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Influence dans les hommes; de là, nécessité d'examiner les caractères et les actes des grands hommes du Catholicisme anglais;

Influence dans les choses; de là, investigation des lois, des insti tutions, de l'esprit public.

Cependant qu'on ne s'y trompe pas cette action est peu ostensible au premier coup-d'œil; elle ne se manifeste de 1066 à 1087 que d'une manière indirecte, latente : le Catholicisme va d'abord au plus pressé, qui est de fermer des blessures encore saignantes; l'âpre vainqueur est encore trop près pour pouvoir beaucoup faire, et il faut se contenter de continuer l'œuvre de civilisation par des réformes, par l'éducation et par la charité. Nous ne nous écarterons donc pas de notre idée mère en traitant ce point de vue de la question; au contraire, nous aurons débrouillé ce chaos de la conquête qui s'offre à nous. En effet, garantissez la moralité d'une nation par son éducation, vous ne tarderez pas à avoir une nation libre, si on ne l'écrase pas au premier choc. Avez-vous mission pour instruire et consoler ce grand souffre-douleur qu'on nomme peuple? De là, à marcher avec lui, à défendre le foyer et la dignité du pauvre, il n'y a qu'un pas : il est bientôt fait. Eh bien, tel est le rôle que nous assignons au Catholicisme; ce sera aux faits à décider s'il l'a rempli avec bonheur.

L'église et le tribunal, tels sont donc les deux foyers de l'immense ellipse, autour desquels commença de s'agiter la société anglo-normande dans le onzième siècle '. Mais pour bien les

Il y avait bien cependant quelques autres points de contact dont il faut tenir compte. Déjà avant la conquête beaucoup d'usages normands avaient pénétré en Angleterre; des charges publiques étaient confiées à des Normands, le prince avait passé de longues années d'exil, près de Guillaumele-bâtard; il s'entourait de favoris étrangers, ce qui servit même de prétexte à une révolte des Godwin. « Quand la paix fut rétablie, dit Florence de >>Wigorn, les Normands qui avaient inventé de nouvelles lois, rendu des >>sentences injustes, et donné beaucoup de conseils contre les Anglais, furent >>mis hors la loi. » Est-il probable qu'avant la conquête ces Normands rendissent des sentences sans connaître la langue du pays? Le génie de Milton en avait été frappé ( Hist. d'Anglet. ), et l'on sait que Guillaume voulut apprendre l'anglais; son âge seul l'en empêcha. Il faut nous rap

apercevoir, il faut connaitre nettement le caractère de Guillaume et de son règne : c'est le point de départ. Les premiers pas du Conquérant dans sa nouvelle carrière devaient réagir sur toute la société, et il faut avouer qu'il débuta habilement: sa conduite fut marquée au coin d'une grande prudence et de nature à se concilier la bienveillance des indigènes. A son couronnement il jura de défendre l'église, de gouverner ses sujets avec justice, de rendre des lois équitables, de réprimer la violence et l'iniquité. La licence de ses compatriotes fut punie; quatre ans après la conquête, Guillaume publia les lois d'Edouard-leConfesseur pour ses sujets anglais : tout en affermissant son autorité, il paraissait vouloir faire oublier la manière dont il était monté sur le trône. Plus tard la scène changea, nous le savons, mais il faut tenir compte du bien comme du mal. Dans la distribution des hautes dignités de l'église, il montra beaucoup de discernement. « Il aima surtout, dit un vieil auteur, » dans les ministres de Dieu, l'observation de la vraie religion,

de laquelle dépendent la paix et la prospérité du monde.... II >> avait en toutes choses horreur de la simonie; aussi dans le » choix des abbés ou des évêques, il ne considérait pas tant la > fortune et la puissance que la sainteté et la sagesse des per

sonnes ?. »

Ces paroles d'un historien qui d'ordinaire ne flatte pas Guillaume, sont importantes. A cette époque deux grandes plaies dévoraient le clergé, la simonic et le concubinage, compagnons nécessaires des investitures; ces vices étendaient de proche en proche leurs ravages, couvrant comme d'une lèpre affreuse le

peler aussi que les deux peuples avaient une même origine; de là, un air de famille et des institutions à peu près analogues. A tout prendre, l'invasion fut un bien pour l'Angleterre; les indigènes se rattachèrent avec ardeur aux vieilles institutions, comme on chérit avec plus de tendresse l'ami qu'on a perdu; enfin de nouveaux intérêts se formant, les vainqueurs eux-mêmes sentirent le besoin d'avoir des droits, et se rallièrent autour de l'étendard de la vieille nation; et tout cela agissait à la fois, mêlé, confondu, s'entrechoquant souvent, ignorant même ce qui en devait résulter.

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corps ecclésiastique. Pour empêcher son église de succomber sous cette double étreinte des envahissemens de l'autorité séculière et des désordres de ses membres, Dieu employa deux moyens efficaces: de grands pontifes et des ordres religieux, qui opposèrent l'austérité de leurs mœurs aux irrégularités du clergé séculier. Si un Henri IV vendait au plus offrant des siéges et des abbaïes; si dans une assemblée de prêtres on vit des hommes éhontés se disputer, l'insulté à la bouche et l'or à la main, les oripeaux sacrés que leur jetait le roi comme une carée, au même moment les foudres romaines lancées par un Hildebrand éclataient soudain au milieu de ces pasteurs dégénérés, marquaient du sceau de l'infamie et le débitant et l'acquéreur de bénéfices; puis, les amenaient repentans et confus au pied du tribunal suprême de la catholicité. Tems étrange! tems de formation et de vigueur! Que de vertus sublimes! que de vices dégradans! Quelle force n'a-t-il pas fallu au principe civilisateur pour vaincre les derniers! Le onzième siècle, venant à la suite de cet autre nommé obscur par excellence, paraissait pris d'un vertige : la nature barbare avait revêtu momentanément le caractère des nations décrépites! Le prêtre voulait de l'or pour devenir évêque; le baron voulait de l'or pour acheter un duché; le roi pour satisfaire ses passions, peut-être pour acheter un divorce d'une de ses créatures mitrées 1; et au milieu de tout cela l'aurore de la chevalerie brillait à l'horison; Cluny et l'abbaye du Bec formaient des saints; Pierre Damien tonnait contre le crime, et se faisait écouter; une impératrice d'Allemagne allait chercher un asile dans le fond d'un cloître; Jes lettres étaient cultivées avec ardeur; on avait foi à tout, parce qu'on était jeune; enfin une femme armée de son seul courage tenait en échec les bataillons de Henri IV, et couvrait comme du bouclier de l'Archange le patrimoine de St.-Pierre, tandis que derrière elle se levaient les Croisades. Aussi fallut-il plusieurs vies d'hommes, de grands pontifes, pour réprimer le désordre, pour amener le bien, qui s'enfante encore plus labo→ rieusement que le mal.

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Voy, dans Lambert d'Aschaffenbourg et autres, l'exemple de Sigebert de Mayence. On peut aussi consulter Voigt, presque comme une auto rité contemporaine.

L'Angleterre n'était pas demeurée étrangère à ce grand mouvement; dans son sein se développaient des vices semblables, le libertinage surtout, car la simonie paraît y avoir été moins connue; il était réservé à la rapacité des rois Normands de l'asseoir à côté d'eux sur le trône. La faiblesse d'Edouard-leConfesseur, jointe aux troubles que faisaient naître l'insolence des grands, n'avait pas peu contribué à relâcher la discipline ecclésiastique. Les témoignages de tous les historiens sont trop uniformes pour pouvoir admettre un doute. Sur le trône archiepiscopal de Cantorbéry, se trouvait assis un intrus, qui, du vivant même de son prédécesseur, avait acheté son titre de l'antipape Jean (Benoit X )'. Le clergé répondait assez généralement à ce chef. Ces Anglo-Saxons qui jadis avaient jeté tant d'éclat sur l'Europe par la haute culture de leur intel

Comme on s'est plu à faire de Stigand une victime et surtout un grand patriote, quoiqu'il fût le premier à offrir ses hommages au Conquérant, il sera bon de mettre sous les yeux l'opinion qu'ont eue de ce personnage ses compatriotes et ses contemporains. Florentius, qui mourut en 1118, et était Anglais, dit que Guillaume fut couronné par Aldred d'Yorck, quia Stigandus, primas totius Anglia ab apostolico Papá calumniatus pallium suscepisse non canonicè ( p. 635 ). Voici un passage de Hoveden encore plus important. En 1062, Wulfstan est consacré évêque de Wigorn, en présence des légats du saint-siége, par l'archevêque d'York, eo quod Stigando archiepiscopo Doroberniæ episcopate officium tunc à papû interdictum esset, ideo quod vivente Roberto archiepiscopo, archiepiscopatum suscipere præsumpsisset (Annal., pars I.). Un autre dit de Stigand: Episcopatum, atque abbatias sibi assumpsisset plurimas, et grația atriusque domini sui, Edvardi scilicet, et Haroldi regum, eas propriis pastoribus viduatas, quandiù voluit in sua manu tenuit, et quibus voluit personis, conferebat (Hist. Eliensis.) La chron. saxonne (Gibson) affirme qu'il reçut le pallium de Benoit X (l'antipape); Simon de Durham emploie presque les mêmes termes que Florentius; Mathieu Paris prétend qu'il n'acquit pas cette haute dignité par des voies légitimes (hist. major), et enfin Ranulph Higden, qui écrivait, il est vrai, plus tard, mais qui paraît avoir puisé généralement à de bonnes sources, s'exprime ainsi : Cui (Roberto) successit Stigandus, quia quondam dimisso Shireburensi præsulatu Wintoniensem sedem invaserat; vir quidem nundinas publicas ex rebus ecclesiasticis exercens, vir utique, sicut pene cæteri tunc temporis in Anglia episcopi, illitteratus existens, sed pecuniis et blanditiis multum potens. Ranulp. Hingdeni polychronic. ap. Gal.: script. xx, p. 280.

ligence, étaient descendus au-dessous de leurs frères du continent; je ne sais quelle apathic, quel abandon de toute étude les plongeait dans l'ignorance et les désordres qui en sont la suite. Trop souvent les prêtres prenaient chez eux des parentes, ou de simples femmes qui devenaient une source de scandales, urand toutefois le pasteur ne s'engageait pas dans les liens du mariage. A Durham on fut obligé d'expulser les chanoines qui devaient veiller à la garde du corps de S. Cuthbert, «parce >> qu'ils n'avaient que le nom de chanoines (canonicorum), mais » assurément rien de canonique. Dans presque toute l'Angle» terre, dit un autre, les mœurs étaient perdues, la paix et l'a>bondance avaient fait germer le luxe 3... En ce tems-là il y eut des gens qui aimèrent mieux abandonner leurs églises que >> leurs femmes, aussi quelques-uns périrent-ils de misère, d'au>> tres trouvèrent dans leur patrimoine un refuge contre le be» soin. — On chantait ouvertement dans tous les carrefours, » qu'un évêque ne valait rien, quand il ne savait pas user des pom» pes du siècle, du plaisir de la chasse, de l'aiguillon de la bonne >> chère, de beaux habits; quand il ne s'environnait pas du tumulte » des gens de guerre et d'un cortège de chevaliers; mais le gain » des âmes ce n'était pas là son affaire. Puis quand on leur ob»jectait qu'un évêque doit être dirigé par la religion et les lettres, » et non par l'ambition et les bagatelles, ils répondaient par ce »yers, autre tems, autres mœurs,

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»Nunc aliud tempus, alii pro tempore mores.

»en cherchant à couvrir cette infamie par la légèreté de la ré» partie 3. >>

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Chron. Saxon. 234.-Simon. Dunelm. 231.

Qui priùs inibi habitaverant nomen tantum canonicorum habentes, sed in nullo canonicorum regulam sequentes. Sim. Dunelm. 51. 3 Willlelm. Malmesb. Anglia sacra, 11.—254.

4 Fueruntque nonnulli qui ecclesiis quam mulierculis carere mallent. Id.-263.

5 Palam tunc in triviis cantabatur, non esse idoneum episcopatui, qui nesciret abuti, pompis seculi, exercitiis nemorum, irritamentis gularum, vestium apparatu, satellitum strepitu, equitum comitatu, sed de lucris animarum, parum cogitare. Cumque eis objiceretur, episcopum debere pensari ex religione et litteris, non ex ambitione et minutiis, respondebant illud metricum: Nunc aliud tempus, alii pro tempore mores, atroci

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