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LIVRE VI

LE SUFFRAGE RESTREINT.

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Le message du 31 octobre expliqué. Ce que c'est que le parti militaire. — Attitude réservée de la majorité. Taquineries. M. Carlier, préfet de police-Procès du 13 juin. Siége et prise de Zaatcha. Le Président et l'union des pouvoirs. Plan financier du Gouvernement. Discussion du budget. L'impôt des boissons. - Affaiblissement de la majorité. Démission et réélection de M. Dupin. Le Napoléon. La loi des instituteurs primaires. Loi sur l'enseignement.-Les arbres de la liberté. Agitation électorale. Le conclave socialiste. La République mise audessus de la souveraineté du peuple. Les couronnes de la colonne de Juillet. Lois d'affaires. Election de MM.Vidal, Carnot, de Flotte. Modifications ministérielles. - Préparatifs d'insurrection. La médiation française et l'affaire grecque.- La

loi du 31 mai.

I

La première présidence de Louis-Napoléon Bona→ parte se divise en deux phases essentielles que le message du 31 octobre dessine nettement. Il marqua la fin de la première et commença la seconde. Cette division naturelle a déterminé le plan de notre histoire. Nous avons assisté d'abord à l'établissement de ce grand pouvoir où se résumait la souveraineté d'un peuple; à ses premières luttes contre deux assemblées, contre deux majorités : la première, plus éprise de la

licence que de la vraie liberté, plus républicaine que véritablement démocratique; la seconde, plus éprise de sa propre influence que de la vraie autorité, et plus attachée aux traditions monarchiques qu'à l'ordre véritable. Cette lutte nouvelle va continuer, se développer, s'étendre, se manifester tantôt en intrigues, tantôt en conspirations, tantôt en guerre ouverte, jusqu'au moment où la France, inquiète, éperdue, se jettera dans les bras du neveu de l'Empereur, en lui criant « Sauve-moi! >>

Pendant la première période, le prince Louis-Napoléon, bien qu'investi du mandat le plus étendu qu'aucun gouvernement ait jamais reçu des mains du peuple, bien qu'autorisé à faire prévaloir sa politique personnelle par les rigueurs mêmes d'une Constitution qui le rendait responsable de ses actes, voulut donner une preuve éclatante de son respect pour tout ce qui émanait, comme lui, du suffrage universel, et s'astreignit à gouverner avec l'Assemblée et par l'Assemblée. En un mot, il voulut pratiquer sincèrement le régime parlementaire autant qu'il était praticable dans les termes de la Constitution de 1848. L'expérience fut rapidement faite; à la langueur, à l'atonie qui s'emparèrent sur-le-champ de toutes les parties du corps social, le Président comprit que si ce régime était continué, la France périrait dans ses mains. Déjà l'inaction, l'incertitude, les tâtonnements étonnaient, mécontentaient l'opinion publique; encore quelque retard, et le gouvernement de Louis-Napoléon perdait tout son prestige.

Il fallait couper court à cette situation dangereuse.

Le message du 31 octobre fut le coup de foudre qui annonça le système napoléonien. C'était un solennel avis aux partis monarchiques. Ils ne le comprirent pas ou le méconnurent sciemment, et affectèrent de n'y lire que la préface d'un coup d'État. Le coup d'État ne vint pas, et dès lors le message parut inexplicable. Parmi tant d'hommes blanchis dans le maniement des affaires, nul ne devina la signification profonde de cet acte, qui était le tressaillement d'un noble cœur froissé. Il était réservé à M. de Lamartine de pénétrer seul le secret de la pensée du Prince, qu'il traduisit en un commentaire sagace encore plus qu'éloquent. Nous le transcrivons ici dans toute son étendue, parce qu'il définit à merveille la situation critique que le message avait pour but de dénouer et de transformer:

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L'Assemblée Nationale venait de s'absenter de << Paris pendant six semaines; la cessation de ces discussions incessantes et de ces orages parlementaires qui donnent la fièvre continue aux imaginations avait calmé les esprits. Un grand ordre avait régné; • les affaires, ce thermomètre du peuple, avaient repris un peu d'élasticité. Les conseils généraux, en << assemblées nationales de départements, qui repré⚫ sentent non les ambitions dépaysées, mais les opinions et les intérêts sur place, avaient siégé. On • avait annoncé depuis six mois que ces conseils généraux allaient protester contre la Constitution et pétitionner contre la République. Il y avait un certain doute habilement fomenté par les journaux dynastiques à cet égard; une inquiétude vague

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préoccupait l'opinion. Si les conseils généraux avaient eu l'attitude antirépublicaine qu'on leur prêtait d'avance, c'eût été un symptôme de désaf<< fection aux institutions populaires, de scission entre « les départements et Paris, de fédération des rayons « contre le centre qui aurait rappelé la Gironde et ses • déchirements. On attendait donc avec anxiété.

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« On n'a pas attendu longtemps : il n'y a qu'une France en France; la même acceptation de la République, la même résolution prudente de l'asseoir et << de la maintenir, la même sagesse à l'inspirer et à la fortifier contre toutes les natures de factions, se sont « manifestées dans l'immense majorité des conseils généraux. Deux ou trois seulement où le vieil esprit « turbulent et imprévoyant de la Gironde a trouvé << deux ou trois voix sur deux ou trois mille ont essayé « de balbutier une protestation. La masse a senti par«tout que demander la transformation de la démocratie en royauté à présent, c'était demander d'abord une première révolution pour sortir de la République, puis une série de révolutions pour donner « cette royauté à telle ou telle branche de prétendants, puis une tyrannie pour maintenir cette royauté vic«torieuse des autres, puis une explosion successive « de révolutions et de convulsions démocratiques pour << secouer ces royautés et pour reprendre la souveraineté régulière du peuple.

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« Les conseils généraux ont passé comme le Gou« vernement provisoire de février, comme le suffrage « universel le 27 avril 1848, comme l'Assemblée

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« Nationale le 8 mai, comme les électeurs le 10 dé<cembre, comme l'Assemblée Législative le 13 mai « 1849; comme la nécessité, comme la politique, « comme le sens commun, comme la Providence, ils «ont dit La République ou la guerre civile! la République ou l'anarchie! la République ou la tyrannie! la République ou des convulsions écumantes! Voilà le cercle dans lequel Dieu a enfermé « en ce moment la France: tenons-nous-y, et orga« nisons la société dans la République, ou exposons-la « à périr.

« Mais pendant que les conseils généraux, organes sincères et partout inspirés par l'âme du sol, parlaient et agissaient ainsi, pendant que le France se « calmait et administrait sous leur inspiration, les partis ou plutôt les salons (car ces partis se réduisent ‹ à la proportion de quatre noms), les salons et les « réunions des partis ennemis, naturellement antipathiques à la République parce que la République pèse sur leur souvenir et accuse leur imprévoyance, « ces partis, disons-nous, se trompaient au calme du pays, et à l'attitude du peuple. Ils se flattaient que «ce calme signifiait indifférence et disposition à accepter tout nouveau joug qu'on lui préparerait pour le débarrasser de sa liberté. Ils se disaient : « Osons beaucoup au retour de l'Assemblée. La « France, le Président, l'Assemblée Nationale subiront tout ce que nous aurons osé! Nous ne sommes pas forts; mais soyons hardis et entreprenants, on nous « croira forts! Que nos journaux à Bordeaux et à

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