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temps préoccupée; cependant nous la verrons rester encore plusieurs mois en suspens sur le terrain de la diplomatie, où l'amendement de MM. Leyraud et Valazé faillit devenir une nouvelle pierre d'achoppement pour la conclusion d'une affaire qui devait se ressentir jusqu'à la fin de la manière inconstitutionnelle dont elle avait été engagée.

Ce fut en grande partie par des délibérations sur des lois de finances que fut rempli l'intervalle qui s'écoula entre les débats mémorables du traité des 25 millions et la discussion du budget. Le premier des projets de loi de cette nature sur lequel la Chambre des députés eut à se prononcer, était relatif au réglement définitif des comptes de l'exercice 1832. Ce projet ayant été vainement présenté dans la session dernière, le ministre des finances s'était empressé de le soumettre de nouveau à la Chambre, dès le 1er décembre 1834. Il en résultait que les recettes tant ordinaires qu'extraordinaires avaient dépassé les évaluations, et que tous les crédits ouverts n'avaient pas été consommés en ré sumé les dépenses étaient arrêtées à 1,175,814,776 francs et les recettes portées à 1,149,340,204 fr., ce qui laissait un déficit d'environ 25 millions, qui était mis à la charge de la dette flottante. Le travail approfondi auquel la commission d'examen s'était livré sur ce réglement de comptes, lui avait donné l'occasion de reconnaître, par l'organe de M. Félix Réal, son rapporteur ( 27 mars), que les plus heureux prógrès avaient été faits dans la comptabilité; et elle n'avait trouvé à proposer le rejet que de dépenses de peu d'importance qui ne lui avaient pas paru régulières. La Chambre consacra en partie les séances du 20 et du 21 avril à la discussion du projet, et, après avoir écarté les dépenses dont nous venons de parler, elle adopta l'ensemble au scrutin secret, à la presque unanimité ( 238 voix contre 12).

Dans le nombre des crédits complémentaires, extraordinaires, supplémentaires, que le ministère demanda, suivant la coutume, malgré toutes les prescriptions du budget, figurait

une somme de 900,000 francs, que le ministre de la marine avait réclamée, le 30 janvier, pour son département, sur l'exercice 1835. La moitié de cette somme devait être employée à l'augmentation des forces maritimes, l'autre moitié à l'accroissement des garnisons dans les colonies. Le ministre avait motivé ces deux dépenses par la double nécessité de créer des appuis aux vues d'une politique ferme et prévoyante, et de garantir les intérêts coloniaux contre les agitations que pouvait causer la suppression de l'esclavage dans les colonies anglaises. La commission d'examen reconnut l'utilité de la première dépense; mais, relativement à la seconde, elle proposa, par l'organe de M. Charles Dupin, son rapporteur ( 30 mars), de n'accorder que 200,000 francs au lieu de 450,000. Tout l'effort des débats, qui se prolongèrent pendant trois séances (21, 22 et 23 avril ), et auxqueis prirent part MM. Isambert, Delaborde, Mauguin, Salverte, de Tracy, porta sur une question pour ainsi dire étrangère au projet, sur la question de l'abolition ou du maintien de l'esclavage. Le ministre ayant été sommé de s'expliquer, le président du conseil déclara que, comme homme, il avait maintes fois manifesté ses sentimens personnels sur la question, mais que, comme ministre, il ne devait et ne pouvait rien dire : il ajouta que le devoir du gouvernement dans la situation des choses, en présence des essais tentés par l'Angleterre, était d'agir avec la plus grande réserve, d'attendre, d'observer, de recueillir les faits, les renseignemens, et de les méditer. Le ministre de la marine fut un peu moins réservé.

ans.

« Les colonies anglaises, disait-il, étaient déjà préparées à l'émancipation, la population noire s'y trouvait en quelque sorte renouvelée par suite de l'abolition de la traite en 1807, ce qui remonte par conséquent à vingt-huit Cette population indigène, à l'aide d'instruction religieuse et morale, pouvait être susceptible de jouir sans abus du bienfait qui lui était octroyé. Celle de nos colonies est loin de présenter les mêmes avantages. Ne devonsnous pas attendre avant de nous lancer dans des spéculations, dans de nouvelles voies, d'y préparer la population par des leçons pratiques de religion, de morale et de civilisation? c'est ce dont s'occupe déjà et s'occupera sans relâche le gouvernement, »

Le gouvernement consentait, au reste, à la réduction proposée par la commission: 240 voix sur 291 votans allouèrent le crédit, ainsi réduit à 650,000 francs.

La Chambre eut ensuite à accorder un autre crédit supplémentaire au ministre des finances. Le ministre avait soumis à la Chambre, vers le milieu de décembre, un projet de loi sur les pensions de retraite des employés de son département; mais la commission chargée d'examiner ce projet, en ayant proposé le rejet par la raison qu'il était à désirer que le gouvernement présentât une loi générale sur les pensions de retraite des employés de tous les départemens, le ministre avait, comme on l'a vu, retiré son projet de loi. Il était nécessaire cependant de pourvoir à ce service, pour lequel aucune allocation n'avait eu lieu. Les Chambres, par leurs décisions des 8 et 22 janvier, n'ayant ouvert de crédit que pour le paiement du 1er trimestre de 1835, le ministre des finances était venu demander (23 mars) la somme nécessaire aux trois derniers trimestres, puisqu'il était impossible qu'une loi sur la matière intervînt avant la fin de la session. Ce crédit, porté à 2,900,000 francs, fut voté par 220 voix contre 19 (23 et 24 avril), après une discussion dans laquelle M. Salverte avait conclu au rejet du projet de loi, pour obliger moralement le ministre à apporter la loi générale sur les pensions de retraite, que la Chambre attendait et sollicitait vainement de lui.

Au ministre des finances avait succédé le ministre de l'intérieur, qui, le 24 mars, avait apporté à la Chambre un projet de loi tendant à lui ouvrir un crédit supplémentaire de 1,200,000 francs, sur 1835, pour les dépenses secrètes de la police. L'exposé des motifs, écouté avec une grande attention, n'était naturellement conçu qu'en termes fort vagues: le ministre déclarait qu'il y avait une grande amélioration dans la situation du pays, mais qu'une surveillance rigoureuse était encore nécessaire si des manifestations extérieures ne troublaient plus la paix publique, l'esprit de fac

tion n'en existait pas moins; les partis légitimiste et républicain, pour être battus, n'étaient pas détruits; il fallait avoir les yeux ouverts sur eux. Les circonstances qui pouvaient surgir du procès instruit devant la Chambre de pairs, et la nécessité de surveiller les frontières de l'Espagne, étaient aussi des motifs qu'avait invoqués le ministre à l'appui du projet de loi. En résumé, de l'état de lutte ouverte on était passé à l'état de vigilance, et c'était là un heureux progrès.

Cette demande de fonds secrets, qui ne se produisait jamais sans exciter quelque sensation parce que c'était une occasion de discuter les questions générales de politique, arrivait cette fois aux débats avec une importance encore plus grande que de coutume. Le ministre de l'intérieur avait expressément fait de ce projet de loi une mesure de cabinet

il avait demandé un vote de confiance, il avait associé tout le cabinet à la présentation du projet.

27, 28, 29 avril. La commission d'examen, dont le rapport, présenté le 17 avril par M. Moreau (de la Meurthe), concluait à l'adoption du projet, n'avait pris en considération que le besoin de l'allocation; mais, dans la Chambre, la question de majorité devait prendre le dessus. Ce fut, en abrégé, une discussion d'adresse, et de nombreux orateurs, MM. Saubat, Havin, Salverte, Chapuys-Montlaville, Pagès, de Sade, Dupont (de l'Eure), Garnier-Pagès, d'un côté, MM. Madier-dc-Montjau, Las-Cases, Croissant, Jouffroy, de l'autre, parurent successivement à la tribune. Les premiers repoussèrent le projet de loi, et parce qu'ils en contestaient la nécessité, et parce qu'ils ne voulaient nullement donner un témoignage de confiance au ministère, dont ils blamaient énergiquement la tendance et les actes; les seconds, au contraire, accueillaient le projet, et parce qu'ils le trouvaient suffisamment motivé, et parce qu'ils voulaient faire acte éclatant d'adhésion au ministère, dont ils approuvaient le système et la marche. Entre ces deux opinions absolues, une troisième (MM. Malleville, de Lamartine) se

produisit, qui consistait à admettre le projet de loi comme nécessaire, et à le rejeter comme témoignage de confiance. Cette opinion se rattachait à une proposition formuleé par la minorité de la commission, et qui tendait à n'allouer qu'un million au lieu de 1,200,000 francs.

Après la discussion générale, qui, en dépit du sujet, avait été assez calme (si l'on excepte toutefois un rappel à l'ordre prononcé contre M. Garnier-Pagès, pour avoir assimilé sous le point de vue stratégique les insurgés de juin et d'avril aux combattans de juillet), la délibération s'établit sur un amendement proposé par M. Étienne, qui réduisait le crédit à un million. Cet amendement semblait être l'expression du tiers-parti, que l'on avait sommé de dire nettement oui ou non. M. Émile de Girardin, qui se déclarait ouvertement du tiers-parti, qu'il jugeait le représentant le plus vrai de l'opinion, malgré les sarcasmes et les attaques dont il était l'objet, et M. Étienne, qui ne voulait pas qu'on lui dît : tout ou rien, appuyèrent l'amendement en présentant la réduction comme un moyen de rendre sensible, par la diminution du chiffre sur celui de 1834, l'amélioration de la situation du pays; mais ils n'y attachèrent pas une signification politique. M. Étienne s'éleva cependant avec énergie contre l'intention qu'avait le ministère de mettre de nouveau l'indépendance de la Chambre à l'épreuve.

Comment comprendre, disait-il, une administration qui fait une question de cabinet d'une question d'économie, d'une question de chiffre, que dis-je? d'une fraction de chiffres, quelque minime qu'elle soit?

» En vérité, messieurs, je ne conçois pas un ministère qui, depuis le commencement de cette session, ne laisse pas écouler une semaine sans se faire mettre aux voix, qui semble s'ingénier à fatiguer les consciences par de perpétuelles mises en demeure. »>

Mettre la Chambre en demeure de se prononcer, c'était, suivant le ministre de l'intérieur, qui répondit au préopinant, abonder dans le sens du gouvernement représentatif, et le vouloir dans sa plus grande vérité. Il fallait remarquer, d'ailleurs, que la question de cabinet ne provenait pas du

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