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que

la Chambre renvoyât la demande au ministre de l'inté'rieur cette proposition ne fut rejetée qu'à la seconde épreuve. Les sentimens d'affection et d'admiration que Napoléon avait laissés en France s'exprimaient annuellement par des pétitions: l'une d'elles, sur laquelle un rapport fut présenté dans la séance du 28 mars, émanait de 25,600 habitans de la Corse, qui sollicitaient le rappel de la famille impériale et particulièrement de la mère de l'empereur : la commission proposait l'ordre du jour, que le président du conseil appuya; mais sur la proposition de MM. Odilon Barrot et Salverte, la Chambre prononça le renvoi au ministère, pour la partie de la pétition qui concernait la mère de l'empereur. Une discussion qui ne manquait pas d'intérêt s'était établie, le 25 avril, sur une pétition venant de plusieurs départemens du Midi : les pétitionnaires éle vaient des plaintes amères contre la loi de 1832, relative au commerce des grains, et contre la manière dont elle était appliquée; ils demandaient des modifications qui eussent pour résultats de protéger plus efficacement l'agriculture, et de prévenir les désastreux développemens de la fraude: la commission, pénétrée de toute l'importance du sujet, avait proposé le renvoi de la pétition aux ministres du commerce et des finances et au président du conseil ce triple renvoi fut prononcé, bien que le ministre du commerce eût présenté des explications justificatives de la législation existante. Un long débat, auquel se mêlait quelque pensée politique, s'engagea dans la séance du 16 mai, à l'occasion d'une pétition dont le but était d'établir le vote secret pour le jury. La disposition de la majorité de la chambre semblait jusqu'à un certain point favorable à cette pétition, tandis que l'opposition la repoussait le renvoi au garde-dessceaux, proposé par la commission, fut prononcé après une assez vive discussion, dans laquelle la nécessité de conserver l'indépendance et la dignité du jury fut alléguée de part et d'autre comme argument: le ministère s'était abstenu de

prendre part au débat. Nous citerons encore comme étant de quelque importance, deux pétitions dirigées contre le duel, et dont la Chambre s'occupa le 28 février et le 13 juin. M. de Lamartine avait obtenu la première fois le renvoi au garde-des-sceaux, malgré les conclusions de la commission, qui proposait l'ordre du jour attendu l'impuissance des lois; le même renvoi avait encore été accordé la seconde fois, aux instances du président de la Chambre, malgré l'avis de la commission, que M. Delaborde avait appuyé en déclarant que, dans l'état actuel de la société, le duel lui semblait une nécessité terrible.

Cette session, matériellement peu intéressante, peu utile, avait eu néanmoins un caractère politique assez remarquable, et sa marche étudiée comme indice de la situation respective des pouvoirs, avait été curieuse à suivre, du moins dans la Chambre des députés. Produit d'élections nouvelles, et dès lors ayant à prendre position, cette Chambre, après avoir hésité, semblait s'être décidément rattachée au ministère par l'ordre du jour motivé; depuis, appelée à plusieurs reprises à exprimer nettement sa pensée, elle s'était encore montrée quelquefois favorable à ce même ministère contre lequel pas un vote de quelque portée n'avait été rendu, et cependant, malgré tout cela, on n'était pas convaincu que cet assentiment fût plein, réel et durable. Le ministère lui-même avait poussé, en quelque sorte, à conjecturer qu'il doutait de sa majorité en la mettant à toute occasion à l'épreuve, comme s'il eût cru pouvoir la perdre d'un moment à l'autre, comme s'il eût senti le besoin de montrer souvent et de se prouver à lui-même qu'elle lui était restée fidèle. D'imperceptibles indices avaient prévalu contre des votes éclatans, des faits positifs; on hésitait toujours sur la pensée intime de la Chambre; le tiers-parti, en dépit de ses échecs successifs, nonobstant les dédains parlementaires dont il était l'objet, paraissait s'asseoir avec quelque consistance; ce ministère, que M. Odilon-Barrot avait pro

phétisé, qu'il avait dit entrevoir vaguement dans l'avenir, semblait, quoique lointain encore, s'être rapproché et se dessiner avec plus de netteté. Aux yeux de la Chambre, le ministère actuel avait toujours vaincu, mais on eût dit qu'il commençait à s'user par ses victoires; le tiers-parti avait été toujours battu, mais il ne s'ensuivait pas que ses défaites l'eussent affaibli. Ces doubles dispositions de la Chambre se devinaient et ne se manifestaient pas; il était surtout impossible de les démontrer.

Considérées relativement l'une à l'autre, les deux Chambres, entre lesquelles aucun dissentiment ne s'était établi, avaient marché plus parfaitement unies que dans la dernière session, et c'était la Chambre élective qui s'était rapprochée de la Chambre inamovible. Sur la question des majorats, sur la question des pensions de la caisse de vétérance et de l'ancienne liste civile, les députés n'avaient pas maintenu les résolutions de leurs devanciers, et s'étaient jusqu'à un . certain point associés aux sentimens qui prévalaient parmi

les pairs.

Quoique nous ayons cru devoir, selon notre habitude, tracer ici un résumé de la session, elle n'était pas encore légalement close; mais rien, à l'époque où la Chambre des députés avait cessé de se réunir, n'autorisait à penser que cette session n'eût pas réellement atteint son terme. Cepen dant tel était l'état d'incertitude où le procès d'avril avait jeté les affaires; telle était la fermentation dans laquelle il entretenait les passions politiques d'un parti, que, à tout hasard, le gouvernement n'avait pas voulu clore la session soit pour qu'il y eût tout à la fois une Chambre des pairs et une Cour des pairs, soit pour pouvoir appeler, en cas de besoin, la Chambre élective au secours de la première, soit enfin pour leur demander à toutes deux les mesures dont les faits, en s'accomplissant, lui démontreraient la nécessité. Quelles que fussent, au reste, les craintes que la situation inspirait, personne alors n'aurait prévu quelle douloureuse catastrophe devait les justifier.

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CHAPITRE VII.

Procès d'avril devant la Cour des pairs : Détails préliminaires. - Instruction. Délibérations de la Cour sur les

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– Réquisitoire du procureur-général. mises en accusation. Arrêt à ce sujet. — Question des défenseurs. Délibérations de divers barreaux sur cette question. Lettres par lesquelles un certain nombre de pairs s'excusent de ne pas siéger comme juges. - Ouverture des débats. Protestations des accusés sur la question des défenseurs. Troubles à l'audience. Continuation des protestations des accusés. Arrêt rendu contre les auteurs des troubles.

Nouveaux troubles, nouvelles protestations. —Lecture de l'acte d'accusation en l'absence de la plus grande partie des accusés.

La session était encore bien loin de s'arrêter, que déjà l'attention publique s'était détournée des travaux des Chambres pour se porter sur le grand procès politique engagé devant la Cour des pairs, et qui, depuis un an, tenait la France dans l'anxiété; car il semblait devoir mettre sérieusement en péril la tranquillité publique. Nous allons, revenant sur nos pas, reprendre ce drame judiciaire à son origine, en analyser les vastes développemens, le suivre dans sa progression lente et laborieuse, et le voir enfin marcher à son dénouement, à travers des difficultés et des obstacles dont on avait cru long-temps qu'il ne pourrait pas triompher.

En 1832, le gouvernement avait d'abord appelé la justice militaire à juger les attentats qui avaient ensanglanté la capitale au mois de juin, et il avait fallu un arrêt de la cour de cassation pour rétablir le jury dans ses droits; en 1854, ce fut encore devant un tribunal extraordinaire, devant la Chambre des pairs constituée en cour de justice, que furent renvoyés les auteurs des divers mouvemens insurrectionnels que le mois d'avril avait vus éclater. Le 15 avril, au moment même où la cour royale de Paris évoquait la connaissance

des événemens, une ordonnance du roi, se fondant sur l'article 28 de la Charte, les déférait à la Cour des pairs. Réunie en séance secrète, cette Cour déclara implicitement par arrêt ( 16 avril ) qu'elle acceptait les fonctions qui lui étaient imposées, et, procédant selon ses usages judiciaires, elle prit les mesures nécessaires pour l'accomplissement de sa haute mission : elle organisa une chambre du conseil destinée à rendre les arrêts de non-licu et à prononcer les mises en liberté, et délégua à son président le droit de s'adjoindre tels membres qu'il voudrait pour faire l'instruction du procès et pour former la chambre des mises en accusation (1).

L'ordonnance royale qui avait saisi la Cour des pairs, lui avait déféré généralement tous les attentats commis sur les différens points du royaume et particulièrement à Paris, Lyon, à Saint-Etienne, en lui enjoignant d'en poursuivre les auteurs, qu'ils eussent agi isolément ou à l'aide d'association. La Cour des pairs, abondant dans le sens de cette ordonnance, avait rendu (30 avril) un arrêt par lequel, attendu la connexité qui résultait d'indices suffisans, elle avait étendu sa juridiction sur les événemens arrivés à Grenoble, à Marseille, à Clermont-Ferrand, à Arbois, à Châlons, à Epinal. La pensée que la Cour des pairs avait ainsi adoptée pour point de départ de ses travaux, était qu'il y avait eu concert et longue préméditation entre tous les auteurs des troubles, et que les mouvemens essayés dans diverses parties du royaume en 1834, n'avaient été que des tentatives d'exécution d'un même complot. Assise sur des

(1) La chambre des mises en accusation, formée par le président, fut composée de MM. le duc Decazes, le maréchal duc de Trévise, le comte de Bastard, le comte de Montalivet, le comte Portalis, Girod (de l'Ain), le baron Fréville, le président Faure.

La chambre des mises en liberté fut composée du président, de MM. Girod (de l'Ain), le comte Molé, le baron Séguier, le comte Reille, le comte Siméon, le duc de Bassano, le comte de Caffarelli, le baron Thénard, Boyer, Tripier, le baron Zangiacomi, le maréchal comte Gérard, Cassaignoles.

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