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interpole, mais le droit de perquisition qui fait partie de ce système a une double valeur, comminatoire et effective.

3o Ces tarifs, d'ailleurs, ne seront-ils pas exposés à une instabilité inquiétante pour les capitaux, décourageante pour les entreprises industrielles? Un simple décret ne pourra-t-il pas en venir troubler l'économie de la manière la plus imprévue et la plus funeste?

VIII

Les réponses nous semblent faciles :

Si la France était la première à entrer dans cette voie des réformes, la logique des raisonnements pourrait laisser quelque incertitude dans les esprits; mais nous avons été devancés dans la carrière par presque toutes les autres nations; les mêmes préoccupations se sont produites, les mêmes craintes ont été manifestées. Les industries ont prédit leur ruine et ont abrité leurs intérêts derrière ces sympathies si profondes et si légitimes que doit exciter le sort des populations laborieuses. Quels ont été les enseignements de l'expérience et du temps? Si le péril signalé eût été sérieux, il aurait dû se réaliser déjà plusieurs fois sur les marchés ouverts à l'importation des marchandises britanniques, et se manifester avec une intensité d'autant plus grande que le nombre de ces marchés était plus restreint. Or, qu'on interroge, non pas quelques faits accidentels bruyamment exploités ou certaines opérations insignifiantes et dues à des circonstances particulières, mais l'ensemble des mouvements commerciaux. Qu'on étudie les états de la douane anglaise, notamment pendant la longue crise commerciale qui s'est manifestée en 1857; on verra combien a été considérable l'abaissement des exportations britanniques, comparativement aux temps normaux. En France, si restrictif que soit notre système économique, tous les objets manufacturés ne sont pas placés sous le régime de la prohibition. Les époques de malaise commercial ont-elles donné à l'importation des marchandises non prohibées un développement exceptionnel et ruineux? Qu'on parcoure les volumineux documents de nos douanes; qu'on se livre à de patientes investigations des chiffres que ces documents contiennent, et qui ne sont rien autre chose que l'histoire de nos relations internationales, leur examen démontrera bien vite l'inanité de ces alarmes.

Rappelons d'autres faits :

Lorsque, malgré d'ardentes résistances, la législation française levait la prohibition sur les fils de coton du n° 143 métrique et au-dessus, l'industrie de la filature ne devait elle pas être ruinée par cette imprudente innovation qui allait permettre à l'industrie anglaise des importations en masse à des prix désastreux pour une loyale concurrence?

Les colonnes du Moniteur ont enregistré ces inquiétudes et ces fâcheuses prédictions; le temps a prononcé; ces pronostics funestes se sont-ils réalisés? Qu'on nous cite les dates, les époques de ces invasions. La vérité est qu'après une importation modérée des fils anglais pendant deux ou trois ans, la fabrication nationale est restée maîtresse du marché intérieur, et n'a été troublée à aucune époque dans la quiétude de sa possession.

Les mêmes appréhensions n'étaient-elles pas formulées encore lors de la discussion de la loi relative au régime économique de l'Algérie! Cette législation a repoussé la théorie des prohibitions. Les manufacturiers français déclaraient perdu pour eux le marché de notre possession africaine. Toutes ces assertions ont été démenties et renversées par les faits. Notre industrie fournit seule à l'Afrique française les tissus de coton qu'elle consomme ; à peine nos états de douane constatent-ils quelques rares importations étrangères.

C'est qu'en effet, pour peu qu'on y réfléchisse, la raison de ces résultats commerciaux apparaît avec une souveraine évidence. L'avilissement de la marchandise n'est dû qu'à la rareté de la demande. Peu importe que les vendeurs soient nombreux si les acheteurs sont rares. Or, dans les temps de crise, il n'y a point d'acheteurs. La défiance est un mal contagieux, comme la confiance est un bien qui se communique. Lorsque ces crises, pour ainsi dire périodiques et dont les causes générales sont si nombreuses et souvent si diverses, viennent atteindre et suspendre la vitalité commerciale des peuples, l'argent se refuse, la consommation intérieure se resserre, et l'exportation devient languissante.

Nous ne voulons pas réveiller ici les controverses soulevées par le traité du 26 septembre 1786. Qu'il nous suffise de dire que cette comparaison méconnaît les temps, les conditions et les faits. La nation française était à cette époque voisine de ces grandes épreuves politiques et sociales qui devaient amonceler tant de ruines; les premiers ébranlements de cette commotion se faisaient sentir dans toutes les parties de l'édifice. Le pouvoir luttait impuissant contre le désordre des finances de l'État, et ce désordre affectait profondément la richesse publique.

Les tarifs réciproquement acceptés variaient entre 10 et 12 pour 100 de la valeur pour toutes les marchandises, sans distinction aucune, et pendant la durée d'ailleurs si éphémère de cette convention, l'organisation défectueuse des douanes avait réduit la perception des taxes à 3 ou 4 pour 100 de la valeur de l'objet importé.

Aujourd'hui, nous sommes en possession de ces précieuses conquêtes, qui ont coûté si cher à nos pères : la liberté civile, l'égalité politique, la libre concurrence intérieure de l'industrie et du commerce.

Le succès de la nouvelle convention commerciale intervenue entre les deux grandes puissances a pour garants d'incontestables éléments de sécurité publique, de prospérité générale et de force industrielle. Nos produits sont admis en franchise sur le marché anglais, pendant que des droits, qui pourront s'élever jusqu'au maximum de 30 ou de 25 pour 100, grèveront les importations étrangères. Enfin, l'expérience et l'aptitude de l'administration des Douanes promettent à l'application des nouveaux tarifs la plus sévère impartialité.

IX

On regrette l'abandon du droit de perquisition encore inscrit dans notre Code des Douanes, droit auquel on attache une valeur comminatoire et effective. Sans nous demander si nos mœurs actuelles comportent ces mesures inquisitoriales, incompatibles avec le respect dont la législation a entouré le domicile du citoyen, nous pouvons constater l'inutilité à peu près complète de cette faculté entre les mains de l'administration, nous pouvons même ajouter que son exercice fait souvent courir à l'État le risque de véritables spoliations, tant est devenue difficile la distinction entre la marchandise prohibée et la marchandise d'origine nationale.

X

Les craintes d'instabilité, dans les tarifs nouveaux, ne viennent que d'une fausse interprétation de notre législation économique et d'une injuste défiance envers l'administration.

Votre Gouvernement n'ignore pas, Sire, qu'il y a un égal péril pour les intérêts publics à modifier incessamment, et avec une sorte de précipitation, les tarifs de douane, ou à les immobiliser indéfiniment. Les difficultés de la route à parcourir ne peuvent être aplanies que lentement, les réformes qui veulent se passer de la consécration de l'expérience et du temps restent impuissantes. Aucun des membres de votre Gouvernement ne s'exposera à méconnaître ces vérités fondamentales. Au reste, la loi du 17 décembre 1814 a limité à des circonstances déterminées, et seulement aux matières premières, nécessaires aux manufactures, les décrets d'initiative du pouvoir exécutif; les tarifs sur les objets manufacturés ne peuvent être modifiés que par le concours de tous les pouvoirs publics. Quelles chances sérieuses à la surprise et à l'imprévoyance peut laisser cette lente et attentive élaboration des lois de l'Etat, organisée par la constitution de l'Empire?

XI

Le traité stipule que tous les articles énumérés dans l'article 1" ne pourront être grevés de droits ad valorem supérieurs à 30 pour 100,

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les deux décimes additionnels compris, jusqu'au 1 octobre 1864, et à 25 pour 100 à partir de cette époque. Il prend toutes les précautions propres à assurer la sincérité des évaluations qui doivent servir de base à l'établissement de ces droits. La valeur de l'objet importé serą calculée au lieu d'origine ou de fabrication; pour éviter les conséquences des variations incessantes du marché, elle sera calculée sur les prix aujourd'hui connus, et à l'abri de toute controverse, qui ont existé pendant les six mois antérieurs au 23 janvier. Cette valeur, ainsi déterminée, sera augmentée de tous les frais de transport, d'embarquement, de débarquement, de commission et d'assurances dont la marchandise aura été grevée jusqu'à son arrivée au port français.

C'est sur l'ensemble de ces chiffres que sera calculé le droit ad valorem. Ces bases ne sauraient soulever aucune critique, elles sont constamment appliquées par la législation française dans toutes les perceptions de droits établis à la valeur.

Au reste, les négociateurs des deux puissances ont compris combien était incertain et délicat pour le commerce ce mode de perception. Ils ont stipulé qu'une convention supplémentaire convertirait les droits ad valorem en droits spécifiques, avant le 1er juillet 1860. Nous devons espérer que l'accord s'établira sur tous les articles, au moins sur presque tous, et que dès lors les perceptions de droits sur la valeur déclarée ne constitueront dans nos tarifs que la plus rare exception.

La volonté de Votre Majesté est que cette conversion en droits spécifiques soit précédée d'une enquête approfondie et minutieuse; le Ministre du commerce prendra très-prochainement les mesures pécessaires pour commencer cette grande information.

XII

Quant à présent, le seul point que nous avons à examiner est celui de savoir si les deux limites maxima de 30 et de 25 pour 100 successivement applicables aux marchandises prohibées jusqu'à ce jour et à leurs similaires non prohibées ont été sagement établies.

Pour fixer nos convictions à cet égard, nous ne nous sommes pas livrés, sur le prix de revient de chaque article, à des études hérissées de détails et de contradictions qui sont bien rarement un guide sûr pour les convictions. Nous avons envisagé les conditions fondamentales de la production dans notre pays, sans négliger les différences topographiques que n'effacent pas les doctrines, mais en ayant le sentiment profond de la virilité de notre industrie et une légitime confiance dans sa force et dans sa perfectibilité.

Nous n'hésitons pas à dire, dès l'abord, que pour le plus grand

nombre des articles énumérés dans le traité, l'application de ces limites maxima serait absolument inutile, stériliserait les pensées de réforme proclamées par Votre Majesté, et substituerait à la levée des prohibitions des droits protecteurs qui n'en seraient que la puérile synonymie. Mais l'enquête qui va avoir lieu nous guidera dans les gradations à établir, et mettra l'administration publique en position d'éviter dans ses propositions au gouvernement anglais les insuffisances et les exagérations.

Si, en dehors des articles auxquels nous venons de faire allusion, nous recherchons quelles sont les causes générales d'infériorité de nos grandes industries textiles vis-à-vis des industries similaires anglaises, nous ne pouvons les rencontrer que dans les éléments sui

vants :

Matières premières,

Frais de premier établissement,

Capital,
Exploitation,

Main-d'œuvre.

Dégrevés de droits, les cotons en laine ne sont pas plus chers en France qu'en Angleterre; les entrepôts du Havre et de Liverpool ne signalent pas de différences sensibles. Le prix de la laine ne rencontrera dans les surtaxes de provenance et de pavillon qu'une cause légère de surélévation.

Les frais de premier établissement, eu égard à l'emploi de la fonte et du fer qui entrent dans l'outillage d'une manufacture, sont plus élevés en France qu'en Angleterre: l'amortissement annuel doit donc être plus élevé dans un pays que dans l'autre. Cette différence est facile à chiffrer :

Le loyer du capital peut être plus élevé pour notre industrie; cette disproportion est de celles que le développement des relations internationales tend chaque jour à atténuer et à faire disparaître.

L'exploitation quotidienne est grevée par l'emploi de la houille dont le prix est de beaucoup supérieur à celui qui existe en Angleterre. Un comité, défenseur énergique de notre législation douanière actuelle, déterminait il y a quelques mois, arithmétiquement, l'importance de cette charge; il établissait que pour 1 kilogramme de coton filé d'une valeur de 3 francs, on dépensait pour 6 cent. 1/2 de houille. La valeur de la houille représente donc 2 1/4 pour 100 du prix du coton filé.

Quant à la main-d'œuvre, il est toujours difficile d'établir des termes de comparaison d'une rigoureuse exactitude. Le salaire est sans doute réglé par l'état économique du pays; mais avant tout il est proportionnel à l'habileté de l'ouvrier. Or, cet élément échappe aux calculs généraux. Toutefois, il est généralement vrai qu'en France la

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