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» un propre paternel pour le tout,ou seulement » pour partie, au premier et noble mariage ». Peu de temps après, Julien-François Thobois emigre; Constant Thobois, son frère germain, soutient seul, contre la veuve de leur père, que le Marché du roi était propre pour le tout dans la personne de celui-ci, à l'époque de la célébration de son premier mariage.

Mais par jugement en dernier ressort, du 9 janvier 1793, il est débouté de sa prétention, et le Marché du roi est déclaré conquêt de la seconde communauté, d'après la transaction du 22 novembre 1766 (1)..

Constant Thobois meurt quelque temps après ce jugement.

Le 4 germinal an 11, Julien-François Thobois, réintégré dans ses droits civils et politiques, en vertu du sénatus-consulte du 6 floreal an 10, fait assigner la veuve Thobois, sa bellemère, au tribunal civil de l'arrondissement de Cambrai; il déclare reprendre sa demande en rescision de la transaction du 8 octobre 1776; et conclud en conséquence à ce que, sans s'arrêter à cet acte, le Marché du roi soit, comme propre paternel porté au premier mariage de son père, partagé dans la succession de celui-ci, conformément à l'art. 20 du tit. 12 de la coutume de Cambrésis.

Le 8 messidor suivant, jugement par lequel le tribunal de Cambrai « retient l'affaire en » délibéré, ordonne aux parties d'instruire la » cause plus amplement par mémoires et ré»ponses respectivement communiqués et dé»posés au greffe,en dedans le 4 thermidor pro» chain, pour ensuite, sur lesdits mémoires et » réponses, ètre statué ce qu'il appartiendra, à » l'audience du 30 dudit mois ».

Le 23 frimaire an 12, autre jugement, par lequel, « attendu ( entre autres motifs) que le » demandeur n'a pas désavoué avoir confirmé » par son contrat de mariage, la Renonciation » qu'il avait précédemment faite pendant sa » minorité, le tribunal, prononçant sur le déli» béré, deboute le demandeur de ses fins et » conclusions ».

Le sieur Thobois appelle de ce jugement, et demande qu'avant faire droit, il soit ordonne à sa belle-mère de réintégrer le dépôt qu'elle

(1) Décision absurde. Il résultait bien de la transaction du 22 novembre 1766, que la seconde communauté devait être indemnisée des 10,000 livres qu'elle avait fournies pour faire cesser les prétentions des sœurs de François Thobois ; mais non pas que François Thobois n'eût pas possédé le Marché du roi comme propre paternel. V. mon Recueil de Questions de droit, au mot Propre, §. 2.

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Les sœurs consanguines du sieur Thobois interviennent sur cet appel, et adhèrent aux conclusions de leur mère.

Le sieur Thobois les soutient non-recevables. Le 8 messidor an 12, arrêt de la cour d'appel de Douai, qui « reçoit les demoiselles Tho» bois parties intervenantes, et sans s'arrêter » au jugement dont est appel, faisant droit » par jugement nouveau, sans avoir égard à » la demande du sieur Thobois en reintegra» tion des titres et papiers de la succession de » Thobois père, dans laquelle il est déclaré » non-recevable, lui ordonne de plaider; à laquelle fin, l'audience est continuée au 15 » du présent mois, en se communiquant res>>pectivement par les parties les titres produits » en l'instance ».

Le 24 du même mois, arrêt définitif, qui, après avoir rappelé divers moyens opposés au sieur Thobois par sa belle-mère et par ses sœurs, ajoute :

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Quelque puissantes que soient toutes ces raisons, la cour n'a pas cru devoir en scruter la valeur et le mérite; un autre moyen s'est présenté contre les prétentions de l'appelant, et il a paru peremptoire : c'est la fin de nonrecevoir résultant de l'exécution prolongée de la transaction de 1776, de la part de l'appelant, et de son silence constatant son refus d'en restituer les avantages depuis 1784: cette fin de non-recevoir a été accueillie expressément par le jugement arbitral du 21 mai 1791, confirmé par un autre jugement du 22 avril 1792. » Cette fin de non-recevoir reçoit un nouveau degré de force, à la vue du contrat anténuptial de l'appelant, du 15 janvier 1778, puisqu'alors, loin de réclamer contre ladite transaction, il l'a approuvée, en la faisant servir de base à son apport de mariage. Il est donc bien constant que ce qui lui a plu alors, ne peut plus lui déplaire aujourd'hui.

» Les premiers juges ont aussi saisi ce moyen pour l'un des motifs de leur décision; il est évidemment bien adopté.

» D'après toutes ces considérations, la cour, faisant droit, tant au principal que sur la demande en intervention, a mis et met l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira effet.... ».

Recours en cassation de la part du sieur Thobois.

«Deux sortes de moyens de cassation fai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 20 thermidor an 13) vous sont proposés par le demandeur : les uns attaquent les arrêts de la cour d'appel de Douai des 8 et 24 messidor

an 12, et comme s'appropriant des irregularites justement reprochées au jugement de premiérc instance, et comme vicieux dans leur propre forme ; les autres attaquent le deuxième de ces arrêts, comme violant au fond, par la confirmation du même jugement, les dispositions des lois romaines, des chartes générales de Hainaut, et de la coutume de Cambrésis. » Les irrégularités que le demandeur reproche au jugement du tribunal de première instance, sont en effet très-frappantes; mais rien ne prouve que le demandeur les ait relevées devant la cour d'appel.

» A la verité,ces irrégularités ne provenaient pas du fait du sieur Thobois ni de celui de-sa partie adverse: elles provenaient uniquement du fait des juges, qui, ayant ordonné aux deux parties de fournir et de se communiquer reciproquement des mémoires, tant sur les points de fait que sur les moyens de droit, avaient ensuite prononcé d'après ces mémoires, sans rapport préalable, et par un jugement arrêté dans la chambre du conseil.

» A la vérité, ce n'est que des irrégularités provenant du fait des parties ou de leurs agens, que parle l'art. 4 de la loi du 4 germinal an 2, lorsqu'il dit qu'elles ne pourront être proposées pour moyens de cassation, qu'autant qu'elles auront été relevées devant le tribunal dont on attaquera le jugement comme irrégulier.

» A la vérité, il résulte de là que les irrégularités provenant du fait des juges, peuvent être proposées pour moyens de cassation quoiqu'elles n'aient pas été relevées devant le tribunal dont le jugement est attaqué.

» Mais il est à cet égard une chose essentielle à observer: c'est que l'art. 4 de la loi du 4 germinal an 2 ne s'occupe point des irrégularités commises dans les tribunaux jugeant en première instance et à la charge de l'appel; c'est qu'il ne s'occupe que des irrégularités commises dans les tribunaux jugeant en dernier ressort, dans les tribunaux dont les juge. mens sont attaqués par le recours en cassation.

» Et il y a une raison bien simple pour que, dans une demande en cassation, l'on ne puisse pas faire valoir devant vous des irrégularités qui,ayant été commises par le fait des premiers juges, n'ont pas été relevées devant le tribunal d'appel. En effet, si ces irrégularités avaient été relevées devant le tribunal d'appel, celui ci aurait sans doute déclaré nul le jugement de première instance; mais en même temps,il aurait statué au fond par jugement nouveau, et il aurait régulièrement fait ce que le premier juge avait fait dans une forme vicieuse.

» L'annullation du jugement de première

instance n'est donc, en pareil cas, qu'une affaire de pure forme; et dés que l'appelant n'y conclud pas expressément, le tribunal d'appel peut et doit s'abstenir de la prononcer. C'est au surplus ce que la cour a jugé formellement par deux arrêts des 11 frimaire et 4 nivôse an 9.... (1).

» Quant aux irrégularités que le demandeur reproche aux deux arrêts de la cour d'appel de Douai, elles consistent

» 1o En ce que ces arrêts ont été rendus sur simple plaidoirie et sans rapport,dans un procès que les premiers juges avaient appointé;

» 2o En ce que, par l'arrêt du 8 messidor an 12, la cour d'appel a supposé que le demandeur avait argue de nullite le jugement de première instance, et que néanmoins elle n'a retracé ni les conclusions qu'il avait prises pour le faire annuler, ni les moyens qu'il avait employés à cette fin;

» 3o En ce que, par l'arrêt définitif du 24 du même mois, la cour d'appel s'est mise en contradiction avec elle-même, puisqu'elle a confirmé le jugement de première instapce, auquel, dans l'arrêt interlocutoire du 8, elle avait declaré ne vouloir pas s'arrêter;

» 4o En ce que, par l'un et l'autre arrêt, elle a reçu l'intervention des demoiselles Thobois, qui n'avaient pas été parties dans la cause principale, et qu'elle a ainsi contrevenu à la défense portée par l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2, de prononcer en cause d'appel sur des demandes qui n'ont pas été formées devant les premiers juges;

» 5o En ce que, par les mêmes arrêts, elle a considéré comme ayant intérêt dans lacause pendante entre le demandeur et sa belle-mère, des parties intervenantes dont les prétentions étaient évidemment prématurées.

» Reprenons successivement chacun de ces cinq moyens.

» 10 Il est vrai que la cour d'appel a statuć d'après de simples plaidoiries, sur une affaire que le tribunal de premiere instance avait, en quelque sorte, appointée. Mais en procédant ainsi,quelle loi a-t-elle enfreinte? Le réglement des procedures fait en 1671 pour le ci devant parlement de Douai? Il n'en dit pas le mot. L'ordonnance de 1667? Elle n'a jamais été reçue dans le département du Nord. Et d'ailleurs, vous avez décidé, le 19 floréal dernier, dans l'affaire du sieur Chapouille, que ce n'est pas une nullité, même dans les lieux où l'ordonnance de 1667 fait loi, de juger sans rap

(1) V. dans mon Recueil de Questions de droit les articles Conclusions du ministere public, §. 2, et Nullité, §. 3.

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» 2o Comment le demandeur entend-il prouver que, par son arrêt du 8 messidor, la cour d'appel a suppose qu'il avait conclu à l'annul lation du jugement de première instance ? La preuve en résulte, suivant lui, de ce que, par cet arrêt, la cour d'appel a declare qu'elle prononçait sans s'arréter au jugement dont était appel et qu'elle faisait droit par jugement nouveau. Mais, de quoi était-il question lors de cet arrêt? Du fond de la cause? Point du tout. Cet arrêt nous apprend lui-même, que jusqu'au moment où il a été rendu, les parties principales, le sieur Thobois et sa bellemere, n'avaient plaidé que sur un incident qu'elles avaient détaché du fond jugé en première instance; que cet incident avait pour objet le dépot requis par le sieur Thobois, de tous les titres provenant de la succession de son père; qu'en première instance, le tribunal de Cambrai avait rejeté la demande du sieur Thobois, tendant à ce dépôt préalable, en même temps qu'il avait rejeté sa demande au fond; mais qu'en cause d'appel, le fond ne pouvait pas être jugé, sans qu'il eût été premièrement statué sur cet incident.

» Et voilà pourquoi, uniquement pourquoi, la cour d'appel de Douai déclare que, sur la demande en dépôt de titres, elle ne s'arrête pas au jugement de première instance,et qu'elle fait droit par jugement nouveau. Voilà pourquoi, uniquement pourquoi elle emploie cette manière de prononcer.Cette manière de prononcer ne prouve donc pas qu'en cause d'appel, le sieur Thobois eût argué de nullité le jugement de première instance. Il ne résulte donc pas de cette manière de prononcer, que la cour d'appel ait violé l'art. 15 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790, en n'insérant pas dans son arrét, des conclusions en nullité que rien n'annonce avoir été prises par le demandeur.

» 3o Et de là même il suit évidemment que, par son arrêt définitif du 24 messidor, la cour d'appel a très-bien pu, sans se contredire ellemème, confirmer purement et simplement le jugement de première instance, anquel, par son arrêt du 8, elle avait déclaré ne pas s'arrê ter. Elle n'avait déclaré, par son arrêt du 8, ne pas s'arrêter au jugement de première instance, qu'en tant qu'il avait rejeté la demande du sieur Thobois en communication des titres de la succession de son père. Elle n'avait donc, par son arrêt du 8, réformé le jugement de premiere instance qu'en ce seul point purement incidentel. Qu'a-t-elle fait, après cela, en définitive ? Qu'a-t-elle fait par l'arrêt du 24? Elle a statue sur le principal, et rien de

plus ; elle ne s'est occupée que de la seule question de savoir si, au principal, le tribunal de première instance avait justement rejeté la demande du sieur Thobois en révendication du domaine dit le Marché du roi ; elle a donc pu dire qu'à cet égard, le tribunal de première instance avait bien juge; et en le disant en effet, ou, ce qui est la même chose, en mettant l'appellation au néant, elle n'a fait que mettre la dernière main à l'ouvrage commencé par l'arrêt interlocutoire.

» 4o Les demoiselles Thobois n'avaient pas été parties dans la cause principale ; mais était-ce une raison pour qu'elle ne pussent pas intervenir en cause d'appel? Etait-ce une raison pour qu'en cause d'appel, leur intervention fût prohibée par l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2?

» Que veut l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2? Rien autre chose, si ce n'est que les tribunaux d'appel ne puissent statuer sur aucune demande qui n'ait pas été formée devant les premiers juges. Or, de l'intervention des demoiselles Thobois en cause d'appel, est-il résulte,devant la cour d'appel de Douai, des demandes dont les premiers juges n'avaient pas eu l'oreille frappée? Non, les demoiselles Thobois n'ont fait qu'adhérer aux conclusions de leur mère; intimées sur l'appel de leur frère consanguin, elles n'ont fait que conclure, comme leur mère, à la confirmation du jugement de première instance; elles n'ont fait, si l'on veut, que prendre contre le sieur Thobois, des conclusions en déclaration de jugement commun. Et qu'y a-t-il là de contraire à l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an 2 ?

» Si les demoiselles Thobois n'étaient pas intervenues en cause d'appel,et que la cour d'appel de Douai eût réformé le jugement de premiere instance, les demoiselles Thobois n'auraient-elles pas pu former une tierce opposition à l'arrêt infirmatif de ce jugement? Eh bien, qu'ont-elles fait par leur intervention? Elles ont été au-devant d'un événement qu'elles avaient à craindre; elles ont suivi le conseil de la loi romaine, qui dit qu'il vaut mieux prévenir le mal que de chercher à y remédier quand il est fait.

» Il y a plus. Si les demoiselles Thobois n'étaient pas intervenues en cause d'appel, le sieur Thobois aurait pu les forcer d'y intervenir; il aurait pu les faire assigner en déclaration d'arrêt commun; et en cas de résistance de leur part, il leur aurait opposé avec succès, l'intérêt qu'il avait de prévenir la tierce opposition qu'elles auraient pu former à l'arrêt que devait rendre la cour d'appel; et il leur aurait dit avec les nouveaux éditeurs

de Dénisart, tome 6, page 22: Toutes les fois qu'un tiers a le droit..... de se rendre opposant à un jugement, on peut former contre lui la demande en déclaration de jugement commun; maxime qui a été reçue dans tous les temps, et à laquelle il n'a été porté aucune atteinte par les lois nouvelles.

» Enfin, il en est de la defense que fait la loi du 3 brumaire an 2, aux juges d'appel, de statuer sur des demandes non formées devant les juges de première instance, comme de la defense que fait à ceux-ci la loi du 24 août 1790, de recevoir aucune action principale, qu'il ne leur ait été representé un proces-verbal de non-conciliation dressé par le bureau de paix sur la réquisition du demandeur; or, si les demoiselles Thobois étaient intervenues devant le tribunal de première instance de Cambrai, le sieur Thobois aurait-il pu les faire déclarer non-recevables, sous le prétexte qu'elles n'avaient pas été citées par lui en con ciliation, sous le pretexte qu'il n'avait cité en conciliation que la veuve Thobois, leur me re? Une question de cette nature s'est présentée à la cour, dans l'espèce suivante.

» Jean Germain et consorts s'étaient pourvus, après une tentative inutile de conciliation, contre les dames Barreyron et Bellard, en paiement de legs qu'ils pretendaient leur avoir été laissés par les dames Destaing, dont elles étaient heritieres pour moitié. Les sieurs Dreux-Mancré, héritiers de l'autre moitié, et qui devaient, en cette qualité, payer une partie de legs, en cas qu'ils fussent jugés valables, intervinrent dans l'instance et décla rèrent adhérer à tous les moyens de défense des dames Barreyron et Bellard. Déclarés non-recevables dans leur intervention, par un jugement du tribunal civil de Seine-etMarne, confirmatif d'un autre émané du tribunal civil de la Seine, sur le fondement qu'ils n'avaient pas préalablement cité Germain et consorts devant le bureau de paix, les sieurs Dreux-Mancré se pourvurent en cassation; et le 23 pluviose an 9, au rapport de M. Malleville, la cour prononça en ces

termes;

»Considérant que les cit. Dreux-Mancré ne demandaient à être þintervenans dans le procès, que pour adherer en entier aux moyens de défense employés et aux conclusions prises par les dames Barreyron et Bellard, et pour subir le même jugement, sans former de leur chef aucune demande; qu'ils ne formaient donc pas d'action principale ni autre ; et que tout leur objet était de prévenir celle que Germain et consorts n'auraient pas manqué d'intenter contre eux, après le jugement de

celle qu'ils avaient dirigée contre les dames Barreyron et Bellard; qu'ils n'étaient donc point dans le cas, eux qui ne se constituaient que défendeurs, de citer Germain et consorts devant le bureau de paix; et qu'en jugeant le contraire, le tribunal civil du départe ment de Seine-et-Marne a fait une fausse application des art. 2 et 5 du tit. 10 de la loi du 24 août 1790, et commis un excès de pouvoir, en créant une fin de non-recevoir qui n'est pas dans la loi ;

» Le tribunal casse et annulle..,

» Donc, par identité de raison, les demoiselles Thobois ne pouvaient pas être censées, en cause d'appel, former de leur chef aucune demande; donc elles ne pouvaient, en cause d'appel, être considérées que comme cherchant à prévenir l'action que le sieur Thobois n'aurait pas manqué d'intenter contre elles, apres le jugement de celle qu'il avait dirigée contre leur mère; donc elles ne faisaient, en cause d'appel, que se constituer défenderesses aux demandes formées par le sieur Thobois en premiere instance; donc la loi du 3 brumaire an 2 ne s'opposait nullement à ce que leur intervention fût reçue.

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» Les demoiselles Thobois, dit le demandeur, ne peuvent rien prétendre au Marché du roi, si ce bien était de nature féodale; elles n'y pourraient venir, et encore pour une très-faible part, que dans le cas où il eût été tenu en main ferme ou roture. Or, il n'est pas encore jugé avec elles de quelle nature etaitce bien; car le jugement du 22 avril 1792, qui décide que ce bien était mainferme, n'a pas été rendu avec elles ; il ne l'a été qu'entre leur mère et le demandeur; elles sont donc, quant à présent, sans intérêt, et par conséquent sans action; elles ne pouvaient donc pas intervenir dans la cause d'appel.

» Mais en raisonnant ainsi, le demandeur met à l'écart la transaction de 1779, par laquelle il a renoncé au Marché du roi ; et il est sensible que, si cette transaction n'est pas nulle, le Marché du roi devrait,dans le cas où il eût formé un fief, comme dans le cas où il eût été tenu en roture, appartenir aux demoiselles Thobois, à l'exclusion du demandeur. Cela est même d'autant plus evident, qu'à la mort de leur père commun, il n'y avait plus ni fiefs ni censives, et que, dans la succession de leur

père commun, le Marché du roi ne pouvait plus exister que comme franc-alleu.

» Les demoiselles Thobois avaient donc intérêt de faire juger que la transaction de 1776 était valable; elles avaient donc qualité pour intervenir.

» Venons maintenant aux moyens de cassation que le demandeur tire du fond de la cause; et pour les bien apprécier, commencons par nous fixer sur les lois qui, à l'époque de la transaction de 1776, régissaient les par ties entre lesquelles elle a été passée, et les biens qu'elle avait pour objet.

» Les parties étaient domiciliées et le Mar ché du roi était situé dans la commune de Rieux en Hainaut.

» Le Hainaut avait deux sortes de lois : les unes qui régissaient les personnes, leur état, les contrats, les actions personnelles, les fiefs, les franc-alleux et les meubles : c'étaient les chartes générales ; les autres, qui ne régissaient que les mainfermes ou censives: c'étaient, pour une partie de cette province, la coutume du chef-lieu de Valenciennes; pour une autre, la coutume du chef-lieu de Mons; pour d'autres, des coutumes voisines et de pure adoption, telles que Vermandois, Cambrésis, Labassée, etc. (1) La commune de Rieux était dans cette dernière cathegorie : elle n'avait point, pour les mainfermes, de loi territoriale; elle suivait, à cet égard. la coutume de Cambresis, et elle la suivait comme loi d'adoption.

» Ainsi, pour savoir si les sicurs Thobois père et fils ont pu transiger ensemble, le 8 oc tobre 1776, nous n'avons pas d'autre loi à consulter que les chartes generales.

» Mais de savoir quels auraient été, en succession légitime, les droits du demandeur sur le Marché du roi, c'est une question qui depend de la nature de ce bien. Ce bien était-il fief? Les chartes générales le gouvernaient exclusivement. Etait-il mainferme? Il ne dépen dait que de la coutume de Cambrésis.

» Dans le premier cas, le demandeur, abstraction faite de la transaction de 1776, aurait seul succédé au Marché du roi, sice bien eût été acquis à son père avant son 'second mariage: il y aurait succédé seul, ou du moins à l'exclusion de ses sœurs consanguines, par droit de dévolution. Mais si ce bien avait formé un conquêt de la deuxième communauté. le demandeur n'aurait eu rien à y prétendre; ses sœurs consanguines l'en auraient exclu: tous fiefs acquis par père ou mère constant

(1) V. l'article Hainaut, 5.2. TOME XXVIII.

chacun mariage ou viduité d'icelui, appartiendront et écherront aux enfans dudit mariage. Ce sont les termes de l'art. 3 du chap. 91 des chartes générales.

» Dans le second cas, le Marché du roi étant considéré comme conquêt de la deuxième communauté, le demandeur y serait venu prendre une portion virile, concurremment avec ses sœurs consanguines. Mais si le Marché du roi cût été, dans la personne du père, un propre paternel dont il se fût trouvé saisi au moment de son premier mariage, le demandeur et son frère germain, comme issus de ce mariage, en auraient eu la moitié par préciput ; et ils auraient encore partagé avec leurs sœurs consanguines dans l'autre moitié. Telle était la disposition expresse de l'art. 20 du tit. 12 de la coutume de Cambrésis.

»>Ces notions posées, examinons d'abord si la transaction du 8 octobre 1776 était originairement valable, ou si originairement elle était nulle.

» Elle n'était certainement pas nulle par défaut de capacité de la part des contractans. » D'un côté, le sieur Thobois père et son épouse étaient évidemment capables de contracter toutes sortes d'obligations personnelles. » De l'autre, le sieur Thobois fils avait alors, comme il l'expose lui-même, vingtdeux ans ; et l'on sait qu'en Hainaut, il n'en fallait que vingt et un pour être ce que les chartes générales appelaient agé, c'est à-dire, majeur. De là, l'art. 4 du chap. 94 de ces lois, qui portait: gens à marier, émancipés ou non, possédant fiefs ou alloëts venant de patrimoine ou d'acquét, pourront,parvenus à l'âge de vingt et un ans, faire aliénation ou disposition d'iceux fiefs ou alloëts.

» Il est vrai que, par une bizarrerie assez étrange, les chartes générales ne déclaraient valables les obligations personnelles des fils de famille âgés de vingt et un ans, qu'autant qu'ils étaient hors de pain, ou émancipés: les enfans en pain de père, encore qu'ágés (était-il dit dans le chap. 110), ne pourront s'obliger ni contracter valablement ; mais s'ils étaient hors de pain..... ou mariés, l'obligation et contrat qu'ils feraient, sera de value. Mais le demandeur ne vous a pas dit qu'il ne fût pas émancipé à l'époque de la transaction de 1776; et il est, à notre connais sance personnelle, trop instruit des dispositions des chartes générales, pour que celle-ci eût pu lui échapper dans le cas où elle lui scrait favorable.

>> Il est vrai encore qu'en Hainant, la majorité de vingt et un ans n'était point parfaite, et qu'elle laissait, en cas de lésion, une porte

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