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demanda, en même temps, à la Chambre des députés un congé qu'il motiva par une cause toute privée, et la session close, il se mit à la disposition du président de la Chambre des pairs.

Ainsi se termina ce grave incident, ce quatrième procès accessoire, né du procès d'avril (1). Il eut pour résultat principal de disperser, de réduire au silence cette phalange de défenseurs qui, forcée de rester en dehors de l'action, formait cependant comme l'arrière-garde des accusés, qu'elle encourageait, qu'elle applaudissait dans leur lutte. C'était donc un appui moral d'une importance incontestable que perdaient ceux-ci, tandis que la Cour des pairs reprenait l'ascendant que donne toujours une victoire résolument et complétement remportée. Un autre événement bien inattendu et bien douloureux devait achever de changer la face des choses, et faire remonter la Cour des pairs de l'état de justice militante au rang de justice souveraine; mais ce n'en était pas moins la lettre aux accusés d'avril qui avait commencé de rompre l'équilibre entre les uns et les autres; aussi peut-on dire, en se placant au point de vue stratégique de ceux qui ne voyaient dans le procès qu'une bataille entre la pairie et le gouvernement et le parti républicain, que cette lettre était une fausse manoeuvre, dont la conséquence réelle fut de découvrir un des flancs de l'armée qu'elle avait précisément pour but de renforcer.

plice des conséquences anarchiques du fatal système qui pèse sur mon pays. >> Toutefois je défère à l'opinion publique la sentence inouïe dont je suis frappé, j'en appelle à la justice du peuple, le souverain de la pairie comme le mien. Si cette justice est quelquefois tardive, elle n'est pas moins inévitable, et je l'attends pour mon compte avec confiance.

« A défaut de titres éclatans, la prison que m'ouvre la Chambre des pairs, au déclin d'une vie qu'il n'a pas dépendu de moi de rendre plus utile à mon pays, témoignera du moins que je n'ai pas été sans dévouement à des convictions qui n'ont jamais eu pour objet que le bonheur du peuple. »

(1) La Chambre des pairs décida en comité secret qu'il ne serait donné aucune suite aux poursuites dirigées contre les autres signataires qui avaient refusé de se présenter, ou auxquels les citations avaient été irrégulièrement données.

CHAPITRE IX.

Suite du procès d'avril : Lecture de l'acte d'accusation en l'absence de la plu

part des accusés. Ils persistent à refuser d'assister à l'audience.

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· Dé

Débats sur la forme des interro

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bats sur la compétence de la Cour. gatoires. Débats sur les faits du procès. Emploi de la force pour amener les accusés récalcitrans à l'audience. Nouveaux désordres. · Protestation d'un avocat. — Protestations de plusieurs accusés. Dépositions sur la question de savoir si le gouvernement avait provoqué l'insurrection de Lyon.- Discussion sur la manière dont l'insurrection fut réprimée. Evasion d'une partie des accusés de Paris. Arrêt qui décide que les accusés pourront être jugés en leur absence. - Plaidoiries.— Jugement des accusés de Lyon.

Disjonction des causes.

La lecture de l'acte d'accusation avait pu enfin commencer à la quatrième audience (le 9 mai), mais seulement, ainsi que nous l'avons vu, en présence de 28 accusés, appartenant tous à la catégorie de Lyon. Comme les autres prévenus persistaient dans leur refus, on leur fit quitter le Luxembourg pour les ramener dans d'autres lieux de détention, à SaintePélagie, à la Conciergerie, à l'Abbaye. Cependant on avait laissé quelques uns des Lyonnais récalcitrans auprès de leurs compagnons plus soumis, sans doute dans l'espoir que l'exemple de ceux-ci pourrait les déterminer à changer de résolution: cet espoir ne se réalisa nullement.

Plusieurs autres audiences (celles du 12, du 13, du 15 et du 16 mai) furent exclusivement consacrées à la lecture de l'acte d'accusation et aucun incident remarquable n'en interrompit le cours, excepté dans l'audience du 12, où un accusé renouvela les protestations déjà tant de fois articulées contre l'absence des défenseurs choisis. La persuasion, la force même n'ayant pu le réduire au calme et au silence, il fallut ordonner son expulsion. Quelques autres des accusés étaient encore revenus à ce système de protestations; mais leurs actes et leurs déclarations de résistance n'amenèrent

aucun trouble. Dès le 13 mai, il ne restait plus sur les bancs que 23 prévenus; leur nombre demeura le même jusqu'à la fin de la lecture de l'acte d'accusation, qu'ils affectèrent, pour la plupart, d'écouter avec une sorte d'indifférence. Du reste ils n'interrompirent plus.

Toutefois ce rétablissement momentané de l'ordre ne garantissait rien pour l'avenir. Le dernier arrêt que nous avons vu rendre par la Cour n'avait pas pourvu au-delà de la lecture de l'acte d'accusation; la Cour et la masse des prévenus allaient encore se retrouver en présence, et il était à craindre que les scènes passées ne se reproduisissent. La Cour n'était pas même assurée des 23 prévenus qui avaient paru jusqu'alors accepter sa juridiction. Ils avaient annoncé par une protestation que quelques journaux publièrent, que s'ils consentaient, en haine du désordre, à entendre la lecture de l'acte d'accusation, ils n'en persévéraient pas moins dans leur résolution de ne prendre part aux débats qu'autant que leurs défenseurs leur seraient rendus. L'audience qui suivrait celle où la lecture de l'acte d'accusation avait été terminée semblait donc devoir inévitablement amener une nouvelle crise.

19 et 20 mai. Pas un des 23 accusés n'avait fait défaut, et plusieurs avocats étaient présens à la barre lorsque s'ouvrit cette audience. Après que le président de la Cour eût déclaré aux prévenus qu'il résultait de l'acte d'accusation et de l'arrêt dont lecture leur avait été donnée, qu'ils s'étaient rendus coupables de participation ou de complicité à un attentat contre la sûreté de l'état, il ajouta qu'il allait être procédé aux débats et que s'ils avaient quelques moyens préjudiciels à proposer, le moment était venu de le faire. Un avocat ayant alors demandé à plaider au nom de quatre accusés, sur l'incompétence de la Cour, le procureur-général s'opposa à ce que cette discussion eût lieu immédiatement. Comme la question intéressait également et généralement tous les accusés, comme il était nécessaire à la bonne direction des débats qu'elle fût vidée en une seule fois, par un seul arrêt qui se

rait commun et applicable à tous, et comme il était, dèslors, indispensable que les accusés fussent tous présens ou du moins appelés aux débats, le procureur-général requérait que l'audience fût renvoyée au lendemain, afin que dans l'intervalle, tous les accusés fussent sommés de se présenter à la barre. La Cour fit droit à ces réquisitions.

En exécution de cette décision de la Cour, les huissiers se portèrent aux prisons pour la notifier aux prévenus; mais partout ceux-ci répondirent uniformément qu'ils persistaient dans leur précédente résistance, qu'ils ne se rendraient à l'audience que contraints par la force des baïonnettes, qu'ils ne reconnaissaient pas la Cour et qu'ils s'en référaient à leurs protestations déjà faites contre les arrêts présens et à venir. Deux prévenus seulement, l'un de Lyon et l'autre de Saint-Etienne, obtempérèrent à la sommation; procès-ver bal de rébellion à la loi fut dressé cóntre les autres.

Après la lecture de ces procès-verbaux, qui eut lieu au commencement de l'audience suivante, à la demande du procureur général, Mo des Aubiez fut admis à parler sur l'incompétence de la Cour. L'avocat tira ses principaux moyens des termes suspensifs, conditionnels de l'art. 28 de la Charte, qui annonçait, plutôt qu'il ne constituait, la juridiction de la Cour des pairs. Il reproduisit avec force les argumens déjà tant de fois développés ailleurs (voyez plus haut, page 13), et soutint que lorsqu'au civil, pour de misérables intérêts pécuniaires, les tribunaux se montraient, en matière de compétence, rigoureusement esclaves de la lettre des lois, on ne pouvait pas au criminel, dans des questions de vie et de mort, ne tenir aucun compte du texte formel de la Charte. Il s'attachait, en outre, à démontrer que la juridiction de la Cour n'atteignait qu'une certaine classe de personnes; que, d'après ses antécédens, elle ne connaissait des crimes qui intéressent la sûreté de l'état qu'autant qu'ils étaient commis par les hauts dignitaires du royaume, à moins toutefois qu'il ne s'agit d'attentats directs contre la personne

du roi, de la reine ou de l'héritier présomptif. Abordant ensuite un autre ordre de considérations, l'avocat insistait sur la position fàcheuse où l'absence d'un Code qui la guidat mettait la Cour, et sur la condition déplorable des accusés qui se trouvaient ainsi privés des garanties que leur donnaient, en justice ordinaire, les formes, les règles de procédure.

« Comment! s'écria-t-il, les mêmes homm s connaissent de l'instruction secrète, procèdent aux interrogatoires, statuit sur la mise en accusation, assistent aux débats, prononcent sur le sort de accusés!

» Voilà des hommes politiques qui jugent des hommes politiques, et avec leurs passions politiques pour code;

» Voilà des vainqueurs qui jugent des vaincus après treize mois de captivité, sans recours possible, sans contrôle, comme il leur convient.

» Que dis-je! et Dieu veuille que je me trompe! qui vont les juger peutêtre en leur absence, sans les voir, sans les entendre, ni eux, ni leurs défenseurs, ni leurs témoins; et les jeter pêle-mêle dans une condamnation générale!

» Quel spectacle, grand Dieu! Mais on se sent défaillir à une pareille pensée ! »

Bientôt l'avocat signalait à l'attention de la Cour les manifestations qui éclataient au dehors contre sa juridiction, les démonstrations d'intérêt, faites bien moins par sympathie pour les accusés qu'en haine de leurs juges; la réaction violente qui naissait en faveur des victimes, en faveur de la justice nationale blessée dans son instinct ; la pitié enfin qui venait s'asseoir au banc des accusés.

N'est-ce rien pour vous, disait-il, messieurs, que ces avertissemens du dehors? n'est-ce rien que ces récusations honorables parties de tous les rangs de cette assemblée, et que ces sympathies toutes françaises qui se manifestent jusque sur vos bancs!

» Messieurs, je voudrais qu'il me fût donné de trouver des accens qui vous touchent! Je voudrais qu'il me fût donné de vous entraîner à mon opinion. Je vous le demande encore, y a-t-il de la dignité, y a-t-il convenance à vous, de venir vous jeter à travers de pareils débats, à venir compromettre la pairie dans des discussions qui peuvent devenir des discussions d'hommes à hommes?

» Hélas! dans le siècle où nous vivons, tous les grands pouvoirs s'affaissent, tout se déconsidère. Vous convient-il de venir remplir ici les fonctions terribles et si solennelles et si difficiles de juges? de siéger contre le vou de la Charte, contre celui des accusés, contre l'opinion publiqué? Croyezvous ensuite que ce soient des fonctions qui s'improvisent, que celles de juges?

Non, non! ce sont de pénibles fonctions qui ne s'improvisent pas plus que les formes qui les entourent; et quand la Charte dans sa prévoyance disait qu'une loi était à faire, c'est qu'elle sentait bien qu'il était impossible de s'en passer. »

« EdellinenJatka »