Sivut kuvina
PDF
ePub

A.

INSTRUCTIONS DU CITOYEN GENET, AVEC

- UNE PARTIE DE SA CORRESPONDANCE

OFFICIELLE AVEC LE

GOUVERNEMENT

AMÉRICAIN, PUBLIÉES PAR ce Ministre
LUI-MÊME.

[ocr errors]

Correspondance entre le Citoyen Genet, Ministre de la République Française près les EtatsUnis, et les Membres du Gouvernement Fédéral; précédée des Instructions données à ce Ministre par les Autorités Constituées de la France, tirée des Originaux.*

Philadelphie, le 20 Dec. 1793,

l'an II de la Rép. Française, une et indivisible. Le Citoyen Genet, Ministre plénipotentiaire de la Répu blique Française près les Etats Unis, à M. Jefferson, Secrétaire d'Etat des Etats-Unis.

Monsieur,

La franchise, la candeur et la publicité étant les seules bases de la politique de la France devenue libre, et le secret de ceux qui dirigent ses affaires aujourd'hui, étant de n'en avoir aucun, je vous ai annoncé que je ferais imprimer non-seulement ma correspondance avec le gouvernement fédéral, mais aussi les instructions qui m'ont été données par le conseil exécutif de la République Française; l'impression de ma correspondance n'est point achevée, mais celle de la traduction de mes instructions l'étant, je m'empresse de vous envoyer deux

* Tel est le titre d'un imprimé in 4to, que le citoyen Genet, ministre de la République Française près les EtatsUnis, a publié à Philadelphie, en 1794, en français et en anglais, chez Benjamin Franklin Bache. Note de l'Éditeur. · Tome I.

A

cent exemplaires, en vous priant de requérir M. le président des Etats-Unis de vouloir bien les faire distribuer aux différens membres du congrès, et d'en donner communication officielle aux deux chambres de ce corps législatif. Cette première partie du recueil que je vous annonce et que je vous ferai parvenir successivement, mettra les représentans du peuple américain à portée de juger, si ma conduite politique, depuis que je réside dans les Etat-Unis, a été conforme aux intentions du peuple français; cette démarche, que je dois à ma patrie, étant faite, laissant à vos sages législateurs le soin de prendre sur les points qui sont en négociation entre nous, les mesures que l'intérêt des Etats-Unis leur paraîtra exiger, il ne me restera plus qu'à poursuivre dans vos tribunaux, les auteurs et complices de cette trame odieuse, de cette série monstrueuse de mensonges, de certificats imposteurs, de bruits absurdes, au moyen desquels on a fasciné pendant quelque temps l'esprit public, et induit en erreur votre premier magistrat, dans la vue d'ébranler et de détruire peut-être l'alliance de deux peuples que tout invite à s'aimer et à s'unir dans un moment, où le danger le plus imminent pèse également sur l'un et sur l'autre.

Agréez mon respect,

GENET.

Instructions données au Citoyen Genet, Ministre Plénipotentiaire de la République Française près les Etats-Unis, par les Autorités Constituées de la France.

Mémoire pour servir d'Instruction au Citoyen Genet, Adjutaut Général, Colonel, allant en Amérique en Qualité de Ministre Plénipotentiaire de la République Française près le Congrès des Etats-Unis.

Décembre 1792, l'an I de la République. Le civisme avec lequel le citoyen Genet a rempli les différentes missions qui lui ont été confiées et son dé

vouement connu pour la cause de la liberté et de l'égalité, ont déterminé le conseil exécutif à le nommer ministre plénipotentiaire de la République Française près le congrès des Etats-Unis de l'Amérique Septentrionale. Cette marque de confiance, est d'autant plus flatteuse pour le citoyen Genet, que la nation française attache un grand prix aux liens qui l'unissent au peuple américain; que l'assemblée nationale a manifesté, le 2 Juin 1791, le désir de les resserrer de plus en plus, et que le corps législatif a chargé expressivement le pouvoir exécutif de faire négocier, avec les Etats-Unis, un nouveau traité de commerce qui puisse multiplier, entre les deux nations, des relations également avantageuses à l'une et à l'autre. Pénétré de la grandeur et de l'importance de cette négociation, le conseil exécutif prescrit au citoyen Genet de s'attacher à fortifier les Amé ricains dans les principes qui les ont engagés à s'unir à la France, de leur faire sentir qu'ils n'ont point d'allié plus naturel et plus disposé à les traiter en frères, que ces sentimens sont gravés dans le cœur de tous les Français éclairés sur les véritables intérêts de leur patrie, et que si les deux nations n'en ont point encore recueilli le fruit, c'est par la faute du gouvernement que nous venons de détruire. C'est par la trahison liberticide du cabinet de Versailles; ce fait est dévoilé aujourd'hui. Le conseil exécutif s'est fait présenter les instructions données aux prédécesseurs du citoyen Genet en Amérique et il a vu avec indignation, que dans le temps même où le bon peuple d'Amérique nous exprimait sa reconnaissance de la manière la plus touchante, et nous donnait toutes sortes de témoignages de son amitié, Vergennes et Montmorin pensaient qu'il convenait à la France que les Etats-Unis ne prissent point la consistance politique dont ils étaient susceptibles, parce qu'ils acquéreraient bientôt une force dont ils seraient probablement empressés d'abuser. En conséquence, ils enjoignaient l'un et l'autre aux ministres de Louis XVI auprès du congrès, de tenir la conduite la plus passive, et de ne parler que des vœux personnels de ce prince pour la prospérité des Etats-Unis. Le même machiavélisme avait dirigé les

opérations de la guerre pour l'indépendance, la même duplicité avait présidé aux négociations de la paix. Les députés du congrès avaient témoigné le désir que le cabinet de Versailles favorisât la conquête des deux Florides, du Canada et de la Nouvelle Ecosse. Mais Louis et ses ministres s'y refusèrent constamment, regardant la possession de ces contrées par l'Espagne et par l'Angleterre, comme un principe utile d'inquiétude et de vigilance pour les Américains. Après la paix, cette jalousie inconséquente s'est convertie en dédain; ce peuple, pour lequel on prétendait avoir pris les armes, est devenu un objet de mépris pour la cour; on a negligé de correspondre avec lui, et par cette conduite criminelle, on a donné aux puissances dont nous devions écarter l'influence en Amérique, des armes pour y combattre et détruire la nôtre. C'est ainsi que les administrateurs de l'ancien régime travaillaient sourdement et de longue main, à étouffer la liberté, après avoir été forcés, par le cri général de la nation, à favoriser son développement dans le nouveau monde. C'est ainsi qu'ils réfroidissaient le zèle, qu'ils relâchaient l'union des deux peuples c'est ainsi que par leur infâme politique ils dégoutaient les Américains de l'alliance de la France, et les rapprochaient eux-mêmes de l'Angleterre. Les Républicains qui ont remplacé ces vils suppôts du despotisme, s'empressent de tracer au citoyen Genet, une route diamétralement opposée aux sentiers tortueux dans lesquels on a fait ramper ses prédécesseurs. Le conseil exécutif, fidèle à ses devoirs, soumis à la volonté du peuple français, autorise le citoyen Genet, à déclarer, avec franchise et loyauté, aux ministres du congrès, que ceux de la République Française, rejetant loin d'eux tout ce qui tient à l'ancienne diplomatie, au régime fiscal, à la police réglémentaire, à toutes ces entraves de la prospérité et de la richesse des nations, ont applaudi aux ouvertures qui ont été faites au citoyen Ternant, tant par le Général Washington, que par M. Jefferson, sur les moyens de renouveller et consolider nos liaisons commerciales en les fondant sur des principes d'une éternelle vérité; que le conseil exécutif est

disposé à entamer une négociation sur ces bases, telles qu'elles sont rapportées dans la lettre ci-jointe du citoyen Ternant, et qu'il ne serait même point éloigné de donner à ce traité une latitude plus étendue, en le convertissant en un pacte national, dans lequel les deux peuples confondraient leurs intérêts commerciaux avec leurs intérêts politiques, et établiraient un concert intime pour favoriser, sous tous les rapports, l'extension de l'empire de la liberté, garantir la souveraineté des peuples, et punir les puissances qui tiennent encore à un systême colonial et commercial exclusif, en déclarant que les vaisseaux de ces puissances ne seront point reçus dans les ports des deux nations contractantes. Ce pacte que le peuple français soutiendrait avec toute l'énergie qui le caractérise, et dont il a déjà donné tant de preuves, conduirait rapidement à affranchir le nouveau monde.

Quelque vaste que soit ce projet, il sera facile à exécuter si les Américains le veulent, et c'est à les convaincre que le citoyen Genet doit donner tous ses soins. Car, indépendamment des avantages que l'humanité en général retirerait du succès de cette négociation, nous avons dans ce moment-ci un intérêt particulier à nous mettre en mesure d'agir efficacement contre l'Angleterre et l'Espagne, si, comme tout annonce, ces puissances nous attaquent en haine de nos principes. Les ministres anglais, au lieu de s'associer à la gloire de la France, au lieu de considérer que notre liberté, que celle des peuples dont nous avons brisé les fers, assure à jamais celle de leur patrie, se laissent influencer par nos ennemis, par ceux de la liberté des peuples et se liguent avec tous les tyrans qui conspirent contre la cause que nous défendons. Les préparatifs militaires qui se font dans la Grande Bretagne deviennent de jour en jour plus sérieux; ils ont une grande connexion avec ceux de l'Espagne ; l'intimité qui règne entre les ministres de cette dernière puissance et ceux de Saint-James, le prouve; et, dans cet état de choses, nous devons mettre tout en œuvre pour ranimer le zèle des Américains, qui sont aussi intéressés que nous à faire avorter les desseins liberticides de George III, dont il est possible qu'ils soient l'objet. Leur salut dépend

« EdellinenJatka »