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RECHERCHES MÉDICO-LÉGALES

Sur plusieurs poisons minéraux; par M. ORFILA.

Je crois utile de faire connaître les résultats de plusieurs expériences tentées dans le dessein de rectifier ou de remplacer certains procédés mis en usage pour découvrir quelques poisons minéraux. Parmi ces procédés, les uns étaient évidemment vicieux, et peu propres à faire constater la présence de petites quantités de substances vénéneuses; les autres étaient susceptibles de perfectionnement.

Phosphore. Si le phosphore pulvérulent a été mêlé à d'autres corps solides, on le reconnaîtra, 1° à l'odeur alliacée du mélange; 2o à la propriété qu'il a de fumer lorsqu'il est exposé à l'air; 3o à la manière dont il se comporte lorsqu'on l'étend sur une plaque de fer préalablement chauffée en effet, il suffit d'éparpiller avec un couteau, sur une de ces plaques, une pâte contenant seulement un millième de phosphore pulvérisé, pour que ce corps brûle avec une flamme jaune, et avec production d'une fumée blanche d'acide phosphorique, et pour qu'on aperçoive cà et là des points lumineux au milieu du mélange; 4o en triturant celui-ci avec du nitrate d'argent dissous, sa couleur passe d'abord au roux, puis au brun et au noir : dans ce dernier état, il s'est formé du phosphure noir d'argent si la pâte ne renfermait qu'un millième de son poids de phosphore, il faudrait attendre plusieurs heures avant qu'elle devînt rousse. Ces caractères, plus que suffisans pour déceler le phosphore dans le cas dont nous parlons, doivent être préférés à celui qui a été indiqué par plusieurs au

VIII.

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teurs, et qui consiste à exprimer sous l'eau chaude la pâte phosphorée renfermée dans un nouet fait avec une peau de chamois on éprouve en effet trop de difficulté à faire passer à travers la peau quelques atomes de phosphore, parce que celui-ci se trouve fortement retenu par la pâte. Dans une expérience de ce genre faite avec un mélange d'une partie de phosphore pulvérisé, et de neuf parties de pain mouillé, mélange très-riche en phosphore, nous avons à peine pu faire passer à travers la peau une ou deux petites particules de phosphore.

lodure de potassium (hydriodate de potasse). Il résulte des expériences faites par M. Dublanc jeune, et insérées dans un mémoire publié par M. Alph. Devergie, que l'hydrochlorate de platine et le protonitrate de mercure › sont les réactifs les plus sensibles pour découvrir des atomes d'iodure de potassium dissous. Quelle que soit l'énergie avec laquelle ces sels agissent sur de très-petites quantités d'iodure de potassium, nous préférons l'amidon pour déceler la présence de ce poison. Voici comment il faut opérer on dissout l'amidon dans de l'eau bouillante, on étend la dissolution d'eau, puis on la verse dans la liqueur contenant l'iodure dissous; on ajoute une ou deux gouttes d'acide sulfurique concentré et autant de chlore liquidé étendu d'eau ; on agite, et si la liqueur ne se colore pas en bleu ou en violet, on verse encore une ou deux gouttes de chlore. Si on employait une trop grande quantité de chlore à la fois, on n'obtiendrait pas de coloration bleue, attendu que cette couleur, lorsqu'elle a paru, disparaît par l'addition d'une plus grande quantité de chlore. Les motifs qui nous font préférer l'amidon aux sels de platine et de mercure, sont l'excessive sensibilité de cet amidon qui permet de découvrir les proportions les plus minimes d'iodure,

en fournissant d'abord une couleur bleue bien caractéristique, et au bout d'un certain temps, ce qui vaut encore mieux, un précipité bleu, formé par quelques grumeaux d'amidon coloré par l'iode. L'hydrochlorate de platine, au contraire, quelque sensible qu'il soit, se comporte de manière à ne pas permettre au médecin de conclure qu'il existe de l'iodure de potassium en dissolution, quand il y en a à peine des atomes: en effet, la liqueur ne se trouble pas dans ce cas, et devient tout au plus d'un jaune rougeâtre, à peu près comme cela arriverait si on versait de l'hydrochlorate de platine dans de l'eau légèrement hydrosulfurée, qui ne contiendrait pas de l'iodure de potas

sium.

Mais c'est surtout lorsqu'il s'agit de démontrer la présence d'un iodure dans le sel commun (sel gris, sel de cuisine), que la supériorité de l'amidon sur les sels de platine et de mercure est incontestable. Plusieurs échantillons de sels saisis par l'autorité chez divers épiciers de Paris, et contenant de l'iodure de potassium, se sont fortement colorés en bleu par l'amidon, l'acide sulfurique et le chlore, tandis que les sels de platine et de mercure versés dans les mêmes dissolutions salines, ne les coloraient nullement en rouge ni en jaune verdátre. L'inefficacité de ces réactifs étonnera d'autant plus que si l'on dissout dans l'eau une certaine quantité de chlorure de sodium pur (sel de cuisine), et que l'on ajoute à la dissolution une goutte d'iodure de potassium dissous, l'hydrochlorate de platine rougira la liqueur, et le protonitrate de mercure la verdira; ce qui atteste la présence de l'iodure de potassium. Il serait difficile d'expliquer cette différence d'action des sels de platine et de mercure, sans admettre que dans le sel de cuisine cristallisé, l'iodure de potassium se trouve combiné avec le chlo

rure de sodium, et par conséquent à l'abri de l'action de ce réactif, tandis que, dans l'autre cas, les deux sels sont simplement mélangés.

Acide sulfurique. Si l'acide sulfurique fait partie des liquides vomis, qu'il s'y trouve en petite proportion, tandis qu'il y a beaucoup de matière animale, il est difficile, pour ne pas dire impossible, en traitant le mélange par le cuivre ou par le mercure, de constater la présence de l'acide sulfureux, et par conséquent celle de l'acide sulfurique libre, parce que la matière animale se décompose par la chaleur, et fournit des produits volatils, dont quelques-uns sont huileux, empyreumatiques, et offrent une odeur désagréable, au milieu de laquelle il est difficile, pour ne pas dire impossible, de reconnaître celle de l'acide sulfureux. Il y a mieux, il arrivera souvent qu'il ne se produira même pas d'acide sulfureux, parce que l'acide sulfurique libre se sera combiné avec l'ammoniaque provenant de la décomposition de la matière animale, et aura formé du sulfate qui se sera décomposé à son tour en oxigène et en sulfite acide d'ammoniaque volatil.

On devrait alors recourir au procédé suivant : après avoir reconnu que la liqueur n'est que légèrement acide, à l'aide du papier de tournesol, on la filtrerait, et on la ferait évaporer à une douce chaleur dans une capsule de verre ou de porcelaine; et lorqu'elle serait moyennement concentrée, on s'assurerait, en versant de la potasse dans une petite por-tion, qu'elle ne renferme aucun des sels que cet alcali peut décomposer et précipiter : alors on l'évaporerait jusqu'à siccité, et on introduirait la matière desséchée dans une cornue de verre lutée, dont le col se rendrait dans un récipient contenant de l'ammoniaque pure étendue d'eau ; on chaufferait jusqu'au rouge, afin de décomposer la matière animale,

et on recueillerait le liquide condensé dans le récipient : ce liquide renfermerait de l'huile empyreumatique en partie combinée avec l'ammoniaque et du sulfite acide d'ammo.. niaque, s'il y avait de l'acide sulfurique libre dans la matière suspecte on ferait bouillir ce liquide avec de l'eau régale pour transformer ce sulfite en sulfate; on chasserait l'excès d'acide par l'évaporation; on étendrait d'eau distillée, puis on démontrerait la présence d'un sulfate dans la liqueur, au moyen de l'hydrochlorate de baryte qui fournirait un précipité blanc, insoluble dans l'eau et dans l'acide nitrique. Ce procédé, comme on voit, est basé sur la propriété qu'a l'acide sulfurique libre de se combiner avec l'ammoniaque qui se produit par l'action combinée du feu et de cet acide, sur la facile décomposition de ce sel et sur sa tranformation en sulfite acide volatil, et enfin sur la possibilité de faire passer ce sulfite à l'état de sulfate au moyen de l'oxigène de l'acide nitrique qui fait partie de l'eau régale.

Mais, dira-t-on, vous ne pouvez pas établir que l'acide libre de la liqueur suspecte est de l'acide sulfurique, par cela seul qu'en distillant la masse desséchée vous avez obtenu de l'acide sulfureux dans le récipient, puisque le sulfate acide d'alumine, l'alun, le sulfate de glucine et quelques autres sulfates, sont décomposés par la chaleur et le charbon, de manière à fournir également de l'acide sulfureux. Il est vrai que plusieurs sulfates donnent de l'acide sulfureux quand on les décompose à chaud par le charbon: aussi avons-nous soin d'indiquer qu'il faut commencer par s'assu rer, avant de dessécher la liqueur, que celle-ci ne renferme aucun sulfate précipitable par la potasse, ou, ce qui revient au même, aucun sulfate susceptible de fournir de l'acide sulfureux par le charbon.

En opérant ainsi, nous avons pu démontrer la présence

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