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formules rigoureuses comme des chiffres; qu'on lui accorde ou non sa sympathie, il est incontestable que telle est aujourd'hui la direction. Autrefois on se jugeait très-consciencieux quand on avait mesuré la couenne d'une saignée, sous-pesé sa consistance et décrit la couleur du sérum; quel est aujourd'hui le clinicien, même entre les moins partisans des observations ponctuelles, qui oserait déclarer un tel examen suffisamment rigoureux ? L'exactitude, qui n'était précédemment que celle qui doit présider à un inventaire, est donc devenue de plus en plus mathématique.

Je ne dis pas qu'en agissant ainsi, on a accompli un progrès aussi réel qu'on incline à le croire; cette prétendue rigueur cache orgueilleusement bien des omissions et couvre plus d'une ignorance; avec elle on se fait médecin dans un laboratoire, et les élèves frais sortis des bancs de l'amphithéâtre en remontrent aux plus expérimentés parmi les praticiens. Toute médecine qui s'apprend si vite n'est pas la vraie. II y a là d'ailleurs un subterfuge qui peut tromper les inhabiles: c'est ce sophisme tant de fois renouvelé sous tant de formes, qui consiste à n'énoncer de problèmes que ceux dont on croit tenir la solution. Ce qui fait l'impuissance du clinicien fait aussi sa grandeur; c'est qu'insolubles ou non, il ne dissimule aucune des difficultés, et qu'il décline honnêtement l'insuffisance de son savoir. Pour les iatro-chimistes, comme pour les iatro-mathématiciens, quand ils ont épuisé sur un sujet les ressources de leur science, leur œuvre est parfaite, et on ne sait en vérité ce qu'on aurait à leur demander de plus. Vous apportez au chimiste l'air d'une salle empestée par la plus violente des contagions, il en dose les éléments connus et n'a risque d'être inexact. Pendant ce temps, le médecin se perd en hypothèses sur le quid ignotum et donne à plaisanter sur ses rêveries contradictoires. Il en est de même au lit du malade; mais combien faut-il de réflexion pour savoir de quel côté est ce qu'on peut appeler la médecine?

Nous ne voulons rien moins qu'aborder ici une question de philosophie médicale, devant laquelle, à l'occasion, nous ne reculerions pas. Nous avons voulu seulement, en exposant une série d'applications exactes, faire au moins nos réserves.

Pour obtenir dans l'observation du malade des données analogues à celles dont se compose la physique expérimentale, il ne suffit pas d'apporter à l'examen un soin scrupuleux, il faut que l'observateur s'aide d'instruments conçus exactement dans l'esprit de ceux auxquels recourent les physiciens; sans cet auxiliaire indispensable, les expériences successives ne fournissent pas des résultats qui s'additionnent et ne se prêtent pas à des moyennes mathématiques; de la même façon que les réactifs sont nécessaires au médecin-chimiste, les appareils sont obligatoires pour le médecin-physicien. Cette nécessité, qui n'avait pas besoin de démonstration, est si absolue, qu'il n'y a de recherches suivies dans ce sens que 30

VII.

pour les fonctions physiologiques ou pathologiques auxquelles s'adapte un instrument approprié.

Or, dans ces derniers temps, deux appareils ont été imaginés, décrits et appliqués à une suite de recherches physiques : l'un est le spirometre, inventé par J. Hutchinson; l'autre est le sphygmomètre de Vierordt; de ces deux instruments, le premier est le plus usité, et c'est en même temps celui qui nous paraît le plus propre à rendre quelques services à la médecine; c'est à l'exposé des résultats fournis par son emploi, que nous consacrerons exclusivement cette revue, remettant à plus tard l'indication des travaux de Vierordt sur la mesure du pouls.

Hutchinson, dans sa monographie si remarquable sur le thorax, insérée dans l'encyclopédie de Todd (Cyclopedia of anatomy and physiology, t. IV), après avoir exposé avec une merveilleuse lucidité les conditions anatomiques du thorax en repos, et les conditions mécaniques du mouvement des parties résistantes, traite des puissances musculaires qui interviennent dans la respiration, et de ce qu'il appelle les volumes respiratoires. La division qu'il adopte, comme on le voit, est celle qu'on a généralement suivie, et chacun de ces chapitres fournit matière à des applications pathologiques plus ou moins importantes.

Nous n'avons pas besoin de parler des déformations de la cage thoracique; nous n'avons pas davantage à nous étendre sur la mensuration de la poitrine, si complétement étudiée par notre collègue et ami, M. le Dr Woillez; nous ne dirons également que peu de mots de la mesure du pouvoir musculaire, de l'inspiration et de l'expiration. Hutchinson s'est servi de l'humadynamomètre de Hales, mais seulement il l'a appliqué à l'expiration aussi bien qu'à l'inspiration, tandis que Hales n'avait considéré qu'un des temps de la respiration. Il a de plus fait porter ses recherches sur des individus malades, par comparaison avec les individus sains, et en a tiré des conclusions qui méritent certainement d'être consignées parmi les données positives de l'hygiène.

La partie la plus importante de ce long mémoire, au point de vue médical, est celle qui a trait aux volumes d'air introduits dans le thorax, ou à ce que l'auteur appelle les volumes respiratoires. C'est à l'étude expérimentale des quantités d'air qui pénètrent dans le poumon qu'est destiné le spiromètre.

La respiration est soumise à l'action de la volonté, elle subit le contrecoup des moindres émotions, et par conséquent la quantité d'air varie, s'augmente ou diminue, suivant des influences incalculables. Hutchinson, pour apporter une régularité indispensable dans ses expériences, a dù choisir un type, et il l'a pris dans la succession de deux temps, dont l'un représente l'inspiration volontaire la plus profonde, et l'autre, l'expiration également volontaire la plus complète possible; on a ainsi le volume d'air déplacé par des mouvements exécutés sous l'influence exclusive de la vie, une sorte de volume vivant; de là l'expression de ca

pacité vitale, choisie par Hutchinson pour représenter la capacité thoracique, dont il a cherché à donner la mesure exacte.

Le spiromètre ne sert donc pas à mesurer la capacité totale de la poitrine, mais seulement la quantité d'air inspiré et expiré, sans tenir compte du résidu qui n'est pas expulsé, même dans le mouvement d'expiration volontaire le plus intense. Plus d'un observateur avait déjà cherché à déterminer avec quelque rigueur le plus ou moins d'amplitude ou de perméabilité du poumon. Pour cela faire, on avait essayé de mesurer l'étendue des mouvements du thorax; le mérite d'Hutchinson a été de négliger complétement un indice si aisément trompeur, et de s'en tenir à la mesure des volumes d'air eux-mêmes. C'est dans ce but qu'a, été conçu le spiromètre, dont nous nous bornerons à donner une description très-succincte.

L'appareil est essentiellement un gazomètre muni d'une échelle fixe et d'un indicateur mobile qui suit les mouvements du récipient d'air et les indique sur l'échelle graduée; le récipient à air plonge dans un réservoir rempli d'eau, il est en communication avec la poitrine du sujet en expérience, à l'aide d'un tube en caoutchouc, terminé par un embout en verre; diverses modifications out été successivement introduites par Hutchinson lui-même, et depuis des perfectionnements ont été apportés par d'autres expérimentateurs. Quel qu'il soit, l'appareil, quand il est exact, est assez volumineux pour devenir d'un transport difficile, et pour se refuser à la plupart des cas de la pratique médicale. Wintrich a essayé de rendre l'instrument plus portatif sans en modifier le principe, et n'y a réussi qu'imparfaitement, M. Boudin a imaginé un spiromètre d'un très-petit volume et dont M. Hecht donne un dessin et une description d'après le catalogue de MM. Varnout et Galante, fabricants d'objets en caoutchouc. L'appareil se compose d'une vessie en caoutchouc, à laquelle est adapté un tube pour l'inspiration; à mesure que la vessie se gonfle, elle élève un index adhérent à sa face supérieure, et qui chemine le long d'une échelle graduée; on comprend sans peine que cet instrument ingénieux et portatif pèche par le défaut de précision, et on verra, en étudiant le mode d'emploi du spiromètre, que l'inexactitude n'est pas une médiocre imperfection.

L'appareil, quel qu'il soit, doit être placé à une suffisante hauteur pour que le sujet se tienne debout. Hutchinson insiste avec raison sur celte condition essentielle. L'individu soumis à l'examen doit être libre de toute entrave qui gènerait la mobilité de sa poitrine. Il respire la plus grande somme d'air qu'il puisse appeler dans la poitrine et fait l'expiration la plus complète, après avoir introduit le tube entre ses lèvres. L'expérience est ainsi répétée trois fois, et chaque fois le chiffre est noté.

Ce manuel opératoire est, on le voit, d'une extréme simplicité, et on ne saurait l'accuser d'exiger, soit de la part du patient, soit de la part de l'observateur, une aptitude d'aucun genre. Étant donnés l'instrument et

la méthode expérimentale, voyons les résultats auxquels sont arrivés Hutchinson et les autres médecins qui, après lui, ont répété le même examen. Il s'agit ici d'une pure expérience de physique appliquée, et il n'y a pas lieu de s'étonner que les observateurs aient suivi exactement la marche que suit un physicien dans l'étude des phénomènes du même ordre.

Le premier problème à résoudre est ce celui-ci : La capacité vitale du thorax est-elle soumise à des variations indéterminées et qui échappent au calcul, de sorte que le même individu, examiné à diverses reprises et à de courts intervalles, donne des chiffres différents? L'expérience, et elle a été répétée des milliers de fois, prouve surabondamment que la capacité vitale est constante, qu'elle n'est profondément influencée ni par l'exercice, ni par l'habitude, ni par toute autre cause d'une insaisissable variabilité.

Étant admise la constance de la capacité vitale chez un individu donné, et à un moment donné, le second problème consiste à rechercher, par des essais multipliés, le chiffre normal qui la représente. Il est certain d'avance que le volume d'air expiré par le même individu n'est pas égal à toutes les périodes de son développement. L'âge est donc un élément dont il faut tenir compte. Le diamètre de la poitrine exercet-il une influence considérable? Le poids, la taille, la santé et la maladie, introduisent-ils des changements? Si on ignore la mesure dans laquelle agissent toutes ces causes, la spirométrie est un non-sens qui ne satisferait pas la curiosité la moins scientifique.

Hutchinson, en s'appliquant avec un zèle et une sagacité également remarquables à la recherche expérimentale qu'il poursuivait, a apprécié expérimentalement la valeur de chacune des conditions que nous venons d'indiquer. Bien que tous ces éléments soient de ceux qui n'échappent pas à l'observateur, le calcul en serait singulièrement complexe. Or l'expérience permet de simplifier énormément ces données indispensables.

De toutes les conditions qui font varier le chiffre normal de la capacité pulmonaire, une seule suffit presque à constater, et peut-être est celle qu'on aurait par avance le moins pris en considération, c'est la taille de l'individu. La stature est en rapport exact avec la capacité vitale. Telle est la loi curieuse découverte par Hutchinson, prouvée par lui à l'aide de 2,430 observations, et qui depuis n'a pas été démentie. C'est ainsi qu'entre 5 et 6 pieds, par exemple, pour chaque pouce de taille, l'expiration forcée donne 8 pouces cubes d'air en plus à 60° F., ou, pour prendre la réduction en mesure française, la capacité vitale croît de 1 décilitre par 2 centimètres d'augmentation dans la stature. Cette loi tout expérimentale n'a pas d'explication rationnelle, et Hutchinson lui-même insiste sur son étrangeté. La taille d'un individu ne dépend pas sensiblement de la longueur du tronc, mais de celle des membres inférieurs. De deux hommes mesurés par l'auteur,

l'un a la taille de 5 p. 9 p. 12, l'autre de 4 p. 4 p. 11⁄2 lorsqu'ils sont debout; assis, ils ont exactement la même hauteur de tronc, et cependant le premier a une capacité vitale de 236 pouces cubes, tandis que le second n'en compte que 152.

Le tableau suivant, emprunté à Hutchinson, indique la capacité vitale physiologique de l'homme, dans la période moyenne de la vie en rapport avec la taille. Nous avons conservé les mesures anglaises, parce qu'elles font mieux ressortir la relation :

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Ces chiffres ne représentent évidemment qu'une moyenne, et admettent quelques oscillations. On a tant appris à se défier des excès d'exactitude, que les moyennes des chiffres rapportés par Hutchinson demandaient à être contrôlés. Schneevogt s'est chargé de ce travail, et il a résumé, dans un tableau concluant, 30 observations, en indiquant l'âge, la mesure spirométrique obtenue, et ce qu'elle devrait être d'après les calculs du médecin anglais. Nous n'hésitons pas, malgré sa longueur, à reproduire ici ce document, instructif à plus d'un titre. Les mesures françaises ont été adoptées par l'auteur :

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