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V. Les caractères anatomo-pathologiques sont aussi variables que les symptômes. M. Ollivier (d'Angers) en a fait, il y a longtemps, la remarque. C'est qu'en réalité les lésions matérielles, comme les symptômes, dépendent encore ici bien plus du mode d'impression subie par l'économie, impression toute spéciale et toute individuelle, que de la nature mème de la cause. Même après beaucoup d'expériences, il est aussi impossible de déterminer à l'avance, dans des conditions données, quelles seront les lésions anatomiques qu'il ne l'était de prévoir la forme des symptômes. Des animaux de même force et de même taille, asphyxiés ensemble, et placés, par conséquent, dans des conditions identiques, ont présenté des lésions cadavériques différentes, et nous avons vu qu'il en a été de même chez quelques individus.

J'ai fait le plus grand nombre des autopsies à l'instant même où la vie venait de cesser. C'était le meilleur moyen de se rapprocher le plus des conditions de l'être vivant, et de relier les symptômes aux lésions. Cette précaution m'a permis d'étudier les caractères avant qu'ils eussent été défigurés par le travail cadavérique, et l'on pourra s'expliquer ainsi la différence qui existe entre les résultats que j'indique et ceux des autopsies qui n'ont été faites que vingt-quatre heures au moins après la mort. Les caractères anatomo-pathologiques dans les cas les plus communs sont tout à fait

négatifs.

Le plus souvent, il est vrai, le sang est noir, épais et coagulable; mais quelquefois aussi il conserve sensiblement sa coloration normale, rouge dans les artères, plus foncée dans les veines. Souvent il est tellement fluide, qu'il suffit d'ouvrir un des gros vaisseaux, peu de temps après la mort, pour qu'il s'écoule presque en entier. C'est par erreur que l'on a attribué au sang une coloration brune constante, et c'est avec raison qu'Ollivier (d'Angers) a dit : « La coloration noire du sang n'est pas aussi invariable qu'on le pense d'après Nysten, qui démontra que le gaz acide carbonique injecté dans les veines donne au sang une coloration brune.» M. Marye a émis une opinion semblable.

Jamais le cœur n'a de ces mouvements vermiculaires, derniers vestiges des pulsations, qui se rencontrent au contraire dans presque tous les autres cas de mort violente, et particulièrement après la pendaison. Ceci est d'autant plus remarquable que souvent cer

tains muscles, entre autres le diaphragme et les intercostaux, se contractent encore pendant longtemps. Dans les ventricules, à droite, il se trouve souvent un nombre infini de petits caillots noirs comme du jais, tassés les uns sur les autres ou baignant dans du sang fluide; à gauche, j'ai vu quelquefois, mais rarement, le sang coagulé en une seule masse, mais bien moins foncée et plus molle que les caillots du ventricule droit.

<< Parfois la muqueuse qui revêt la face interne du larynx ou de l'épiglotte est d'un rouge livide fort distinct» (Compendium de médecine). Je puis affirmer que sur soixante animaux que j'ai ouverts chez moi ou à la fourrière, je n'ai pas rencontré une seule fois ce caractère.

La trachée-artère est rosée; à l'état frais, elle n'a jamais d'arborisation vasculaire. Il est très-rare d'y trouver des muscosités, même quand il y en a eu de rejetées par les narines; souvent, malgré l'abondance des rales, il n'y a qu'un peu de mucus attaché aux cordes du larynx.

L'état des poumons diffère entièrement de ce qu'en ont dit des auteurs, pour n'avoir fait les autopsies que vingt-quatre ou quarante heures après la mort. On a écrit: « Les poumons sont très-développés, ils recouvrent le péricarde, et quelquefois ils sont si volumineux, qu'ils chevauchent l'un sur l'autre après la section du médiastin. Le poumon, gorgé de sang vers ses parties déclives, est plus pesant que de coutume; sa coloration, de grise ou de rosée qu'elle est dans l'état naturel, est devenue violette, marbrée.» (Compendium de médecine.)

Chez aucun des animaux que j'ai ouverts de suite, je n'ai rencontré quoi que ce fût de pareil.

Lorsque avant de découvrir les poumons, on a soin, par la ligature de la trachée, de s'opposer à leur affaissement, on reconnait qu'au moment où la vie les a abandonnés, ils n'avaient aucune dimension ni aucune coloration extraordinaire : ils remplissent la cavité thoracique, mais ils n'y sont pas resserrés. Ils sont d'un rose tendre et très-clair. En incisant leur substance, bien loin de déterminer un écoulement abondant, comme cela aurait lieu s'ils étaient engorgés et congestionnés, il faut attendre plusieurs secondes avant qu'il se forme une nappe. Si, au contraire, on commence l'autopsie sans oblitérer la trachée, les organes, sous la double puissance de la pression atmosphérique et de la contracti

lité des tissus, s'aplatissent de suite, et ils se transforment en lames molles et minces comme de véritables membranes. En raison de cette réduction de volume, le sang qui y était contenu reflue au dehors, et l'on voit instantanément les veines caves, celles du cou et celles mêmes du poumon, former des cylindres noirs, bien plus volumineux qu'avant l'ouverture de la poitrine. C'est donc une erreur que d'assigner comme un des signes de l'asphyxie la congestion de ces vaisseaux.

Jamais je n'ai rencontré, dans le grand nombre d'animaux que j'ai ouverts, de ces taches noires, ecchymoses sous-pleurales, qui sont si communes après la strangulation, la pendaison, etc.

MM. Tardieu et Bayard, au contraire, en ont vu de très-nombreuses sur le lobe inférieur du poumon gauche chez la femme Drioton.

«Nous ne saurions, dit un auteur, trop nous élever contre cette assertion de M. Marye, que l'engorgement des vaisseaux veineux, le développement des poumons, leur couleur d'un brun noirâtre, la rougeur de leur parenchyme, laissant échapper sous le scalpel un liquide très-noir et très-épais, ne sont pas des caractères propres à l'asphyxie, et qu'ils peuvent se rencontrer dans beaucoup d'autres circonstances étrangères à celle-ci.»

Pour moi, j'affirme que de tels caractères ne se rencontrent jamais quand on ouvre le corps dans l'instant qui suit la mort, c'està-dire quand les organes sont encore dans l'état où la vie les a laissés. Il est évident que si l'auteur s'élève aussi énergiquement contre l'assertion de M. Marye, c'est que, comme il l'a écrit luimême, il n'a jamais fait d'autopsie d'asphyxiés que vingt-quatre heures au moins et souvent deux ou trois jours après la mort; c'est-à-dire quand il s'était écoulé au moins quatre fois le temps qui est nécessaire pour que le résultat du travail cadavérique se substitue entièrement à l'état spécial qui a accompagné la mort.

Le foie conserve souvent son volume et sa densité normale; cependant j'ai eu occasion d'y reconnaître un état fort singulier. Chez trois chiens morts avec des symptômes moyens de suffocation, ce viscère, qui est en général d'un rouge brun et d'une consistance assez sèche, était noirâtre et tellement gorgé, qu'il en était dur, et que les sillons naturels étaient presque effacés. Il résistait à toute tentative de flexion, et se brisait plutôt que de céder. Son grain

était plus gros qu'à l'ordinaire, il s'écoulait de sa brisure un sang huileux, noirâtre et très-épais. Ainsi qu'on le verra, cet état du foie n'est pas spécial à l'asphyxie par les vapeurs du charbon seulement; je l'ai rencontré chez un très-grand nombre d'animaux pendus ou étouffés; et, chose remarquable, en ouvrant en même temps plusieurs animaux qui étaient morts exactement de la même manière, tantôt on le trouvait marqué au plus haut point, tantôt, au contraire, il manquait complétement. « Le foie est sensiblement tuméfié; il dépasse de plusieurs doigts le rebord des côtes inférieures, et il recouvre le diaphragme » (Compendium de médecine).

Le cerveau, le plus souvent, ne présente rien de bien notable; parfois, quand la suffocation avait été très-grave, je l'ai vu piqueté, mais jamais avec cet état de congestion excessive, ces épanchements par rupture ou la méningite, qui ont été indiqués dans quelques traités. Je peux ajouter que dans aucune des observations rapportées, il n'est sérieusement fait mention de ce genre de lésions. Chez la plupart des animaux, j'ai incisé couche par couche la partie supérieure de la moelle, le bulbe,et la moelle allongée; chez aucun je n'ai rencontré quoi que ce fût d'anormal.

Enfin on a vu que chez ce jeune homme qui est mort à la Charité, malgré les symptômes de méningite qu'on avait cru reconnaitre pendant la vie, d'après les contractures, et en raison desquelles il lui avait été appliqué un si grand nombre de sangsues aux apophyses mastoïdes, il ne se trouva rien de particulier dans l'encéphale. Aux rapports de plusieurs auteurs, les ventricules cérébraux sont distendus par des liquides. Il serait plus anormal encore que ces cavités fussent à sec, mais je n'ai rien vu de remarquable sous ce rapport.

Il est donc évident que la plupart des signes anatomiques que l'on a attribués à l'asphyxie jusqu'à présent ne lui appartiennent pas en propre. Est-ce à dire pour cela que l'on ne peut considérer comme tels que ceux que j'ai décrits? Oui, scientifiquement parlant, mais non assurément au point de vue de la médecine légale.

Seulement ici, en voyant ce que sont les organes au moment même où la vie vient de les abandonner, comparativement à ce qu'ils deviennent vingt-quatre heures ou quarante-huit heures après, on comprendra que dans cette dernière condition, l'état que

l'on a sous les yeux ne peut pas être l'expression exacte de la cause de la mort, et c'est vers d'autres sources que l'on ira chercher des certitudes.

DE L'EXTENSION DES CELLULES DU CANCER AUX ENVIRONS DES TUMEURS CANCEREUSES; ET DE SES CONSÉQUENCES PATHOLOGIQUES (1);

Par J.-L. SCHRŒDER VAN DER KOLK.

Déjà, en 1847, j'ai communiqué à la Société provinciale d'Utrecht quelques observations sur le développement et l'extension du cancer; un court résumé a été inséré dans le recueil de la Société (Aanteekeningen in de Sectie, etc.; 1847). Ces observations avaient trait au mode de propagation du carcinome aux parties environnantes, lorsque celles-ci, examinées à l'œil nu, paraissaient complétement saines.

L'importance du sujet, qui, suivant moi, n'a pas été apréciée à sa juste valeur, m'a engagé à poursuivre ces recherches et à leur donner une publicité plus étendue que celle qu'elles avaient reçue dans le recueil, distribué exclusivement aux membres de la Société provinciale.

En continuant mes observations, je les ai fait porter de préférence sur le cancer des lèvres ou épithélial, cette forme permettant mieux que toute autre de suivre avec exactitude l'extension de la maladie aux parties voisines.

Lorsque après avoir extirpé une lèvre inférieure affectée d'un cancer épithelial plus ou moins étendu, on la coupe, suivant une direction longitudinale, en deux moitiés, de manière à avoir une portion antérieure et une postérieure, on est à mème de distinguer assez nettement les limites de la lésion; elle s'étend en général plutôt en longueur qu'en profondeur. Si maintenant, avec un scalpel

(1) Extrait du Journal de Henle et Pfeufer (Zeitschrift für rationelle Medicin), t. V, cah. 1 et 2.

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