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CHAPITRE IV.

TURQUIE. Expédition envoyée à Tripoli pour faire rentrer cette régence sous l'autorité de la Porte.-Succès de cette expédition. - Révolte en Albanie.Continuation des réformes.- Affaires extérieures. - Avances de l'Angleterre auprès de la Porte. — Réclamations de l'Angleterre contre les monopoles établis par le pacha d'Égypte. - Ravages de la peste en Egypte. — Assemblée des principaux fonctionnaires en présence du vice-roi.- Acte qui défend l'exportation des objets d'antiquité, et ordonne la fondation d'un musée national au Caire. Nouveaux établissemens d'instruction publiRetour des jeunes Égyptiens envoyés en France. - Echecs de l'armée égyptienne en Arabie. État des choses en Syrie.

que.

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Après tant de revers mémorables, tant de pertes essuyées coup sur coup; après s'être vue à la merci d'un de ses pachas révolté, aux armes duquel elle n'avait échappé que pour tomber sous la protection de la Russie, la Porte, grâce à la diversité des intérêts politiques en Europe, grâce à la rivalité des puissances dont une seule suffirait pour l'anéantir, si les autres voulaient ne pas s'y opposer, semble, cette année, retrouver quelque force d'action et commander de nouveau l'obéissance à ses provinces les plus reculées.

Ce fut la régence de Tripoli qu'elle choisit pour faire une première épreuve de son autorité renaissante; mais la Porte n'était pas si sûre du succès, qu'elle jugeât pouvoir se passer de mystère et de supercherie. Cette régence, dont le grandseigneur ne retirait plus qu'un hommage stérile et un tribut souvent nominal, était en proie à une guerre de succession; le frère et le fils du dernier pacha défunt s'y disputaient le pouvoir. Chacun avait ses partisans, et même les étrangers se partageaient entre eux; les Anglais favorisaient l'oncle, les Français protégeaient le neveu. Celui-ci tenait la campagne, tandis que son adversaire était maître de la ville.

La Porte guetta le moment de mettre d'accord les deux compétiteurs, comme dans la fable, en s'emparant de l'objet du litige. Une escadre, dont on cacha soigneusement la destination, fut équipée à Constantinople, et, le 25 mai, elle arriva devant Tripoli avec des troupes de débarquement. Dès le lendemain, le commandant de l'expédition, Mustapha Nedgib, entra en communication avec Sidi Aly, pacha de Tripoli. Mustapha Nedgib lui annonça qu'il lui amenait des secours en troupes et en vaisseaux de guerre contre son neveu ; à la faveur de cette ruse, il débarqua sans obstacle une nombreuse artillerie de campagne et 4 à 5,000 hommes qui occupèrent tous les points fortifiés de la ville. Ensuite il invita Sidi Aly à venir à son bord pour se concerter sur les opérations ultérieures. Le pacha s'y rendit en toute confiance et conféra long-temps avec Mustapha Nedgib; mais lorsqu'il voulut s'en aller, celui-ci lui montra un firman impérial qui le déposait et lui nommait un successeur. Sidi Aly ayant été retenu sur le vaisseau, Mustapha Nedgib descendit seul à terre, le 28, et prit possession de la ville au bruit du canon.

Sidi Aly, accompagné de son harem, partit quelques jours après pour Constantinople, emportant tout ce qui lui avait convenu. Son neveu se tua ou fut assassiné dans les montagnes où il s'était sauvé au moment du débarquement des Turcs. En d'autres temps, Sidi Aly, à son arrivée à Constantinople, aurait trouvé le cordon fatal; aujourd'hui il en fut quitte pour se voir enlever tous ses trésors, estimés à 15 millions de piastres, sauf à obtenir plus tard une indemnité. Il ne s'agissait de rien moins, en tout ceci, que de la chute d'une dynastie; car la famille Cazamanli jouissait depuis près de deux cents ans de la souveraineté dont Sidi Aly venait d'être dépossédé.

Peut-être cette révolution avait-elle une plus vaste portée qu'il ne semblait au premier coup d'œil. On pouvait croire, en effet, que, sans les instigations de quelque grande puis

sance, jamais le sultan n'aurait hasardé une telle entreprise, bien qu'elle eût des exemples dans les fastes de sa politique. En rentrant dans la possession de la régence de Tripoli, et disposée à agir de la même manière contre Tunis, la Porte entravait par une barrière les communications qui se seraient établies plus tard entre l'Égypte et la France d'Alger. Il y a plus, elle plaçait aux frontières de Méhémet Ali un premier corps de troupes, que suivraient en temps et lieu de nouveaux convois d'hommes et de matériel, tandis que la Russie, arguant de ses traités d'alliance, s'ils étaient maintenus, enverrait ses flottes à la suite des flottes ottomanes, dès que cela serait à sa convenance, et trouverait un point d'appui pour s'établir dans la Méditerranée.

Quoi qu'il en soit, pendant que la Porte ramenait ainsi la régence de Tripoli sous sa domination, l'Albanie levait l'étendard de la révolte. La question soulevée entre le gou vernement et les provinces albanaises était de savoir si ces provinces adopteraient le nouveau régime militaire introduit aujourd'hui dans toutes les parties de l'empire. Jusqu'alors l'Albanie avait mis à la solde des pachas voisins une race belliqueuse, avide de butin et d'aventures; elle fournissait aussi beaucoup de soldats à la milice algérienne, et quelques uns étaient parvenus au premier poste de cette turbulente oligarchie militaire. Ces sources d'existence si conformes aux habitudes des Albanais étaient taries depuis la conquête d'Alger par la France et l'établisement des troupes régulières en Turquie. Or la nécessité de renoncer aux chances de danger et de fortune dans lesquelles les Albanais, mercenaires vagabonds, sans patrie et sans lois, passaient leur vie comme dans un élément fait pour eux, cette nécesité leur pesait, et des besoins qu'ils ne savaient pas satisfaire par le travail augmentaient leur mécontentement.

dont

Il y avait donc là une cause générale d'insurrection, quelques griefs particuliers à la ville de Scutari hâtèrent le développement. Le 19 mai, les habitans de cette ville prirent

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les armes, et le lendemain la lutte s'engagea contre les troupes du pacha, qui, après plusieurs jours de combat, fut obligé d'abandonner la plus grande partie de la place au peuple, et de se retirer dans la citadelle. Ce conflit avait déjà fait un grand nombre de victimes, sans compter les dommages que la ville avait à souffrir des bombes et des boulets que lui envoyait le pacha. Les choses restèrent dans cet état pendant quatre mois, le pacha se maintenant dans la citadelle et le peuple dans la ville, sans que l'insurrection fit au dehors aucun progrès notable, et bien que de temps à autre quelque combat eût lieu entre les deux partis. Dans l'intervalle, la Porte s'était efforcée, mais en vain, de ramener les insurgés à l'obéissance et d'arranger à l'amiable les différends entre la population et le pacha. A la fin, les mesures concertées à Constantinople pour dominer la rébellion, eurent leur effet. Tandis qu'une escadre nombreuse bloquait les ports du district de Scutari, le visir de Roumélie marcha avec des forces imposantes contre cette ville, dont les portes lui furent ouvertes le 18 septembre; il avait vu se disperser à son approche les insurgés qui voulaient lui barrer le passage. Dès ce moment le calme fut rétabli en Albanie, et l'autorité de la Porte partout reconnue.

Cependant on continuait de faire à Constantinople de nombreux efforts pour réformer les mœurs et y importer les arts de l'Europe. La construction des routes, l'établissement des postes se poursuivaient avec activité, et le sultan employait tous les moyens pour agir sur les masses par des réjouissances publiques. C'était un spectacle surprenant de voir l'héritier du prophète assister à des représentations théâtrales, ou, suivi seulement de deux aides-de-camp, se promener dans les avenues publiques et converser avec les habitans. D'un autre côté, désireux de se former un état-major distingué, et de mettre la Porte de niveau avec les puissances européennes, il envoyait des officiers dans les capitales de l'Europe les plus distinguées par leur renom scientifique et littéraire, pour y

recueillir à leur source les élémens propres au développement de la civilisation de son empire. Chose jusqu'alors inouïe dans les annales de la Turquie, il avait maintenant des ambassadeurs à poste fixe à Vienne, à Londres, à Paris. Quelquefois Mahmoud marchait à son but d'une manière moins sérieuse, comme en déclarant une guerre impitoyable aux fumeurs et aux pipes. Mais on retrouvait l'homme su périeur, lorsqu'il accueillait avec joie la naissance de l'enfant de sa fille, mariée l'année précédente à Halil Pacha, et lui donnait des marques d'une faveur toute spéciale, tandis qu'autrefois un tel enfant aurait été étranglé. Les améliorations industrielles et administratives s'exécutaient de concert avec ces réformes morales. De nouvelles entreprises étaient fondées sous la protection du gouvernement, et même la Porte se chargeait des frais de quelques unes d'entre elles. Enfin le gouvernement poussait toujours de toutes ses forces à la réorganisation de l'armée, et travaillait sans relâche à la formation des milices régulières décrétée en 1834.

Quant aux affaires extérieures, la Turquie n'avait pas cessé de fixer l'attention de l'Europe dans un degré qui ne s'expliquait que par les événemens des deux années précédentes; car, malgré les marches et les contre-marches de la flotte anglaise dans la Méditerranée, malgré les commentaires à perte de vue sur la portée du traité d'Unkiar Skelessi relativement au passage des bâtimens de guerre étrangers par le Bosphore ou le détroit des Dardanelles, aucun fait important ne vint en 1835 compliquer la question orientale. L'éveil que ce traité avait donné à certains cabinets assurait, pour le moment du moins, une sorte de sécurité à la la Porte, que l'Angleterre, et au besoin la France, défendrait contre la Russie, et la Russie contre l'Égypte.

l'An

Intéressée plus que toute autre puissance à ne pas laisser tomber les rives du Bosphore au pouvoir des Russes, gleterre était aussi celle qui faisait au sultan les avances les plus amicales. Il en eut une preuve remarquable dans la vi

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