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la tradition, et sur les anciens commentateurs des ouvrages hippocratiques. M. Daremberg a borné sa traduction aux livres suivants : le Serment, la Loi, de l'Art, du Médecin, Prorrhétiques, Pronostics, Prénotions de Cos, des Airs, des eaux et des lieux, Epidémies, Régime dans les maladies aiguës, Aphorismes; mais, dans cette nouvelle édition, il a réuni sous forme d'appendice des extraits ou des analyses des divers traités dont quelques-uns appartiennent probablement à Hippocrate, et dont les autres paraissent appartenir à l'école de Cos, ont servi de notes pour la rédaction d'ouvrages réputés légitimes ou ont été rédigés sous l'œil du maître. C'est un service de plus que M. Daremberg a rendu aux médecins, en complétant cet ouvrage, qu'on peut, avec d'autant plus de raison, recommander comme le compendium de la médecine hippocratique.

En donnant une traduction française des Instituts de Borsieri, M. Chauffard, d'Avignon, a voulu plutôt témoigner de son respect pour les doctrines qu'il soutient avec une foi chaleureuse que faire œuvre d'érudition. Borsieri est presque un contemporain; la première édition de son livre est de 1781, et son latin n'est pas de ceux qui rebutent les lecteurs. Borsieri, comme dit un de ses éditeurs, sermonis elegantia et ubertate conspicuus, est remarquable par l'abondance un peu redondante et souvent recherchée de son style; il aime les longues périodes, ne se sert que des mots consacrés par la meilleure latinité, et mérite, au point de vue de l'élocution, de prendre place près de Stoll, dont il n'égale pas la ferme et sobre diction. La traduction de M. Chauffard ne rend peut-être pas d'une façon absolument satisfaisante les côtés littéraires de son modèle; elle a quelque sécheresse, et le traducteur semble avoir adopté, de parti pris, des locutions vieillies qu'on ne retrouve ni dans son introduction ni dans ses ouvrages originaux. Où Borsieri, avec l'urbanité un peu indécise qui préside habituellement à sa critique, exprime une opinion réservée, M. Chauffard pose une affirmation: il semble que telle cause engendre tel phénomène, dit l'auteur; tel fait dépend de telle cause, dit le traducteur.

M. Chauffard ne s'est pas assez appliqué non plus à reproduire la richesse de vocabulaire qui fait de Borsieri un remarquable écrivain. C'est là sans doute un mince défaut, quand il sagit d'un livre scientifique; mais, outre que la perfection n'a jamais rien gâté, il faut bien reconnaître qu'une traduction de Borsieri ne pouvait guère avoir d'autre mérite que celui de se recommander par des qualités littéraires..

La notice biographique sur Borsieri est d'une brièveté regrettable, et eût pu être aisément complétée. L'introduction: Étude comparée du génie antique et de l'idée moderne en médecine, dont nous avons déjà parlé, est supérieure à tous égards. M. Chauffard y développe avec talent l'idée, que les mots de génie et d'art conviennent à la médecine antique, «passionnément attachée à l'observation des mouvements variés et ordonnés de la nature, adonnée à les comprendre, à en pénétrer la tendance et le

but, s'animant à les suivre, à les diriger, ou même à en susciter de nouveaux, le plus souvent à l'imitation de la nature agissante et médicatrice. L'idée moderne au contraire conduit à l'étude patiente et soutenue des organes, à l'analyse pure des conditions matérielles de la santé et de la maladie. Elle accomplit une œuvre de moins de pensée et de réflexion, ni d'art ni d'inspiration, mais de labeur et d'un opiniâtre labeur sur la matière organique, sur les lésions des tissus, et sur les manifestations physiques provoquées par ces lésions et qui les décèlent. >>

L'auteur conclut du long parallèle qu'il établit entre les deux tendances, que le médecin doit s'inspirer des dogmes de la médecine antique, s'élevant ainsi jusqu'à la conception vraie des principes du vitalisme; qu'en se tenant dans cette hypothèse élevée, il ne perdra rien des acquisitions de la science moderne, sans être entraîné sur la pente dangereuse de la localisation morbide.

Les lettres sur le vitalisme de M. Chauffard sont conçues dans le même esprit et au service des mêmes doctrines. Les premières sont consacrées à l'exposition de l'hippocratisme tel que l'entend l'auteur, les secondes sont une réponse aux objections formulées par M. Dechambre.

M. Faget, de la Nouvelle-Orléans, est également un hippocratiste; mais, plus orthodoxe que M. Chauffard, il se rattache, par une dédicace qui est une profession de foi, à l'école dont M. Cayol est le chef respecté, et qui a pour organe la Revue médicale.

La Société de médecine de Caen avait mis au concours en 1851 la question suivante, dont l'énoncé seul était de nature à faire reculer les plus hardis compétiteurs : «Peut-on, dans l'état actuel de la science, établir les bases d'une doctrine ou d'un système général de pathologie qui paraisse le plus convenable pour l'enseignement de la médecine et la pratique de l'art ? Dans le cas de l'affirmative, établir cette doctrine sommairement. >> M. Faget s'est senti le courage de remplir le programme, et là est l'origine de son livre. Non-seulement M. Faget est, sous tous les rapports et sans restriction, le disciple de M. Cayol, mais il a la ferveur ardente des nouveaux adeptes. «A l'heure qu'il est, dit-il, le vitalisme hippocratique n'a plus d'adversaire sérieux. » Principes, méthode, croyances de détail et de fond, il accepte tout, et son traité n'est, pour lui-même, qu'une paraphrase du catéchisme adopté pour l'enseignement de ses corréligionnaires scientifiques. La foi qui déborde dans ses convictions ne s'arrête même pas devant des propositions qui touchent å la naïveté. «Il n'est pas besoin d'un grand effort, dit-il quelque part, pour comprendre que le principe fondamental de l'hippocratisme étant la vie, il n'y a pas de fait en médecine qui puisse se soustraire à sa domination.» Et ailleurs : «Une doctrine n'existe qu'autant qu'elle est fondée sur un premier principe. Or un premier principe est une vérité intuitive où les sens n'ont rien à voir, et le premier principe de la doctrine hippocratique, c'est la vie. Donc, pour être vitaliste à la façon d'Hippocrate, il faut être spiritualiste.»>

Conduit au spiritualisme par un argument si décisif, le médecin est ramené, suivant M. Faget, à l'enseignement catholique, qui en est la plus haute expression. Puis, rapprochant le naturel du surnaturel, il cherche à être le plus catholique possible dans ses convictions médicales, c'est-à-dire à trouver une doctrine réunissant des caractères d'authenticité propres à imposer la même foi que la religion révélée, savoir : d'être une, perpétuelle et universelle. L'hippocratisme remplissant ces trois conditions, il n'est pas possible, sous peine de scepticisme ou d'hérésie, de refuser d'y croire. Ces choses sont écrites en toutes lettres: «La doctrine hippocratique est donc, autant qu'une doctrine naturelle peut l'être, la plus catholique qu'on puisse concevoir; hors de son sein, point de science vraie. Toute doctrine nouvelle est donc nécessairement une hérésie médicale.>>

On ne discute pas, dit-on, avec la foi; nous n'avons garde de discuter ce mélange de médecine et de religion, subtilité involontaire qui prend des allusions pour des arguments, édifice logique qui repose sur des axiomes de convention, conviction irréfléchie où il s'agit de démontrer ce qu'on croit, au lieu d'apprendre ce qui est démontré. De tels errements n'ont d'excuse que le bon vouloir de ceux qui les poursuivent, et qui doit leur garantir la paix promise à tous les hommes de bonne volonté.

Ce n'est pas que M. Faget soit un esprit sans valeur; dans le reste de son livre, il est le plus souvent hippocratiste à la vraie façon médicale, c'est-à-dire partisan des forces vives de la nature médicatrice. Il sait beaucoup, il a médité sur toutes choses; mais son savoir se perd dans un dogmatisme intolérant. Il est de plus, qu'on nous pardonne l'étrangelé du terme, de l'école des souligneurs ; les mots soulignés se comptent par milliers dans son livre, et à chacun il attache ou un sens qui lui est propre ou une importance qui lui est également personnelle.

Nous professons pour la personne de M. Cayol une respectueuse estime, nous ne nous méprenons pas sur les mérites de ses opinions; mais nous n'oserions lui souhaiter beaucoup d'élèves aussi convaincus. La vraie raison de cet excès de croyance est, pour nous, dans l'isolement scientifique où l'auteur paraît avoir composé son livre. S'il quitte jamais la Nouvelle-Orléans pour venir se fixer dans un centre plus scientifique, il apprendra à tempérer ses idées sur les bases de la science médicale.

Le traité réformateur de M. Christophe commence aussi par une profession de foi qui commence elle-même par cette phrase: «J'ai entrepris la pénible tâche de renverser trente siècles d'erreur scientifique; tout aujourd'hui a été faussé, en philosophie, en histoire naturelle, et surtout en médecine. » La profession de foi roule en effet sur trois chefs: la religion, la philosophie et la médecine.

Laissons de côté la religion complétement, et ne prenons de la philosophie que le dogme fondamental: tout ce qui est en dehors du do

maine religieux de l'immatérialité est matière. La matière est de deux sortes, ou inerte et impondérable ou active et impondérable; la matière impondérable est la seule puissance vivifiante et organisante de la matière pondérable. De là le nom de la doctrine qui est destinée à remplacer les quatre systèmes qui ont seuls jusqu'ici existé en médecine, à savoir le solidisme, l'humorisme, le gazisme et le vitalisme, auxquels viendra se superposer l'impondérabilisme. M. Christophe expose les principes théoriques et les applications pratiques de sa découverte médicale avec une honnêteté et une simplicité qui désarment. « Je n'ai jamais été, dit-il, ambitieux des biens temporels; je ne désire ni les places ni les honneurs de personne, et je mets mon bonheur dans l'espérance d'être utile aux générations futures. Si mes idées sont vraies, rien ne pourra empêcher leur succès; si elles sont fausses, rien ne pourra suspendre leur chute.>>

La pathologie se résume en ce peu de mots : les impondérables sont les agents primitifs des fonctions; par la même raison, ils sont les dépositaires originels des maladies.

La thérapeutique consiste à faire avant tout le traitement des impondérables; «< ce principe, qui change complétement l'esprit de la thérapeutique, lui fera faire d'immenses progrès. »

M. Christophe est conduit par ces prémisses à l'établissement d'un cadre pathologique non moins nouveau que les éléments qui ont servi à l'établir, et qui comprend trente-six espèces nosogéniques divisées en six classes, qui sont les suivantes : 1o états morbides généraux de la calorification vitale ; 2o états morbides locaux de la calorification vitale partielle ou texturale; 3° états morbides généraux de l'électrisation ou de la fonction locomotive; 4° états morbides locaux de l'électricité locale ou du fluide moteur qui produit la motilité partielle; 5° états morbides généraux de l'illumination cérébrale, c'est-à-dire de la fonction phosphorique; 6° états morbides locaux de la sensibilité partielle ou fluide sensible local.

Ni le temps ni l'espace ne nous permettent de suivre l'auteur dans chacune de ses divisions. Il est à craindre pour lui qu'il trouve peu de lecteurs disposés à se vouer à l'étude de sa méthode ou même à prendre la peine d'apprendre sa nomenclature, qui, à elle seule, est une langue dont on n'aura pas la clef sans un laborieux apprentissage. Il restera à M. Christophe, pour se consoler, l'aphorisme dédaigneux de Stahl : Qui possunt intelligere intelligant.

E. FOLLIN, C. LASÈGUE.

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