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la cour des pairs ne sont plus à leurs yeux que des mesures de force dont toute la sanction se trouve dans les baïonnettes dont elle s'entoure.

D

En conséquence, ils refusent désormais de participer par leur présence à des débats où la parole est interdite et aux défenseurs et aux accusés; et convaincus que le seul recours des hommes libres est dans une inébranlable fermeté, ils déclarent qu'ils ne se présenteront devant la cour des pairs que contraints par la force, et qu'ils la rendent personnellement responsable de tout ce qui peut suivre la présente résolution. »

Le scandale était complet, la Cour semblait interdite; la force paraissait impuissante comme la persuasion; cependant le procureur-général s'était levé, et entouré des avocatsgénéraux, il avait commencé à prononcer, avant que l'accusé Beaune eût cessé sa protestation, un réquisitoire d'une haute importance et dont voici la teneur :

« Vu l'arrêt en date du 6 de ce mois, qui décide que les mesures nécessaires pour assurer à la justice son libre cours seront prises dans le cas où de nouveaux désordres seraient commis par les accusés;

» Attendu, en fait, qu'au lieu d'obéir à cet avertissement certains accusés, par les manifestations violentes auxquelles ils se livrent, et par un tumulté qui paraît le résultat d'un système concerté entre eux à l'avance, s'efforcent de rendre impossible le cours régulier du procès; que l'impossibilité de continuer les débats en présence de ces accusés est par cela même démontrée; » Attendu que s'il pouvait dépendre des accusés d'entraver par des moyens quelconques la marche d'une affaire, la puissance publique leur appartiendrait, et l'anarchie prendrait la place de la justice; que la tolérance qui serait apportée à cette rébellion contre la loi serait un véritable déni de justice envers la société, et envers ceux des accusés qui usent de leur droit pour réclamer le jugement;

» Attendu qu'il appartient à la Cour de s'opposer au renouvellement d'un pareil scandale, et d'assurer la justice à la société et aux accusés paisibles qui la réclament;

» Requiert qu'il plaise à la Cour, statuant sur l'étendue du pouvoir discrétionnaire indispensable à la suite et à la direction des débats,

» Autoriser M. le président à faire sortir de l'audience et faire conduire en prison tout accusé qui troublera l'ordre, à la charge par le greffier de tenir note des débats, et d'en rendre compte à l'accusé expulsé, à l'issue de l'audience; pour l'affaire être ainsi continuée dans son ensemble, tant à l'égard des accusés présens de fait à l'audience, qu'à l'égard de ceux que leurs violences en auront fait expulser. »

A ces conclusions, le tumulte reprit toute sa violence première; les huissiers, les gardes municipaux ne purent rien obtenir des accusés, qui protestaient avec une exaltation furieuse contre la continuation des débats. La levée de l'audience mit seule fin à cette scène de vociférations et de trépignemens sans exemple.

La situation n'était pas tenable pour la Cour; il y avait

bien un moyen d'en sortir, celui qu'indiquait le réquişitoire du procureur-général; mais disjoindre les débats lorsque la connexité des attentats avait motivé et justifié la juridiction de la Chambre des pairs, juger sur pièces, lorsque les prévenus n'étaient pas contumaces, annuler la défense, c'était là pour ainsi dire un remède désespéré. D'un autre côté, ajourner, ce n'eût été que reculer la difficulté, et d'ailleurs, après plus d'une année de délai, tout ajournement semblait humainement impossible. La question n'était pas moins difficile que grave. Deux longues et laborieuses séances secrètes, tenues dans la soirée du 8 mai et dans la journée du 9, furent consacrées aux délibérations. Le débat fut animé et des opinions diverses parurent tour à tour l'emporter. Enfin, sous l'influence des membres les plus attachés au système ministériel, les nécessités rigoureuses proclamées par le procureur-général entraînèrent la majorité; néanmoins, comme il était à craindre qu'une minorité imposante ne se déclarât contre ce parti extrême, la Cour, se plaçant entre les deux opinions, s'arrêta à une sorte de moyen-terme et adopta l'arrêt

suivant :

«< Attendu, était-il dit après quelques paragraphes consacrés à l'exposé sommaire des incidens survenus dans le cours des débats, qu'une telle conduite annoncerait de la part d'un grand nombre d'accusés la résolution prise d'arrêter, par la violence, le cours de la justice;

» Attendu que la société serait sans protection, si, en faisant rébellion à la loi, des accusés pouvaient, par un tumulte permanent, forcer la Cour à ajourner indéfiniment le jugement de l'affaire soumise à sa juridiction;

» La Cour dit que si les désordres auxquels les accusés se sont livrés venaient à se renouveler, le président est autorisé à faire retirer ceux d'entre eux qui, par leur violence, rendraient impossible la continuation des débats, pour être lesdits accusés ramenés devant la Cour ensemble ou séparément, afin qu'ils puissent être présens à l'audition des témoins à charge ou à décharge, qui ont à déposer sur les faits qui leur sont personnellement imputés, et être entendus dans leurs moyens de défense;

» Et attendu que l'arrêt et l'acte d'accusation ont été signifiés personnellement aux accusés;

» Ordonne qu'il sera passé outre à la lecture de ces pièces, même en l'absence de ceux des accusés que le président aurait fait retirer, en conformité du présent arrêt,

» Pour être ensuite procédé à l'examen et aux débats jusqu'au jugement définitif. >>

Cet arrêt, qui ne satisfaisait que partiellement aux con

clusions du procureur-général et qui réservait aux accusés le droit d'assister aux débats et de se défendre, n'assurait, en résumé, que la lecture de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation. Ces formalités remplies, le pouvoir discrétionnaire du président cessait, et la lutte pouvait recommencer, à moins qu'il ne fût usé de la faculté de disjoindre; mais déjà la disposition qui venait d'être prise n'avait pas obtenu l'assentiment général de la Cour; elle motiva même la retraite de l'un de ses membres, M. le duc de Noailles. « Sans doute, disait M. de Noailles dans sa lettre d'excuse, il faut que force reste à la justice; mais n'est-ce pas la force seule qui triomphe quand, par l'absence des formes, il n'y a véritablement plus de justice régulière? Ce n'est pas faiblesse, à mon avis, de s'arrêter quand on ne marche plus avec la loi. >

9 mai. La quatrième audience s'ouvrit après un jour d'interruption, au milieu d'une anxiété générale : la Cour présentait un aspect austère, les accusés étaient calmes, la force armée avait été doublée. Jusqu'alors aucun pair n'avait fait défaut; l'appel nominal constata cette fois l'absence de M. le duc de Noailles et de M. le marquis de Talhouet, dont la retraite fut interprétée comme étant en partie fondée sur le même motif que celle de M. de Noailles. La lecture de l'arrêt que nous avons rappelé plus haut fut écoutée en silence; mais dès que le greffier eut commencé, sur l'ordre du président, à lire l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation, les mêmes clameurs, les mêmes protestations violentes qui avaient troublé les dernières séances partirent des bancs des accusés. Le président ayant alors commandé à la force armée d'emmener les prévenus hors de la salle, l'ordre ne s'exécuta pas sans nouvelles protestations, sans incidens tumultueux. Les bancs des accusés, qui étaient entièrement déserts, recurent bientôt plusieurs prévenus que l'on ramena successivement à l'audience.: ils se trouvèrent enfin au nombre de 29, qui tous appartenaient à la catégorie de Lyon. On pouvait

espérer que l'ordre ne serait plus troublé ; cependant l'accusé Lagrange ne fut pas plus tôt assis qu'il renouvela ses protestations; le procureur-général ayant à l'instant requis et le président ayant ordonné son expulsion, une lutte violente s'engagea entre lui et les gardes municipaux, qui furent obligés d'employer la force ouverte pour l'entrainer hors de la salle : il se débattait entre leurs mains, et ne cessa jusqu'au dernier moment de protester avec véhémence : << Vous pouvez nous condamner tous à mort, s'écriait-il d'une voix retentissante, mais notre sang à tous ne lavera pas les taches flétrissantes et les stigmates qu'a laissés gravés sur vos fronts le noble sang du brave des braves. » A peine cette scène pénible, qui avait paru produire une profonde impression sur l'assemblée, était-elle terminée, que d'autres accusés prirent la parole pour protester aussi et pour demander à se retirer; mais les huissiers et les gardes municipaux parvinrent à étouffer leurs voix, et ils se résignèrent au silence après quelques vains efforts. La lecture de l'acte d'accusation commença donc et fut continué sans incident jusqu'à la fin de la séance; 28 seulement des 121 prévenus y avaient assisté.

La procédure avait fait un pas en avant, toutefois, et bien que cet avantage, si c'en était un, eût été acheté à haut prix, le procès ne se trouvait pas, à beaucoup près, débarrassé de ses difficultés, quand tout à coup surgit un nouvel incident des plus sérieux.

CHAPITRE VIII.

Lettre adressée aux accusés d'avril par les défenseurs bération de la Chambre des pairs sur cette lettre.

de leur choix. — Déli

Adoption d'une réso

lution portant que les signataires de la lettre et les deux journaux qui l'ont publiée seront traduits devant la Chambre. Demande adressée par le garde-des-sceaux à la Chambre des députés pour qu'elle autorise la poursuite contre MM. de Cormenin et Audry de Puyraveau inscrits parmi les signataires de la lettre. Discussion de cette demande. — Autorisation de la poursuite contre M. Audry de Puyraveau. — Expulsion des journalistes de leur tribune. Collision entre des journalistes et des députés. — Procès du journal le Réformateur devant la Chambre des députés. de la lettre aux accusés d'avril devant la Chambre des pairs.

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Procès

Les défenseurs que les prévenus avaient choisis s'étaient efforcés, depuis leur arrivée à Paris, de se mettre en communication avec leur cliens. Repoussés par les ordres du président de la Cour, ils avaient tenu plusieurs réunions pour se concerter sur les mesures à prendre, et dès le lendemain de la première audience, ils avaient publié une protestation qui se terminait ainsi : « Les défenseurs soussignés, avocats et non avocats, considérant que le droit de la défense a été outrageusement violé, et approuvant hautement la résolution des accusés qui ont flétri par leur silence tout principe de juridiction prévôtale, éprouvent le besoin d'exprimer publiquement leur douleur de n'avoir pu être utiles à leurs amis et protestent de toute l'énergie de leur conscience contre l'abominable iniquité qui va être consommée à la face de la

nation. >>

Cette protestation des défenseurs fut suivie, quelques jours après, d'une lettre aux prévenus, qui parut dans les journaux le Réformateur et la Tribune du 11 mai. Cette pièce, souscrite d'un grand nombre de noms, était conçue en

ces termes :

« EdellinenJatka »