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fait, de la volonté du ministère, mais qu'elle se posait d'ellemême, qu'elle résultait de la force, de la nature des choses. Arrivant à l'amendement de M. Étienne, le ministre refusait d'admettre le but qu'on lui attribuait hautement; il lui recherchait une intention plus réelle, que l'on dissimulait : cette intention, c'était de faire subir un échec au ministère, sans cependant le renverser; c'était de chercher à l'affaiblir. Or il était permis, il était de bonne et loyale guerre de chercher à renverser un ministère, mais non point de chercher à l'affaiblir.

« Le pays n'y peut rien gagner, disait le ministre ; ce qui s'est passé l'été dernier et au commencement de cet hiver, n'est que le résultat de ce genre d'affaiblissement politique que, pour mon compte, en mon nom comme en celui de mes collègues, je ne puis pas accepter; car on peut bien consentir à n'être plus ministre, ce n'est pas un grand malheur, croyez-le bien; mais on ne peut pas consentir à être ministre déconsidéré, sans force. Quand on est ministre, il faut faire le bien du pays, et le bien du pays en aucun temps ne se fait par des mains faibles. Ce n'est donc pas une raison d'amour-propre, mais une question de devoir qui nous fait repousser tout ce qui pourrait affaiblir le pouvoir; c'est pour ne pas vous exposer à voir renaître cette situation déplorable que vous avez vue il y a quelques mois. (Mouvement d'approbation à gauche.) Il faut un ministère fort, ou bien il faut le renverser et lui en substituer un autre. C'est peut-être plus difficile, j'en conviens, de venir dire ouvertement : « Nous voulons renverser le ministère. » Mais il me semble que nous nous devons de la franchise les uns aux autres; et, quoiqu'il soit plus difficile de le faire à face découverte, il faut le faire pourtant à face découverte, et ne pas chercher, je le répète, à l'affaiblir. (Très-bien! très-bien ! ) »

Le gant étant ainsi nettement jeté au tiers-parti, M. Teste se présenta d'abord pour le relever. Suivant l'honorable membre, le droit constitutionnel de la Chambre de réduire les crédits demandés, pouvait s'exercer sur les demandes de fonds secrets comme sur toute autre demande; il s'agissait donc seulement d'examiner si la réduction proposée était fondée. Comme cette réduction paraissait suffisamment motivée, M. Teste approuvait l'amendement; il l'appuyait surtout parce qu'il voulait faire acte d'improbation contre le parti pris par le ministère d'en appeler sans cesse aux votes de la Chambre sur l'existence du cabinet. L'orateur n'admettait pas d'ailleurs que la déclaration du ministère qu'il se retirerait en cas de rejet ou de réduction du crédit, pût

être sérieuse. Dans la situation des choses, en présence du grand procès qui s'agitait, la formation d'un nouveau cabinet serait impossible; le ministère se devait à lui-même, il devait au pays de rester jusqu'au bout, jusqu'à l'accomplissement de l'œuvre qui lui appartenait. M. Teste revint en terminant sur la position de l'opinion parlementaire, qu'on qualifiait de tiers-parti il la caractérisait, en disant que, d'accord en principe avec le ministère, elle en différait quant aux moyens : il en appelait aux professions de foi de ce parti, à ses votes, aux secours, aux conseils qu'il avait donnés au ministère, pour repousser cette inculpation, qu'il tendait à affaiblir le pouvoir.

Après avoir adhéré aux déclarations du préopinant, M. Baude s'attacha surtout à démontrer, en discutant les dépenses de la police sous l'empire, que, si la réduction proposée était adoptée, elle porterait seulement sur des dépenses immorales et inutiles; que le service utile n'en souffrirait point; que l'abondance des fonds secrets était un appât offert à l'immoralité, à la corruption; que les 200,000 fr. dont on demandait la suppression, seraient, en grande partie, employés à subventionner des écrivains et d'autres agens; que ces sortes de subventions n'étaient pas sans périls, en ce que, si elles venaient à tarir, ceux qui les avaient reçues se retournaient aussitôt contre le gouvernement, non sans danger, en raison des secrets qu'ils pouvaient posséder.

La Chambre ferma la discussion après ce discours. Une grande agitation régnait dans la salle. A peine eut-il été donné lecture de l'amendement, dont le sort paraissait incertain, que l'on demanda l'appel nominal, et cet amendement ne fut rejeté qu'à une majorité de 58 voix sur 410 votans. Il avait réuni 176 suffrages. Le projet passa ensuite à une majorité de 130 voix (256 contre 129); mais on peut croire que ce dernier chiffre ne s'appliquait qu'au projet de loi en lui-même : la question de cabinet avait été tranchée par le premier vote; là était la mesure de la majorité ministérielle.

Un autre projet de loi qui peut encore trouver ici sa place, en raison de sa nature financière, c'est celui par lequel le ministre des finances avait demandé (30 décembre), sur l'exercice 1834, une allocation de crédits supplémentaires et extraordinaires pour la somme de 11,426,074 francs, en même temps qu'il proposait des annulations de crédits sur le même exercice pour la somme de 12,179,000 francs. Le projet contenait, en outre, des dispositions qui devaient avoir pour résultat, au moyen de crédits additionnels ouverts en supplément aux restes à payer de divers exercices clos, de liquider définitivement tout l'arriéré de créances qu'on pouvait faire valoir contre le trésor. La discussion de ce projet était attendue avec quelque curiosité, en ce que le rapporteur de la commission d'examen, M. Beslay (père) avait, sinon pris des conclusions rigoureuses, du moins tenu un langage singulièrement sévère. Il signalait (20 avril) des lésions de principes, des infractions aux règles, aux lois; il articulait même des reproches «< au moins de légèreté ». Toutefois, comme la dernière loi sur la comptabilité ne datait que de l'année 1834, la commission admettait que d'anciennes habitudes avaient pu entraîner les agens de divers services; mais elle ajoutait qu'elle croyait être l'interprète fidèle de la volonté des Chambres, en sommant les ordonnateurs de se conformer désormais avec une religieuse exactitude à l'exécution des prescriptions des lois sur la comptabilité, et en leur déclarant d'avance que pour les crédits de 1835 les Chambres se montreraient inexorables contre les moindres infractions. Ces termes hostiles d'un rapport présenté par un membre de la majorité, semblaient présager une discussion orageuse: cependant, sur les explications des ministres, les griefs articulés contre eux s'évanouirent, et le projet de loi, après des débats peu animés, peu intéressans quoique prolongés (7, 8, 11 et 12 mai), fut adopté à une très-grande majorité (201 voix contre 30). La commission, malgré la rigueur de son langage, n'avait proposé qu'environ

600,000 francs de réduction; les diminutions votées par la Chambre ne s'élevèrent pas à 120,000 francs.

Indépendamment de ces matières de finances, la Chambre avait encore eu à s'occuper, pendant la période que nous parcourons, de quelques projets de loi d'une autre nature. Le 24 avril, elle avait prorogé d'une année, sur la demande du ministre de la guerre, les dispositions d'une loi de la dernière session, qui attribuait des fonctions de police judiciaire aux maréchaux-de-logis et brigadiers de gendarmerie dans les provinces de l'Ouest. Les bons effets obtenus par la mise en vigueur de la loi, la modération avec laquelle les sous-officiers de gendarmerie avaient usé de leurs pouvoirs, la nécessité de continuer une surveillance rigoureuse pour que l'amélioration progressive de l'état de ces provinces ne se ralentît pas, militaient puissamment en faveur de la prorogation. Mais, d'un autre côté, les argumens ne manquaient pas en réponse à ces considérations développées (23 mars) par le ministre de la guerre, et reproduites (20 avril) par le rapporteur de la commission d'examen, M. Augustin Giraud. Il était dangereux de laisser s'invétérer, par une longue application, des lois exceptionnelles comme celle dont il s'agissait; les intérêts du trésor demandaient aussi qu'on réduisît l'effectif de la gendarmerie. De ce qu'il n'y avait pas eu encore abus d'autorité de la part des sous-officiers de gendarmerie, il ne s'ensuivait pas qu'ils n'abuseraient pas un jour; il fallait enfin constater l'amélioration de l'esprit public et de l'état des choses dans l'Ouest, par un relàchement de rigueurs. Ces objections, présentées par MM. Lacrosse et Pelet (de la Lozère), ne suscitèrent au projet de loi que 56 opposans, tandis qu'il obtint 234 voix au scrutin secret.

Quoique spécial dans son but, le projet sur lequel la Chambre eut ensuite à statuer, offrait quelque intérêt. Soumise à un régime exceptionnel de douanes, la Corse pouvait faire admettre en franchise dans les ports du Midi les produits de son sol, et ce droit avait donné naissance à une

contrebande largement organisée. Les produits étrangers, les huiles, les grains, étaient importés en Corse et de là exportés, comme produits de son sol, sur le littoral du Midi; il en résultait que le trésor éprouvait de grands dommages, que l'agriculture était abandonnée en Corse, et que toute la population de cette île se démoralisait en se livrant à des habitudes de fraude et de contrebande. Pour remédier à cet état de choses, le ministre du commerce avait présenté (24 mars) un projet de loi tendant à soumettre la Corse, sous le rapport des douanes, à un régime d'ordonnances royales. Ce projet de loi, auquel la commission d'examen avait donné son assentiment (15 avril), n'était guère susceptible d'objections. A cette occasion MM. Limperani et RéalierDumas, traçant un tableau de la Corse (25 et 27 avril), recommandèrent fortement à l'attention du gouvernement cette île, magnifiquement douée par la nature, et qui pouvait devenir pour le pays une source de richesses. Le projet obtint ensuite la presqu'unanimité des suffrages (238 vois contre 8).

Pour recueillir les fruits des travaux de canalisation, qui avaient déjà coûté 270 millions, il était nécessaire de rendre navigable le cours des rivières dans lesquelles ces canaux débouchaient. Le ministre de l'intérieur avait, en conséquence, présenté à la Chambre (2 avril) un projet de loi par lequel il était stipulé qu'une somme de 18 millions serait affectée à des travaux destinés à rendre diverses rivières navigables, et à protéger les propriétés riveraines contre les ravages des eaux. D'autres sommes moins élevées, qui seraient annuellement votées, devaient être consacrées à l'amé lioration de quelques autres rivières. Ce projet de loi, que la commission chargée de l'examiner avait engagé la Chambre (27 avril), par l'organe de M. Jaubert, à sanctionner dans le plus court délai, parce qu'il était attendu avec impatience, et que de grands intérêts s'y rattachaient, n'en rencontra pas moins une assez vive opposition sous le

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