trois minutes avant que le cœur ait cessé de se faire entendre au stethoscope; de cette façon, la dilatation de la pupille est à considérer comme un signe certain de l'approche de la mort, mais non comme un signe de son accomplissement absolu.

C'est là, je le répète, un fait d'une exactitude remarquable : la mort n'est vraiment caractérisée que par la cessation complète des mouvements du cœur, et j'ai vu plusieurs fois revenir à la vie des animaux dont la pupille venait de se dilater; sans doute le cœur battait encore.

Il est enfin un phénomène curieux dont j'ai bien longtemps cherché l'origine souvent les pupilles sont inégales. Dans quelques cas, la corde étant mise de travers, le nœud passait sur un des côtés du cou, et de ce côté les conjonctives étaient tuméfiées, l'iris était contracté. Cela pouvait s'expliquer par une congestion; mais j'ai retrouvé la même inégalité chez quelques animaux tués par étouffement.

A. C'est ici surtout que j'ai été à même de reconnaître que ces phénomènes de paralysation consécutive, dont j'ai déjà parlé après l'asphyxie par le charbon, ne sont pas dus nécessairement à l'influence d'un agent étranger, l'oxyde de carbone, comme l'a indiqué, dans son savant travail sur les gaz respirés, M. S. Leblanc.

Quand l'animal est détaché à la dernière limite de la vie, ce n'est qu'avec une extreme lenteur que se réveillent les signes d'existence. Ordinairement il reste étendu, immobile, les yeux morts; les pupilles sont souvent dilatées, quelquefois inégales. Le cœur bat de 2 à 4 fois pour dix secondes ; la respiration paraît nulle. C'est seulement après deux ou trois minutes que les mâchoires commencent à s'écarter; les côtes se meuvent, le thorax s'élève; enfin il se fait une aspiration au mouvement de laquelle tout le corps semble participer. Mais, dans tous les cas, il s'en faut de beaucoup que la sensibilité renaisse de suite; elle se rétablit avec autant et peut-être plus de lenteur que dans l'asphyxie par le charbon.

Wepfer parle d'un homme et d'une femme qui survécurent à la suspension; celle-ci resta longtemps étendue comme une apoplectique, elle n'avait gardé aucun souvenir de ce qui s'était passé, L'homme fut plusieurs heures sans sentiment.

Ne faut-il pas attribuer cette excessive lenteur à ce que les phénomènes d'endosmose et de substitution du gaz dans les liquides, tels qu'ils ont été décrits par Priestley, Dalton, Stevens, Magnus, etc., s'opèrent d'une manière d'autant plus tardive et mesurée qu'il reste moins de gaz à expulser?

De toute manière, elle paraît être parfaitement en rapport avec l'intoxication qu'a subie le sang par suite du défaut d'hématose, B. Les renseignements que l'on a pu recueillir auprès de quelques individus qui ont survécu à une pendaison de quelques minutes autorisent à croire que le genre de la souffrance a beaucoup d'analogie avec celui de l'asphyxie par le charbon. Les uns ont déclaré qu'ils avaient été pris d'une sorte de stupeur; les autres, qu'ils avaient vu du feu, des étincelles, puis une lueur pâle. Le Roncau, qui fit des expériences sur lui-même, sentit de la chaleur vers la tète, de la pesanteur et une sorte d'étourdissement et d'angoisse puis tout à coup il entendit un sifflement et un bruissement dans jes oreilles. Les mêmes accidents arrivaient par l'application de la corde sur le larynx; il résulta des bruissements et une sensation au cerveau difficile à décrire. N'est-ce pas là quelque chose de semblable à ces bourdonnements que j'ai cherché à étudier à l'occasion de l'asphyxie par le charbon?

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C. Souvent le retour à la vie est accompagné d'accidents convulsifs. L'animal se tord, se contracte, il pousse des cris aigus, enfin il tombe immobile; il veut se relever, mais ses membres sont paralysés, il est incapable de se tenir debout. Après de longs efforts, il avance sur les pattes de devant; la partie postérieure du corps, inerte et privée de mouvement, se laisse entraîner; enfin il s'arrête, reste fixé à la même place comme stupéfié, les pattes écartées, la tête tendue en avant, les yeux stupides. Un chien avait été pendu à trois heures et détaché à trois heures dix-huit minutes. Ce fut seulement à quatre heures et demie qu'il parut avoir recouvré ses facultés; mais encore il chancelait, vacillait sur ses pattes, et de temps à autre, quand il marchait, on le voyait rouler sur le côté.

En général, les convulsions n'apparaissent que quelque temps déjà

après que les fonctions respiratoires sont rétablies. Chez quelquesuns, il y a un tremblement très-rapide d'un seul ou des quatre membres à la fois, plusieurs font entendre un grognement sourd et continu.

D. Il était malheureusement impossible de rechercher spécialement l'influence de l'étranglement des vaisseaux du cou et des altérations du cerveau pendant la pendaison, provenant de ce que, par le fait seul de sa stagnation dans ce viscère, le sang artériel devient veineux. Toutefois l'expérience prouve que, quel que soit l'état de distension forcée du cerveau, lorsque la respiration est conservée même incomplétement, les troubles ne se déclarent que beaucoup plus tardivement.

OBS. - A trois heures, une chienne de chasse est pendue; la trachée est mise à nu, incisée et attirée au dehors entre les muscles du cou. L'animal respire fortement, pas de convulsions; bientôt il reste immobile. Une demi-heure après, le cœur bat moins fort qu'à l'état normal, mais il est régulier; la sensibilité est entière, aussitôt que l'on touche la peau, l'animal remue et s'agite; si on le pince, si on lui jette de l'eau, il se contracte avec force. Après une heure de suspension, ses mouvements sont tout à fait libres; si on lui jette de l'eau, il s'agite avec force; seulement sa langue et l'intérieur de la bouche sont d'un rouge violacé, et un chémosis considérable s'est formé aux yeux, les cornées sont en partie cachées sous un bourrelet rouge noirâtre. A cinq heures (deux heures de suspension), les pulsations sont faibles et très-lentes, mais régulières; les mouvements thoraciques sont absolument nuls, la trachée ne fait aucun mouvement, insensibilité générale. On fait des affusions froides, il reste d'abord insensible et immobile; mais après la cinquième, on voit remuer la queue, il s'agite; en quelques minutes, ses mouvements ont repris toute leur énergie, et la sensibilité est rétablie; le sang, qui avait cessé de couler, reparaît d'abord veineux seulement, puis veineux et artériel. On arrête les affusions; vingt minutes. après, immobilité, insensibilité complète, les battements du cœur sont imperceptibles. Sous de nouvelles affusions, l'animal fut plus longtemps à revenir à lui; mais on put encore réveiller la sensibilité. Il ne mourut qu'à six heures, c'est-à-dire après trois heures de suspension.

Ici la mort fut le résultat d'une asphyxie déterminée par la paralysie des muscles du cou; en effet ceux-ci, après avoir pendant longtemps pourvu au mouvement d'inspiration dans une position aussi anormale, à la fin étaient épuisés. La respiration, privée en tout ou partiellement de ses mouvements mécaniques, ne s'opéra plus qu'en partie, et, à la longue, elle devint impuissante pour en

tretenir la vie. Mais même, en faisant abstraction de cette circonstance, on voit que la vie se prolongea pendant près de trois heures. Or, au contraire, un animal que l'on pend après lui avoir obstrué la trachée ne meurt pas beaucoup plus vite que celui qu'on laisse libre sur le sol après cette opération.

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E. La constriction des vaisseaux du cou et l'état qui en résulte dans le cerveau ont donc peu de part à la production des symptômes; c'est qu'en effet, le cerveau n'est pas très-congestionné dans la pendaison. Si l'on met à nu une partie du cerveau, si on enlève une portion de ce viscère sur un animal pendu, il s'écoule aussitôt une énorme quantité de sang, mais il s'en écoule autant si l'on fait la même opération sur tout autre animal vivant; seulement chez le premier, ce liquide est certainement veineux, tandis que chez l'autre, il est mêlé de sang artériel: là est toute la différence. La disposition que prennent les vaisseaux du cou pendant la suspension s'oppose à une congestion excessive. En effet, si on dissèque alors la région cervicale, on trouve que les artères et les veines sont considérablement aplaties et allongées : elles ressemblent à de véritables rubans plats; le sang ne circule dans les veines que par ondées, et aux artères, souvent j'ai fait de petites ponctions sans qu'il en jaillit une goutte de sang. Aussi, s'il est vrai que les parties superficielles de la tête, le cuir chevelu, les paupières, sont souvent gorgées, c'est parce que les jugulaires externes, étant situées sous la peau, se trouvent directement étranglées, tandis que les jugulaires internes, en raison de leur profondeur, échappant à cet étranglement, livrent au sang du cerveau un libre écoulement, et s'opposent ainsi à toute accumulation de liquide. Enfin, souvent au moment de la mort, les paupières ou les conjonctives passent d'un état de congestion intense à une pâleur extrême; de même le cerveau contient réellement beaucoup moins de sang à l'agonie que pendant la période convulsive : et quelques minutes après la mort, il est déjà pâle et exsangue.

La mort survient à la douzième ou vingtième minute, jamais je ne l'ai vue avant la dixième.

Une femme voulut que l'on pendît son chien sous ses yeux. Cet animal vécut vingt-cinq minutes; à la vingt-septième, on le crut mort, la femme se retira. Aussitôt je le détachai, je l'exposai sous la fontaine : cinq minutes après, il respirait. Un autre animal résista

pendant trente-sept minutes; à la trente-quatrième, son cœur avait 50 pulsations par minute; le cœur s'arrêta presque subitement. S'il est souvent difficile de reconnaître le moment où l'animal vient d'expirer, il l'est bien plus encore de distinguer celui où, quoique encore animé, il serait cependant impossible de le voir se rétablir. Souvent on croit que tout est fini, on détache l'animal, et après quelques secondes, il se ranime; on le remet à la corde, un instant après il a cessé de vivre. Il y a donc, entre la vie et la mort, un état qui n'appartient distinctement ni à l'une ni à l'autre; état transitoire, dans lequel elles sont séparées par un espace de temps de beaucoup moindre qu'une fraction de seconde.

Les animaux résistent plus longtemps que l'homme, mais cette différence peut tenir à une condition étrangère à notre sujet : au défaut de sens moral. Aussitôt que l'homme se voit sous le coup d'une mort inévitable, il se produit chez lui une dépression morale qui peut aller de suite jusqu'à arrêter les fonctions du cœur. L'animal, au contraire, qui n'a pas conscience du danger qu'il court, n'est impressionné que par la douleur du moment; tant que celle-ci ne dépasse pas certaines limites, rien ne l'avertit d'une situation anormale, et il reste tranquille.

Toutefois il ne faudrait pas croire non plus que, pour nous, la mort soit immédiate. Sans rappeler ces histoires apocryphes dans lesquelles on a vu des individus résister pendant plusieurs heures, en voici une tout à fait authentique, et dont je dois la communication à l'obligeance de M. Lefébure, directeur du dépôt de la préfecture.

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OBS. Il y a quelque chose comme vingt ans, je me promenais, un matin, dans le jardin d'une maison que j'habitais, lorsque je vis une femme, pendue à la persienne d'une fenêtre du premier étage, s'agitant convulsivement. J'allai de suite chercher une échelle, et je montai avec une autre personne à cette fenêtre pour décrocher cette femme, qui, à ce moment était sans mouvement. Nous la réintégrâmes dans sa chambre, et peu de temps après lui avoir ôté la corde qui l'étranglait, nous la vimes respirer et peu à peu reprendre connaissance. La femme est restée longtemps abattue, cependant elle ne paraissait point éprouver de souffrance; elle nous a déclaré n'avoir nullement souffert, et avoir perdu connaissance aussitôt après avoir été lancée dans l'espace.

Il est matériellement impossible d'évaluer à moins de sept minutes le temps durant lequel cette femme était restée suspendue,

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