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emprunts, le président du conseil savait mieux que personne que dans ce moment il serait impossible d'en contracter; et quant à ne pas toucher aux biens de l'état ou des particuliers, on n'avait pas besoin de dire cela, car la base de toute société, c'est le respect de la propriété d'autrui.

<< Mais, continuait M. de Toreno, avec une certaine défiance ironique', si l'on n'a recours à aucun de ces trois objets, que fera-t-on? C'est ici que la la chose devient curieuse. (Rires.) La commission paraît satisfaite en est-il de même de la Chambre? La commission n'a pas voulu s'expliquer, bien qu'elle soit instruite. Je pourrais parler, mais je ne dirai rien. (Rires.) Loin de là, je ferais en sorte, si cela était en mon pouvoir, que personne ne dévinât le secret, »>

Cependant, tout en se taisant sur ce qu'il croyait avoir deviné, comme il pouvait y avoir pour une nation d'autres charges que celles dont parlait le projet de loi, M. de Torenó désirait qu'il fût dit dans l'article que, sous aucun prétexte, on ne toucherait aux capitaux ni aux biens des particuliers. Il désirait enfin que le ministère indiquât la somme dont il avait besoin.

Dans la seconde partie de son discours, M. de Toreno s'attachait à réfuter les argumens qui avaient été développés contre son administration.

«En arrivant au pouvoir, disait l'orateur, le dernier ministère se trouvait dans les circonstances les plus fâcheuses. Nos armées avaient éprouvé des revers; les généraux les plus capables ne pouvaient terminer la guerre civile ; les puissances signataires de la quadruple alliance ne voulaient point se soumettre aux conséquences de ce traité. J'aurais pu abandonner le pouvoir; mais, ne désespé rant pas du salut de la patrie, je m'entourai de personnes dignes de confiance. On sait que M. le président du conseil actuel fut proposé; je dis cela, non pour m'en faire un mérite, mais pour que l'on connaisse la vérité, et afin que, si l'on ne m'applaudit pas, je ne sois pas non plus censuré. (Quelques députés : Bien ! bien!)

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L'administration suivait une marche progressive; elle avait adopté lé statut royal et la réforme graduelle, néanmoins le ministère ne put se former complétement, et cependant la fortune le seconda dans ses premières démarches Zumalacarreguy mourut, et les dangers disparurent jusqu'à un certain point; le ministère fut étranger à la défense de Bilbao, mais non pas à la victoire de Mendigorria; il a présenté à S. M. le général Cordova. Les événemens ultérieurs renversèrent le ministère, qui avait déclaré aux juntes que les lois ne lui permettaient pas d'accorder ce qu'elles demandaient, et qu'il fallait attendre la convocation des Cortès. Ainsi on a pu se tromper; mais il n'y a eu aucune intention déloyale; on aurait pu reprocher au ministère de n'avoir pas employé toutes les forces que lui donnaient les lois; mais le ministère aurait trouvé trop pénible d'employer la rigueur contre les Espagnols; il n'a fait une démonstration que lorsqu'il a vu qu'il n'y avait pas

d'autre remède. Qu'on n'oublie pas qu'un ministre constitutionnel n'est pas dans la même position qu'un député : un ministre est obligė de suivre les lois; un député peut proposer ce qu'il juge convenable, Je voterai pour le projet de loi, avec les restrictions que j'ai indiquéos. ›

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M. Mendizabal, en répondant au préopinant, se borna à des généralités vagues, sans aborder directement la question. Il le remercia, au contraire, de n'avoir pas divulgué le secret qu'il croyait avoir deviné, et il ajouta que, dans ses paroles de la veille, lorsqu'il avait dit qu'on obtenait tout des peuples en ne les trompant pas, il n'y avait aucun ressentiment contre M. de Toreno. On avait objecté que le projet de loi accordait au gouvernement une trop grande latitude; mais le ministère avait promis de convoquer de nouvelles Cortès et de leur rendre compte de ses actes. Le vote de confiance pouvait être tout ou rien; il serait toutpuissant si les Cortès le donnaient avec l'extension demandée par le gouvernement pour sauver le pays; et sans afficacité, même lorsqu'au milieu de la guerre civile il surviendrait une bataille comme celle d'Asseiceira qui avait amené la capitulation d'Evora-Monté, quoique don Miguel se trouvât encore à la tête de 18,000 hommes. Le gouvernement ne fixait pas la somme dont il avait besoin, parce qu'il faudrait se procurer l'argent nécessaire, ce qui n'était ni possible ni opportun, à moins de reconnaître implicitement la nécessité d'une intervention étrangère, ou de préparer le triomphe des factieux. «< Malheureuse serait la nation, disait le ministre, la génération présente et la génération future, si elle ne pouvait se sauver sans une intervention étrangère. Sa liberté ne serait pas une liberté, mais un esclavage perpétuel.» Dailleurs le gouvernement s'abstenait d'expliquer ses intentions; il demandait un vote de confiance afin de pouvoir réaliser ses projets en présence de la Chambre elle-même. L'orateur ajoutait que, puisqu'il ne voulait pas faire un appel à des contributions extraordinaires, il n'aurait pas, non plus, recours aux biens des particuliers.

Le mystère dont M. Mendizabal enveloppait son secret

exerçait toutes les imaginations, et ne laissait pas, à force d'être impénétrable, que de prêter à la plaisanterie, comme on avait déjà pu le voir par certaines observations de M. de Toreno, et comme on le vit encore par la manière dont M. Perpina aborda cette discussion.

« Qu'est-ce donc, disait-il, qu'on nous demande aujourd'hui? un vote de confiance? Non, ce sont quatre votes de confiance. Il n'est pas un seul des quatre articles qui ne donne plein pouvoir au ministère. Rien n'est défini, rien n'est expliqué, et la sanction elle-même dépend autant de la volonté du cabinet que des événemens militaires et politiques. Le ministère dit bien ce qu'il ne fera pas, mais il ne dit pas ce qu'il fera (On rit.) Il semble nous dire de le deviner nous-mêmes. Sommes-nous donc venus ici pour débrouiller des énigmes et pour déchiffrer des logogriphes? (On rit.) Nous ne devons pas marcher sans lumière dans une pareille obscurité. On dit que la commission connaît tous les secrets du ministère, Pourquoi ne les connaîtrions-nous pas aussi? Quand on a tant fait que de divulguer un secret, le meilleur moyen de le conserver, c'est de l'apprendre à tout le monde. (Hilarité générale.)

» Ceux qui veulent nous faire voter une loi dont nous ne connaissons pas la portée, ressemblent assez bien à l'inimitable don Quichotte, qui mettait la lance en arrêt contre le premier venu pour l'obliger à confesser que Dulcinéo était la belle des belles..... (Nouveaux rires.) Le ministre annonce qu'il ne touchera pas aux lois fondamentales; mais ces mots peuvent recevoir une acception bien large ou bien restreinte. Ma conscience ne me permet pas de voter ainsi. »

Ces paroles un peu aigres furent aigrement relevées par M. Ferrer, président de la commission à laquelle l'examen du projet de loi avait été déféré, et dont pas un seul membre n'avait reçu confidence du secret financier de M. Mendizabal. Le ministre avait cependant offert de le découvrir à M. Ferrer, si la commission le jugeait à propos; mais celuici n'avait pas voulu être dépositaire d'un secret de cette importance, et qui lui aurait, pour ainsi dire, fait partager la responsabilité du ministère.

M. Mendizabal trouva ensuite un éloquent appui en M. Galiano, qui, après avoir avoué que la solution de la question était hérissée de difficultés, s'exprima en ces termes :

« Ne nous faisons pas illusion, messieurs; cette question n'est pas une question du moment actuel, c'est celle d'hier, c'est celle de l'an passé, ce sera celle de demain, ce sera celle de tous les jours, tant qu'il y aura guerre dans le pays. Le vote qu'on nous demande est fils de la nécessité; il est le résultat de la crise où nous sommes. Si nous nous séparons du ministère, qu'aurons-nous gagné? De rendre la crise plus violente. Nous marchons entre le carlisme et l'anarchie. La loi actuelle (et je ne conteste pas sa portée) ne

doit se justifier que par la nécessité. Le ministère n'a autre chose à prouver que la nécessité des circonstances. Il ne doit être ici question ni d'opposition systématique ni d'opposition ordinaire. C'est pourquoi je dirais volontiers que les discours des honorables membres qui ont parlé contre la loi, sont une attaque directe contre le ministère, quelque soin qu'on ait pris à se défendre de toute vue d'opposition.

» On veut nous faire avouer que le vote de confiance est une atteinte aux lois constitutionnelles du pays. Avouons plutôt que jamais nation n'a réuni ses représentans dans un moment plus critique, et n'a rejeté les moyens extrêmes qu'on nous demande. Puisque nous sommes en temps de révolution, agissons révolutionnairement. (Vifs applaudissemens.) Un honorable membre s'est écrié qu'il était prêt à accorder tous les moyens que spécifierait le ministère, même ceux qu'il se défend de vouloir employer. Si cet orateur est prêt à donner au gouvernement des pouvoirs aussi étendus, pourquoi veut-il lui en refuser de plus restreints? Je n'appellerai pas cela mauvaise foi, mais je l'appellerai curiosité indiscrète et dangereuse dans le moment actuel.

» Je trouve dans l'histoire de l'Assemblée constituante un exemple célèbre de l'accord qui doit exister au milieu des crises politiques. Lorsque Necker demanda un vote de confiance, Mirabeau, cet illustre ennemi de Necker, l'appuya de ces belles paroles : « Le vote que j'accorde au ministre, je ne le lui » devais pas, parce que je ne suis pas son ami; mais dans les circonstances » où nous nous trouvons, je ne vois d'autre moyen de salut que la concession » de cette dictature. » C'est alors qu'avec une éloquence digne des anciens, il fit une si terrible peinture de la banqueroute, de la hideuse banqueroute qui menaçait d'engloutir les propriétés et les personnes, et qu'il conquit au ministre une majorité animée par le plus vif de tous les sentimens, celui des dangers de la patrie. Prenons là nos exemples, au lieu de nous perdre dans des discussions sans fin qui nous conduiraient à un véritable suicide. »

M. Mendizabal prit encore une fois la parole, et entre autres choses remarquables que contenait son discours, il revint explicitement sur l'engagement de ne pas toucher aux biens des particuliers; il déclara que si l'exemple de la concorde descendait du pouvoir jusqu'à la cabane du pasteur, tous les Espagnols seraient réconciliés, et que c'était là un des secrets du système du gouvernement; puis il annonça que le refus du vote de confiance ne déterminerait pas les ministres à donner à la reine le conseil de dissoudre la Chambre, mais qu'ils se retireraient lorsqu'ils auraient la conviction qu'ils n'ont pas l'immense majorité qui leur est nécessaire, et l'appui des représentans pour montrer l'intime union qui existe entre tous les Espagnols.

Enfin cette longue discussion fut terminée par une chaleureuse improvisation de M. Arguelles, et le vote sur le principe de la loi eut lieu immédiatement à l'unanimité des voix moins une ( 156 contre 1).

Ce vote n'équivalant qu'à une prise en considération, ou si l'on veut à celui de la seconde lecture dans le parlement anglais, la Chambre avait maintenant à délibérer et à voter sur les articles; c'est ce qui fut fait dans les séances du 2 et du 3 janvier 1836. Ces articles passèrent sans amendement après de nouveaux débats auxquels il serait inutile de nous arrêter, et l'ensemble de la loi réunit une majorité de 135 voix contre 3 opposans; 12 membres s'étaient abstenus. Parmi ces derniers on remarquait MM. Martinez de la Rosa, Medrano et Riva-Herrera, qui avaient tous trois fait partie d'une des administrations précédentes. M. de Toreno avait voté avec la majorité.

Portée le 5 janvier à l'autre Chambre, cette loi, sur laquelle M. Mendizabal avait recommandé au nom de S. M. de procéder avec la plus grande promptitude, n'occupa les procé→ rès que pendant une seule séance, celle du 11, dont les détails, sauf le résultat qui fut complétement en faveur du ministère, offrirent trop peu d'intérêt pour être reproduits. M. Mendizabal, très-faiblement attaqué, avait répété dans cette discussion, tout ce qu'il avait déjà dit à la Chambre élective, et quelques mots de M. le marquis de Miraflorès lui avaient fait déclarer que son secret ne consistait pas dans une opération de bourse ou de crédit.

Qui n'aurait cru, après les deux votes sur l'adresse et sur la loi de confiance, que M. Mendizabal pouvait se flatter désormais d'avoir rattaché les Cortès à son système et se promettre une session exempte de toutes difficultés ? Cependant quelques jours s'étaient à peine écoulés qu'entre la Chambre des procuradorès et le ministère éclatait un dissentiment qui ne laissait à celui-ci que l'alternative de dissoudre cette Chambre ou de se retirer lui-même. Force fut bien alors de reconnaître que la majorité de MM. Martinez de la Rosa et Toreno était toujours la même, que si elle n'avait pas de prime abord rompu en visière à M. Mendizabal, c'est qu'on se trouvait encore très-près de l'explosion des provinces, et

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