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Symptômes. L'angine couenneuse paraît s'ètre développée, chez mes malades sans présenter aucun de ces symptômes de début insidieux sur lesquels les auteurs ont appelé l'attention. Il est probable que chez la plupart d'entre eux, ces symptômes ont été masqués par le délire et l'assoupissement produits par la fièvre typhoïde. Néanmoins, dans 5 cas, les malades se sont plaints d'un peu de mal de gorge, avec gêne de la déglutition, et tuméfaction des ganglions sous-maxillaires. Chez les 3 autres, sans vouloir affirmer qu'il n'existait pas de la douleur et de la gène dans la déglutition, il est certain qu'ils ne s'en sont pas plaints, et qu'il n'y a eu d'engorgement des ganglions cervicaux et sous-maxillaires ni au début, ni dans le cours de la maladie.

C'est là un fait intéressant sur lequel je crois devoir insister, car MM. Bretonneau, Trousseau, Guersant, etc., ont décrit cet engorgement des ganglions comme l'un des signes les plus habituels et les plus constants de l'angine couenneuse. Une fois, l'angine a débuté brusquement par un accès de suffocation; mais le plus ordinairement je n'ai découvert la maladie que par l'examen direct. Depuis les premiers jours du mois de mars, j'avais pris l'habitude d'examiner la gorge de tous mes malades et particulièrement de ceux qui étaient atteints de fièvre typhoïde. Il est résulté de cette manière de faire, que je n'ai pu laisser échapper aucun cas d'angine, et que j'ai pu quelquefois la découvrir dès son apparition chez des malades dont l'état de délire ou de somnolence ne leur eût pas permis d'attirer mon attention de ce côté.

Quoi qu'il en soit, à l'examen de la gorge, j'ai trouvé sur la luette, le voile du palais et la face postérieure du pharynx, des plaques irrégulièrement circonscrites, d'une teinte grisâtre, paraissant assez molles quoique adhérentes, mais n'offrant aucunement cet aspect lisse, luisant, lardacé, qu'on a décrit dans la plupart des épidémies de diphthérite. Les parties de l'arrière-gorge qui n'étaient pas tapissées de fausses membranes offraient une rougeur très-vive, et étaient tuméfiées, comme s'il y avait eu un peu d'œdème sous-muqueux; cet aspect était marqué surtout à la luette, qui offrait généralement un volume considérable, et sur laquelle les plaques semblaient quelquefois présenter une sorte d'enfoncement. Les amygdales ne sont devenues volumineuses que dans un peu plus de la moitié des cas; 5 fois elles ont présenté un développement assez considérable, et se sont recouvertes de fausses

membranes. Dans les autres cas, elles ont semblé rester à l'état normal; il n'existait à leur surface que quelques débris de plaques couenneuses, et c'est précisément dans ces circonstances que les ganglions cervicaux et sous-maxillaires n'ont présenté aucun engorgement.

Les plaques diphthéritiques, une fois développées, ne sont pas restées stationnaires, mais elles ont envahi rapidement toute l'arrière-gorge, et dans l'espace de quelques heures toutes les fosses gutturales étaient tapissées par cette exsudation grisâtre dont j'ai parlé; elle n'a pas paru s'étendre du côté des fosses nasales, car je ne l'y ait jamais observée, et à aucune époque de la maladie je n'ai vu cet écoulement, par les narines, d'un liquide jaunâtre ou sanguinolent, sorte de jetage qui est le signe de la diphthérite nasale. Quelquefois, au bout de vingt-quatre heures, la fausse membrane s'est étendue jusque dans le larynx; alors sont survenus des accès de suffocation plus ou moins réitérés, une toux croupale généralement assez mal caractérisée; et dans deux cas, des symptômes d'asphyxie foudroyante; une fois elle fut tellement rapide, que le malade succomba pendant que l'interne de garde faisait les préparatifs de la tracheotomie.

Dans quelques cas (3 fois), les fausses membranes ont semblé disparaître sur la luette, le pharynx et les amygdales; il n'est survenu aucun accès de suffocation, rien en un mot qui indiquât la propagation de la maladie du côté du larynx et des voies respiratoires, et néanmoins, malgré cette apparente diminution des symptômes locaux, il survenait un affaissement rapide, de l'assoupissement, le délire augmentait, et les malades ne tardaient pas à succomber.

Chez les 2 malades qui ont guéri, les fausses membranes se sont successivement détachées et ont été entraînées par une expuition visqueuse, épaisse et sanguinolente. Leur chute laissait sur la muqueuse une sorte d'enfoncement ou creux qui eût pu faire croire à une ulcération, et qui tenait à l'œdème des parties sous-jacentes. Toute la membrane muqueuse était vivement injectée, pénétrée et striée de sang. Ces plaques et rougeurs n'ont disparu qu'avec une très-grande lenteur, et au bout de plusieurs semaines on en voyait encore des traces dans l'arrière-gorge. Il m'a été très-difficile d'étudier les symptômes généraux de

l'angine couenneuse. Survenant comme complication dans le cours d'une maladie très-grave, ils ont dû perdre leur physionomie propre et se confondre avec ceux de la maladie (primitive. C'est en effet ce qui est arrivé, et je n'en ai trouvé qu'un très-petit nombre qu'on pût rattacher directement à l'angine. Ce sont la bouffissure de la face, 2 fois l'œdème des parties latérales du cou, et dans un cas, le développement à la surface d'un vésicatoire d'une fausse membrane épaisse et dense. La langue était généralement gonflée, sèche, la bouche pâteuse, l'haleine fétide. La diarrhée a persisté involontaire chez tous les malades, même chez ceux qui ont guéri. Enfin la fièvre a paru augmenter, et chez 6 de mes malades le pouls n'est plus retombé au-dessous de 112 et a varié de 120 à 140, faible, mou et dépressible. Chez les individus atteints de fièvre typhoïde, les accidents cérébraux ont semblé augmenter aussi après l'apparition de l'angine; 4 malades ont succombé dans le délire et l'assoupissement, auxquels s'étaient joints, dans la période ultime, des phénomènes ataxo-adynamiques.

Dans tous les cas où la maladie s'est terminée par la mort, elle a eu une marche très-rapide. Cinq fois elle a duré deux jours seulement, et s'est terminée deux fois par une suffocation mortelle. Trois fois la mort eut lieu par affaissement graduel qui avait succédé à une grande agitation, l'angine ne paraissant, dans ces cas, avoir fait autre chose que précipiter la terminaison fatale. Un sixième malade est mort de la même manière, mais il a résisté pendant quatre jours.

Lésions anatomiques. — Les altérations que j'ai trouvées chez les individus qui ont succombé à la suite de l'angine couenneuse ne diffèrent que très-peu de celles qui ont été décrites dans les diverses épidémies d'angine. La pseudo-membrane seulement a offert chez tous mes malades une disposition toute particulière. Elle n'était pas, comme on l'a trouvée dans la plupart des épidémies, formée de plaques blanches, lisses, luisantes et d'un aspect lardacé ; elle offrait au contraire une couleur d'un gris sale, sa consistance était assez molle; elle se laissait facilement enlever par le grattage, et, au-dessous, le tissu muqueux était très-rouge et fortement injecté. Je n'en ai trouvé que quelques lambeaux dans le larynx de deux de mes malades. Chez deux autres, le larynx était parfaite

ment sain, et la fausse membrane était bornée à la luette, aux amygdales et au pharynx. Ces dernières parties, du reste, ont présenté, dans presque tous les cas, des débris de fausses membranes plus ou moins étendues, soit que la maladie se prolongeât dans le larynx, soit qu'elle restât bornée à l'arrière-gorge. Deux fois seulement la fausse membrane, commençant à l'arrièregorge, s'est étendue en couche continue dans le pharynx, le larynx et la trachée. De la luette et du voile du palais, elle descendait, sans offrir de solution de continuité, vers le pharynx et le larynx. Dans le pharynx, elle formait des lambeaux assez étendus, qui s'arrêtaient brusquement à l'entrée de l'œsophage; dans le larynx, au contraire, elle gardait sa continuité, tapissait l'épiglotte et les replis aryténo-épiglottiques auxquels elle donnait une assez grande consistance et une couleur gris noiråtre; puis elle s'étendait à la face interne du larynx, qu'elle revêtait complétement en recouvrant les ventricules, et descendait dans la trachée jusqu'à la bifurcation des bronches. Dans la trachée, la fausse membrane n'était pas continue; je l'ai trouvée une fois sous la forme d'un lambeau qui s'étendait jusqu'au cinquième anneau de la trachée-artère. Une autre fois, elle était fragmentée en plaques assez étendues, communiquant les unes avec les autres, et peu adhérentes à la muqueuse trachéale dans laquelle elle semblait flotter. Dans le larynx, au contraire, la fausse membrane était en couche exactement continue, et très-adhérente au tissu sous-jacent; l'orifice supérieur du larynx, les cordes vocales, les ventricules et la face interne du cartilage cricoïde, en étaient uniformément tapissés, comme si l'on avait coulé un vernis grisâtre sur toutes ces parties. Dans deux cas, j'ai trouvé un œdème des replis aryténo-épiglottiques; une fois, il existait des deux côtés, ces replis étant infiltrés d'une matière gélatiniforme peu abondante; dans l'autre cas, l'œdème était borné au repli aryténoépiglottique du côté droit, qui avait acquis un volume assez considérable, un aspect gélatineux et une teinte jaunâtre. Cette complication me paraît avoir été indépendante de l'angine couenneuse, car il existait chez un des malades une nécrose assez considérable d'une partie du cartilage cricoïde.

En dehors de ces altérations caractéristiques de l'angine couenneuse, je n'ai trouvé que celles qui appartiennent à la fièvre ty

phoïde ou à la péritonite tuberculeuse. Trois fois sur cinq, la fièvre typhoïde était dans le cours de son développement, et deux fois les ulcérations intestinales paraissaient en voie de réparation.

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Étiologie. En faisant connaître la disposition des salles SaintLouis et Saint-Antoine, j'ai déjà dit quelques mots des circonstances locales au milieu desquelles s'est développée l'épidémie d'angine couenneuse. La maladie n'a sévi que dans ces deux salles, qui, en réalité, n'en forment qu'une seule, puisqu'il n'existe aucune séparation entre elles. Elle a choisi ses victimes dans la partie de la salle la plus salubre, exposée en plein midi, parquetée de bois et bien chauffée, et elle a complétement épargné la salle contiguë, bien que celle-ci soit dans des conditions toutes différentes. Elle ne s'est montrée ensuite dans aucune autre partie de l'hôpital. A l'époque où cette épidémie s'est développée, nos salles renfermaient un grand nombre de maladies graves, et en particulier des fièvres typhoïdes. Celles-ci étaient indifféremment réparties dans toutes les salles de notre service. Je dois dire cependant que les malades les plus gravement atteints avaient été placés dans la partie de la salle Saint-Louis exposée au midi. Je ne sais si c'est à cette circonstance qu'il faut rapporter la localisation de l'épidémie dans cette salle. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il y avait alors dans tout l'hôpital, dans les services d'hommes et de femmes, une très-grande quantité de fièvres typhoïdes, et pourtant l'épidémie est restée exactement bornée aux salles Saint-Louis et Saint-Antoine.

Tous les sujets qui ont été atteints étaient jeunes; ils avaient de 17 à 25 ans ; un seul était âgé de 53 ans, c'était celui qui était affecté de pneumonie double.

Je me suis vivement préoccupé de la question de la contagion à propos de ces malades, et je n'ai rien trouvé qui pût me servir à élucider cette question. J'ai pris des renseignements près des parents des malades, dans leurs logis, afin de savoir si, antérieurement à leur entrée à l'hôpital, ils avaient eu des rapports avec des personnes atteintes d'angine couenneuse. Je n'ai rien pu apprendre de précis, sinon que dans trois logements que j'ai visités, et dans quatre familles auxquelles je me suis adressé, il n'y avait eu personne de malade.

Je me suis assuré que pendant le séjour des malades à l'hôpital,

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