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Après cette déclaration l'orateur s'attacha à combattre l'opinion suivant laquelle le cabinet n'offrait aucune garantie de durée, parce qu'il portait dans son sein des germes de division et n'était pas en harmonie avec la véritable majorité de la Chambre. Sur le premier point, le président du conseil invoqua l'autorité constante des faits pour établir que les membres du cabinet avaient toujours fait preuve de l'union la plus intime, de la fidélité la plus absolue et la plus loyale; les prétendus dissentimens n'étaient basés que sur des allégations vaines et sans fondemens. Sur le second point, il n'admettait pas qu'il y eût une majorité réelle contre le ministère, une majorité qui invoquât l'amnistie, non pour son utilité intrinsèque, mais comme le symbole d'un changement de système, d'un système nouveau. Pourquoi le cabinet qui avait cherché à se constituer en arborant le drapeau de l'amnistie, n'avait-il pas réussi? N'était-ce pas qu'on avait reconnu que la majorité de la Chambre serait contraire à la mesure? Pour sa part, l'orateur était convaincu que le système suivi pendant quatre ans avait la majorité dans la Chambre.

Si je me suis trompé, disait-il, je ne regretterais pas d'en avoir fait l'épreuve. Le ministère, dont j'ai l'honneur d'être le chef, se trouve placé, selon moi, dans la position la meilleure, la plus digne, la plus désirable.

» Si la majorité l'adopte et le soutient, comme je l'espère, il remplira toutes les conditions d'un gouvernement parlementaire. S'il devait succomber, il succomberait avec honneur, en défendant ses principes, en défendant ses amis; il tomberait au sein d'une minorité imposante, nombreuse, homogène, unie dans les mêmes principes, ralliée autour d'un même drapeau, et ce serait à la majorité qui le renverserait à voir si elle réunirait les mêmes élémens de cohésion et les mêmes chances de durée. ( Au centre : Très-bien!) » Messics, la session, bien avancée quant au temps, ne l'est pas encore beaucoup quant aux choses. Plusieurs votes politiques vont se présenter avant pen. Ils se succéderont presque sans interruption. L'épreuve sera tentée plusieurs fois, bientôt, à plusieurs reprises. Si, toutefois, nos adversaires désiraient que l'épreuve fût plus prochaine, à eux permis; c'est un défi que nous ne leur portons pas, mais que nous accepterons de leur part. »

Malgré toutes les assertions contraires des ministres de l'intérieur et de l'instruction publique et du président du conseil, un dissentiment dans le cabinet fut allégué par M. Odilon Barrot comme la cause de la dernière crise. Ce

n'était pas tant entre les individus, entre les membres du ministère qu'existait le désaccord, qu'entre les deux élémens, les deux principes qui constituaient le système du cabinet. Annulé pendant les commotions, cet antagonisme des deux élémens reparaissait dans le calme, et alors la difficulté de les maintenir en équilibre, de ne pas donner la prépondérance à l'un sur l'autre, amenait une crise, chaque fois qu'il s'agissait de nommer un président du conseil, parce que c'était un poids décisif dans la balance. Après avoir justifié cette opinion par l'analyse des faits, M. Odilon Barrot concluait ainsi :

En un mot, messieurs, nous avons, ou il y a dans le cabinet deux origines, deux points de départ différens, deux doctrines, deux religious différentes. Assurément il ne s'agit point d'une hostilité. Sans doute il y a des points de contact; sans doute il y a des rapports; mais cela suffit-il dans un gouvernement? suffit-il de n'être pas ennemis, de ne s'être pas combattus sur un champ de bataille? suffit-il de n'être pas prêts à descendre sur la place publique pour se combattre? Non, cela ne suffit pas; il faut une homogénéité plus parfaite dans les élémens du pouvoir.

:

Eh bien! cette homogénéité n'existe pas dans le ministère. J'en ai donné les causes il y a ici deux doctrines différentes, deux religions différentes; je dirai presque qu'avec des nuances, c'est la révolution et la restauration qui sont en présence. »

Dès que M. Odilon Barrot eut quitté la tribune, un grand nombre de voix demandèrent l'ordre du jour, et la clôture de la discussion fut prononcée à une assez forte majorité. En définitive, aucune révélation positive n'était ressortie des débats, aucun acte n'intervint pour leur attacher une signification; aussi les organes du pouvoir et ceux de l'opposition purent-ils les interpréter chacun en leur faveur. C'était seulement dans la session suivante que l'on devait voir qui avait tort ou raison. Quant à présent si les débats n'exercèrent aucune influence politique manifeste, ils ne furent pas du moins absolument sans utilité matérielle. La crise ministérielle et toutes les questions qui s'y rattachaient ayant été traitées et épuisées dans une discussion à elles propre, ne vinrent plus de quelque temps à la traverse des travaux législatifs, que nous allons voir marcher maintenant avec plus d'activité

CHAPITRE III.

Chambre des députés : Proposition sur les caisses d'épargne.

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Projet de loi Proposition d'une

sur la responsabilité ministérielle. - Objets divers. indemnité pour Lyon. Objets divers. Chambre des pairs: Objets

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divers. Projet de loi sur les attributions municipales. — Proposition sur les caisses d'épargne. Projet de loi relatif à la législation pénale des colonies. - Objets divers.

Après s'être mise, en quelque sorte, en vacances à l'origine de la crise ministérielle, pour ne point paraître entraver les prérogatives de la couronne, la Chambre des députés, pensant que la meilleure attitude qui lui convenait était de poursuivre ses travaux avec calme avant même que le cabinet fût reconstitué, avait repris ses délibérations sur les projets de loi à l'ordre du jour, en commençant par une proposition relative aux caisses d'épargne. Renouvelée de la dernière session, cette proposition tendait principalement à déterminer-les rapports du trésor public avec les caisses d'épargne. D'accord sur la nécessité de favoriser cette heureuse institution qui se développait avec une rapidité remarquable, les opinions pouvaient varier sur les moyens et aussi sur les mesures à prendre pour empêcher que les caisses d'épargne ne devinssent onéreuses au trésor public et ne le changeassent, suivant l'expression du ministre des finances, en une caisse de bienfaisance. Trois séances furent consacrées à résoudre ces difficultés (12, 13, 14 mars), et la proposition réunit 214 suffrages sur 300 votans.

Le projet de loi dont la Chambre élective s'occupa ensuite offrait le plus haut intérêt; ́il avait pour but de régler la responsabilité des ministres et autres agens du pouvoir. C'était une de ces lois organiques que le pays réclamait depuis long-temps, et dont le principe avait été posé dans la

Charte de 1814 sans qu'aucune suite eût été donnée aux divers projets préparés en conséquence. La Charte de 1830 ayant imposé au gouvernement issu de la révolution de juillet l'obligation de combler cette importante lacune, le ministère avait à deux reprises, en 1832 et en 1834, soumis à la Chambre élective un projet de loi à cet effet; mais ces projets, sur chacun desquels un rapport avait été présenté, n'avaient pas été discutés. Dès l'ouverture de la session de 1835, un troisième projet avait été apporté à la Chambre des députés par le garde-des-sceaux, et quoiqu'il soit arrivé aux débats, il ne reçut pas encore le complément législatif. Nous rapporterons donc rapidement les longues discussions que souleva cette grave et délicate matière, et nous constaterons seulement l'opinion générale de la Chambre quant aux points capitaux, comme avertissement donné au ministère sur les modifications à introduire dans un projet ultérieur.

Déjà manifestés deux fois par l'organe des commissions, les voeux de la Chambre n'avaient guère été consultés dans l'économie du nouveau projet. Les dispositions des anciens projets, approuvées par les commissions et relatives à la responsabilité criminelle des ministres pour faits de trahison, de concussion et de prévarication, au droit de les mettre en accusation attribué à la Chambre élective, à l'exercice des fonctions judiciaires déférées à la Chambre des pairs, étaient reproduites; mais la responsabilité civile des ministres envers l'état sur leur fortune personnelle, responsabilité que le ministère, par concession à l'avis de la première commission, avait établie en principe dans le second projet de loi, avait disparu du troisième. Les dispositions concernant la responsabilité des agens du pouvoir autres que les ministres étaient conçues dans le même esprit. L'ancienne législation (la constitution de l'an vIII), d'après laquelle les agens du pouvoir ne peuvent être poursuivis qu'avec l'autorisation du conseil d'état, était depuis long-temps condamnée par l'opi

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nion publique; le ministère en avait fait, il en faisait encore le sacrifice, et le droit d'autoriser les poursuites était transféré à l'autorité judiciaire. Le nouveau projet reproduisait également les dispositions ratifiées par les commissions et relatives à la responsabilité criminelle et correctionnelle des agens du pouvoir; mais leur responsabilité civile était à peu près supprimée ou du moins considérablement restreinte. Le garde des sceaux avait motivé ces retours sur les précédentes concessions du ministère, ces dérogations au vou des commissions, par l'impossibilité où serait le gouvernement, en présence d'une législation trop rigoureuse et trop menaçante pour les agens du pouvoir, de trouver des fonctionnaires qui offrissent des garanties et de la consistance. Les personnes qui auraient de la fortune ne voudraient plus la compromettre en acceptant des emplois publics. Enfin le projet s'écartait encore des vues des commissions en ne statuant pas sur la juridiction générale de la cour des pairs, que ces commissions avaient instituée et déterminée.

Bien que la commission à l'examen de laquelle ce troisième projet de loi avait été renvoyé, et dont M. Sauzet présenta le rapport dans la séance du 5 mars, l'eût amendé en divers points, elle n'avait pas comblé les grandes lacunes que nous venons de signaler. Le rapporteur justifia la commission de n'avoir pas organisé une responsabilité civile des ministres vis-à-vis de l'état, et de s'être contentée seulement de proposer des moyens termes, en développant les mêmes considérations que le garde-des-sceaux; il insista, en outre, sur les difficultés capitales de la question et sur l'impossibilité de faire une loi parfaite. La convenance de ne pas soumettre à la discussion la compétence et la juridiction de la Cour des pairs au moment où elle était saisie d'un grand procès, était le motif qui, suivant le rapporteur, avait principalement déterminé la commission à ne pas reproduire le travail de ses devancières, et à se renfermer dans la réserve du projet à cet égard. Quant aux amendemons de la com

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