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» 14. Ne pourront non plus les déclarations de mariage, dont il sera ci-après parlé, lors qu'elles ne seront pas faites pardevant les cures ou vicaires, être reçues par aucun autre juge que par le premier officier de la justice des lieux, soit royale, soit seigneuriale, dans le ressort duquel sera situé le domicile de l'une des parties, ou par celui qui le remplacera en cas d'absence, à peine de nullité.

» 15. Pourra le premier officier de nos bailliages et sénéchaussées, ressortissant nûment en nos cours, et en se conformant par lui aux ordonnances du royaume, accorder, dans l'étendue de son ressort, à ceux qui ne sont pas de la religion catholique, des dispenses de publications de bans, comme et ainsi que les ordinaires des lieux sont en droit et possession de les accorder à ceux qui professent ladite religion. Pourront encore les dits juges accorder les dispenses de parenté au-delà du troisième degré; et quant aux degrés inferieurs, les dispenses seront expédiées et scellées en notre grande chancellerie, et enregistrées sans frais és registres des greffes desdites juridictions.

» 16. Soit que lesdites parties aient fait procéder à la publication des bans de leur mariage, par les curés ou vicaires, ou par les officiers de justice, il leur sera loisible de faire, pardevant lesdits cures ou vicaires, ou pardevant le premier officier de justice désigne en l'art. 14 ci-dessus, la déclaration dudit mariage, en leur rapportant les certificats de ladite publication sans opposition, la mainlevée des oppositions en cas qu'il y en ait eu, l'expédition des dispenses qu'il leur a été nécessaire d'obtenir, ensemble le consentement de leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs, comme et ainsi qu'ils sont requis par nos ordonnances, à l'égard de nos autres sujets, et sous les mêmes peines.

» 17. Pour faire ladite déclaration, les parties contractantes se transporteront, assistées de quatre témoins, en la maison du curé ou vicaire du lieu où l'une desdites parties aura son domicile, ou en celle dudit juge, et y déclareront qu'elles se sont prises et se prennent en légitime et indissoluble mariage et qu'elles se promettent fidélité.

» 18. Ledit curé ou vicaire, ou ledit juge déclarera aux parties, au nom de la loi, qu'elles sont unies en légitime et indissoluble mariage, inscrira lesdites déclarations sur les deux doubles du registre destiné à cet effet, et fera mention de la publication des bans sans opposition, ou de la main-levée des oppositions, s'il y en a eu ; des dispenses, si aucunes ont été accordées; du consentement des

pères, mères, tuteurs on curateurs; signera le tout, et fera signer par les parties contractantes, si elles savent signeri, et par les témoins.

» 19. En cas que les parties contractantes ne soient pas domiciliées l'une et l'autre dans le même lieu, elles pourront s'adresser à celui des curés ou des juges ci-dessus désignés, dans la paroisse ou le ressort duquel sera situé le domicile de l'une desdites parties qu'elles jugeront à propos de choisir pour recevoir leur déclaration; mais ne pourront lesdits curés ou vicaires, ou ledit juge, recevoir ladite déclaration, s'il ne leur appert du consentement du curé ou du juge de la paroisse, ou du domicile de l'autre partie, en forme de commission rogatoire; et seront lesdits consentemens, qui ne pourront êlre refusés par ceux desdits curés, vicaires ou juges auxquels ils seront demandés, énoncés et dates dans l'acte de déclaration de mariage.

» 20. Les curés ou vicaires auxquels les parties s'adresseront pour recevoir leurs déclarations de mariage, les ́ inscriront sur les deux doubles des registres ordinaires des mariages de leurs paroisses; les juges, sur les registres dont il sera ci-après parlé ; et sera tout ce que dessus observé sous les mêmes peines que celles prononcées par les ordonnances, édits, déclarations et réglemens au sujet des formalités à suivre dans les mariages de nos sujets catholiques.

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» 21. Et quant aux unions conjugales qu'auraient pu contracter aucuns de nos sujets ou étrangers non catholiques, établis et domiciliés dans notre royaume, sans avoir observé les formalités prescrites par nos ordonnances voulons et entendons qu'en se conformant par eux aux dispositions suivantes, dans le terme et espace d'une année, à compter du jour de la publication et enregistrement de notre présent édit, dans celle de nos cours dans le ressort de laquelle ils seront domiciliés, ils puissent acquérir pour eux et leurs enfans la jouissance de tous les droits résultans des mariages légitimes, à compter du jour de leur union; dont ils rapporteront la preuve, et en déclarant le nombre, l'âge et le sexe de leurs enfans.

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» 22. Seront tenus lesdits époux et épouses de se présenter en personne, et assistés de quatre témoins, devant le curé ou le juge royal du ressort de leur domicile, auquel ils feront leur déclaration de mariage, qu'ils seront tenus de réitérer dans la même forme devant le curé ou le juge du ressort du domicile qu'ils auraient quitté depuis six mois, si c'est dans le même diocèse, ou de

puis un an, si c'est dans un diocèse différent. des villes, bourgs et villages de destiner dans

» 23. Seront aussi tenues lesdites parties, en cas qu'elles soient encore mineures au moment de ladite déclaration, de présenter le consentement par écrit de leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs, duquel les curés et juges seront tenus de faire mention dans l'acte de déclaration de mariage; et sera ledit acte inscrit sur les mêmes registres que les déclations des mariages nouvellement con. tractés, le tout sous les peines prononcées par l'art. 20 ci-dessus.

» 24. En cas qu'il s'élève quelques contestations au sujet des mariages contractés ou déclarés dans les formes ci-dessus prescrites, elles seront portées en première instance devant nos baillis et sénéchaux ressortissant nûment en nos cours, à l'exclusion de tous autres juges, et par appel, en nos cours de parlement et conseils supérieurs ; nous réser vant, au surplus, de pourvoir, ainsi qu'il appartiendra, aux effets civils des unions contractées par ceux de nos sujets ou étrangers domiciliés dans notre royaume, catholiques, qui seraient décédés.

non

» 25. La naissance des enfans de nos sujets non catholiques, et qui auront été mariés suivant les formes prescrites par notre présent édit, sera constatée, soit par l'acte de leur baptême, s'ils y sont présentés, soit par la déclaration que feront devant le juge du lieu le père et deux témoins domicilies, ou, en son absence, quatre témoins aussi domiciliés, qu'ils sont chargés par la mère de déclarer que l'enfant est né, qu'il a été baptisé et qu'il a reçu nom.

Si ce n'est que l'enfant fût né de père et mère d'une secte qui ne reconnaît pas la nécessité du baptême, auquel cas, ceux qui le présenteront déclareront la naissance de l'enfant, la secte dans laquelle il est né, et justifieront que le père et la mère ont été mariés dans la forme prescrite par le présent édit.

» 26. Sera ladite déclaration inscrite sur les deux doubles des registres destinés à cet effet; signée du père, s'il est présent et s'il sait signer, des témoins et du juge: et seront au surplus observées les formalités prescrites par nos ordonnances, édits et déclarations au sujet des actes de baptême des enfans nés de pères et mères catholiques, à peine de nullité.

» 27. Arrivant le décès d'un de nos sujets ou étrangers demeurant ou voyageant dans notre royame, auquel la sépulture ecclésiastique ne devra être accordée, seront tenus les prévots des marchands, maire, échevins. capitouls, syndics ou autres administrateurs

chacun desdits lieux un terrain'convenable et décent pour l'inhumation; enjoignons à nos procureurs sur les lieux et à ceux des seigneurs, de tenir la main à ce que les lieux destinés auxdites inhumations, soient à l'abri de toute insulte, comme et ainsi que le sont ou doivent être ceux destinés aux sépultures de nos sujets catholiques.

» 28. La déclaration du décès sera faite par les deux plus proches parens ou voisins de la personne décédée, et à leur défaut, par notre procureur ou celui du seigneur haut justicier dans la justice duquel le décès sera arrivé, lequel sera assisté de deux témoins : pourra ladite déclaration de décès être faite, soit au curé ou vicaire de la paroisse, soit aux juges, lesquels seront tenus de la recevoir et de l'inscrire, savoir, lesdits curé ou vicaire de la paroisse, sur les registres ordinaires des sépultures, et le juge sur les registres destinés à cet effet, et dont il sera ci-après parlé ; et sera ladite déclaration signée par celui qui l'aura reçue, par les parens ou voisins qui l'auront faite, ou à leur défaut, par notre procureur ou celui du seigneur, et les deux témoins qu'il aura administrés.

» 29. Encore que les parens ou voisins de la personne décédée préfèrent de faire inserer la déclaration de décès sur les registres de la paroisse, ils seront tenus d'en donner avis au juge du lieu, lequel nommera un commis. saire pour assister à l'inhumation, en cas qu'il n'y assiste pas en personne ; et sera, dans tous les cas, la déclaration de décès signée par le commissaire ou officier de justice qui aura assisté à l'inhumation.

» 30. Ne seront les corps des personnes auxquelles la sépulture ecclésiastique ne pour ra être accordée, exposés au-devant des maisons, comme il se pratique à l'égard de ceux qui sont décédés dans le sein de l'église. Pourront les parens et amis de la personne décédee accompagner le convoi, mais sans qu'il leur soit permis de chanter ni de réciter des prières à haute voix ; comme aussi défendons à tous nos sujets de faire ou exciter aucun trouble, iúsulte, ou scandale, lors et à l'occasion desdits convois, à peine contre les contrevenans d'être poursuivis comme perturbateurs de l'ordre public.

>>31. Pour l'exécution de notre présent édit, il sera tenu dans la principale justice de toutes les villes, bourgs et villages de notre royaume, où il écherra de recevoir les déclarations ci-desssus prescrites, deux registres, dont l'un en papier timbré dans les pays où il est en usage, et l'autre en papier commun, à

l'effet d'y inscrire lesdites déclarations, et en être, par le greffier desdites justices, délivré des extraits à ceux qui le requerront, comme et ainsi qu'il se pratique à l'égard des registres des baptêmes, mariages et sépultures, tenus par les curés ou vicaires des paroisses ; et sera le papier desdits registres fourni par les communautés desdites villes, bourgs et villages. » 32. Tous les feuillets desdits registres seront cotés et paraphés par premier et dernier, par le premier officier desdites justices; sans frais, déposés aux greffes desdites justices; et le greffier tenu de les représenter à toute réquisition. Les déclarations de naissance, mariage et décès, mentionnées au present édit, et dans la forme qui est ci-dessus prescrite, y seront inscrites de suite, et sans aucuns blancs; et à la fin de chaque année, lesdits registres seront clos et arrêtés par le juge ensuite du dernier acte qui y aura été inscrit; et les feuilles qui seront restées en blanc, par lui bar rées.

» 33. Un des doubles desdits registres sera, dans les six semaines qui suivront la fin de chaque année, déposé au greffe des bailliages ou sénéchaussées ressortissant nûment en nos cours, auxquelles ressortissent lesdites justices; et à l'égard de ceux qui seront tenus au greffe desdits bailliages et sénéchaussées, les doubles en seront envoyés par nos procureurs esdits siéges à notre procureur général à la cour où ils ressortissent, lequel les déposera au greffe de ladite cour; et pourront les parties qui voudront se faire délivrer des extraits desdits registres, s'adresser, soit au greffe de la justice des lieux, soit à celui du bailliage ou de la sénéchaussée, soit à celui de la cour où aucuns desdits registres auront été déposés.

» 34. Seront tenus, en outre, nos greffiers de nos bailliages et sénéchaussées ressortissant nûment en nos cours, d'avoir un registre relié, coté et paraphé par premier et dernier, par le premier officier, à l'effet d'y enregistrer, de suite et sans aucun blanc, les dispenses de parenté ou de publication de bans que ledit officier aura accordées, ensemble celles qui auront été expédiées en notre grande chancellerie, et adressées auxdits juges à cet effet ; pourra ledit registre servir plus d'une année; mais à la fin de chacune, et le premier janvier au plus tard de l'année suivante, il sera clos et arrêté par ledit juge.

» 35. Seront tenues en outre les parties qui auront obtenu lesdites dispenses, de les faire contrôler dans les trois jours au plus tard, au bureau des controles du lieu où ledit siege sera établi, pour quoi il sera payé au contrôleur dix sous ne pourront au surplus être perçus sur les déclarations de naissance, mariage ou

décès, ni sur les extraits qui en seront délivrés, publications de bans, affiches et certificats desdites publications, aucuns droits de contrôle ni autres à notre profit; desquels nous avons expressément dispensé et dispensons, tant nos sujets, que les étrangers qui seront parties dans lesdites déclarations, ou auxquelles lesdits extraits pourront être nécessaires.

» 36. Ne pourront, tant lesdits curés ou vicaires, que nos officiers et ceux des seigneurs, percevoir pour raison des mêmes actes, d'autres et plus forts droits que ceux portés au tarif qui sera attaché sous le contre-scel de notre present édit.

» 37. N'entendons au surplus déroger, par notre présent edit, aux concessions par nous faites, ou par les rois nos prédécesseurs, aux luthériens établis en Alsace, non plus qu'à celles faites à ceux de nos autres sujets auxquels l'exercice d'une religion differente de la religion catholique, a pu être permis dans quelques provinces ou villes de notre royaume, à l'égard desquels les réglemens continueront d'être exécutés ».

V. ci-après S. 8.]]

S. VII. Peines portées, [[ avant l'année 1789, ]] contre les Religionnaires fugitifs. Kégie et administration de leurs biens.

I. De toutes les lois pénales faites pour empècher les émigrations, les seules justes sont sans doute celles qui défendent aux fugitifs d'emporter avec eux les richesses que leurs ancêtres leur ont transmises, ou celles même qu'ils ont acquises dans le royaume par leur industrie. Les liens de sujétion et de cité sont nécessairement subordonnés à la demeure dans un État; on ne peut point enchaîner au-delà la volonté de l'homme, ǹi le priver du droit que lui donne la nature, de fixer son séjour dans tel lieu de la terre qu'il juge à propos. Il faudrait au moins pour cela un pacte exprés entre la société et chacun des individus qui la composent.

Mais, par un juste retour, la société, en faisant cesser la communauté de tous les biens, de toutes les richesses répandues dans son territoire, ne les a réparties entre ses membres, ne leur a donné le droit de les accroître, qu'à la charge qu'ils continueraient d'être citoyens: elle s'en est conservé le domaine éminent; de sorte qu'un fugitif ne peut emporter avec lui ni conserver dans sa fuite sa fortune particulière, de même que le vassal commet son fief, dès que, par son fait, il n'est plus en état de remplir les devoirs de la vassalité : il ne peut

s'en jouer au préjudice des clauses de l'inves titure et du domaine direct réservé par le seigneur suzerain (1).

Nous n'examinerons pas ici si ce principe reçoit une juste application, lorsqu'une portion si considerable d'un État se trouve privée, sans motifs valables, des droits qui appartiennent naturellement à tout citoyen, et lorsque l'ordre ordinaire des lois se trouve violé à son préjudice.

Mais si la loi qui interdit aux fugitifs l'exportation de leur fortune, est juste, l'exécution n'en est point facile, surtout depuis que le commerce a ouvert toutes les communications des États entre eux, et depuis l'usage des lettres de change, inventées, dit-on, par les Juifs et les Lombards, dans des circonstances à peu près semblables à celles où se trouvaient les protestans sur la fin du règne de Louis XIV.

C'est pour empêcher les protestans fugitifs de réaliser leur fortune, qu'une déclaration du 5 mai 1669 fait défenses à tous ceux de la religion pretendue réformée, de disposer de leurs biens immeubles et de l'universalité de leurs meubles et effets mobiliers, sans en avoir obtenu la permission du roi dans un brevet expédié par un secrétaire d'état, pour la somme de trois mille livres et au-dessus, et la permission des commissaires départis pour les sommes au-dessous. Cette prohibition comprend, nonseulement les aliénations à titre de vente, mais encore les donations entre-vifs; elle n'admet d'exceptions que pour les donations faites en faveur et par les contrats de mariage des enfans ou petits-enfans, ou des héritiers présomptifs demeurant dans le royaume, au défaut de descendans en ligne directe. A l'égard des ventes antérieures, cette déclaration veut que ceux de la religion prétendue réformée ne puissent, sans de pareilles permissions, en toucher le prix, en tout ou en partie, ni leurs débiteurs le leur payer.

Tous les actes contraires, tous les contrats et quittances passés en fraude de ces prohibitions, sont déclarés nuls ; ainsi que les contrats d'échange, dans le cas d'émigration, ou que les choses echangées vaillent un tiers moins que celles qu'on a données.

La declaration veut en outre que, quand les biens desdits sujets seront vendus en justice ou abandonnés par eux à leurs créanciers, ceuxci ne puissent être colloqués utilement dans

(1) [[Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette comparaison, et sur les assertions qui la précédent. Il suffit de remarquer ici qu'il n'est pas vrai que le droit de propriété soit une concession de la société. V. l'article Occupation, §. 1 et 2.]]

les ordres et préférences, qu'en rapportant les contrats et titres de leurs dettes en bonne forme, et après les avoir affirmés.

Cette déclaration n'a été donnée, dans le principe, que pour trois années; mais elle a été renouvelée, jusqu'à présent, tous les trois ans, par des lettres patentes adressées aux parle

mens.

Quant au remboursement des rentes constituées emportant aliénation, des lettres-patentes du 28 février 1714 ont ordonné que les debiteurs qui voudraient en faire le rembour sement à ceux de la religion prétendue réformée, seraient tenus de se pourvoir devant les commissaires départis, qui pourraient leur en accorder la permission, à quelques sommes que pussent monter les principaux; en ordonnant en même temps le remploi en acquisition de fonds, rentes ou autres immeubles, ou en paiement de dettes légitimes et hypothécaires.

Conformément à ces réglemens, un arrêt rendu au parlement de Rouen, le 25 juin 1751, entre les sieurs Hamelin et Cart de Montagny, a jugé, dit Denisart, que le créancier d'une rente constituée par un nouveau converti, sans permission du roi, ne pouvait,en vertu du brevet de confirmation, actionner en déclaration d'hypothèque les acquéreurs d'héritages vendus dans l'intervalle du contrat de constitution au brevet de confirmation.

Un autre arrêt du conseil, du 28 août 1751, a déclaré nulle une permission accordée, sur un faux exposé, par l'intendant de Caen, à la dame Varignon, de vendre sa ferme de Putot; et parcequ'elle en avoit fait un emploi contraire aux réglemens concernant les biens des Religionnaires fugitifs, le contrat de vente de cette ferme a été pareillement annulé, ainsi que le brevet de confirmation, avec injonction à l'acquéreur de délaisser la ferme aux héritiers de la dame Varignon.

Les ministres de Louis XIV et de Louis XV ne se sont pas bornés à ces prohibitions. Des 1669, les atteintes portées à l'édit de Nantes, determinaient un grand nombre de protestans à sortir du royaume, où ils croyaient que leur conscience n'était pas en sûreté. On songea, dès-lors, à arrêter les émigrations; mais le gouvernement ne pouvant encore leur porter des coups éclatans, sans se compromettre, la politique exigeait qu'on leur donnȧt le moins d'alarmes possibles. Ainsi, on ne les nomma point dans l'édit qui défend « à tous les Fran»çais de se retirer du royaume, pour aller s'é>>tablir sans la permission du roi,dans les pays » étrangers, par mariage, acquisition d'immeu»bles, et transport de leurs familles et biens, "pour y prendre leurs établissemens stables et » sans retour, à peine de confiscation de corps et

» de biens,et d'être censés et réputés étrangers, » sans qu'ils puissent être ci-après rétablis ni » réhabilités, ni leurs enfans naturalisés, pour >> quelque cause que ce soit;les hommes condam» nés aux galères, les femmes à être reclues ». Ces peines, déjà si rigoureuses, sont en même temps décernées contre ceux qui auront direc. tement on indirectement contribué, aidé ou favorisé l'évasion.

En 1655, en 1698 et en 1699, on renouvela les dispositions de ces lois contre les protestans; on les renouvela encore en 1704 et en 1713, spécialement contre ceux que le roi avait exilés, et qui sortaient du royaume sans sa permission: la peine de mort avait même été décernée; elle fut revoquée quelque temps après. Une première observation, bien essentielle à faire sur ces lois, c'est que les condamnations qu'elles prononcent, telles que la confiscation de corps et de biens, les galères, les réclusions, ne peuvent avoir lieu qu'en vertu d'un jugement rendu après une instruction juridique.

Toute peine requiert déclaration, dit Loysel. La France (ajoute Richer), qui s'élève avec tant de force et de justice contre les censures et les excommunications ipso facto de la cour de Rome, n'a garde de lui donner elle-même l'exemple des peines infligées sans jugement ni instruction. De là, cette maxime établie par Loysel : « en France, nul n'est infame ipso »jure; mais c'est une règle générale, que tout » ce qui avait lieu ipso jure vel ipso facto, dans » le droit romain, requiert à nous sentence dé>>claratoire ».

« Le fait (dit encore Lorry, dans ses notes » sur le Traité des domaines de Lefebvre de » Laplanche) est du ressort de la nature et » non de la loi; la lettre de la loi est morte; » entre cette lettre et l'action qu'il s'agit de lui » donner, il y a la déclaration du fait par un » jugement; ce sera la parole du juge qui exé » cutera les peines qui peuvent s'exécuter par » la parole. Le jugement, en déclarant le crime, » déclarera aussi la peine encourue dans le >> moment du crime; et le commencement de » la peine encourue dans le moment du crime, » sera cet instant et non celui de la pronon» ciation du juge...... Nos mœurs ne peuvent » comporter l'idée des peines qui s'exécutent » d'elles-mêmes, quasi totá sententia; et pré» tendre trouver dans les lois autre chose que » des décisions abstraites et hypothétiques, » positis ponendis, c'est les accuser injuste»ment de vouloir usurper un pouvoir qui leur » est étranger, et qui répugne à leur nature ». [Mais peut-on conclure de là que, pour qu'un Religionnaire fugitif soit réputé étranger

et incapable de succéder en France, il faut qu'on lui ait fait son procès, et qu'il ait été condamné? Ou ne doit-on pas plutôt distinguer à cet égard la peine de mort civile, d'avec la simple privation des droits de cité?

V. l'article Succession, sect. 2, §. 2, art. 3, no 1.]

Une seconde observation, c'est qu'il a été jugé en faveur de Moïse Toulouse, qu'on ne peut prononcer les peines contre les Religionnaires qui se seraient établis en Suisse ou dans d'autres pays dont les habitans jouissent des droits de cité dans le royaume.

Dans le fait, Moïse Toulouse, protestant, natif de Montpellier, retiré en Suisse en 1678, s'y fit naturaliser en 1681 : Une Française ayant fait un testament en sa faveur, le préposé à la régie des biens des Religionnaires fugitifs, prétendit que Toulouse était incapable de recevoir ce legs, et fit séquestrer les biens en conséquence d'une ordonnance de l'intendant de la province. Toulouse y forma opposition, et l'intendant renvoya l'affaire au conseil, où il est intervenu arrêt, le 3 avril 1723, qui a fait main-levée des saisies du préposé.

[Mais la jurisprudence du parlement de Paris est contraire à cette décision. V. l'article Aubaine.]

Une troisième observation, c'est que les peines prononcées par ces reglemens, ne s'étendent point aux étrangers. L'arrêt du conseil du 11 janvier 1686 permet à tous les protestans étrangers d'entrer dans le royaume avec leurs suites et marchandises, d'y séjourner, aller et venir, et en sortir avec la même liberté que par le passé, sous la condition seulement de n'emmener avec eux aucun sujet du roi sans permission, et de ne faire aucun exercice de leur religion. Cette liberté est étendue à tout étranger, sans qu'il soit besoin de passeport, par un autre arrêt du conseil, du 26 juin 1686. II. Que deviennent les biens des protestans fugitifs ?

Les premières lois rendues contre eux en ordonnaient, comme on vient de le voir, la confiscation; elles ajoutaient que, dans les provinces, dont la législation plus humaine n'admet point la confiscation, les protestans seraient condamnés à des amendes qui seraient au moins de la moitié de leurs biens.

Un édit du mois d'août 1685 a promis aux dénonciateurs la moitié des confiscations.

Au mois de décembre de la même année, les biens ainsi confisqués ont été rendus aux héritiers naturels; et cette mesure a été érigée en loi par l'édit du mois de décembre 1689, lequel

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