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tes de mariages furent proscrits sans distinction, et déclarés non valablement contractés par une déclaration du mois de novembre 1680.

On se rappelle que la révocation de l'édit de Nantes avait été préparée de loin par des réglemens qui interdisaient à une partie des Religionnaires toute espèce d'exercice de leur religion pour assurer leur état et celui de leurs enfans, qui ne pouvait être constaté que par leurs ministres, un arrêt du conseil du 16 juin 1685 avait pourvu à ce que cette partie nombreuse de citoyens pussent faire baptiser leurs enfans par les ministres qui seraient choisis par les intendans : un autre arrêt du conseil, du 15 septembre 1685, permit aux Religionnaires de se faire marier par les mêmes ministres, pourvu que ce fût en présence du principal officier de justice de la résidence de ces ministres ; à la charge que, lors de la célébration, il ne pourrait être fait aucun prêche ni exhortation, et qu'il n'y pourrait assister d'autres personnes que les parens des époux jusqu'au quatrième degré. Cet arrêt régla que les publications ou annonces de ces mariages se feraient à l'audience du siege royal le plus prochain du lieu de la demeure des deux époux, à la charge par les ministres de rapporter, à la fin de chaque mois, au greffe de la plus prochaine juridiction royale, un certificat signé d'une des personnes qu'ils auraient mariées, pour être inséré, sans frais, sur un registre qui serait coté et paraphé par le premier juge.

L'édit du mois d'octobre 1685 rendit inutile ce réglement fait quelques jours auparavant,puis qu'il expulsa'tous les ministres du royaume, et interdit toute espèce de culte de la religion cal viniste; mais aucune loi postérieure n'a encore statué sur la forme des mariages de ceux qui persistent dans la religion prétendue réformée toutes les dispositions de notre législation sont rappelées à cet égard dans la déclation du 14 mai 1724.

L'art. 15 concerne les nouveaux convertis : il ordonne «< que les édits et déclarations de » nos rois sur le fait des mariages, et nommé» ment l'édit du mois de mars et la déclaration » du 15 juin 1697, seront exécutés, suivant leur » forme et teneur, par les sujets du roi nou» vellement réunis à la foi catholique, comme » par tous les autres sujets du roi, et leur en» joint d'observer, dans les mariages qu'ils » voudront contracter, les solennités prescri»tes, tant par les saints canons reçus et ob. » servés dans le royaume, que par lesdites » ordonnances, édits et déclarations; le tout, » sous les peines qui y sont portées, même de TOME XXVIII.

» punition exemplaire, suivant l'exigence des

>>> cas ».

L'art. 16 concerne les mariages des enfans dont les pères et les mères, tuteurs et curateurs, sont sortis du royaume et se sont retirés en pays étranger pour cause de religion. Suivant cette loi, les enfans peuvent légitimement contracter mariage, sans attendre ni demander le consentement de leurs pères ou tuteurs absens, à condition de prendre le consentement et avis de leurs tuteurs ou curateurs, s'ils en ont dans le royaume, ou de ceux qui leur seront créés à cet effet, ou de leurs parens ou allies; et, à leur défaut, de leurs amis ou voi.

sins.

En conséquence, il est ordonné que, pardevant le juge des lieux, il soit fait une assemblée de six des plus proches parens ou alliés catholiques, tant paternels que maternels, et, à leur défaut, d'amis ou voisins, indépendamment des tuteurs et curateurs, pour donner leurs avis: s'il n'y avait que le père ou la mère d'absent, il suffirait de trois parens ou alliés du côté de l'absent. Mention doit être faite de ces assemblées ou consentemens, dans le contrat et dans l'acte de célébration de mariage: en observant ces formalités, les enfans sont dispensés des peines portées par les ordonnances contre les enfans de famille qui se marient sans le consentement de leurs pa

rens.

L'art. 17 est relatif aux mariages des enfans de famille qui sont célébrés en pays étranger : il defend à tous les sujets du roi de consentir ou approuver que leurs enfans et ceux dont ils seront tuteurs et curateurs, se marient en pays étranger, soit en signant les contrats qui pourraient être faits pour parvenir à de pareils mariages, soit par acte anterieur ou postérieur, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être, sans la permission expresse ou par écrit du roi, signée d'un secrétaire d'état, à peine de galeres à perpétuité contre les hommes, et de bannissement perpétuel contre les femmes, et en outre de confiscation des biens des uns et des autres; et, dans le cas où la confiscation n'aurait pas lieu, d'une amende qui ne pourrait être moindre que la moitié de leurs biens.

Si l'on en croit les protestans, il suffit de lire ces textes, pour se convaincre qu'ils ne font aucune mention de ceux qui exercent actuellement la religion protestante. L'art. 15 ne parle que des nouveaux convertis ; et quand on dirait que le législateur ne donnait pas d'autre dénomination aux protestans du royaume, il faudrait encore convenir qu'il n'avait pas intention de statuer sur les maria

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ges des véritables protestans, puisqu'il les croyait tous convertis. L'art. 17 ne defend qu'aux fils de famille de se marier en pays étranger ; il n'annulle pas même leur mariage; mais il ne parle aucunement des chefs de famille, qui restent, à cet égard, dans la disposition du droit commun. Quant à l'art. 16, il ne règle rien sur le rit des mariages, il ne fait que suppléer le consentement des parens absens ou fugitifs.

Les auteurs favorables aux protestans, ajoutent que l'édit de 1685, en révoquant celui de Nantes, et en conservant aux protestans la liberté de demeurer dans le royaume, d'y faire leur commerce, d'y jouir de leurs biens et de tous les droits attachés à la liberté civile, sans pouvoir être inquiétés à cause de leur religion, eût impliqué contradiction, s'il les eut obliges de se marier en face de l'église, puisque c'eût été les troubler dans leur religion et la leur enlever dans l'acte le plus important de la vie.

A la vérité, l'édit de 1697 a fait cette injonction à tous les sujets du roi; mais cette loi, qui ne fait que rappeler les anciens canons, les anciennes ordonnances, qui jusquelà n'avaient été observés que par les catholiques, ne rappeile point les protestans, ne déroge point à l'edit de revocation de l'édit de Nantes, qui leur accorde la plus entière liberté de conscience : il est donc évident qu'il ne les oblige point, comme il n'oblige point les juifs qui sont tolérés dans quelques villes et dans quelques provinces du royaume, quoique les juifs soient sujets du roi comme les protestans. Aussi la déclaration du 12 décem bre 1698, confirmative de l'édit de 1697, n'ordonne qu'aux sujets réunis à l'église, l'observation des solennités prescrites par les saints canons et par les ordonnances. La délaration de 1724 n'a pas d'autres expres

sions.

Quoique la religion protestante soit proscrite, on ne peut, comme l'observe l'auteur des Lettres de deux curés, méconnaitre dans les tribunaux l'existence d'un grand nombre de sujets attachés à cette religion : mais ces sujets que le souverain sait engagés dans la religion prétendue réformée, ne sont, ni nommés ni désignés dans nos lois sur les mariages; ils sont au contraire exclus du système de ces lois, qui ont explicitement détermine leur propre application aux catholiques et aux sujets nouvellement réunis à la foi catholique. Donc, conclud-on, les protestans ne peuvent être contraints, en France, à observer nos institutions religieuses, à peine de nullité, puisqu'aucune loi française ne lenr

prescrit l'observation de ces institutions, puisque, même de l'aveu de toutes nos lois, ces institutions leur sont étrangères. Qu'importe que le souverain n'ait établi aucune loi particulière pour les mariages des protestans, des qu'il ne les a pas soumis aux formes actuellement établies? Il ne s'agit pas sans doute de savoir ce que les auteurs de ces lois ont voulu faire ; ce n'est point lorsqu'il s'agit d'anéantir l'état d'une portion aussi nombreuse de citoyens, qu'il est permis d'aller fouiller dans la conscience des législateurs. Les lois ne peuvent être ambiguës; il faut que leurs dispositions soient claires et précises; que les nullités, et surtout la nullité des mariages, soient fortement exprimées ; sans quoi elles s'interpretent par la loi divine, par la loi naturelle,qui ordonne l'exécution de tous les engagemens contractes de bonne foi.

Tels sont les moyens que les protestans invoquent en faveur des mariages célebrés suivant leurs rites. Nous craindrions d'induire nos lecteurs en erreur, si nous les prevenions que cette interpretation de nos lois ne parait point encore admise dans la plupart des tribunaux du royaume.

La jurisprudence du parlement de Grenoble paraît surtout très severe contre ces mariages. Dès 1698, le procureur général ayant représente que plusieurs nouveaux convertis de la province contrevenaient aux édits et declarations de sa majeste, et sortaient duroyaume sans permission, pour aller se marier à Geneve et dans les pays etrangers, et après revenaient dans leurs maisons, et y vivaient comme s'ils eussent reçu la benediction nuptiale de leurs pasteurs; cette cour ordonna, par arrêt du 27 septembre de la même année, que le procès serait fait et parfait aux contrevenans.

Un autre arrêt du même parlement, du 9 décembre 1741, « faisant droit sur la requête » du procureur général, ordonne que, dans »le mois, Jacques Audoux Marcel fera réhabi» liter son mariage avec Louise Girard, par» devant le curé de la paroisse de Cordeac, et » jusqu'à ce, fait defenses auxdites parties de se fréquenter, à peine d'être procédé extraor» dinairement contre elles; et,faute de le faire »rehabiliter dans ce delai, déclare le contrat » civil du même mariage nul et de nul effet; et » les enfans qui pourraient provenir de la fré»quentation des parties, illegitimes, et incapables de succéder ».

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Un troisième arrêt de la même cour, rendu le 2 avril 1746, entre le procureur général et plusieurs particuliers accusés pour contravention aux édits concernant la religion, fait défenses aux personnes y dénommées de

co-habiter avec leurs prétendus maris ou femmes, à peine d'être poursuivies et punies comme concubinaires publics, et les enfans nés et à naître de leur fréquentation, déclarés illégitimes et incapables de leur succéder, sauf à eux de se presenter par-devant leurs curés, pour faire réhabiliter leurs mariages selon les formes accoutumées.

Un quatrième arrêt, rendu par ce parlement le 7 juin 1749, condamne plusieurs hommes et femmes y dénommés, chacun à 500 livres d'amende envers le roi, et à 300 livres d'aumóne; leur fait défense de co-habiter ensemble, à peine d'être poursuivis comme concubinaires publics, et leurs enfans déclarés illégitimes, sauf aux condamnés de se présenter devant leurs cures pour faire réhabiliter leur prétendu mariage dans les formes ordinaires.

Le même arrêt, en décrétant d'ajournement personnel un notaire qui avait passé le contrat de mariage de deux des personnes dont il s'agissait, fait défenses à tous notaires de recevoir les contrats de mariage des nouveaux convertis, qu'il ne leur apparaisse du certificat de catholicité des futurs conjoints, signe par le curé, qui restera annexé à la minute, à peine de 500 livres d'amende et d'interdiction.

D'après une jurisprudence aussi décidée, on ne put espérer de faire triompher au parlement de Grenoble les principes qui viennent d'être réclamés en faveur des protestans. Aussi, lorsqu'en 1765, Jacques Roux excipa, contre Marie-Louise Robequin,de la nullité de leur mariage, pour n'avoir pas été celebré en face d'église,mais devant un prêtre protestant, les défenseurs de cette infortunée n'oserent pas même contester cette nullité; et M. l'a vocat général Servan, l'un des orateurs les plus éloquens du barreau français, et qui s'est toujours montré le plus touchant défen. seur des droits imprescriptibles de l'humanité, se restreignit à montrer la grandeur des dommages-intérêts qui devaient punir le traître et venger les droits de l'honneur et de l'innocence, indignement abusés sous le masque d'une abjuration.

Il ne parait pas que les autres cours aient imité la rigueur du parlement de Grenoble contre les protestans. Cependant, sans parler ici des jugemens rendus par les intendans, l'auteur de l'Accord parfait dit « qu'un ar» rêt du parlement de Bordeaux, du 21 mai » 1749, enjoignità quarante-six personnes de » se séparer; leur defendit de se hanter ni fre» quenter, à peine de punition exemplaire; » déclara leurs co-habitations faites en consé»quence de la bénédiction des ministres, éire

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» des concubinages, et les enfans nés et à nai»tre, illégitimes et bátards, et comme tels, >> incapables de toutes successions et autres » effets civils et prérogatives ». Le même auteur assure encore « que cette cour prononça » la même chose contre dix-huit autres per» sonnes, le 17 décembre suivant; et en y » ajoutant, condamna les hommes aux galères » perpétuelles, et les femmes à être rasées » et renfermées dans l'hôpital de la manufac »ture de Bordeaux, auquel leur dot serait » appliquée, comme aussi que les certificats » des ministres seraient brûlés par l'exécuteur » de la haute justice, à la place du palais de » Lombière, en présence des prétendus » époux ».

Si l'on en croit cet écrivain, en 1744, le parlement de Toulouse a annulé quarante mariages de protestans.

Il y a pour cette grande province, une or. donnance du 17 janvier 1750, « qui veut qu'il » soit procédé par le commandant, ou en son » absence par l'intendant, contre les nouveaux » convertis qui auront célébré des mariages » contre les dispositions de la déclaration du » 14 mai 1724 ». Mais cette ordonnance n'ajoute pas que ce sera à l'exclusion des autres juges, suivant Caveirac, qui n'est pas suspect d'exagérer les malheurs arrivés aux protes tans.

Le premier mariage des protestans dont on a entendu parler en Languedoc, ne remonte pas plus haut que 1737. M. le maréchal de La Fere fit punir deux protestans mariés en présence d'un ministre.

Lorsqu'en 1739, le présidial de Nismes tint ses séances dans le Vivarais, on dénonça plusieurs mariages semblables, au procureur du roi. Cette compagnie ne voulut pas en prendre connaissance sans un ordre du roi. M. le comte de Saint-Florentin lui répondit que le procureur du roi pouvait, sans inconvénient, poursuivre quelques-uns des contrevenans. On choisit cinq ou six particuliers; le ministère public rendit plainte pour con cubinage notoire et scandaleux : on entendit des témoins, on entendit les accusés; ils convinrent qu'ils avaient été mariés par des ministres, et alléguèrent les difficultés qu'ils avaient éprouvées pour se marier à l'église. Le jugement les déclara convaincus d'avoir vécu en concubinage public et notoire avec leurs prétendues femmes, les condamna à une aumône envers les pauvres, et à une amende envers le roi, sans qu'elle pût porter note d'infamie: on ordonna qu'ils seraient tenus de cesser d'habiter avec leurs prétendues femmes, de vivre séparément, et que, dans quin.

zaine, ils se retireraient par-devers l'évêque diocésain, à l'effet d'en obtenir la bénédiction de leurs mariages, s'il y avait lieu.

Nous n'avons aucun vestige de semblables mariages attaqués dans les autres cours, par la voie de la procédure criminelle; et après avoir examiné avec attention tous les arrêts rendus au civil sur les mariages des protestans, nous croyons qu'il n'en existe aucun qui ait annulé les mariages des Religionnaires, faute d'avoir été faits en face d'église, ni dénié les effets civils aux enfans en provenans. Il est certain que les arrêts qui pourraient être objectés, ne paraissent pas avoir jugé la question in terminis: tantót c'est la clandestinité, tantôt la séduction, tantôt c'est le mé pris de l'autorité paternelle ou de quelques solennités ordonnées par des lois irritantes,qui ont été punis. Comme l'observe le judicieux auteur du Code matrimonial, il serait difficile de faire usage de ces arrêts, parceque chacun des juges sait seul sur quels moyens il s'est déterminé; il serait dangereux de donner pour motif de décision un système qui serait peut-être celui que les magistrats auraient proscrit.

Quoi qu'il en soit, pour repousser les atteintes portées aux mariages célébrés suivant leur religion,les protestans ont toujours été écoutés favorablement, lorsqu'ils ont fait usage des fins de non-recevoir qui s'élevent naturellement contre ceux qui attaquent des engagemens dont l'indissolubilité interesse le repos public, et tient à l'exécution des conventions, cette base fondamentale de toutes les sociétés et de toutes les lois. C'est en vertu de ce grand principe, que les arrêts ont déclaré non-recevables les époux eux-mêmes, leurs pères et leurs mères, leurs collatéraux, les promoteurs, les curés, et que la possession d'état et la bonne foi des pères et des mères ont rendu l'état des enfans inattaquable.

1° Plusieurs arrêts ont déclaré non recevables les époux eux mêmes.

Le sieur Terrier, protestant, avait recherché en mariage la demoiselle Grandsire; îl l'avait engagée à passer en Angleterre, et le mariage y avait été célébré dans un prêche, par un ministre anglican. La demoiselle Grandsire, qui n'avait que vingt-quatre ans à l'époque de son mariage, abandonna bientôt son mari, qu'elle prétendait l'avoir séduite. Il paraît que celui-ci fut plusieurs années sans la poursuivre pour qu'elle eût à revenir demeurer avec lui; mais la dame Grandsire mère étant morte en 1749, le sieur Terrier forma opposition à la vente de ses meubles; dans l'intervalle de 1732 à 1740, le sieur Terrier avait abjuré.

Grandsire père, attaqué par Terrier, interjeta appel comme d'abus de son mariage; il mourut peu de temps après : l'appel fut repris par son fils, et la demoiselle Grandsire intervint elle-même pour soutenir la nullité de son mariage. Suivant les appelans, tous les moyens d'abus se trouvaient réunis; défaut de consentement des pères et des mères, défaut de publication de bans et de présence du propre curé, mariage contracté en pays étranger avec un hérétique, et devant un ministre anglican : ces moyens ne réussirent pas. Par arrêt du 17 janvier 1744, les appelans furent déclarés non-recevables dans leur appel, et la demoiselle Grandsire fut condamnée à retourner chez son mari.

Les protestans pourraient sans doute invoquer une foule de fins de non-recevoir qui ont été consacrées en faveur des catholiques, et entr'autres par les arrêts d'Hersam, du 17 juillet 1638; de Riem, de l'année 1682; de Julien, du 6 mars 1703; de Dobert, du 16 juin 1716; de Boitel, du mois de janvier 1729; de Vermale, du 10 mai 1729; de Duclos, du 20 juillet 1731; de Mansart, du 15 février 1748, et d'Alibert, du 30 mars 1760.

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2o Si, par la fatalité des circonstances, cours se croyaient quelquefois obligées d'accueillir lés réclamations d'un époux contre de pareils mariages, il ne faut pas douter qu'elles ne s'empressassent à panir, par les dommages et intérêts les plus forts, le parjure qui oserait abuser à ce point de la rigueur des lois qui ont moins pour objet de punir l'erreur involontaire des protestans, que de les ramener au sein de l'église. Si une mort ignominieuse est la juste peine du ravisseur, si des supplices flétrissans sont décernés contre le séducteur, quelle punition ne doit pas encourir celui qui se joue de sa propre religion pour tromper et déshonorer une fille vertueuse ? Tout homme doit réparer le dommage qu'il a causé, même par erreur ; et il n'existe point dans nos mœurs de dommage plus énorme et en même temps plus outrageant, que d'enlever à une fille ce qu'elle a de plus précieux, et, sous les apparences de la religion qu'on professe soi-même, de dévouer le reste de la vie de cette infortunée aux regrets et à un célibat forcé. Mais le parjure ne peut alléguer l'erreur, et, comme disait M. Servan dans la cause de Jacques Roux, « on ne présume point d'erreur, lors» qu'on devait connaître les lois. Qu'un homme » de trente ans vienne nous dire qu'il a cru >> contracter un mariage légitime, il faudrait » lui imposer silence avec indignation: il con>> naissait donc nos lois sur le mariage, et ce» pendant il a contracté ce lien sans les obser

»ver. Il a dit à une fille innocente: Vous serez » mon épouse, et il savait bien que cette union » ne subsisterait qu'autant qu'il le voudrait; » il attestait devant elle sa religion, et il sa» vait que la nôtre, au premier signe, anéanti» rait ses sermens. Quel jeu cruel! Cette fille » crédule s'endort en femme vertueuse, et » s'éveille en femme prostituée ». L'arrêt rendu au parlement de Grenoble, le 6 avril 1767, a condamne Roux à 850 livres de dommages-intérêts. Ce Roux était un pauvre meunier; la fille Robequin n'avait demandé que 1,200 livres, et il était bien digne de M. Servan de regretter que son ministere ne lui permit pas de requérir une plus forte somme.

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30 Ce que les époux ne peuvent pas, les peres et les mères le pourraient encore moins, lorsque leur autorité n'a point été méprisée, soit qu'ils eussent consenti, avant la celebra tion, au mariage en pays étranger ou au désert; ou que, l'ayant connu postérieurement ils eussent reçu chez eux le gendre et la bru, ou bien laissé ecouler un long espace de temps sans réclamer. Ainsi, lors de l'arret du 25 janvier 1744, il s'agissait de l'appel comme d'abus que le sieur Grandsire avait interjeté, de son vivant, du mariage de sa fille mineure. On ne doit pas douter que les protestans ne fussent encore reçus plus favorablement que les catholiques, à se prévaloir de la jurisprudence des arrêts intervenus contre les pères et les méres, surtout si le motif de la réclama tion de ces derniers, protestans lors du mariage, portait principalement sur ce qu'il aurait été célébré au désert.

40 Quod quisque juris in alium statuerit, ut ipse eodem jure utatur. C'est la règle qui, en pareilles circonstances, fera toujours écarter les réclamations des parens protestans. C'est le motif d'un arrêt rendu au parlement de Paris, au mois de juin 1696. Il fut jugé par cet arrêt, qu'un homme de la religion prétendue réformée n'était pas recevable a combattre le mariage d'un prêtre qui avait apostasie, ni à dénier le partage aux enfans issus de ce ma riage. Les moyens qu'on employa contre ce Religionnaire, furent qu'il agissait contre sa conscience.

Mais au défaut d'un principe aussi respectable, qui ne pourrait être opposé qu'a des protestans, ceux de la religion prétendue réformée peuvent encore invoquer contre les collatéraux catholiques, ces principes de notre jurisprudence, qui, pour ainsi dire, dans toutes les circonstances, ont fait déclarer les collatéraux non-recevables. Nous ne ferons qu'indiquer ici quelques arrêts des plus récens, qui

ont prononcé la fin de non-recevoir en faveur du mariage des protestans dont la validité était attaquée par les collatéraux.

Pierre Isaac Picot, protestant, originaire d'Abbeville et domicilié à Dunkerque, avait épouse dans l'ile de Guernesey, en 1747, Esther Martin, anglaise protestante. Toutes les lois françaises avaient eté également oubliées dans la célébration de son mariage. Après la mort de Picot, un de ses frères interjeta appel de son mariage, pour enlever à sa veuve la succession de ses enfans. Un arrêt du 24 avril 1756 le déclare non-recevable, sur les conclusions de M. Séguier.

Un autre arrêt du 27 janvier 1758, sur les demoiselle La Garenne non-recevable dans conclusions du même magistrat, a déclaré la l'appel comme d'abus du mariage d'un de ses oncles, malgré le défaut de présence du pro

pre curé.

Le 14 mars 1770, un troisième arrêt a confirmé une sentence du châtelet, qui maintenait le meunier Julien dans le droit de se dire fils légitime de Jacques Julien et de la nommée Rosby, anglaise, sa femme, nonobs. tant une demande en nullité du mariage de son père et de sa mère, célébré en Angleterre sous des formes inconnues en France, et non légalement prouvé. Les collatéraux ont été déclares non-recevables.

50 Si un mariage contracté au désert entre protestans, était attaqué après la mort de l'un d'eux, dans la vue de contester le droit de succéder aux enfans qui en seraient provenus, la faveur de la possession d'état couvrirait ces derniers d'une egide impénétrable. Comnie disait M. d'Aguesseau dans l'affaire de Jacques Touchet, il n'en est pas des mariages comme des testamens: si l'utilité publique demande qu'on observe rigoureusement les formalités prescrites par les lois, la même utilité ne permet pas qu'on expose l'état des enfans et la destinée d'une famille aux caprices d'un pere ou d'une mere irrités, qui veulent les sacrifier plutôt à leur passion qu'à la justice. Le mariage est alors validé, non qu'il soit exempt de defaut, mais par le defaut de droit dans celui qui veut le faire annuler.

Deux motifs, dit encore ce magistrat, ont fait adopter ces principes. Le premier est le nom de mariage, nom si puissant, que son ombre même suffit pour purifier, en faveur des enfans, le principe de leur naissance; le second est la bonne foi de ceux qui ont contracté un semblable engagement: l'Etat leur tient compte de l'intention qu'ils avaient de donner des enfans légitimes à l'Etat; ils ont formé un engagement honnête ; ils ont cru sui

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