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quel est leur avantage? C'est ici que la considération du désavantage moral attaché à l'incertitude, devient nécessaire. On conçoit que le jeu le plus égal devenant, comme on l'a vu précédemment, désavantageux, parce que le joueur échange une mise certaine, contre un bénéfice incertain; l'assurance par laquelle on échange l'incertain contre le certain, doit être avantageuse. C'est en effet, ce qui résulte de la règle que nous avons donnée ci-dessus pour déterminer l'espérance morale, et par laquelle on voit de plus jusqu'où peut s'étendre le sacrifice que l'on doit faire à la compagnie d'assurance, en conservant toujours un avantage moral. Cette compagnie peut donc en procurant cet avantage, faire elle-même un grand bénéfice, si le nombre des assurés est très considérable, condition nécessaire à son existence durable. Alors son bénéfice devient certain, et ses espérances mathématiques et morales coïncident. Car l'Analyse conduit à ce théorème général, savoir, que si les expectatives sont très nombreuses, les deux espérances approchent sans cesse l'une de l'autre, et finissent par coïncider dans le cas d'un nombre infini d'expectatives.

Nous avons dit en parlant des espérances mathématique et morale, qu'il y a un avantage

moral à répartir les risques d'un bien que l'on attend, sur plusieurs de ses parties. Ainsi, pour faire parvenir une somme d'argent d'un port éloigné, il vaut mieux la répartir sur plusieurs vaisseaux, que de l'exposer sur un seul. C'est ce que l'on fait au moyen des assurances mutuelles. Si deux personnes ayant chacune, la même somme sur deux vaisseaux différens partis du même port pour la même destination, conviennent de partager également tout l'argent qui leur arrivera; il est clair que par cette convention, chacune d'elles répartit également sur les deux vaisseaux, la somme qu'elle attend. A la vérité, ce genre d'assurances, laisse toujours de l'incertitude sur la perte que l'on peut craindre. Mais cette incertitude diminue à mesure que le nombre des associés augmente : l'avantage moral s'accroît de plus en plus, et finit par coïncider avec l'avantage mathématique, sa li-mite naturelle. Cela rend l'association d'assurances mutuelles, lorsqu'elle est très nombreuse, plus avantageuse aux assurés, que les compagnies d'assurances, qui, à raison du bénéfice qu'elles font, donnent un avantage moral, toujours inférieur à l'avantage mathématique. Tous ces résultats sont, comme on l'a vu précédem

ment, indépendans de la loi qui exprime l'avantage moral.

On peut envisager un peuple libre, comme une grande association dont les membres se garantissent mutuellement leurs propriétés, en supportant proportionnellement les charges de cette garantie. La confédération de plusieurs peuples leur donnerait des avantages analogues à ceux que chaque individu retire de la société. Un congrès de leurs représentans discuterait les objets d'une utilité commune à tous; et sans doute alors, le système des poids, des mesures et des monnaies, proposé par les savans français, serait adopté dans ce congrès, comme une des choses les plus utiles aux relations commerciales.

Parmi les établissemens fondés sur les probabilités de la vie humaine, les meilleurs sont ceux dans lesquels, au moyen d'un léger sacrifice de son revenu, on assure son existence et celle de sa famille pour un temps où l'on doit craindre de ne plus suffire à ses besoins. Autant le jeu est immoral, autant ces établissemens sont avantageux aux mœurs, en favorisant les plus doux penchans de la nature. Le Gouvernement doit donc les encourager et les respecter dans les vicissitudes de la fortune publique; car

les espérances qu'ils présentent, portant sur un avenir éloigné, ils ne peuvent prospérer qu'à l'abri de toute inquiétude sur leur durée. C'est un avantage que l'institution du Gouvernement représentatif leur assure.

Disons un mot des emprunts. Il est clair que pour emprunter en perpétuel, il faut payer, chaque année, le produit du capital par le taux de l'intérêt. Mais on peut vouloir acquitter ce capital, en paiemens égaux faits pendant un nombre déterminé d'années, paiemens que l'on nomme annuités, et dont on obtient ainsi la valeur. Chaque annuité, pour être réduite au moment actuel, doit être divisée par une puissance de l'unité augmentée du taux de l'intérêt, égale au nombre des années après lesquelles on doit payer cette annuité. En formant donc une progression géométrique dont le premier terme soit l'annuité divisée par l'unité augmentée du taux de l'intérêt, et dont le dernier soit cette annuité divisée par la même quantité élevée à une puissance égale au nombre des années pendant lesquelles le paiement doit avoir lieu; la somme de cette progression sera équivalente au capital emprunté; ce qui détermine la valeur de l'annuité. Si l'on veut faire un emprunt viager, on observera que les tables de rentes

viagères donnant le capital requis pour constituer une rente viagère, à un âge quelconque; une simple proportion donnera la rente que l'on doit faire à l'individu dont on emprunte un capital. On peut calculer par ces principes, tous les modes possibles d'emprunt.

Des illusions dans l'estimation des Probabilités.

L'esprit a ses illusions, comme le sens de la vue; et de même que le toucher corrige celles-ci, la réflexion et le calcul corrigent les premières. La probabilité fondée sur une expérience journalière, ou exagérée par la crainte et l'espérance, nous frappe plus qu'une probabilité supérieure, mais qui n'est qu'un simple résultat du calcul. Ainsi nous ne craignons point pour de faibles avantages, d'exposer notre vie, à des dangers beaucoup moins invraisemblables que la sortie d'un quine à la loterie de France; et cependant personne ne voudrait se procurer les mêmes avantages, avec la certitude de perdre la vie, si ce quine arrivait.

Nos passions, nos préjugés et les opinions dominantes, en exagérant les probabilités qui leur sont favorables, et en atténuant les pro

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