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les considèrent qu'une sorte de famille, où l'on retrouve comme point central le père et la mère auxquels se rapportent et les enfans qui en sont nés, et les serviteurs qui en exécutent les volontés. Ils peuvent encore être comparés à plusieurs figures d'un seul tableau qui se rapportant à une figure principale, ne rompent point cette unité si précieuse, sans laquelle les arts imitateurs ne pourraient être en harmonie avec la nature.

Nous avons dit, dans son tems, que tout l'art des langues consistait à donner en quelque sorte de la visibilité à la pensée. Nous avons fait voir que dans l'esprit qui conçoit, la pensée est indivisible. Combien ne doit-il donc pas régner de liaison dans les élémens qui servent à l'exprimer, puisqu'il est vrai que plusieurs élémens sont nécessaires à cette communication extérieure ! Il ne paraîtra donc pas étonnant que pour imiter cette simplicité, cette unité, tous les mots soient contraints de recevoir des formes qui, comme autant de nuances, servent à les unir de manière à ne faire de tous qu'un seul tout, en quelque sorte indivisible comme la pensée elle-même.

C'est la syntaxe, que nous avons réduite à des principes de concordance et de dépendance, qui opère cette union si merveilleuse. Mais tout est-il dit quand ces principes sont connus, et sous prétexte que tous les mots ont reçu de la syntaxe les formes que leur assignent leurs rôles différens, n'y a-t-il pas encore des règles pour les arranger dans le cadre de la phrase?

Oui, sans doute, et c'est ici la dernière partie de la

syntaxe; car la construction n'est pas moins essentielle à la clarté de la proposition que le sont les formes des mots qui entrent dans sa proposition.

DE LA CONSTRUCTION.

La CONSTRUCTION qui n'est pas la SYNTAXE,comme nous l'avons dit plus d'une fois, est L'ARRANGEMENT DES MOTS DANS LE DISCOURS. C'est donc une sorte de combinaison, non seulement des mots qui constituent la proposition, mais encore des phrases simples qui servent à former la période. C'est ici véritablement que la parole est un ART, et qu'on distin gue de ceux qui ne parlent que parce qu'ils ont entendu parler,ceux qui ont étudié leur langue et qui en connaissent le génie. Il n'y a de netteté dans le discours, qu'autant qu'on observe rigoureusement les règles de la construction. Il est donc bien essentiel de bien apprendre ces règles.

Nous l'avons déjà dit; mais il faut encore le répéter. Toutes les idées qui servent à former le tableau de la pensée, ne sont que des portions de cette pensée qui ne souffre de division hors de l'esprit que par l'impuissance où l'on est d'inventer un seul mot simple comme elle, et qui. en même-tems, puisse la montrer à ceux qui ne l'ont pas conçue, sous tous les rapports sous lesquels la considére celui qui entreprend de la communiquer; il faudrait que l'expression de la pensée fût donc formée d'un seul jet, comme la pensée elle-même, et c'est ce qui est impossible. Il est certain que quoiqu'un jugement rep

ferme plusieurs affirmations, il n'y a point dans l'esprit, de successions dans ces affirmations, comme il est nécessaire qu'il y en ait dans leur expression. Toutes ces affirmations liées à une affirmation principale demandent, sans doute, à sortir simultanément de notre esprit; mais la succession nécessaire qu'il faut leur donner commande à certaines parties de céder la priorité à d'autres. Y a-t-il une construction tellement maturelle qu'on puisse en assigner des règles fixes, et applicables à toutes les langues?

Les hommes étant à peu près les mêmes par-tout ils sont dans tous les pays à peu-près affectés de la même manière, quand on suppose l'action ou même la présence des mêmes objets. Or, les idées doivent donc se présenter toujours dans l'ordre des sentimens dont les hommes sont affectés. Cet ordre, si l'on veut peindre ses idées comme elles se sont classées d'elles-mêmes dans l'ame, sera donc, dans la construction, ce qu'il est dans l'esprit. La phrase sera le miroir fidèle de ce qui se passe dans l'intelligence, elle sera la copie exacte du tableau original qu'elle rend visible. Telle sera dans tous les pays, dans toutes les langues, la construction de la période, sous peine de violet perpétuellement les lois de la nature, source des principes et des lois de la grammaire commune à toutes les nations. Il n'y aurait donc qu'une sorte de construction. Mais les mots des diverses langues, comme nous avons eu occasion de le remarquer, en comparant la langue française à la langue latine, ne se prêtent pas également à cet arrangement uniforme, commandé par la nature des sentimens de l'ame. On

n'a pas la liberté de placer dans le cadre de la phrase, à la place qu'indiquerait le degré d'intérêt qu'ils inspirent, les divers élémens de la proposition. Par exemple, il faudrait que le nom eût une terminaison diffèrente, quand il désigne le sujet, ou quand il indique l'objet; or, il n'y a point de terminaisons différentes dans le même nom, dans les langues modernes ainsi cette transposition arbitraire ne peut avoir lieu. La construction dans ces langues-ci ne peut y être analogue à l'ordre des idées et au degré d'intérêt qu'elles ont dans l'esprit. Il y aura donc des règles de construction particulières aux langues modernes, puisque ces langues n'ont point de cas; et des règles différentes, appropriées aux déclinaisons des noms des langues anciennes.

Il y aura donc des règles de construction pour l'ordre des mots, considérés d'une manière grammaticale, et des règles de construction pour les propositions qu'on ne peut considérer que d'une manière logique.

La première espèce de construction ne peut être la même dans les langues analogues et dans les langues transpositives. Dans les langues transpositives où, l'avantage des CAS facilite le moyen de placer les mots sans que leur place puisse jamais influer sur le rôle qu'ils jouent dans la proposition, la construction est ordinairement assujettie à l'ordre même que les idées ont dans l'esprit. Dans les langues analogues où les mots manquent de cette physionomie que leur donne leur terminaison, et où la place indique le rôle de chacun d'eux, la construction suit à peu près l'ordre grammatical. Ainsi dans ces langues il n'y a qu'une

manière d'énoncer l'action suivante: Alexandre vainquit Darius. Si vous changez ces mots de place et si vous dites: Darius vainquit Alexandre, vous exprimez toute autre chose; parce qu'en français, c'est la place du mot qui vous annonce qu'il est SUJET ou faisant l'action, ou OBJET ou recevant l'action. Il y a ensuite, dans cette langue, à l'égard des autres élémens de la phrase, des règles de construction déterminées par l'usage et qui varient à l'infini, sans qu'on puisse en donner aucune raison métaphysique. Nous en avons parlé en son lieu. Il y a des adjectifs qui, placés avant le nom substantif, expriment une toute autre idée. Les langues grecque et latine ne connaissent pas ces étranges bizarreries; la langue anglaise, cette langue qui semble faite par une société de philosophes, où les lois de l'analogie sont si bien observées, où la conjugaison est si simple et si riche, où la syntaxe est peut-être plus simple encore, où la construction n'est jamais embarrassée, et cependant est presqu'aussi variée que dans les langues transpositives, la langue anglaise ne connaît pas, dans l'ordre et l'arrangement des mots qui sont en CONCORDANCE, ces exceptions qui, dans la nôtre, donnent lieu à tant de méprises. L'adjectif y précède toujours le substantif, à moins que l'un ne soit simplement affirmé de l'autre, comme dans la phrase purement énonciative. Le nom de la cause y précède celui de l'effet, et le nom du propriétaire d'une chose est placé aussi avant le nom de la chose.

Les grammairiens modernes ont fait de grands traités sur la construction. Chacun a adopté un systême par

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