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fois (21 avril) un langage moins sévère que d'habitude quant aux considérations générales; mais l'examen des dépenses appliquées au service intérieur avait encore donné lieu à de nombreuses critiques de détail. La commission indépendamment des diminutions faites par le ministre sur cette branche de son département, avait trouvé à proposer une réduction totale de 1,352,790 francs, principalement en ce qui concernait le chapitre du matériel de l'artillerie et celui du génie.

La partie du rapport relative au budget d'Alger était attendue avec un vif intérêt. Ce grave sujet avait excité toute la sollicitude de la commission générale du budget, qui avait formé dans son sein une commission spécialement chargée d'approfondir et de discuter toutes les questions qui se rattachaient à l'occupation de la régence d'Alger. Le rapporteur annonçait que de vives et longues discussions, dont il offrait le résumé, s'étaient engagées sur ces questions: on avait reconnu que l'occupation militaire était trop étendue, et que le gouvernement ne devait point intervenir en matière de colonisation; on proposait, en conséquence, de réduire à 22,920 hommes l'effectif porté par le ministre à 28,925 hommes, et de n'allouer au gouvernement aucuns fonds pour frais de colonisation. L'économie opérée par ces réductions, sur les dépenses totales, que le rapporteur évaluait dans la réalité à 30 millions, serait ainsi de 4,272,000 francs, ce qui élevait le chiffre de toutes les diminutions sur l'ensemble du budget de la guerre à 5,624,790 fr.

14, 15, 18, 19, 20, 21, 26, 27 mai. Les débats de la première partie du budget de la guerre embrassèrent un grand nombre de points spéciaux, tels que la permanence du comité d'infanterie et de cavalerie, le meilleur système de remonte, les places fortes, les écoles militaires, les gymnases militaires, sur lesquels une controverse assez vive parfois s'établit entre les différens orateurs, mais dans un intérêt exclusivement administratif ou économique, et sans

amener d'autre résultat que l'adoption par la Chambre de presque toutes les sommes dont la commission avait proposé le retranchement. Le champ de la discussion s'agrandit et l'intérêt s'accrut lorsqu'on en vint aux chapitres qui formaient le budget particulier d'Alger. Cependant, comme elle n'avait pas changé de face depuis un an, la question, quelque vaste et quelque grave qu'elle fût, semblait usée pour la discussion. La presse ne l'agitait plus avec la même vivacité, l'attention publique n'était plus aussi fortement excitée, et les débats de la Chambre ne se présentaient pas, cette fois, avec la même solennité. Néanmoins et bien qu'elles ne pussent s'appuyer que de considérations déjà vieilles et épuisées, les opinions diverses ne firent pas faute et se produisirent encore avec insistance à la tribune.

Si la question demeurait posée dans les mêmes termes entre les adversaires et les défenseurs de l'occupation et de la colonisation, elle paraissait avoir fait quelques progrès dans la pensée du gouvernement. Le ministre de l'instruction publique, prenant la parole après M. Passy, ennemi déclaré de l'occupation permanente de la régence, vint renouveler de la manière la plus explicite, les déclarations qu'avait faites le président du conseil dans la dernière session. La France avait conquis la régence d'Alger, la France garderait sa con quête : aucun engagement contraire ne gênait à cet égard la liberté du gouvernement français ; il agissait dans une complète indépendance et ne consultait que l'intérêt national.

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Deux motifs, messieurs, disait le ministre de l'instruction publique, me paraissent décisifs dans cette question; d'abord le motif de la dignité nationale, motif très-fort, indépendamment même de sa valeur morale. Le premier élément de la puissance d'un pays, c'est la considération, c'est l'opi nion que se forme le monde de sa fermeté, de son courage, de sa résolution; c'est là un élément de force qui vaut beaucoup de force matérielle, qui surpasse même quelquefois la force matérielle; de très-petits pays ont ac quis une grande influence politique, uniquement par la considération dont ils jouissaient dans le monde, par l'opinion généralement répandue qu'ils. avaient une pensée ferme, une volonté ferme, et qu'ils étaient prêts à faire de grands sacrifices pour les faire triompher.

» Convainen, comme je le suis, que l'abandon d'Alger serait un affaiblissement notable de la considération de la puissance morale de la France, je dis qué ce seul motif, indépendamurent même de toute autre considération,

est puissant, très-puissant, et le premier que nous devions prendre en considération.

» Il en est un autre sur lequel le préopinant s'est long-temps étendu. C'est l'importance que paraît devoir prendre dans les affaires et dans les relations commerciales de l'Europe, là Méditerranée. Je repousserai volontiers à ce sujet, comme l'honorable préopinant, toutes les exagérations auxquelles on s'est livré. Je ne viens point dire que la Méditerranée va devenir un lac français, que le commerce français en exclura le commerce des autres puissances. La France n'a point de telles prétentions. J'exprime seulement un fait; c'est l'importance que la Méditerranée prend dans les affaires européennes. Certes, messieurs, il importe à la France de prendre ce fait en considération. Sans doute la France n'est pas destinée à devenir la première puissance maritime du monde, elle est avant tout puissance continentale. Ses frontières sur le Rhin, sur les Pyrénées, sur les Alpes, ont plus d'importance pour elle que sa frontière maritime. Mais si la France n'a jamais été et ne sera jamais la première puissance maritime de l'Europe, messieurs, elle a toujours été la seconde; est-ce au moment où la Méditerranée prend une importance nouvelle, que la France doit consentir à descendre, comme puissance maritime, du rang qu'elle a si long-temps occupé?

» Non, messieurs; l'importance croissante de la Méditerranée commande, au contraire, à la France de faire de nouveaux efforts pour conserver ce rang, de ne rien faire surtout qui puisse affaiblir sa puissance et sa considération sur mer.

» C'est là, ce me semble, messieurs, un langage exempt de toute exagération, conforme simplement à la vérité des faits, et de faits dont la politique française doit tenir grand compte. »

Quant au système d'après lequel l'occupation devait être dirigée, aux bornes qu'il convenait de lui donner, aux procédés de colonisation qu'il fallait adopter, le langage du ministère n'était pas aussi précis. L'orateur reconnaissait qu'un système d'extension, de conquête, de colonisation directe, spontanée, entreprise au nom et par l'entremise du gouver nement lui-même, entraînerait des dépenses énormes, qu'il engagerait dans des voies de violence et d'iniquité envers les indigènes et que ses résultats étaient incertains; mais il faisait observer que c'était à ce prix et dans des circonstances pareilles que toute colonie avait été établie. Les Anglais, pour fonder les Etats-Unis dans les forêts du nouveau monde, possédées par les populations rouges, avaient eu à vaincre des obstacles non moins formidables que ceux que rencontraient les Français sur le littoral africain. Le ministre de l'instruction publique se prononçait néanmoins contre ce système, qu'il jugeait mauvais et dangereux : l'administration devait se borner, suivant lui, à occuper la côte et les por

tions de territoire nécessaires pour que l'occupation de la côte fût sûre et tranquille ; à veiller à l'entretien de bonnes relations, de relations pacifiques, avec les naturels du pays, de telle sorte que les relations commerciales se développassent sans effort.

«S'il arrive ensuite, continuait le ministre, ce que je ne sais pas, ce que personne ne peut affirmer, s'il arrive que la colonisation vienne d'elle-même, que les capitaux et les hommes affluent, qu'aux relations commerciales se joignent les entreprises agricoles, que des établissemens nouveaux se fassent sur le territoire que nous occupons, ou autour et à portée de ce territoire ; si cela arrive, eh bien! messieurs, l'administration française sera là; elle verra ce qu'il y aura à faire, quelle conduite elle devra tenir, quel degré d'activité, d'extension, il conviendra de donner à la protection que réclameront ces nouveaux efforts de l'industrie individuelle. L'administration ne doit pas aller au devant; elle ne doit pas promettre ce qu'elle ne pourrait pas tenir. (Très-bien!). Il faut ici, je le répète, que les faits devancent l'action du gouvernement; le gouvernement ne doit venir qu'à la suite des faits, pour les consommer, pour les garantir s'ils sont bons et utiles, pour les laisser périr s'ils sont mauvais, s'ils n'ont aucune chance de durée, s'ils ne conviennent pas à l'intérêl national. Cela, messieurs, nous serons toujours à même de le faire; chaque année nous serons en mesure d'apprécier la réalité, l'importance de nos établissemens, les progrès de la colonisation libre, spontanée; nous serons en mesure de juger quels sacrifices méritera de la mère-patrié l'importance de ces établissemens. »

Ce système semblait répondre à la pensée la plus générale; car autant que pouvaient l'indiquer les marques d'improbation et d'assentiment données pendant le cours de la discus sion, c'étaient les opinions analogues à celles qu'avait développées le ministre de l'instruction publique qui rencontraient le plus de faveur. Au reste, soit que la Chambre se fatiguât d'un débat dont elle n'avait aucune lumière nouvelle à attendre, soit qu'elle se rendît à cette observation de plusieurs orateurs que ces contestations périodiques produisaient à Alger les effets les plus fàcheux en jetant l'incertitude et l'inquiétude dans les affaires et les esprits, la clôture fut prononcée sans réclamation, quoique plus de vingt membres fussent encore inscrits pour prendre la parole.

La disposition de la Chambre, qui fut appelée aux débats une réaction en faveur d'Alger et que la marche de la discussion pouvait faire deviner, fut formellement constatée par les votes. Sur le chapitre des services administratifs en Afri

que, pour lesquels un crédit de 1,899,000 fr. était demandé, la commission proposait une réduction de 410,000 fr. Après que M. Laurence, qui tirait une grande autorité des fonctions qu'il avait exercées en Afrique, eut soutenu qu'il y avait en Algérie, tant dans les hommes que dans les choses, les plus beaux élémens de succès, et qu'il ne s'agissait que de savoir les exploiter convenablement, M. Jouffroy et le rapporteur vinrent exposer quel était le but de la réduction. La commission avait voulu se prononcer nettement et mettre la Chambre en demeure de se prononcer contre tout système de colonisation directe par le gouvernement, et contre tout encouragement, tout appui, toute aide qu'il· pourrait paraître donner aux colonisateurs. Le ministre 'de la guerre, M. le maréchal Maison, n'accepta pas cette manière de poser la question. Ce à quoi l'on visait au fond, suivant lui, tout en ne l'avouant pas, ce à quoi la réduction tendait par voie indirecte, c'était l'abandon absolu d'Alger. Le crédit sur lequel frappait la réduction devait être consacré non à des entreprises de colonisation, mais à des dépenses nécessaires pour la conservation d'Alger. « Il est impossible, disait le ministre, que la Chambre regarde la réduction demandée comme devant s'opposer à la colonisation: il n'est pas possible non plus que la Chambre croie s'engager dans le système de la colonisation, en votant ce qui est nécessaire pour la conservation d'Alger. » L'opinion du gouvernement l'emporta, car la Chambre rejeta l'amendement à une forte majorité. Elle rejeta encore, mais seule ment à une seconde épreuve cette fois, une réduction de 27,000 fr., que le ministre de l'instruction publique avait consentie, parce que, destinée à secourir les colons, cette somme pouvait être interprétée comme encouragement à la colonisation, et que M. Passy avait aussi réclamée en son nom, en insistant encore sur ce point, qu'il s'agissait de voter un principe.

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Tous les débats que soulevèrent su cessivement les réducAnn. hist. pour 1835,

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