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offert ses passe-ports au ministre américain à Paris; mais en même temps il avait résolu de demander de nouveau à la Chambre des députés le crédit de 25 millions nécessaire à l'acquit des créances américaines,

En présentant, le 15 janvier, un projet de loi à cet effet, le ministre des finances déclara que, d'après les formes de la constitution américaine, le message du président n'était que l'expression d'une pensée toute personnelle tant qu'elle n'avait pas reçu la sanction des deux autres pouvoirs du pays; un acte de gouvernement encore incomplet qui ne pouvait entraîner une de ces déterminations par lesquelles la France; répond à une menace ou à une injure. La dignité nationale, exigeait cependant quelques mesures; elles avaient été prises.

« Mais comme le traité de juillet, disait le ministre, n'est devenu ni moins juste, ni moins politique; comme le procédé du président des Etats-Unis n'a pu affaiblir les bases d'équité et de raison sur lesquelles la transaction repose, le gouvernement a maintenu sa détermination de la présenter de nouveau à votre examen. Cet engagement était pris : l'honneur de la France vent qu'il s'accomplisse.

>> Dans cette importante délibération, la Chambre, nous n'en doutons pas en veillant soigneusement, avec nous, sur la dignité nationale, aura présens tous les sentimens de bienveillance et d'amitié qui unissent depuis soixante ans la nation française et la nation américaine. Elle se reportera à ces hautes considérations de puissance commerciale et de force maritime, qui ont toujours fait regarder notre alliance avec les Etats-Unis comme une de ces règles inaltérables de la politique nationale.

» En parlant ainsi, nous ne voulons que rendre hommage à des vérités de tous les temps, les opposer à des impressions passagères, et surtout déclarer que la France n'impute ni au peuple ni au gouvernement de l'Union les sentimens et les propositions que le président des États-Unis vient d'exprimer; nous ne voulons voir dans son message au congrès que l'acte peu réfléchi d'un pouvoir isolé, et l'honneur national ne nous en commande pas moins de persister dans la politique qui fut toujours celle du gouvernement dų roi, la politique de la loyauté.

Vous peserez scrupuleusement, messieurs, les motifs qui sollicitent l'adoption du traité. Ce que nous vous demandons surtout, c'est de vous affranchir en l'examinant, comme nous l'avons fait en vous l'apportant, de tonte préoccupation étrangère à la question en elle-même, c'est-à-dire au droit et à la justice des réclamations, à la compensation des avantages commerciaux que le traité a garantis à la France. »

Le ministre demandait donc à la Chambre la ratification du traité, en y insérant toutefois cette clause qu'aucun paiement ne serait fait que lorsqu'il serait constaté que le gouAnn, hist. pour 1835.

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vernement américain n'avait porté aucune atteinté aux intérêts français.

Pendant le long intervalle qui s'écoula entre la présentation et la discussion du projet de loi, le traité des 25 millions ne cessa d'être à l'ordre du jour de la presse. La justice des réclamations, l'exactitude des chiffres posés, la nécessité politique et commerciale de maintenir la bonne harmonie entre la France et les Etats-Unis, étaient les argumens que développaient les organes du pouvoir en faveur du projet. Les journaux de l'opposition s'efforçaient, au contraire, d'établir l'illégitimité ou tout au moins l'exagération des créances, et de prouver que le cabinet français avait mal mené l'affaire; ils argumentaient aussi de la dignité nationale compromise, bien que le congrès américain eût, par des actes postérieurs, désavoué plutôt que confirmé le langage du président. Le résultat de la crise ministérielle du mois de mars avait encore accru la portée parlementaire du sujet. Par suite de la rentrée dans le ministère, à titre de président du conseil, du ministre que le refus de sanctionner le traité en avait déjà fait sortir l'année précédente, le projet de loi était devenu une question formelle de cabinet. L'importance intrinsèque et financière du litige, quelque considérable qu'elle fût, s'était donc, pour ainsi dire, effacée devant la gravité des intérêts qui s'y étaient accessoirement rattachés: non seulement l'existence du ministère, mais encore la conservation de la paix, étaient engagées dans les débats; le public les attendait avec une grande anxiété.

Après deux mois et demi de minutieuses investigations, la commission chargée d'examiner le projet de loi présenta le résultat de son vaste travail (28 mars), par l'organe de M. Dumon. Toutes les difficultés avaient été successivement résolues dans le sens le plus favorable au projet, dont l'adoption était unanimement proposée. Nous ne nous arrêterons pas sur les argumens à l'aide desquels le rapporteur établissait la légitimité des créances américaines, l'exactitude

des chiffres admis et les avantages politiques, commerciaux et industriels que la France devait retirer du traité; ces argumens n'étaient guère que la reproduction développée de ceux qu'avaient déjà employés, dans la dernière session, les apologistes du projet de loi. Un plus vif intérêt s'attachait à l'appréciation faite par la commission de la manière dont le traité avait été formulé sans aucune mention du droit des Chambres, relativement aux traités qui renferment des clauses financières. A cet égard, voici comment s'exprimait le rapporteur : ·

«Si les Chambres doivent user de leur droit avec réserve, ce droit n'en est pas moins assuré. On ne peut le méconnaître, on ne doit pas même l'oublier. La réserve en eût donc été convenablement écrite dans le traité de 1831. Sans doute elle n'ajoute rien au droit des Chambres, car il existe sans être exprimé; mais elle assure mieux la liberté de leurs délibérations, et préserve en cas de dissentiment la dignité de la couronne. Avertis par cette réserve, les Etats-Unis n'eussent eu aucun prétexte d'insister sur un paiement que la loi n'avait point encore autorisé. Le gouvernement eût évité une discussion pénible, et, en défendant, comme il le devait, les droits constitutionnels des Chambres, il n'eût pas encouru de la part des États-Unis le reproche, ou du moins le soupçon de chercher, derrière ces droits, un appui pour sa bonne foi attaquée. »

La commission était bien éloignée cependant de justifier le langage employé par le président des Etats-Unis dans son message: ce langage avait justement blessé le sentiment national. « Et si nous eussions délibéré, disait le rapporteur, sous l'unique impression des paroles du président, pous n'eussions pu empêcher la voix de la fierté française de parler plus haut que la voix même de la justice. » Le refus du Congrès de s'associer aux propositions du président, avait changé cette disposition.

«Nous aimons à penser, continuait le rapporteur, que le Congrès améri cain aura persévéré dans cette confiante réserve; mais si, au terme de sasession, ses résolutions dernières s'associaient au message du président, en lui conférant les pouvoirs qu'il a réclamés, l'intérêt et la dignité de la France, que votre commission aime à confondre dans une même pensée, exigeraient que le dédommagement que nous devons fût ajourné après la satisfaction qui nous serait due. Ce devoir ne serait pas le seul que le gouvernement aurait à remplir; mais celui-là du moins, nous avons une occasion solennelle de le lui rappeler, et votre commission a pensé que, dans une loi qui atteste la foyauté de la France, la Chambre voudrait aussi parler de sa dignité. »

La commission proposait donc, par amendement, et le gouvernement adhérait à cette proposition, d'étendre à la dignité de la France la clause de réserve qui n'était stipulée au projet de loi que pour les intérêts du pays.

La discussion, dont la Chambre fixa l'ouverture à la huitaine après la distribution du rapport, devait rouler sur deux points différens sur le fond même du traité, et sur les incidens survenus depuis qu'il avait été rejeté. Le premier point se représentait absolument dans les mêmes termes qu'à la dernière session; aussi ne ferons-nous que l'effleurer, pour nous attacher plus spécialement aux faits et aux circonstances qui avaient récemment compliqué cette affaire.

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9, 10, 11 avril. Les orateurs inscrits d'avance pour attaquer ou défendre le projet de loi étaient au nombre de trente-cinq, et ce nombre annonçait déjà avec quel intérêt la Chambre allait se porter aux débats de part et d'autre, en effet, on déploya dans la lutte une ardeur et une opiniatreté peu communes; elle s'engagea tout d'abord avec une extrême vivacité. M. le duc de Fitz-James, qui parla le premier, après s'être prononcé contre le principe, contre la quotité de l'indennité allouée aux Américains, entra dans l'examen des derniers incidens. Il avait jusqu'alors amèrement blåmé les ministres d'avoir fait bon marché de la fortune de la France; ici ses inculpations devinrent plus graves. Suivant l'orateur, à moins de croire le président Jackson insensé, on ne pouvait admettre la sincérité du message qu'il avait adressé au Congrès. Ses paroles lui avaient été dictées, ses inspirations lui étaient venues de France. Aura-ton dit au président, se demandait M. de Fitz-James, menacez-nous; fournissez-nous un prétexte pour feindre la peur? Aurait-on osé lui dire: menacez la France, et la France aura peur; et nous ministres, nous Français, nous nous chargeons de propager la peur ? » S'autorisant de cette supposition, qu'accueillirent les plus violens murmures et

des cris à l'ordre, M. de Fitz-James s'indignait de l'attitude qu'on faisait prendre à la France.

• Messieurs, disait-il, ce n'est point un cri de guerre que je fais entendre en ce moment; que le ciel m'en préserve! Je connais trop bien les vœux et les besoins de mon pays. Ce n'est pas l'esprit de parti qui vous parle. (Mouvement en sens divers). Les regrets et les souvenirs qui empoisonnent ma vie, je les ai renfermés là, et je leur ai dit: Taisez-vous; l'intérêt et l'honneur du pays vous l'ordonnent en ce moment. (Marques d'approbation sur quelques bancs.) C'est un bon Français qui s'adresse à ses collègues, et qui' vient leur dire : Replaçons-nous donc enfin dans notre dignité de Français, sachons ce que nous sommes, ou plutôt sachons ce que veut la patrie à laquelle nous avons l'honneur d'appartenir. La France ne veut pas la guerre, elle ne doit pas la vouloir; il serait traître celui qui la voudrait dans la situation où elle se trouve; le passé, le présent, l'avenir, tout nous le défend: mais la France ne craindra jamais la guerre; mais il ne sera jamais dit qu'un peuple, quel qu'il soit, pourra se flatter d'avoir fait peur à la France. (Très-bien, trèsbien!) Vous qui vous êtes tant vantés d'avoir relevé le drapeau d'Austerlitz, dont nous sommes fiers aussi quoiqu'il ne porte pas nos couleurs, parce que nous aimons la gloire autant que ceux qui la moissonnaient sous lui; vous qui vous êtes chargés de le tenir debout, ce noble drapeau si long-temps suspendu à l'autel de la Victoire, persuadez-vous bien qu'on ne vous permettra jamais de le traîner à l'autel de la Peur. (Marques d'approbation aux extrémités.) Non, la France ne veut pas et n'aura pas la guerre; mais, toujours placée dans le sentiment de sa force et de sa dignité, conservant l'attitude noble et fière ⚫ qu'elle ne doit jamais quitter, le front levé, une main posée sur ses armes fidèles, l'autre sur les innombrables trophées de sa gloire, souriant au danger et dédaignant la menace, elle sera toujours prête à courir au-devant de la guerre, de quelque part qu'une insulte lui arrive.

» Oma belle patrie! telle est l'opinion que je me suis faite de toi. Malheur à celui de tes enfans qui ne la partagerait pas!

» Je demande que toute discussion soit suspendue, que la question soit ajournée jusqu'à ce qu'un envoyé du gouvernement américain soit venu faire à la France la réparation qui lui est due.

» Je repousse le projet comme le plus honteux qui ait jamais été présenté à une Chambre française.

Ce discours fut suivi d'une violente agitation. Premier orateur inscrit parmi les défenseurs du projet de loi, M. Tesnières allait prendre la parole, lorsque le ministre de l'intérieur la réclama pour répondre à M. de Fitz-James. « J'ai bien vu qui parlait, s'écria le ministre en faisant allusion aux opinions connues du préopinant; j'ai reconnu le gouvernement de la restauration, qui sortait de la tombe pour venir insulter le gouvernement de juillet que vous avez fondé. » Et, s'attaquant avec chaleur à son adversaire, l'orateur soutint que la restauration ne pouvait parler ni de dignité ni d'honneur, elle qui avait payé ce qu'elle ne devait pas, parce qu'on l'avait menacée, parce qu'on lui avait fait

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