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entrevoir les conséquences fâcheuses pour le bien de la religion, qui pourraient résulter d'une opposition aux vœux du pays dans une circonstance aussi solennelle, et si le vernement n'avait paru déterminé à se passer de ce qu'on ne lui offrirait pas. Quoi qu'il en soit, l'archevêque de Paris, accompagné de ses vicaires-généraux, se rendit aux Tuileries le 2 août, et le Moniteur du 4 annonça que le prélat officierait au service funèbre qui devait être célébré aux Invalides. Sans discuter la réalité de tous ces bruits, qui obtinrent quelque créance, il était certain que le haut clergé métropolitain avait trouvé la conjoncture embarrassante, attendu la réserve qu'il avait gardée depuis la révolution de 1830. On voulut voir la preuve de cet embarras, de la répugnance avec laquelle une résolution avait été prise, dans la lettre pastorale que l'archevêque de Paris adressa, le 2 août, aux curés du diocèse, pour pourvoir à l'exécution des ordres du roi. Les deux premiers paragraphes de cette lettre appelaient surtout l'attention; ils étaient ainsi conçus :

« L'assassinat n'appartient à aucune opinion généreuse et raisonnable; il blesse au contraire toutes les opinions, comme il attente à toutes les lois divines et humaines; et l'on peut dire qu'il n'appartient qu'à l'enfer; le démon seul peut l'inspirer : Ille homicida erat ab initio (Joan., ví). Ce n'est pas entrer dans le domaine de la politique, dont le clergé s'abstient si sagement, que de témoigner de l'horreur pour un crime que la religion et la société s'accordent à flétrir, surtout lorsque, s'attaquant au chef d'un état, il met en péril l'état tout entier.

» Aussi, dans les circonstances graves, extraordinaires, délicates, où nous a placés l'odieux forfait du 28 juillet dernier, avons-nous rempli un devoir de conscience, en manifestant par écrit et de vive voix, avec notre vif intérêt et notre douleur amère pour le sort de tant de victimes, des sentimens sur lesquels le moindre doute serait pour un évêque, ou même pour tout honnête homme, la plus cruelle des injures. Si, comme prêtre, nous sommes en dehors de tous les événemens qui ne tiennent pas essentiellement à notre ministère, comme Francais, comme chrétien et comme pasteur, nous ne saurions montrer trop d'indignation pour un attentat contre lequel l'Église n'a que des anathèmes. »

L'allocution suivante, que l'archevêque adressa au roi en allant le recevoir à l'entrée de la cathédrale, parut aussi exprimer beaucoup plus de choses qu'on ne le dirait à la première lecture:

<< SIRE,

>> La religion écarte en ce moment le voile de ses douleurs; elle découvre son noble front, elle lève vers le ciel ses yeux encore humides de larmes, elle unit sa voix à la vôtre pour rendre au Tout-Puissant de solennelles actions de grâces. En voyant aujourd'hui le chef et les corps de l'état, doublement avertis par le malheur et par le bienfait, venir apporter au pied des saints autels un juste tribut de remercîmens et d'hommages, elle espère! elle espère pour la France; car, si l'ingratitude envers Dieu a le funeste privilége d'arrêter le cours de ses dons, la reconnaissance de la foi a le pouvoir, au contraire, de les multiplier et de les faire couler avec abondance sur les princes et sur les peuples. »>

Le roi répondit aussitôt en ces termes :

>> Mon premier soin, après l'attentat qui nous a plongés dans la douleur, a été de m'unir à vous pour rendre les derniers devoirs, les devoirs de la religion, aux malheureuses victimes qui sont tombées autour de moi dans cet épouvantable désastre. Aujourd'hui, je viens en remplir un qui n'est pas moins cher à mon cœur, en offrant à Dieu des actions de grâces, dans l'église métropolitaine de Paris, pour la protection éclatante dont il a couvert les jours de mes fils et les miens.»

Ces discours firent le seul intérêt politique de cette seconde solennité, à laquelle assistèrent les ambassadeurs des puissances étrangères et les grands corps de l'état.

La France s'était associée au gouvernement dans ses manifestations à l'occasion de l'attentat du 28 juillet; mais cette unanimité momentanée de sentimens n'en était pas moins déjà rompue, et déjà une vive opposition se déclarait contre la manière dont le pouvoir semblait juger le forfait de Fieschi, et contre les mesures politiques qu'il croyait devoir prendre en conséquence. Les craintes exprimées tout d'abord, dans les journaux, quant à l'usage ultérieur, quant à l'abus qu'il pourrait faire de l'événement, en le présentant sous un faux jour, et des facilités que l'émotion populaire lui donnait pour entreprendre sur les libertés publiques, avaient été de plus en plus vivement excitées par quelques actes, par quelques paroles de l'autorité et de ses organes. Les faits n'avaient pas tardé à justifier ces appréhensions. Dès le 4 août, la Chambre des députés avait été saisie de projets de loi d'un caractère fortement répressif, que le gouvernement avait motivés en dénonçant l'attentat du 28 juillet comme le résultat d'une

situation morale et matérielle qui appelait des remèdes dé cisifs. Cependant le peu de relation, de liaison, qu'on pouvait saisir entre ces projets de loi et le crime dont toute la France avait gémi, permettait de croire que l'opinion du gouvernement était déjà formée antérieurement, et que ce crime avait été pour le pouvoir une occasion de mettre à exécution des projets depuis long-temps arrêtés, plutôt que la cause qui les avait déterminés. L'intervalle si court écoulé entre la proposition des mesures et l'événement qui était réputé les avoir inspirées, venait à l'appui de cette interprétation: elle fut confirmée par les déclarations faites dans le cours des débats animés que nous allons voir s'engager sur ces projets de loi.

CHAPITRE XI.

Réouverture des séances de la Chambre des députés. Discours du président du conseil, Projet de loi sur les cours d'assises. - Projet de loi relatif au jury et à la peine de la déportation. — Projet de loi sur la presse. —Discussion et adoption des projets de loi précédens par la Chambre des pairs. — Loi qui accorde des pensions à divers individus par suite de l'attentat du 28 juillet.— Loi qui accorde un crédit pour les funérailles des victimes de cet attentat.— Loi qui accorde un crédit pour combattre le choléra dans le midi de la France. — Clôture de la session. - Résumé. -Promulgation des lois de septembre. - Promotion de pairs.-Session des conseils-généraux.

Au moment de l'attentat du 28 juillet, tous les députés présens à Paris s'étaient empressés de se réunir, et le bureau de la Chambre par ses mesures de convocation, et le gouvernement par des invitations insérées au Moniteur, avaient appelé les députés absens à leur poste. Dès le 30 juillet, la Chambre avait repris ses séances; le 3 août, elle s'était encore rassemblée pour tirer au sort les députations qui devaient assister aux cérémonies funèbres et au Te Deum, et pour entendre. le rapport sur la vérification des titres de quelques députés nouvellement élus; le lendemain 4, réunie au nombre d'environ 280 membres, elle avait reçu les communications annoncées par le gouvernement.

Ces communications se firent avec des formes presque inusitées. Deux ministres, le président du conseil et le gardedes-sceaux, parurent successivement à la tribune; le premier, pour développer les considérations politiques qui avaient déterminé le gouvernement à proposer les nouveaux projets de loi; le second, pour les exposer et pour en motiver les dispositions. Le président du conseil, écouté avec une profonde attention, déclarait nettement, tout d'abord, la pensée de l'autorité sur l'attentat du 28 juillet. Un grand crime avait consterné et indigné la France; il avait jeté une

vive et triste lumière sur l'état de la société : des devoirs impérieux s'étaient révélés à tous lés bons citoyens, à tous les hommes sages, au gouvernement.

Inquiète pour son roi, ajoutait l'orateur, pour ses institutions, la France élève la voix, et réclame du pouvoir la protection qu'elle a droit d'en attendre. C'est au nom de la France, messieurs, que nous vous avons rappelés, c'est pour elle que nous venons vous proposer les mesures qui seules nous semblent propres à la rassurer, et à mettre hors de péril la personne du roi et la constitution de l'état. »

Le président du conseil caractérisait ensuite à grands traits et la situation de la France depuis cinq années, et la lutte que le gouvernement et le pays avaient à soutenir contre les factions et contre les effets de leur funeste industrie.

« Quelle que soit l'insolence des partis, continuait le ministre, quelque dangereux qu'ils soient encore, ils sont vaincus; ils ne nous défient plus mais ils subsistent, et chaque jour révèle le mal qu'ils font et surtout qu'ils ont fait. Partout se retrouvent les traces désastreuses de leur passage. Ils ont jeté dans les esprits un venin qui n'est pas prêt à s'amortir. Les préjugés qu'ils ont répandus, les passions qu'ils ont allumées, les vices qu'ils ont couvés, fermentent; et si dans ce moment le règne de l'émeute a cessé, la révolte morale dure encore. Une exaltation sans but et sans frein, une haine mortelle pour l'ordre social, un désir acharné de le bouleverser à tout prix, une espérance opiniâtre d'y réussir, l'irritation du mauvais succès, l'humiliation implacable de la vanité déçue, la honte de céder, la soif de la vengeance, voilà ce qui reste dans les rangs de ces minorités séditieuses que la société a vaincues, mais qu'elle n'a pas soumises. »

Après avoir tracé le tableau des maux et des dangers qu'un pareil état de choses entraînerait à sa suite en se prolon→ geant, le président du conseil poursuivait ainsi :

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<< Tels sont les maux qui nous attendraient, messieurs, si nous ne les étouffions dans leurs germes; ou plutôt ne sommes-nous pas condamnés à dire qu'ils sont déjà en partie réalisés ? N'est-il pas vrai que jamais gouvernement n'a été attaqué dans son principe, dans sa forme, dans son chef, avec plus d'audace, avec plus d'acharnement, avec plus d'impunité que le gouvernement de la Charte de 1830? N'est-il pas vrai que le parti de la dynastie déchue ose effrontément revendiquer pour elle la France comme un domaine, et qu'au lieu d'expier son passé d'absolutisme par le respect de l'ordre, il pousse à la contre-révolution par l'anarchie, et se déclare en état de rébellion contre toute puissance dont le titre est national, et qui gouverne la France en France? » N'est-il pas vrai que le parti de la république, encore noirci de la fumée du combat, se maintient l'arme au bras en face du gouvernement qu'il nie et qu'il insulte, et embauche hardiment les citoyens sous le drapeau du pouvoir révolutionnaire dont il salue d'avance l'avénement? Enfin, n'est-ce pas un fait écrit désormais en traits de sang sur le pavé de nos rues, que, sous le feu de la presse ennemie, sous l'influence de cette explosion continuelle de théories barbares et d'affreuses calomnies, il s'est formé au fond de la société, là où

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