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A MES CHÈRES COLLABORATRICES

MME DAGMAR WALLENSKÖLD

ET

MLLE VALBORG WALLENSKÖLD

A. W.

Q

60

F49a

v.34
noil

CHAPITRE I

Classement général des différentes versions

La condamnation imméritée d'une femme accusée d'adultère et sa réhabilitation après une longue suite d'aventures malheureuses est un sujet légendaire souvent utilisé et qui a trouvé sa plus célèbre expression dans la légende de Geneviève de Brabant.1 Ce qui caractérise le conte dont nous nous occuperons dans cette étude, ce sont deux traits communs à toutes ses versions principales: 1) le premier (et, dans quelques versions, le seul) amant rebuté est le frère du mari, et 2) les persécuteurs de l'héroïne (ou, dans quelques versions, le seul persécuteur, le beau-frère), châtiés par des maladies, sont guéris par leur victime elle-même, après qu'ils ont confessé leurs méfaits.

1 Dans son œuvre magistrale, Danmarks gamle Folkeviser, Svend Grundtvig, partant de la ballade danoise Ravengaard og Memering, traita des divers groupes de légendes basées sur ce thème (v. t. I [1853], pp. 177-213). Depuis, on a pu compléter son exposé systématique; v. notamment, sur la fille sans mains, H. Suchier, Œuvres poétiques de Philippe de Remi, Sire de Beaumanoir, t. I (1884), pp. XXIII—LXXXI; sur la femme persécutée qui perd ses deux fils, P. Streve, Die Octavian-Sage (1884); sur la légende de Geneviève de Brabant, B. Golz, Pfalzgräfin Genovefa in der deutschen Dichtung (1897); sur l'histoire d'un faux amant introduit dans le lit de la femme persécutée, G. Paris, Le Roman du Comte de Toulouse, p. 12, note 1 (extrait des Annales du Midi, t. XII [1900]); etc. etc. Ajoutons à la liste des contes ayant pour sujet les aventures d'une femme injustement accusée par un ou plusieurs amants repoussés, les contes de provenance orientale suivants:

1) Histoire de la fille vertueuse, dans G. Spitta-Bey, Contes arabes modernes (1883), pp. 80—93 (no. VI), à laquelle se rattachent de près un conte grec dans J. Pio, Nɛoɛllŋvixà Пagaμvvia (1879), pp. 143–50 (O 'oßeŋòs x'ǹ nóen), et un conte néo-araméen encore inédit, donné par le ms. Berlin, Cod. Sach. 145, no. 57 (v., sur ce ms., M. Lidzbarski, Geschichten und Lieder aus den neu-aramäischen Hss. der Kgl. Bibl. zu Berlin [1896], p. 139; le conte en question est à tort rattaché à notre conte ouvr. cité, p. 171. M. S. Fuchs, de Berlin, a bien voulu nous en donner une traduction allemande), ainsi que, avec plus de divergences, un conte russe dans A. N. Afanasieff, Народныя Русскія Сказки, t. VII (1863), pp. 12-24 (Волшебное зеркальце [Le petit miroir enchanté]), où il y a mélange avec le thème du conte de Blanche-Neige, et un conte finnois dans K. Krohn et L. Lilius, Suomalaisia Kansansatuja, 2 osa: Kuninkaallisia satuja, 1 vihko (Tieteellinen painos) [Contes populaires finnois, 2:e partie: Contes royaux, 1er fasc. (Éd. scientifique)] (1893), pp. 14-17 (No. 3: Kauppiaan tytär [La fille du marchand]) et 148-52 (variantes sous la rubrique: Viattomasti syytetty neiti [La fille injustement accusée]). 2) Le Roi Bahrâm, ses deux Vizirs Khássa et Khalássa et la fille du premier, dans le Touti-Namch de Nakhchabi, nuit 51 (v. la traduction allemande de Pertsch, Zeitschr. der Deutschen morgenl. Gesellschaft, t. XXI [1867], pp. 548-50). Apparenté de près à ce conte persan est un conte du Bakhtyar-Nameh, Le Roi Dâdbin et ses deux Vizirs (v., pour la version persane, Ouseley-Clouston, The Bakhtyar Nāma [1883], pp. 62—72, et W. A. Clouston dans Originals and Analogues of some of Chaucer's Canterburg Tales [1888], pp. 390-6; pour

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Ce conte, que nous désignerons du nom de conte de la femme chaste convoitée par son beau-frère, faute d'un nom propre commun à plusieurs groupes de versions1, a déjà depuis longtemps attiré l'attention des savants. J. G. TH. GRÄSSE fut le premier qui, dans son grand ouvrage très nourri, mais parfois inexact, Die grossen Sagenkreise des Mittelalters (1842), essaya de dresser une liste des différentes versions („Florentia von Rom")2. Son exposé est très incomplet et ne distingue pas assez nettement notre conte d'autres contes d'origine différente. Trois ans après, P. O. BÄCKSTRÖM, à propos du livre populaire" suédois Hildegardis och Talandus (une variante de notre légende), entreprit avec plus de succès, dans ses Svenska Folkböcker, une espèce de groupement des différentes versions connues3; mais il n'a pas examiné le rapport des groupes entre eux. Il considère la version orientale (persane), qui est la plus riche en épisodes, comme la plus ancienne et attribue par suite à notre conte une origine orientale1. Tout opposée est l'opinion de Sv. GRUNDTVIG, exprimée dans son grand ouvrage à juste titre célèbre, Danmarks gamle Folkeviser (1853). Il rejette absolument l'idée d'une origine orientale de la légende, parce qu'il regarde le conte de la femme chaste convoitée par son beau-frère comme intimement lié aux différentes versions du cycle général de „la femme innocente persécutée", dont la ballade danoise Ravengaard og Memering lui semble représenter le type le plus ancien. La version orientale que connaissait Grundtvig, celle des Mille et un Jours de Pétis de la Croix, ne serait donc qu'une simple imitation de quelque version occidentale'. Même la remarque faite plus tard (en 1860) par F. LIEBRECHT 3 que notre conte se rencontre aussi dans les Mille et une

la version arabe, R. F. Burton, Supplemental Nights to the Book of the Thousand Nights and a Night [1886—1888], t. I, pp. 94-101, et t. II, pp. 296-7, et R. Basset, Contes arabes [1883], pp. 67-78; pour la version ouïgoure, A. Jaubert dans le Journal Asiatique, t. X [1827], pp. 150 - 7, et Davids, A Grammar of the Turkish language [1832], pp. 171-8).

3) La fille dans le coffre, dans G. Meyer, Albanesische Märchen, dans Archiv für Litteraturgeschichte, t. XII (1884), pp. 127-32 (No. 11: Das Mädchen im Kasten): P. Lerch, Forschungen über die Kurden und die Iranischen Nordchaldäer, I (1857), pp. 33–9 (No. 6: Erzählung von Daerebeg. en kurde, avec traduction alle'mande); et E. Prym et A. Socin, Kurdische Sammlungen. Erzählungen und Lieder in den Dialekten des Tûr Abdîn und von Bohtan. Erste Abteilung. Dialekt des Tûr 'Abdîn (1887), no. VIII, pp. 17–19 (en kurde) et 27-32 (en allemand: Jusif Baschari). A ce conte se rattache encore partiellement un conte néo-araméen, publié par M. Lidzbarski, Geschichten und Lieder aus den neu-aramäischen Hss. der Kgl. Bibl. zu Berlin (1896), pp. 93–108 (Das Mädchen im Kasten). Cp. aussi un autre conte néo-araméen, publié par E. Prym et A. Socin, Der Neu-Aramäische Dialekt des Tûr 'Abdîn (1881), t. I, pp. 145-9 (n:0 LII: Çabha Aurore; en néoaraméen), et t. II, pp. 211-16 (trad. allemande), où il y a mélange avec le conte connu du Père amoureux de sa fille.

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1 La désignation commune, conte de Crescentia, provenant du nom donné à l'héroïne dans la version de la Kaiserchronik, nous semble trop spéciale et, par là, trop arbitraire. 2 Pp. 286-7.

T. I (1845), pp. 264–74; v. aussi t. II (1848), pp. 6—7.

4 V. ouvr. cité, t. I, p. 264.

5 T. I, pp. 195-7 et 203; v. aussi t. III (1862), p. 782, et t. IV (1883), p. 730.

V. t. V (éd. 1729), pp. 241-95 (Histoire de Repsima).

7 V. Grundtvig, ouvr. cité, t. I, p. 203.

› Jahrb. f. rom. u. engl. Lit., II, 131.

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Nuits' ne changea en rien l'opinion de Grundtvig 2. En comparaison avec l'exposé de Bäckström, celui de Grundtvig a le mérite de vouloir suivre le développement historique de la légende3.

Trois ans avant l'apparition du premier volume du grand ouvrage de Grundtvig (en 1850), F. H. VON DER HAGEN avait de son côté, à propos de sa publication de la version allemande de Crescentia, discuté, dans ses Gesammtabenteuer, les vicissitudes de notre légende. Son examen, qui se fonde principalement sur l'exposé de Grässe, est cependant assez superficiel. En 1854, H. F. MASSMANN, dans le III volume de son édition de la Kaiserchronik, fournit, à propos de l'épisode Narcissus oder Crescentia de la vieille chronique, de nouveaux détails sur les pérégrinations du conte. Il ne réussit cependant pas à bien faire ressortir le rapport des différentes versions entre elles. Les ouvrages que nous venons de mentionner contribuèrent successivement à élargir la connaissance des différentes versions de notre conte, mais ils ne réussirent pas à classer ces versions d'une manière systématique. Ce ne fut qu'en 1865 que ADOLF MUSSAFIA, dans un mémoire remarquable par sa clarté et sa précision, Über eine italienische metrische Darstellung der Crescentiasages, donna un classement méthodique des différentes versions. Son classement est fondé, non sur les divers degrés de développement du conte (probablement Mussafia jugea inutile de hasarder des conjectures incertaines), mais sur un point de départ tout conventionnel, qui est cependant, en même temps, en quelque rapport avec les différentes phases historiques du conte: le nombre des personnes malades et guéries par l'héroïne. Ainsi, dans le groupe I (désignation de Mussafia) il n'y a, en règle générale, qu'un seul malade: le beau-frère; dans le groupe II il

V. l'éd. de Habicht-Hagen-Schall (3:e éd., 1834), t. XI, pp. 243-54 (nuit 497): Abenteuer eines Kadi's und seiner Frau.

2 V. Grundtvig, ouvr. cité, t. III (1862), p. 782.

3 Il est surprenant de rencontrer, dans l'exposé si clair et méthodique de Grundtvig, une version qui n'appartient aucunement à la légende en question, mais à la légende de la méchante belle-mère": c'est le Miracle du roi Thierry et de sa femme Osanne, publié par Monmerqué et Fr. Michel dans leur Théâtre français au moyen-âge (1839), pp. 551-608. (V. Grundtvig, ouer. cité, t. I, p. 196).

T. I, pp. C-CIV.

L'assertion erronée de von der Hagen que notre légende se retrouve. sous forme de livre populaire", dans le hollandais (Florentina de getrouwe, v. ouvr. cité. p. CIV) provient évidemment d'un passage hâtivement lu dans Grässe. Celui-ci dit expressément (v. l'ouvr. cité, p. 287): Wohl aber ist zu bemerken, dass durchaus ein anderes Buch, eine Art Familiengeschichte, ist das oft damit verwechselte Niederländische Volksbuch: De Historie van Florentina de getrouwe"

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• V. Massmann, Der keiser und der kunige buoch oder die sogenannte Kaiserchronik, t. III, pp. 896906 et 910.

Ainsi la version d'Hildegarde (p. 910) est séparée des autres versions par une analyse de deux versions étrangères au conte de la femme chaste convoitée par son beau-frère (Die unschuldige Königin von Frankreich et Die Königin Sibilia, pp. 907--10), et une version de notre conte, tirée des Gesta Romanorum allemands, est placée à la suite du conte de la femme persécutée qui perd ses deux enfants (v. pp. 913-6).

8 V. Sitzungsber. d. phil.-hist. Cl. der Kais. Akad. der Wiss., t. LI, pp. 589-692 (Vienne, année 1865). Le mémoire a aussi paru en extrait (1866).

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