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amenteuses, et que moi j'appellerais volontiers les ennuyeuses. J'y >> cherche envain le sel et la grâce qui en ont fait la réputation; » mais j'aime Pascal auteur de ces Pensées vives et profondes qui furent une des mystérieuses lectures de mon adolescence. >> Homme inexplicable ! pieux et mortifié comme S. Benoît, cha> ritable comme S. Jean l'Aumônier, enfin de mœurs angéliques, » peux-tu être à la fois si rempli de fiel, de haine, et si patient, si >> résigné dans les souffrances les plus cruelles, toi qui disais : Je » ne suis la fin de personne; il est injuste qu'on s'attache à moi, et je » tromperais ceux en qui je ferais naître ce désir........! Ah! mon amie, » que je suis loin de cette vertu, moi qui trouve si doux d'être » aimée !»

On doit comprendre maintenant ce que nous avons dit de la manière élevée avec laquelle sont jugées la plupart des questions d'art et de philosophie. L'ouvrage est aussi semé de semblables jugemens sur la littérature, le classique et le romantique, etc. Voici, en particulier, quelques paroles sur la comédie, qui nous paraissent neuves et profondes.

« La comédie n'est aliment que pour l'esprit ; il n'y a rien là » pour l'âme ; elle présente l'homme sans dignité morale; saisit » avec finesse ses ridicules, ses travers, attaque les petites pas»sions; mais elle n'envisage que le côté prosaïque de la vie, » et jamais ce côté poétique, si fécond en objets d'admiration » et de sensibilité. Que lui importent la moralité des actions, les » vertus nobles et généreuses? C'est au succès, c'est à l'habileté » qu'elle rend hommage. J'aime trop l'idéal pour me plaire à l'ironie qui déprime et ridiculise '. »

Nous citons avec d'autant plus de plaisir ce passage, que nous pensons que le plus grand écueil, nous ajoutons le plus grand défaut des hommes et plus encore des femmes d'esprit, est trop souvent de consacrer cet esprit à relever et souvent à faire naître quelques ridicules. C'est un véritable malheur pour les personnes qui se laissent aller à ce travers, dont la pente est d'ailleurs facile et douce, et dont l'exercice coûte peu de chose. Quelques pointes dans l'esprit, beaucoup de glace dans le cœur, grande vanité dans l'âme, c'est ce qu'il faut pour s'attacher à faire ressortir les ridicules; amis ni ennemis ne seront épargnés.

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Malheur aux personnes qui s'en font un dangereux passe-tems: elles ne feront, elles ne sentiront jamais rien de grand ou de poétique, ni en science, ni en religion, ni en amour.

Nous avons déjà dit que nous ne voulions pas suivre l'auteur dans ses voyages ou ses visites aux lieux les plus célèbres. Pourtant nous ne pouvons nous empêcher de citer le passage suivant, où il est question d'une cérémonic qui se pratique le vendredi-saint.

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« A S.-Pierre, le cardinal Castiglione exerçait les fonctions » de pénitencier maggiore. Son fauteuil fixé sur une estrade, >> était environné d'une foule considérable de curieux; personne » toutefois ne se présentait. Enfin, un bon campagnard se pros»terna aux pieds du cardinal, sans songer aux conjectures des >> nombreux spectateurs; il fit sa confession; nul n'imita son >> exemple. Le cardinal distribuait de petits coups de sa baguette » dorée à une foule de personnes qui mettaient un genou en >> terre en passant devant lui. Nous finîmes par faire de même. Agenouillée sur un banc solitaire, je restai absorbée pen>> dant les ténèbres et le Miserere. Le bruit de la foule, pareil à >> celui du flux et du reflux de la mer, me retraçait les vaines agi>>tations des hommes. Le magnifique spectacle de la croix illumi»née, qui paraît au déclin du jour, me tira de ma rêverie. Cette >> croix a soixante-quinze pieds de haut; elle est échelonnée de 600 lampions; le reste de l'église est dans l'ombre: vive et belle >> image de la puissance de la Croix, dont la céleste lumière dis>> sipe les ténèbres du paganisme. Je m'unis à la prière des cardi>>naux. Je croyais contempler l'Église catholique tout entière » dans la personne de ces vieillards, nos premiers pasteurs, > prosternés aux pieds du signe du salut. Je demandai alors par>>don à Dieu des scandales qui profanaient la plus noble basili>>que du monde. J'invoquais, j'implorais celui qui seul peut nous » guider au milieu des abîmes dont nous sommes environnés. >> Le coup-d'œil de ce vaste édifice était remarquable; ces jets » de lumière contrastaient avec les parties obscures; les groupes >> pittoresques attireraient l'attention dans tout autre lieu. J'allais » d'un bout à l'autre de cette basilique, appuyée sur le bras du » prince de S...; la foule nécessitait cette précaution; mais je >> sortis bientôt, ne voulant pas me confondre avec ces prome>>neurs tumultueux. Pic VII, informé de ce scandale, avait

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donné l'ordre de briser la croix; mais le cardinal Gonzalvi >> l'ayant soustraite pendant quelques années, on en a rétabli »l'usage depuis la vieillesse du Saint-Père. »

Voici quelques renseignemens qui feront plaisir aux érudits et aux bibliophiles :

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« Je t'épargne d'ennuyeux détails sur les 26 salles du cabinet » d'histoire naturelle de Florence, et je m'arrêterai à la bibliothè»que de Médicis, fondée par Clément VII (Médicis). Une chaîne ⚫y retient chaque livre; elle est très-riche en manuscrits. On » m'y fit remarquer des lettres autographes de Pétrarque, un >> exemplaire des comédies de Térence, de la main de Boccace, qui aurait pu acquérir une plus grande et surtout une plus douce célébrité par son érudition que par ses contes; la pré>> cieuse et unique copie des pandectes, et la plus ancienne de » l'Enéide; un Tacite et un S.-Ambroise avec de belles minia»tures. L'original des œuvres de ce Père, qui s'y trouvait aussi, » a été brûlé soit fortuitement, soit à dessein. La fameuse aca» démie de Florence porte le nom della Crusca; elle a pour em» blême un bluteau avec cette devise: il en tire la plus belle fleur. » Son Dictionnaire a justifié cette prétention '. »

On sent combien une telle femmé devait se plaire au milieu de Rome, avec ses souvenirs et ses monumens antiques, avec ses souvenirs et ses jouissances chrétiennes. Aussi s'en séparat-elle avec amertume. Mais on sera curieux de connaître la comparaison qu'elle fait du séjour de Rome avec celui de Paris, ou d'un château au fond d'une province.

«Que j'ai eu le cœur serré en quittant Rome ! dit-elle, écrivant à sa mère. S'éloigner de ces augustes pompes de la religion, » s'arracher à ces sublimes souvenirs des premiers chrétiens, à »ces ruines qui sympathisent merveilleusement avec le cœur >> humain, si fragile lui-même et si ruineux, est chose bien >> amère et bien douloureuse. A Rome, le passé redit éloquem»ment l'inanité des grandeurs humaines; l'avenir apparaît sans » cesse revêtu d'immortelles espérances. L'homme placé entre >ces deux points extrêmes, apprend à sacrifier ce que le monde >> appelle le bonheur. L'agitation toujours renaissante de Paris, »>fatigue. Ces réputations éphémères, ces rêves de fortune,

Tome 1, P.
423.
205.

Tome 1, P.

grave

>> d'ambition; l'égoïsme de ses habitans, produisent trop sou>>> vent de cruelles déceptions. En province, un présent étroit, >> peu de passé, , peu d'avenir; tandis que Rome dans la » pensée, la succession de tous les siècles, et nous rappelle cons>>tamment notre destinée. Ses souvenirs touchent ou indignent, >> sans réveiller de dangereuses passions; enfin, je ne sais quoi » de fixe, d'immuable, repose nos facultés en les vivifiant. On >> y est toujours intéressé, toujours ému; et cet intérêt, ces émo>>tions varient à l'infini. Le charme de la solitude, l'attrait du paysage, modifié sans cesse par les accidens de la lumière, >>la magie des arts, le merveilleux de l'histoire, l'inépuisable » rêverie qui naît des ruines, vous attachent à ce séjour avec >> une intensité extraordinaire 1. »

Au reste, il ne faudrait pas croire, parce que nous avons fait principalement ressortir les mérites de l'instruction et les qualités d'esprit de l'auteur, qu'on ne trouve dans son livre que l'artiste ou le philosophe. Oh! non : les femmes, telles que nous les louons, et telles qu'elles sont quand elles sont formées par une science complète, cette science chrétienne éclairée de foi et couronnée de grâce, conservent toute la naïveté, la candeur, et cette modestie qui fait le charme de leur caractère. La voyageuse malade n'est pas dépourvue de ces qualités; on les voit apparaître à travers les intervalles de souffrances aiguës: ainsi elle écrit ces paroles, qui sont bien d'une femme :

« Que je suis touchée, ami véritable, de votre exactitude » à m'écrire! Je relis votre lettre, et je me crois encore dans >> les jours de consolation, où vous veniez en aide à ce cœur » plein de souffrance, alors que votre âme forte et religieuse re>> levait la mienne par un céleste espoir, et ranimait cette vie >> morale qui semblait m'abandonner. Ne nous plaignons pas, >> faibles lierres, tant qu'un noble soutien nous reste; plaignons >> le lierre, quand l'arbre protecteur vient à lui manquer, et » qu'il ne trouve pour appui que la froide muraille 1. »

Ici, il ne semble entendre que la femme, avec ce besoin d'aimer qui la soutient; mais plus loin c'est quelque chose de plus doux et de plus déchirant à la fois; c'est la femme devenue

1 Tome 1, p. 264.

Tome 1, p. 17.

chrétienne, ornée, élevée, ennoblie par le Christianisme, et voyant avec courage et résignation sa jeunesse se flétrir, et la tombe s'ouvrant devant elle pour la dévorer.

<< Mes poumons sont rongés par un ulcère qui fait chaque >> jour des progrès; les douleurs se prolongent de la base de » la poitrine jusqu'au larynx. Lorsque j'essaye de me cou» cher sur un côté ou sur l'autre, je 'suis prise d'un étouffe>>ment mortel, suite d'un épanchement dans l'intérieur de la "poitrine. Dieu seul peut me guérir. Adèle fait mon portrait >> en miniature; souvent ses yeux se remplissent de larmes, en » cherchant à fixer les traits de mon visage déjà fané comme » l'herbe des champs, et qui sera peut-être bientôt enfermé >> dans la tombe... J'erre au milieu de ces pâles oliviers, dont la >>> teinte mourante est si bien en harmonie avec ma jeunesse flé» trie et mes mélancoliques pensées; cependant cette nature si >> riante, ces montagnes, cette mer, il faut tout quitter '... » Et ailleurs : « Chère Laure, je reviens dans ma douce patrie, au>> près de ma famille, de mes amis; je viens y mourir peut-être. » Mon visage ne t'offrira plus traces de fraîcheur. Te souvient-il » de cet emblême que jadis tu m'as vue dessiner: un chien couché » sous un rosier, avec la devise: Rose passe, fidélité reste. Il semble, » chère amie, que je pressentais dès-lors combien les fleurs de » ma jeunesse devaient être fugitives; mais combien aussi le >> sentiment chez moi aurait de force et de durée *. »

Nous bornerons ici nos citations, d'autant plus que nous aurons à y revenir encore dans l'article suivant, qui est destiné à éclaircir un fait cité par la noble voyageuse. Nous n'ajouterons pas un seul mot d'éloge, excepté celui de dire son nom, qu'elle a caché, et que d'ailleurs plusieurs journaux ont déjà découvert à moitié. La voyageuse malade est madame la comtesse de La Granville, sœur de M. le duc de Beaufort, deux noms connus des amis de la religion. Qu'elle veuille bien nous pardonner notre indiscrétion : nous sommes à une époque où tous ceux qui aiment la religion et qui écrivent en sa faveur, doivent se faire connaître à leurs amis.

Tome 1, p. 118.

• Id. P. 66.

A. BONNETTY.

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