Sivut kuvina
PDF
ePub

à moins d'inconvénient peut-être, mais elle ne guérit pas davantage, et les résultats de l'épidémie de l'Eldorado seraient là, au besoin, pour le prouver. Quand je rapproche les propriétés dilatantes des anneaux musculaires que possède la belladone de la théorie de M. Fonssa grives sur le spasme de l'intestin dans la colique végétale, je crains qu'il n'ait cédé à des illusions de doctrine.

Au reste, si je cherche ainsi à renfermer dans ses limites la véritable valeur de ce médicament, c'est que le talent avec lequel M. Fonssagrives a exposé ses idées est bien propre à causer des entraînements qui pourraient plus tard devenir des déceptions. Je ne sache pas qu'on connaisse encore un agent thérapeutique qui fasse cesser sûrement les atroces douleurs de la colique végétale, et si la belladone les calme un peu plus que les autres, elle est loin pourtant d'atteindre ce but.

[ocr errors]

Expérimentant, de mon côté, la belladone conseillée par M. Raoul sans indication de mode d'administration, j'ai dû suivre un autre procédé que M. Fonssagrives: ainsi j'ai donné l'extrait par pilules de 5 centigrammes, portées jusqu'à 3 et même 4, pendant la journée, et cela sans chercher à provoquer les symptômes de l'empoisonnement, qu'il ne me semble d'ailleurs pas prudent de poursuivre, parce qu'on pourrait être forcé d'arriver à des doses dangereuses. Ce traitement demande même à être surveillé, et voici ce qui m'est arrivé une fois M. Labit, lieutenant du navire le Gaston, entré, le 18 mai 1852, à l'hôpital Saint-Pierre, 25 ans, constitution vigoureuse, atteint depuis deux jours d'une première attaque de colique très-intense, est mis à l'usage de la belladone, 2 pilules le premier jour, 3 le second; dans la nuit de ce second jour, chaleur de la peau, face vultueuse, dilatation de la pupille, délire et hallucination. On est obligé d'employer un traitement particulier pour arrêter ces accidents, qui n'empêchent pas la colique de suivre son cours. Ici les symptômes de l'empoisonnement ont été provoqués brusquement, ce qui en a fait sans doute le danger; mais on n'est pas toujours maître de les diriger à sa volonté, même en agissant lentement.

Le symptôme qu'il importe le plus de faire cesser en même temps que la douleur, c'est la constipation; mais il n'est pas prudent de recourir aux purgatifs un peu actifs avant le troisième ou même

le quatrième jour, et il n'est pas douteux pour moi que, si les purgatifs ont souvent bouleversé et fatigué les malades infructueusement, c'est que la constipation ayant une durée presque nécessaire, ils devaient être au moins inutiles, sinon nuisibles. Les praticiens ne sont pas d'accord sur le purgatif qu'on doit préférer; il est incontestable que le plus actif et le plus sûr est l'huile de croton, et qu'il doit être employé toutes les fois qu'on croit important de faire cesser promptement la constipation. Ceux qu'on doit préférer après celui-là sont ceux qu'on peut administrer sous forme piilulaire, parce qu'ils courent moins de risque d'être rejetés par le vomissement; celui dont j'ai fait usage est l'aloès allié au calomel à proportions égales, non pas aux doses homœopathiques conseillées par M. Segond, mais à la dose d'un gramme de chaque pour quatre bols administrés dans l'espace de quatre heures. Je ne dois pas passer sous silence l'huile de ricin, que M. Ange Duval dit lui avoir si bien réussi dans l'Inde. Les lavements purgatifs doivent toujours venir en aide à cette médication; celui qui m'a le mieux réussi est la casse, mêlée au sel d'Epsom. Campet employait à Cayenne les feuilles fraîches de tabac, M. Segond les a employées d'après lui, et M. Laure, à ce qu'il paraît, les emploie aujourd'hui dans le même lieu, d'après M. Segond, sans doute; mais le tabac agit comme drastique, et non comme narcotique. Il ne faut pas oublier d'ailleurs que les lavements simples, employés dès le début, et souvent répétés, soulagent beaucoup les malades en lubréfiant les intestins desséchés. Les bains répétés sont aussi des moyens adjuvants d'une grande utilité et qu'affectionnent beaucoup les malades; ils n'ont quelque repos que dans le bain.

Il est important encore de ne pas négliger les douleurs qui ont leur siége sur d'autres points que l'abdomen; si c'est au rachis, les moxas et les vésicatoires promenés le long du siége de la douleur sont utiles; les vésicatoires sont pansés soit avec la morphine, soit de préférence, d'après M. Raoul, avec l'extrait de belladone; aux membres, on emploie des frictions avec l'huile camphrée, quand les douleurs sont légères, la térébenthine opiacée, quand elles sont vives et accompagnées de paralysie.

Tel est le traitement d'une attaque de colique. Si elle est primitive et constitue toute la maladie, le traitement actif doit s'arrêter là, et les soins hygiéniques commencent; néanmoins le ventre doit

être surveillé pendant longtemps encore, et les annonces de douleur ou de constipation doivent être combattues par la belladone à petite dose et par les purgatifs légers. Aux rechutes, on oppose les moyens qui ont réussi dans la première attaque.

Mais, si la maladie suit son cours, et qu'on ait à combattre la paralysie et les accidents de l'encéphalopathie, alors commence l'emploi d'une série de moyens qui me semblent ne rien emprunter de particulier à la colique végétale. Les frictions avec la teinture de noix vomique, les vésicatoires répétés, même sur la calotte du crâne; l'extrait de datura contre l'hallucination; les différents moyens propres à combattre la faiblesse anémique dans laquelle est tombé le malade, et, dans ce but, les excitants amers plutôt que les ferrugineux; mais surtout les moyens propres à combattre la colique, quand elle revient, ou à la prévenir en tenant toujours le ventre libre tels sont, entre beaucoup d'autres, les moyens que j'ai mis en usage. On pense bien que les narcotiques employés intempestivement, dans ce cas, peuvent faire beaucoup de mal.

Je n'ai pas employé le chloroforme contre la colique végétale; mais la connaissance que j'ai aujourd'hui des vertus anesthésiques locales de ce médicament me porterait à l'administrer en potion contre la douleur abdominale.

On n'a pas tenté contre la colique végétale d'antidote, comme dans la colique de plomb: la nature de la cause l'explique suffisamment.

Enfin un moyen qui ne manque que rarement son effet dans les cas les plus graves de colique végétale, c'est le rapatriement pour les Européens, l'émigration vers les régions nord pour les créoles. Cette dernière ressource est nécessaire pour les marins, après une première attaque un peu intense de la maladie, parce qu'ils vivent dans un foyer d'infection toujours actif. Elle l'est aussi pour les créoles qui ont été très-gravement atteints; mais il ne faut pas oublier que ceux-ci peuvent guérir radicalement et sans déplacement, quand ils n'ont eu qu'une attaque simple de colique. Quand la maladie est complète, on doit partir pendant son cours même, en profitant d'un moment d'amélioration

Caractères anatomiques.- La colique végétale est pauvre d'investigations anatomiques, dit-on, c'est vrai; mais je crois

qu'elle est plus pauvre encore de caractères nécropsiques qui lui soient propres; et le petit nombre d'autopsies connues sont plus faites pour dérouter, sous ce rapport, que pour fixer l'esprit. Ainsi, moi qui n'ai aussi à apporter, comme tribut, à l'élucidation de ce point de doctrine, qu'une unique ouverture de cadavre, et encore faite il y a huit ans, je ne puis dire qu'une chose, c'est que je n'ai rencontré rien d'assez anormal pour constituer un caractère anatomique. De ramollissement des centres nerveux, pas; plutôt un peu d'atrophie, comme du vide dans la cavité du crâne et du rachis; au système nerveux abdominal, rien; peut-être un peu de gonflement de quelques ganglions, mais cela se rencontre dans la première maladie venue.

Je me console en pensant que la fièvre pernicieuse, qui est aussi une maladie infectieuse, telle qu'on succombe ordinairement à la violence de l'empoisonnement miasmatique, ne laisse souvent aucune trace à sa suite. Je me console encore en songeant que l'encéphalopathie saturnine, dans la moitié des cas, ne présente aucune lésion cadavérique.

Cette absence ou cette incertitude de lésion vient d'ailleurs en aide au caractère des symptômes et à la détermination de la nature de la colique végétale.

Nature et siège.- Nous avons reconnu à la colique végétale une cause endémique provenant, comme toutes les causes de même nature, dans les pays chauds, des émanations du sol provoquées et entretenues par les éléments météorologiques, et à cette cause, autrement dit à ce miasme, une nature spécifique, comme à la maladie qu'il produit.

C'est par une infection générale de l'organisme que le miasme est mis en contact avec les parties qui sont le siége de la colique végétale, et c'est par l'intermédiaire du sang, probablement, que se fait cette infection. Il n'est pas nécessaire de créer, pour cela, une altération spéciale du sang, dont il n'a été fait mention par personne, soit systématiquement, soit anatomiquement : l'altération du sang qui constitue l'anémie n'a rien de spécial. La colique végétale est donc une maladie infectieuse.

Les symptômes que nous avons étudiés appartiennent tous à des lésions de la sensibilité, de la motilité, ou à certains troubles fonc

tionnels nommés névroses. La colique végétale doit donc être rangée parmi les maladies dites nerveuses, bien qu'elle soit l'effet d'un empoisonnement miasmatique. Le caractère essentiel des lésions finales produites par ces symptômes est la paralysie; partout il y a paralysie, dans les muscles de la vie organique comme dans ceux de la vie de relation. Je ne vois pas pourquoi M. Fonssagrives a cru nécessaire qu'il y eût contraction tonique de l'intestin pour expliquer la constipation. Comme il le dit fort bien lui-même, toute fibre musculaire douloureuse est perdue pour la contraction régulière; et c'est pour cette raison que, le plan musculaire de l'intestin étant paralysé par la vive douleur dont il est le siége, et les sécrétions intestinales étant supprimées ordinairement, la constipation a lieu. L'exaltation de la sensibilité et la paralysie du mouvement sont, dans cette maladie, deux effets d'une même cause, et existent presque toujours simultanément. C'est pourquoi la dyspnée, toujours si grave, et accompagnant souvent les cas mortels, ne peut pas être attribuée, selon moi, à une autre cause qu'à la diminution progressive du mouvement dans le diaphragme et dans les muscles auxiliaires de la respiration (1); je crois que c'est aussi à la même cause agissant sur le cœur qu'il faut rapporter les pertes de connaissance et la mort par syncope qu'on observe quelquefois. D'ailleurs, pourquoi y aurait-il contraction tonique dans les muscles de la vie organique, quand nos yeux constatent la paralysie dans les muscles de la vie de relation? Le nerf trisplanchnique est-il autre chose ici que le conducteur de propriétés qui appartiennent aux nerfs rachidiens; et ceux-ci, obéissant tous à la même cause, peuvent-ils agir différemment sur les muscles de la vie organique que sur ceux de la vie de relation?

J'appelle la plus sérieuse attention sur ce point de doctrine opposé à celui que professe M. Fonssagrives; car, suivant qu'on adoptera l'un ou l'autre, le traitement des symptômes graves de la maladie devra être tout opposé. Je ne comprends même pas comment, avec les idées de contraction tonique, on ose prescrire, dans la colique végétale, des purgatifs drastiques qui ne peuvent avoir pour effet que d'exciter davantage les contractions, et d'aggraver

(1) La douleur à la base de la poitrine et la dyspnée sont les symptômes de la paralysie du diaphragme.

« EdellinenJatka »