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mission, le plus important avait pour objet d'établir au criminel la responsabilité collective du ministère par suite de certaines mesures générales du cabinet, tandis que, d'après le projet, il n'existait qu'une responsabilité individuelle de chaque ministre pour les actes de son département. Les modifications faites par la commission aux dispositions sur la responsabilité des agens du pouvoir autres que les ministres, tendaient à multiplier et à augmenter les garanties créécs en leur faveur. « La création des lois, disait le rapporteur, n'est pas un échange de concessions entre la couronne et les Chambres; le pouvoir exécutif, quand l'intérêt de l'état l'exige, doit trouver dans la puissance parlementaire une légitime protection. »

Les débats auxquels cette loi capitale donna lieu se prolongèrent, avec une vivacité soutenue, du 16 mars au 2 avril. Deux orateurs seulement, MM. Salverte et Rauter, prirent la parole dans la discussion générale, celui-là pour signaler les lacunes du projet, les vices graves de quelques unes de ses dispositions, celui-ci pour élever aussi quelques objections, tout en félicitant le ministère d'avoir satisfait aux prescriptions de la Charte en présentant la loi. Dans la discussion des articles, la première difficulté à résoudre fut de savoir s'il convenait ou non de définir, ainsi que le proposaient le garde-des-sceaux et la commission, les mots de trahison, de concussion et de prévarication. MM. de Malleville, Saint-Marc-Girardin, Odilon-Barrot et Janvier repoussaient les définitions; mais l'opinion contraire, appuyée par MM. de Laboulie, de Tracy, et par le ministre de l'instruction publique, prévalut. La Chambre arriva ensuite à la question de la responsabilité des ministres envers l'état. La commission, pour suppléer au silence que le gouvernement avait gardé sur ce point dans son projet, proposait un article ainsi conçu: Lorsqu'un ministre aura dépassé les crédits ouverts par le budget à son département, et que les crédits extraordinaires ou supplémentaires

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par lui demandés auront été rejetés, la Chambre des députés pourra, suivant les circonstances, l'accuser de prévarication. La Cour des pairs, en statuant sur l'accusation, pourra mettre à la charge du ministre tout ou partie de la dépense rejetée. » Les débats s'arrêtèrent long-temps sur cette disposition, à laquelle le gouvernement avait adhéré. M. Bérenger substituait à l'article un tout autre système, dans lequel la responsabilité civile, positivement établie, serait encourue pour simple fait d'erreur et prononcée législativement, l'initiative de la proposition étant laissée à l'une ou l'autre Chambre. Soutenu par MM. Odilon Barrot, Salverte, Dufaure, mais combattu par les ministres du commerce, de la justice, de l'instruction publique et des finances, l'amendement, qui n'était que la reproduction d'une disposition du projet qu'avait amendé en 1834 la commission d'examen, fut rejeté. La Chambre avait déjà écarté un autre amendement plus rigoureux encore pour les ministres. Dans le cours de la discussion, la commission proposa de remplacer les mots : suivant les circonstances, par ceux-ci : en cas de faute grave; ainsi modifié, l'article, que M. Laffitte appuya, fut adopté à une forte majorité.

D'après le projet, les poursuites contre les agens du pouvoir autres que les ministres, pouvaient commencer sans qu'il fut besoin de l'autorisation du conseil d'état; seulement chaque ministre serait libre de prendre à sa charge la faute imputée à ses agens, et de les rendre par là justiciables avec lui-même de la Cour des pairs. La commission avait souscrit à ces dispositions; mais M. Vivien, signalant surtout le danger qu'il y aurait à effacer la ligne de démarcation tracée entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif, et à soumettre le second au contrôle du premier, proposa un amendement tendant, sauf quelques modifications, à rétablir la législation de l'an vIII. MM. Isambert, Odilon Barrot, de Tracy, s'élevèrent avec énergie contre l'amendement, contre la consécration de l'article 75, si

hautement repoussé par l'opinion publique, si absolument opposé à l'esprit, à la tendance de la révolution de 1830. MM. Vatout, Ladoucette, Peyre, appuyèrent avec force la proposition de M. Vivien. Dans l'état actuel de la France, il fallait, suivant M. Ladoucette, fortifier les garanties créées pour les fonctionnaires, bien loin de les restreindre. Il s'agissait, d'après M. Peyre, d'avoir ou de n'avoir pas de maires; il était déjà difficile d'en trouver, il ne s'en présenterait plus si leur position était rendue encore plus pénible. M. Vivien en appelait aux faits pour prouver que le principal reproche, répété contre la législation existante, de favoriser l'impunité des agens du pouvoir, n'était pas fondé. Le président du conseil et le ministre de l'instruction publique déclarèrent qu'ils persistaient dans le projet, qu'ils ne pensaient pas qu'on pût rétablir l'article 75; mais, comme la, discussion avait fait naître des observations d'après lesquelles on pouvait modifier utilement le système, ils demandaient le renvoi de l'article à la commission : ce renvoi fut prononcé, malgré une assez vive opposition.

La nouvelle rédaction, arrêtée entre le ministère et la commission, rétablissait le pouvoir administratif dans son indépendance vis-à-vis de l'autorité judiciaire, et attribuait directement aux ministres la faculté d'autoriser les poursuites et de les arrêter sous leur responsabilité personnelle. Le rapporteur, en soumettant ce nouveau système à la Chambre, confirma la déclaration déjà faite, que le gouvernement et la commission jugeaient que l'article 75, tué par la Charte de 1830, ne pouvait pas être ressuscité. Cependant il y avait déjà dans cette modification un retour vers l'esprit de ce même article; ce retour devint de plus en plus marqué, et le ministère lui-même reprit jusqu'à un certain point ses premières déclarations contre l'article proscrit. Évidemment le sacrifice de la législation de l'an VIII avait été consenti à regret, et le gouvernement, en voyant la tendance qui se manifestait dans la Chambre, eût voulu pouvoir revenir sur

la concession qu'il avait faite. En résumé le débat s'établit sur la question de savoir si le droit d'autoriser les poursuites contre les agens du pouvoir serait dévolu à l'autorité judiciaire ou à l'autorité administrative. La lutte fut ardente et opiniâtre. Après avoir prononcé contre l'autorité judiciaire, à une majorité de 215 voix contre 153, la Chambre donna une nouvelle sanction à l'article 75 de la constitution de l'an viu, en l'accommodant aux formes du gouvernement représentatif : l'autorisation devait être accordée dans une ordonnance du roi, délibérée en conseil d'état et contresignée par un ministre. Ce résultat inattendu fut accueilli par les murmures de l'opposition.

Cinq séances des plus animées avaient été consacrées à débattre cette seule question; la Chambre, fatiguée, passa rapidement sur les articles suivans; et, votant au scrutin secret, elle, n'adopta l'ensemble du projet qu'à une faible majorité (185 voix contre 161). Cette conclusion ne surprit pas la discussion avait fait ressortir plutôt qu'elle n'avait résolu les difficultés d'une pareille loi; toute l'économie du projet avait été bouleversée; les dispositions étaient mal coordonnées, mal rédigées, incomplètes, insuffisantes; il fallait refaire et refondre le travail; aussi le ministère ne le porta-t-il même pas à la Chambre des pairs.

Ces débats avaient été attendus avec curiosité; car ils allaient suivre immédiatement la crise ministérielle, et le sujet semblait de nature à amener des incidens; mais aucune lutte parlementaire ne s'engagea, et les ministres agirent et parlèrent avec une grande réserve, se tenant toujours à la suite de la majorité. Quant aux votes, les questions qu'ils tranchaient étaient trop compliquées, trop diversement jugées en elles-mêmes, pour qu'ils pussent servir d'indices sur l'esprit de la Chambre, dont les rangs avaient été, pour ainsi dire, mêlés. Cependant le vote qui semblait avoir le plus de portée, celui qui avait sanctionné l'article 75 de la constitution de l'an vIII, avait été rendu dans un sens tour

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ministériel, bien qu'il fût en opposition avec le projet primitif les autres amendemens présentaient aussi le même caractère, et la loi donnait plus de garanties aux agens du pouvoir que le projet d'un autre côté, la faible majorité que le scrutin avait constatée venait détruire les inductions qu'on pouvait tirer de la marche de la discussion, de manière qu'en somme elle n'apprit rien sur les dispositions générales de la Chambre relativement au ministère.

Après ces longs débats, avec lesquels s'entremêla le vote (17 mars) d'un crédit de 250,000 francs, accordé au ministre de l'intérieur pour combattre le choléra qui sévissait dans le Midi depuis le commencement de l'année, la Chambre des députés n'eut à s'occuper pendant quelque temps que de questions spéciales. Telle fut entre autres la demande d'un crédit supplémentaire de 1,400,000 francs, faite par le ministre de la guerre, pour le service des pensions militaires en 1835. L'insuffisance de la somme allouée avait été prévue au budget même, de sorte que cette demande d'un supplément ne pouvait guère rencontrer d'opposition; la Chambre l'adopta sans difficulté (6 avril), puis elle passa à la discussion d'une proposition qui paraissait devoir éveiller un vif intérêt.

Par cette proposition, qu'ils présentèrent le 23 janvier, les députés du Rhône reprenaient le projet du gouvernement tendant à accorder un secours pour soulager les malheurs dont Lyon avait été frappée en avril 1854, projet que ·la Chambre des députés n'avait pas admis (voy. 1834, p. 236). M. Jars, chargé de développer la proposition, la motiva (31 janvier) avec une grande énergie en exposant tous les événemens survenus à Lyon depuis la révolution de 1830, il s'attacha à montrer que les Lyonnais avaient été mis dans l'impuissance d'empêcher les désastres qu'ils avaient subis, et que la responsabilité en devait peser sur l'autorité. Le ministre de l'intérieur repoussa aussitôt cette grave inculpation, et protesta hautement contre des assertions qu'il déAnn, hist. pour 1835.

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