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No. 601. ont fomentées. Naguère encore, quand des symptômes précurseurs vinrent annoncer que l'agiFrankreich, tation douloureuse de ce malheureux pays allait bientôt se traduire en nouveaux conflits, le

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Gouvernement de l'Empereur n'a pas cru manquer à ses sympathies en insérant au Moniteur du 27 avril 1861 ces quelques phrases que je vous demande la permission de vous rappeler : ¶,,Les événements de Varsovie ont été unanimement appréciés par la presse française avec les sentiments de sympathie traditionnelle que la Pologne a toujours éveillés dans l'occident de l'Europe. Ces témoignages d'intérêt cependant serviraient mal la cause à laquelle ils s'adressent, s'ils avaient pour effet d'égarer l'opinion publique en laissant supposer que le Gouvernement de l'Empereur encourage des espérances qu'il ne pourrait satisfaire. Les idées généreuses dont l'empereur Alexandre n'a cessé de se montrer animé depuis son avénement au trône, et qu'atteste si hautement la grande mesure de l'émancipation des paysans, sont un gage certain de son désir de réaliser aussi les améliorations que comporte l'état de la Pologne, et il faut faire des voeux pour qu'il n'en soit pas empêché par des manifestations de nature à mettre la dignité et les intérêts politiques de l'empire russe en antagonisme avec les dispositions de son souverain." Cette pensée, messieurs, est précisément celle que le 4 ou le 5 février dernier j'ai exprimée dans une autre enceinte lorsque l'insurrection actuelle commençait à poindre, et je n'ai en aucune façon à la rétracter aujourd'hui. La question polonaise est une question européenne que les Gouvernements sagaces et libéraux n'oublient pas. De nouveaux malheurs, de nouveaux flots de sang ne seront pas efficaces pour la résoudre et ne sont pas nécessaires pour la rappeler. Il n'est ni bon, ni utile, ni humain d'exciter de si douloureuses démonstrations. ¶ Je le répète, messieurs, lorsqu'au mois de février de cette année le Gouvernement, par mon organe, s'expliquait dans une autre enceinte, il n'oubliait pas ses sympathies pour la Pologne, mais il désirait que son sang généreux fût réservé, qu'il ne fût pas versé inutilement dans des échauffourées dangereuses et compromettantes. (Très-bien! trèsbien!) Sans doute, aujourd'hui, ce qui semblait ne devoir être qu'une échauffourée paraît devenir une grande et périlleuse manifestation nationale; c'est un symptôme de plus dont la France, l'Europe, la Russie elle-même ne pourront manquer de tenir compte, car, comme je le disais tout à l'heure, ces insurrections périodiques sont les signes incontestables d'un malaise qu'un siècle entier n'a pu faire disparaître, et dont la permanence intéresse à la fois et les sympathies du monde civilisé et la paix de l'Europe. ¶ Cette question de la Pologne, toujours vive, toujours instante, ne saurait être oubliée et le tocsin des insurrections n'est pas nécessaire pour la rappeler aux sentiments des hommes d'État et aux préoccupations de l'Empereur. (Approbation.) Il y a là malheureusement un peuple qui ne peut ni mourir ni vivre dans des conditions qui lui sont faites: évidemment il faut aviser. Ce problème ainsi posé, il faut l'aborder en face, mais avec sagesse. Quand on est appelé à manier les grands intérêts du monde, quand de la conduite à tenir il peut résulter des conflits, des conflagrations, des malheurs incalculables, ce n'est pas sans se recueillir, sans une profonde circonspection, sans une profonde étude des autres et de soi-même qu'on examine, qu'on calcule et que l'on agit. (Très-bien! très-bien!)¶L'intérêt, le désir de l'Europe, de la France, de la Russie elle-même, je n'hésite pas à le dire, c'est la pacification de la Pologne, pacification qui ne peut se faire que par la satisfaction donnée aux intérêts légitimes. Mais pour arriver, messieurs, à la solution de ce problème qui s'agite depuis tant d'années, avez-vous vous-mêmes sur ce qu'il y a à faire des idées bien arrêtées, et l'expérience qui se poursuit depuis 1815 vous a-t-elle révélé quelque combinaison politique spéciale dont le succès serait sinon certain, du moins vraisemblable? Depuis 1815, nous avons vu successivement essayer sur ce malheureux pays bien des systèmes. La constitution donnée par l'empereur Alexandre Ier a abouti à la révocation de 1831. Le système violent et oppressif pratiqué sous l'empereur Nicolas n'a pu ni dompter ni anéantir cette nationalité résistante. La bienveillance, l'humanité, les dispositions conciliantes de l'Empereur Alexandre II, viennent d'aboutir à une nouvelle insurrection. Les traités de 1815, que beaucoup de gens invoquent, ces traités sont-ils euxmêmes un remède à cette situation? Ils ont promis, et à ce point de vue, ils ont constitué un engagement extérieur vis-à-vis des Puissances européennes qui l'ont signé. Ils ont promis aux peuples de Pologne des institutions et une représentation nationales. Mais à cette promesse leur texte ajoute immédiatement:,,D'après le mode d'existence politique que chacun

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des Gouvernements auxquels ils appartiennent jugera utile et convenable de leur donner." Cette phrase qui réduisait la promesse à une sorte de concession facultative dans son éten-Frankreich, due a été l'objet entre les Puissances d'une discussion indéfinie et jusqu'à présent sans solution. Pendant que l'Europe ou plutôt les Puissances libérales de l'Europe disaient: Vous êtes obligés par les traités à constituer une représentation et une administration séparées et nationales. On répondait: oui, mais dans le mode d'existence politique que nous jugeons utile et convenable, et les détails ne sont qu'une question intérieure qui ne regarde pas l'étranger. Rien n'est donc résolu, et vous l'avez vu, les essais successifs faits par le Gouverne ment russe, plus ou moins conformes à l'esprit des traités de 1815, sont tous restés impuissants. Mais cette impuissance est ici dans la nature des choses, telles qu'elles sont établies. Si le Gouvernement russe donne peu à cette nationalité souffrante, elle se tiendra pour opprimée et restera profondément agitée, mécontente; s'il lui concède beaucoup, elle usera de ce qui lui aura été donné pour reconquérir ce qui lui manquera encore. (Très-bien!) Les traités de 1815 ne sont donc pas une solution. Ils ont posé la situation dans des termes qui ne peuvent coexister; ils ont accolé une nation qui avait joui des libertés les plus extrêmes à une autre nation qui ne s'en doutait pas encore; ils ont placé sous le même sceptre des hommes conseillant la liberté et la voulant et des hommes qui l'ignoraient et ne la désiraient pas encore; ils ont mis tout un peuple dans la condition forcée de s'insurger si les concessions promises étaient faibles, et si elles étaient larges d'en tirer plus de force encore pour l'insurrection. ¶ Je le répète, les traités de 1815 n'ont pas résolu la question. Ils ont posé côte à côte des éléments qui se combattent; ils ont voulu augmenter la force des Puissances copartageantes et les unir contre un objectif accidental; ils n'y ont pas réussi; ils ont attaché au flanc de ces Puissances un embarras, une plaie, un mal de chaque instant. Ces choses, qui peut-être eussent pu se prévoir dès 1815, se sont depuis, et de plus en plus révélées, dans des temps de calme et d'apaisement, les Gouvernements intéressés ne sauraient ne pas les voir, et ils sont trop éclairés pour ne pas comprendre qu'une combinaison si agitée a besoin d'être profondément étudiée et, je le dirai, profondément modifiée. ¶ Voilà, messieurs, comment la question se présente et comment il faut s'appliquer à la résoudre, non pas avec ces emportements qui peuvent blesser des sympathies et aliéner des concours dont nous avons besoin, qui peuvent troubler la sécurité et la confiance, mais avec cette attention calme de l'homme d'État qui se dit: Voilà des intérêts qui devront trouver satisfaction, des maux qui doivent trouver leur remède; les Gouvernements qui en souffrent ne sauraient les méconnaître; ils les comprendront, et il y a dans toute l'Europe à ce sujet de telles convictions et de telles sympathies, que sous leur loyale et amicale influence même ceux qui ne comprendraient pas tout d'abord, ne peuvent manquer de finir par comprendre et leurs vrais intérêts et la situation. (Assentiment.)¶ Les choses ainsi posées, qu'y a-t-il à faire? Nous avons encore à ce sujet l'expérience du passé. ¶ Deux nations libérales, la France et l'Angleterre, de 1830 jusqu'à ce jour, ont, non pas simultanément, mais séparément, agi et pratiqué cette politique d'observations, de conseils, de rappel aux traités de 1815 dont on a beaucoup parlé dans la discussion actuelle. Qu'a-t-elle produit? La France, généreuse dans son peuple, hésitante dans son Gouvernement, s'est bornée la plupart du temps à des adresses et à des paroles généreuses, mais sans action diplomatique, en face d'un souverain dont l'attitude était mal disposée pour la dynastie d'Orléans. Dans de tels termes cette attitude ne pouvait être très-efficace, on le comprend. Mais l'Angleterre était en excellents rapports avec le Gouvernement russe. Elle témoignait à son égard le désir de se maintenir dans la plus vive amitié. Qu'a-t-elle obtenu? Lors de l'insurrection de 1830 et 1831, au moment où les armes polonaises et russes laissaient encore la victoire et la perspective de la solution indécises, elle engagea son ambassadeur à faire quelques observations en faveur des traités de 1815. Les observations n'eurent aucun résultat. Au mois de juillet suivant, la France proposait à l'Angleterre une médiation en commun; l'Angleterre répondait: Cette communauté d'action serait mal vue par la cour de Russie, elle serait plus inefficace; je n'ai qu'à me louer des procédés du Gouvernement russe: la démarche le blesserait sans amener de résultat utile aux Polonais. Enfin, lorsque la prise de Varsovie eut amené la soumission complète du pays, le cabinet anglais écrivit alors à son

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No. 001. ambassadeur que les faits militaires étant consommés, le moment était venu de tenter des Frankreich, observations en faveur de la Pologne; le résultat de ces conversations diplomatiques fut une 19. März dépêche que le comte de Nesselrode adressa au prince de Lieven, pour qu'elle fût lue au ministre des affaires étrangères, et où l'on exprimait au nom de la Russie l'espérance que c'était pour la dernière fois qu'elle se trouvait dans le cas de s'expliquer sur des questions dont elle seule était appelée à connaître. ¶ Voilà, messieurs, ce qu'ont amené en 1830 et 1831 les tentatives diplomatiques isolées de l'Angleterre d'un côté et de la France de l'autre. En 1846, à la suite d'événements qu'il est inutile de rappeler, la république de Cracovie, dont l'existence était garantie par les traités de 1815, fut, en vertu d'un traité commun signé par l'Autriche, la Prusse et la Russie, incorporée à l'Autriche. C'était le cas de rappeler encore à l'exécution de ces traités. Cela fut fait; mais nous lisons également dans les correspondances diplomatiques du Gouvernement, britannique, que, malgré l'espérance qui avait été donnée, rien ne serait définitivement arrêté avant d'en avoir donné avis. La question avait été irrévocablement résolue entre les seules trois Puissances du Nord, parce que c'était une question qui n'intéressait qu'elles. (Mouvement.) ¶ Tels sont, messieurs, à ces deux époques, les résultats des conversations diplomatiques isolées et de l'invocation des traités de 1815. ¶Tout cela, je le reconnais, était accompagné de discours ardents aux différentes tribunes, de témoignages bruyants de sympathie pour la Pologne; mais tout cela n'était suivi d'aucun résultat. Cette politique de beaucoup de paroles et de très-peu d'action avait le triple inconvénient d'être à la fois excitante pour ce malheureux peuple qu'elle ramenait toujours à l'espérance, irritante pour son souverain qui ne supportait pas les représentations, et impuissante pour obtenir quoi que ce fût. Nous n'avons pas envie de la recommencer. (Trèsbien! très-bien!) Maintenant, messieurs, éclairés par cette expérience, faut-il dire, comme l'indiquait hier un illustre orateur, qu'il n'y a rien à faire? Il y a moins à parler peut-être ; il y a à agir autrement. Pour bien juger la conduite a tenir sur cet échiquier où les grands intérêts de l'Europe s'agitent, il faut bien voir comment la patrie y est engagée, vis-à-vis de qui, à côté de qui, avec qui par derrière. (Nouvelle approbation.) ¶ Je comprends parfaitement tous ces entraînements plus ou moins populaires qui excitent les passions au lieu de parler à la raison; ils peuvent amener dans la rue des manifestations maintenant impuissantes. (Vive adhésion.)¶ Mais quant à faire avancer la question d'un pas, quant à donner l'espérance d'une solution, quant à y aider en quoi que ce soit, ils en sont incapables. (C'est vrai! Très-bien!) ¶ C'est avec la raison, la raison au service à la fois et du sentiment et du patriotisme, qu'il faut examiner cette situation. ¶ Eh bien, messieurs, dans cette occurrence si grave, quelles sont les grandes Puissances et les grands peuples qui se trouvent engagés ? Au premier plan, nous rencontrons la Russie et son empereur, cet empereur avec lequel le nôtre, il n'y a que quelques mois, échangeait, lors de la présentation de son nouvel ambassadeur, des déclarations réciproques de haute estime et de loyale amitié; cet empereur qui, lorsque nous faisions en Italie la guerre pour l'indépendance d'un peuple et pour la sûreté de nos frontières, avait de lui-même pris une attitude pouvant empêcher certains embarras sérieux de se produire sur le Rhin. (Approbation). ¶Cet empereur qui, lorsque nous demandions à la Savoie nos frontières naturelles en face de l'agglomération italienne, dont la puissante unité n'avait pas dès l'abord été prévue par nous, fut le premier, en regard d'autres Puissances nos amies réclamant vivement et pouvant créer par leurs réclamations des difficultés européennes, à encourager par son attitude les tendances nouvelles qui se manifestaient. (Nouvelle approbation.) ¶ Certes, messieurs, quand on examine dans les relations des souverains et des peuples les forces avec lesquelles il faut compter, quand on y voit se combiner ainsi avec les amitiés des uns, les rivalités des autres et la jalousie de quelques-uns, on reconnaît bien vite l'importance, la nécessité de se ménager certains équilibres, certains contrepoids indispensables dans le jeu des grands intérêts humains. Il ne faut pas ainsi, de gaieté de coeur, jeter à la face d'un grand souverain ami de ces paroles amères, difficiles à oublier. (Marques d'assentiment.)¶Et encore si ces rapports amicaux ne suffisaient pas seuls pour donner à notre politique en faveur de la Pologne de légitimes espérances, est-ce que ce souverain n'a pas fait dans son pays la plus énorme des révolutions? Est-ce qu'il ne vient pas d'appeler à la liberté toute cette population de serfs qui se comptent par millions? Est-ce

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qu'une fois entré dans cette voie de la civilisation et du progrès il ne s'y trouve pas irrévoca- No. 601. Frankreich, blement engagé? ¶ Est-ce que, quand une fois la liberté a pénétré dans un pays, elle ne 19. März finit pas par y dominer la conduite des affaires et par étendre son influence sur tout ce qui l'environne? (Très-bien! très-bien !)¶Est-ce que vous croyez qu'il n'y a pas pour la Pologne de très-légitimes espérances à attendre de ce qui se passe aujourd'hui en Russie? Est-ce que vous croyez que ce Gouvernement lancé dans cette voie par la volonté de son souverain sera assez aveugle, assez peu intelligent de ses intérêts pour risquer une complication d'agitations intérieures, et ne pas chercher au contraire des solutions qui lui assurent le calme et la paix? Les réformes appliquées à un grand peuple ne sont pas toujours chose facile. Les embarras de toute nature naissent; les reconnaissances sont faibles, les oppositions sont fortes. (C'est vrai! Très-bien!) Il n'est pas bien sûr que cette grande oeuvre de civilisation entreprise par l'empereur Alexandre II ne soit pas momentanément pour lui et pour son peuple une cause d'embarras, une cause d'affaiblissement, une nécessité de concentration de sa force sur lui-même. ¶ Sans nul doute, cette grande oeuvre accomplie, l'empire russe retrouvera dans la civilisation et le progrès qu'elle développera l'immense compensation de ses embarras éphémères. ¶ Mais il n'en est pas moins vrai que pour le moment ce grand Gouvernement sera naturellement amené à comprendre qu'il a grand intérêt à ne pas compliquer de l'embarras polonais ses difficultés intérieures, et qu'en faisant naitre l'aurore de la liberté dans son pays, il ne peut l'éteindre dans un pays voisin. ¶ Voilà donc une grande puissance, la puissance la plus intéressée, je n'hésite pas à le dire, pour sa force, pour son repos, pour la facilité de son action dans ce monde, à résoudre cette question convulsive de la Pologne. Quelle conduite peut lui inspirer la juste appréciation de ces événements? Je ne me prononce en aucune façon sur cette éventualité, non plus que sur les puissants avis appuyés sur de si pressantes considérations; je me borne à constater qu'il y a là des intérêts évidents, offrant un point d'action sérieux. ¶Aux côtés de la Russie nous trouvons la Prusse: la Prusse s'engageant plus volontiers avec elle qu'une autre voisine dont je parlerai tout à l'heure; la Prusse dans laquelle le Gouvernement libre se développe de plus en plus; dans laquelle les sentiments libéraux ont fait une manifestation complétement favorable aux combinaisons qui peuvent être désirées par nous; dans laquelle des sympathies populaires très-sérieuses non-seulement se révèlent, mais se manifestent énergiquement dans le sens favorable à la pacification de cette situation difficile. Serait-il sage de blesser cette nation, d'aliéner ses sentiments? N'avons-nous pas à espérer deux choses? L'une, que le souverain qui la gouverne se laissera éclairer par les voeux de son peuple; l'autre, que ce peuple qui, dans l'Allemagne régénérée, se montre l'un des plus avancés dans la voie de la liberté, comprendra les intérêts de la politique générale de l'Europe, et, à la réflexion, cherchera lui aussi à pacifier par une solution libérale ce que sa situation du côté de la Pologne peut avoir d'agité et d'embarrassant aujourd'hui? ¶ En face de ces deux Puissances il y en a une troisième, l'Autriche; l'Autriche engagée comme elles par les traités de 1815, mais l'Autriche ouvrant aussi ses portes aux influences de la liberté, l'Autriche cherchant à fonder, au milieu des embarras de toute nature que lui suscite la diversité des races, un empire où les principes constitutionnels dominent et où l'influence calmante de la civilisation pénètre entièrement. Vous savez les conséquences de cette attitude nouvelle. Depuis que son jeune empereur, oublieux de l'attentat dont il a failli être victime, n'a pas craint de faire pour la liberté de son pays ce dont cette attaque criminelle pouvait peut-être le détourner, une attitude, plus libérale vis-à-vis de ces provinces polonaises a amené une tranquillité et une confiance dont il recueille aujourd'hui les fruits. ¶Dans ces conditions l'Autriche semble comprendre mieux et plutôt que ses deux voisines que la question polonaise ne saurait rester dans l'état irritant où elle se trouve, que son intérêt y est engagé, et que de nouvelles combinaisons politiques peuvent ouvrir à la paix du monde de nouveaux et magnifiques horizons. Mais croyez-vous donc qu'il soit politique, dans nos relations avec elle, de prendre ces apparences révolutionnaires, cette attitude menaçante et agressive faisant appel à toutes les passions et pouvant légitimement inquiéter des amis sincères, mais nouveaux, de la liberté, dans les résolutions qu'ils peuvent prendre? ¶Outre ces trois Puissances, il y en a d'autres, par exemple l'Italie qui sera puissante un jour, mais qui, quant à présent, est trop jeune encore et trop occupée de se faire elle-même,

No. 601. pour peser dans la balance de tout le poids qu'elle y aura plus tard. Il y a l'Espagne qui Frankreich, est bien loin et la Suède qui est bien près. ¶ Il y a enfin l'Angleterre, l'Angleterre qui a 19. März 1863. une situation toute spéciale; elle a dans son langage un libéralisme absolu, dans sa conduite une circonspection aussi absolue que son libéralisme. (Très-bien ! Sourires d'approbation.) Les Polonais ne sauraient s'en plaindre, elle les a souvent avertis; la tribune anglaise a maintes fois répété ce que je résumerai dans ces paroles d'un de ses hommes d'État; lord John Russell, le 26 mars 1862, disait à la tribune de la chambre des communes:,,Jamais aucun homme d'État anglais ayant rempli les fonctions de premier ministre n'a eu dans l'idée de prêter une assistance matérielle aux Polonais. . . Jamais aucun ministre n'a pensé que le devoir de ce pays fût de s'interposer autrement que par l'expression de ses opinions." ¶ Ces paroles (et ces paroles expriment une politique) les hommes d'État anglais les ont toujours répétées, et pour rappeler les dernières paroles prononcées sur la situation actuelle, lord Palmerston, ces jours derniers, déclarait nettement que les traités de 1815 donnaient bien le droit d'intervention, mais qu'il n'entendait pas en user. ¶L'Angleterre sans doute, cette position prise, favorisera de ses voeux tout ce qui pourra être tenté pour le noble but signalé à tous les coeurs généreux. ¶ Mais y a-t-il là, pour les grandes aventures que l'on semble conseiller, pour les partis pris excessifs, y a-t-il là une base d'opération sérieuse et solide? (Voix nombreuses. Non! non!) A ce sujet, le rapport de votre commission contient un mot que je vous demanderai la permission de rectifier en passant. On y dit que l'Angleterre semblait vouloir nous pousser à la guerre où son Gouvernement ne nous suivrait pas . . . Je le déclare, ni l'Angleterre, ni son Gouvernement ne nous ont poussés à la guerre. Toutefois, et je le dis en passant, ce qui s'est produit au meeting d'hier a une signification qui peut peser sur les déterminations gouvernementales et amener, dans le concours que le cabinet britannique peut donner, une certaine efficacité plus grande que celle qu'il avait originairement projetée. Mais en réalité il n'y a eu, à nous pousser personnellement et seuls à la guerre, que certains journaux anglais dont, à la vérité, le patriotisme égoïste ne cachait pas assez le but qu'ils semblaient vouloir obtenir. Tout en présentant la France comme le grand exécuteur des oeuvres de liberté en Europe, ils mettaient en regard, et en quelque sorte comme récompense, la prise de la frontière du Rhin, mais en le signalant bien haut aux populations allemandes. Ces habiletés politiques appartiennent aux journaux qui les ont produites; il ne faut les imputer ni au Gouvernement ni au peuple britannique. ¶ Telles sont, messieurs, dans la question qui nous occupe, les positions actuelles des diverses Puissances d'Europe qui peuvent avoir une influence sur sa solution. En présence de cette situation, qu'avons-nous fait et qu'avions-nous à faire? ¶ Dès que l'insurrection a pris une consistance sérieuse, dès que, dégagée d'une certaine incitation révolutionnaire dont on l'accusait, elle s'est, par son développement, nationalisée, nous avons cru devoir agir. A ce sujet, permettez-moi, en passant, un mot sur ce qui a été dit hier du caractère de cette insurrection; le mouvement actuel nous semble aujourd'hui national et non pas mazzinien ni garibaldien.

M. le marquis de La Rochejaquelein. Non, non, c'est evident.

M. le ministre. Il est vrai que cette influence mazzinienne ou garibaldienne a cherché là, comme ailleurs, des moyens d'agiter l'Europe. Partout où elle voit des matières inflammables, cette influence cherche à y mettre le feu. Mais ici la matière inflammable préexistait, et le malheureux peuple polonais ne doit pas à ces incitations, mais à un sentiment profond de ses misères, les mouvements qui l'agitent. Qu'avons-nous fait alors? Nous avons dès les premiers jours, c'est-à-dire le 17 février, agi près du cabinet de SaintPétersbourg dans les termes qui conviennent aux rapports amicaux qui existent entre les deux Gouvernements. Nous avons représenté les difficultés, les dangers, les malheurs de cette situation. On nous a répondu par des paroles bienveillantes, par une première assurance qu'on ne retirerait pas les concessions déjà faites, et qu'on ne s'arrêterait peut-être pas dans les concessions à faire; par une seconde assurance qu'on les compléterait par une amnistie. Je dis les choses telles qu'elles sont. ¶ Sur l'entrefaite s'est présenté un événement grave: la convention du 8 février a été passée entre la Prusse et la Russie. Là, la marche pouvait être plus énergique; un fait international s'était produit et donnait droit à des observations

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