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sont les termes de l'art. 1980 du Code civil.]]

XIV. La mort civile n'éteint pas une Rente viagere comme la mort naturelle : c'est pourquoi, si le créancier sur la tête de qui une telle rente est constituée, vient à être condamné à une peine qui,telle que le bannissement perpétuel ou lesgalères perpétuelles,emportent mort civile et confiscation de biens, le débiteur doit continuer à payer la rente au fisc, jusqu'au jour de la mort naturelle du condamné.

Pareillement, si le créancier d'une Rente viagerc, constituée sur sa tête, faisait profession en religion, cette rente appartiendrait, ainsi que les autres biens, à ses héritiers, qui en jouiraient jusqu'au jour de sa mort naturelle.

[[ Aux termes de l'art. 1982 du Code civil, « la Rente viagere ne s'éteint pas par la mort » civile du propriétaire : le paiement doit en » être continué pendant sa vie naturelle ».

Cet article, comme l'on voit, ne dit pas à qui ce paiement doit être ainsi continué. Mais une distinction fort simple parait devoir résoudre la difficulté qui résulte de son silence.

Ou il s'agit d'une Rente viagère constituée pour alimens, ou il s'agit de toute autre Rente viagere.

Au premier cas, c'est au mort civilement que la rente doit être continuée pendant sa vie naturelle. Le mort civilement peut acquérir des pensions alimentaires (1); il peut donc, à plus forte raison, conserver celles qu'il avait acquises avant sa mort civile.

Au second cas, la rente doit être continuée aux successeurs du mort civilement, à la charge de lui en remettre la portion nécessaire à sa subsistance. ]]

XV. Comme une Rente viagère ne doit durer qu'autant que la vie de la personne sur la tête de qui elle a été créée, il faut en conclure que le creancier est tenu, quand le débiteur le requiert, de justifier par un certificat en bonne forme, que cette personne était vivante au temps jusque auquel on demande les arrerages. C'est ce qui résulte de l'obligation où est le demandeur de prouver les faits qui servent de fondement à sa demande.

[[« Le propriétaire d'une Rente viagère (dit » l'art. 1983 du Code civil) n'en peut deman» der les arrérages qu'en justifiant de son existence, ou de celle de la personne sur la tête › » de laquelle elle a été constituée ».

Cette disposition est conforme à un arrêt du parlement de Nancy, du 23 novembre 1782,

(1) V. V'article Légataire, §. 2, no 9 et 11.

qui est rapporté dans mon Recueil de Ques tions de droit, au mot Vie, §. 2.

V. l'article Certificat de vie. ]]

On observera à ce sujet (avec Pothier, Traité du contrat de constitution de rente. no 259) que, si la personne sur la tête de qui la rente est créée, avait été long-temps absente sans qu'on pût avoir de ses nouvelles, et qu'après plus de trente années d'absence, elle eut reparu, le créancier serait bien fonde à demander tous les arrérages, sans que le débi teur pût lui opposer même la prescription de trente ans. La raison en est que la prescription n'a point couru durant le temps de l'ab sence de cette personne, attendu que le créan cier, faute de pouvoir justifier qu'elle était vivante, n'a pu, pendant tout ce temps, demander sa rente; et l'on tient pour maxime que præscriptio non currit contrà non volen. tem agere.

[[ Mais cette doctrine s'accorderait difficilement avec le principe consacré par l'art. 2251 du Code civil, que « la prescription >> court contre toutes personnes, à moins » qu'elles ne soient dans quelque exception » établie par la loi ».

]]

XVI. Une Rente viagère peut aussi s'éteindre par le rachat volontaire que le créancier a permis qu'on en fit, ou par la remise que le créancier en a faite au débiteur, ou par la novation, ou par la confusion. (M. GUYOT.)*

[[ XVII. La Rente viagère s'éteint encore dire, par la cessation, continuée pendant par la prescription de trente ans, c'est-àtrente ans, du paiement des arrérages qu'elle produit. V. l'article Prescription, sect. 3,, S. 2.

XVIII. La Rente viagère qui a été constituée pour prix d'une chose que des événemens postérieurs ont détruite, est-elle encore due apres la destruction de cette chose?

Par contrat notarié du 13 juin 1785, le sieur Rumets vend au sieur Levollant, le fonds et propriété de toutes les censives et mouvances dépendans dufief de Beaucoroy, moyennant 150 livres d'épingles, et 3,000 livres de prix principal, qui sont payés comptant, et à la charge d'une Rente viagère de 150 livres, reversible, après la mort du vendeur, sur la tête de la dame Rumets, son épouse. Le vendeur se réserve le droit de porter pendant sa vie le nom de seigneur de Beaucoroy. Pour l'exécution du contrat, chaque partie oblige tous ses biens; et l'acquéreur affecte spécialement à la Rente viagère, les fonds des fiefs à lui vendus.

Les censives et les autres droits dont se composait le fief de Beaucoroy, ayant été supprimés par les lois des 25 août 1792 et 17 juillet 1793, le sieur Levollant cesse dès-lors d'acquitter la Rente viagère de 150 livres.

En vendémiaire an 12, le sieur Rumets le fait assigner devant le tribunal de première instance de Boulogne, pour se voir condamner à lui payer 18 années d'arrérages de cette rente, et lui en passer titre nouvel.

Le 2 germinal suivant, jugement qui, vu l'art. 38 du tit. 2 de la loi du 15-28 mars 1790, et attendu que le contrat du 13 juin 1785 doit, quant à la Rente viagère dont il renferme la stipulation, être considéré comme un bail à Rente de droits féodaux abolis, déboute le sieur Rumets de sa demande, et le condamne aux dépens.

Mais sur l'appel du sieur Rumets, arrêt du 8 thermidor an 13, par lequel la cour d'appel de Douai déclare que l'acte du 13 juin 1785 ne forme qu'un contrat de vente pure et simple; et en conséquence, appliquant l'art. 36 du tit. 2 de la loi du 15-28 mars 1790, condamne le sieur Levollant à payer les 18 années d'arréges qui lui sont démandées et à continuer la prestation de la Rente viagere jusqu'à son extinction.

Le sicur Levollant se pourvoit en cassation contre cet arrêt; et soutient, 10 que des deux articles cités de la loi du 15-28 mars 1790, la cour d'appel de Douai a faussement appliqué l'un et violé l'autre; 2o qu'elle a également viole la loi du 17 juillet 1793 et celle du 2 octobre de la même année.

« De ces deux moyens (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 2 février 1807), il en est un qui ne presente qu'une vaine subtilité : c'est le second. La loi du 17 juillet 1793, telle qu'elle a été interprétée par celles du 2 octobre suivant et du 7 ventóse an 2, abolit sans doute les rentes même non féodales qui ont ete stipulées conjointement avec des droits féodaux; mais conclure de là que la Rente viagere dont il s'agit, a été supprimée par cette loi, sous le prétexte qu'en la stipulant, le sieur Rumets s'est reservé le droit de porter pendant sa vie le titre de seigneur du fief dont cette rente forme le prix partiel, c'est aller beaucoup au-delà du but que cette loi s'est proposé, c'est forcer le sens de son texte, c'est lui donner une interprétation que la saine raison désa

youe.

Que dit la loi du 17 juillet 1793, ou si l'on veut, qu'est-elle censée dire d'après l'interpretation que lui donnent le décret du 2 octobre suivant et celui du 7 ventose an 2? Elle dit que, si, par un acte de concession de fonds,

il a été créé deux droits, l'un féodal, l'autre foncier ; et que le concessionnaire ait été grevé de l'un et de l'autre au profit du concédant, le droit foncier est aboli comme le droit féodal.

» Mais dans notre espèce, a-t-il été créé un droit féodal au profit du concédant ? Dans notre espèce, le concessionnaire a-t-il été grevé d'un droit féodal? Nullement, le titre du fief de Beaucoroy existait avant le contrat du 18 juin 1795; ce n'est pas à ce contrat qu'il doit son existence. La réserve que le concédant se fait de ce titre pendant sa vie, ne forme donc point, pour le concessionnaire, une servitude féodale; elle est donc seulement un obstacle à ce que le concessionnaire use, pendant la vie du vendeur, d'une prérogative inhérente à la féodalité des objets qu'il acquiert; elle a donc, à son égard, une sorte de caractère d'anti-féodalité; il n'y a donc rien, soit dans ce titre, soit dans la réserve que s'en fait le sieur Rumets, qui puisse faire regarder la Rente viagère comme entachée d'une origine féodale; le deuxième moyen de cassation du demandeur n'a donc pas l'ombre de fondement.

» Mais le premier moyen vous paraîtra sans doute mériter plus d'attention.

» Il est certain qu'un acte d'aliénation peut, quoique revêtu extérieurement du titre de vente, n'être, dans la réalité, qu'un bail à Rente foncière. Ce n'est pas, en effet, par les dénominations que les parties donnent aux contrats. c'est par leur propre substance, que

l'on en détermine le caractère. Et de même que, par arrêt du 12 vendémiaire an 11, au rapport de M. Audier Massillon, la cour a juge, en cassant un arrêt de la cour d'appel de Caen, qu'une rente créée avec la qualification de foncière, n'était néanmoins qu'une rente purement personnelle, parceque le titre de sa création n'offrait rien qui pût la faire ranger dans la classe des baux à rente, de même aussi on doit regarder, non comme purement personnelle, mais comme foncière, toute rente stipulée par un acte qui, bien que qualifié de vente, forme cependant un vrai bail d'héritage.

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« Il est également certain qu'un acte qualifié de vente, peut être à la fois vente et bail à rente; vente, pour la partie alienee moyennant un prix payable, soit comptant, soit à des termes fixes, ou constitué par le contrat même; et bail à Rente, pour la partie aliénée moyennant une redevance dont le capital n'est point determiné par les contractans. C'est ce qu'enseigne Loyseau, Traité du Déguerpis sement, liv. 1, chap. 5, no 14: Le bail d'héritage (dit-il) fait la rente foncière, soit

qu'il soit pur et simple, soit qu'il soit mélé du contrat de vente, comme quand l'héritage est partie vendu, partie baillé à Rente, et que l'acquéreur en paie certaine somme comptant, et en outre promet payer sur icelui certaine rente par chacun an..... Bref, toutes fois et quantes que l'héritage est transporté de main à autre, à condition qu'il demeurera chargé de rente, cette rente est foncière, parcequ'elle est constituée en aliénation de fonds.

» Et c'est d'après ce principe, que le 25 pluviose an 11, au rapport de M. Gandon et sur nos conclusions, vous avez jugé, en confirmant un arrêt de la cour d'appel de Paris, qu'un contrat passé,le 22 décembre 1788, entre les sieurs Gouttard et Le Riche, et par lequel le premier avait vendu au second l'usufruit de plusieurs objets immobiliers, et notamment d'un droit de chasse, ne renfermait pas seulement une vente, mais encore un bail à rente, parceque le prix du transport qualifié de vente par les parties, consistait à la fuis, et dans une somme d'argent déterminée, et dans une rente annuelle à payer par l'acquéreur tout le temps que son existence prolongerait la durée de son usufruit.

» Une autre maxime non moins constante, et que vous avez expressément consacrée par votre arrêt du 26 pluviòse an 11, c'est qu'il y a bail à rente dans le cas où l'alienation est faite moyennant une Rente à vie, tout aussibien que dans le cas où elle est faite moyennant une rente perpétuelle. C'est d'ailleurs ce qu'avait déjà établi Loyseau, à l'endroit cite: Toutes fois et quantes que l'héritage est transporté de main à autre, à condition qu'il demeurera chargé de rente, cette rente est foncière, parcequ'elle est constituée en aliénation de fonds; d'où il suit que les pensions qui se constituent sur les bénéfices, Bont vraiment charges foncières et ne sont jamais constituées sinon en faveur de celui qui cède le droit qu'il avait au bénéfice, qui EST LA MARQUE DE LA RENTE FONCIÈRE.

>> Jusqu'ici tout est clair; mais voici où commence la difficulté. Votre arrêt du 26 pluviose an 11 ne porte que sur le cas où la Rente viagère est réservée sur un usufruit; et c'est aussi de ce cas seul que parle Loyseau.

» A la vérité, ce n'est point dans un sens restrictif que votre arrêt, et Loyseau, dans le passage cité, s'expliquent sur ce cas. Mais de la définition que donne Pothier du bail à rente, ne résulte-t-il pas qu'on doit restreindre à ce seul cas la décision de l'un et la doctrine de l'autre ?

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l'une des parties baille et cède à l'autre un héritage ou quelque droit immobilier....., sous la réserve qu'il fait d'un droit de rente annuelle d'une certaine somme d'argent, ou d'une certaine quantité de fruits qu'il retient sur le dit héritage, et que l'autre partie s'oblige réciproquement envers elle de lui payer TANT QU'ELLE POSSÉDERA LEDIT Héritage.

» Tant qu'elle possédera ledit héritage! La conséquence de cette définition n'est-elle pas qu'il est de l'essence du bail à rente, que la redevance dure aussi long-temps au profit du bailleur, que doit durer au profit du preneur la possession de l'heritage qui lui est cédé moyennant cette redevance ? Et de là ne doit-on pas conclure qu'il n'y a point de bail à rente, lorsque l'héritage est cédé moyens nant une rente dont la durée peut ou doit être moindre que celle de la possession_du preneur?

» Nous devons le dire, cette conséquence, à la première vue, paraît ne rouler que sur une équivoque; et effectivement par ces mots tant qu'elle possédera ledit héritage, Pothier ne veut pas dire que la rente doit nécessairement durer autant que la possession du preneur, mais seulement qu'elle ne peut pas survivre à la fin de cette possession ; et c'est ce qu'il explique parfaitement, no 5 : il est, dit-il, de la nature de ces rentes, que le preneur ne doive la rente que pour le temps qu'il possédera l'hé ritage. Une rente peut donc être foncière, quoiqu'elle puisse, par une cause quelconque, durer moins de temps que la possession du preneur, et, dès-là, il semble qu'on ne doit, à cet égard, mettre aucune différence entre la Rente viagère stipulée pour condition du transport d'un usufruit, et la Rente viagère stipulée pour condition du transport d'une propriété.

Pourquoi, en effet, Loyseau, pourquoi votre arrêt du 26 pluvióse an 11, rangent-ils dans la classe des rentes foncières, la rente à vie qui est réservée sur un immeuble dont il n'y a d'aliéné que l'usufruit? C'est parceque l'aliénation n'a ni prix déterminé en argent payable comptant ou à terme fixe, ni prix déterminé en argent constitué par l'acte; et que, dès-lors, elle ne peut pas être considérée comme vente; c'est parceque l'usufruit aliéné moyennant une rente à vie, n'est pas, à proprement parler, aliéné intégralement, et que la rente à vie étant une retenue sur l'aliénation, l'aliénation est diminuée jusqu'a la concurrence de cette retenue; c'est, en un mot, parceque le bailleur, en retenant sur l'objet qu'il aliene, une rente à vie, n'est censé aliéuer cet objet que déduction faite de cette rente.

«Eh bien! N'est-ce pas la même chose

lorsqu'une Rente viagère est réservée, sans expression de capital, sur un immeuble aliéné à titre perpétuel? La réserve de la Rente viagère n'empêche t-elle pas également que l'aliénation ne soit intégrale dans son origine, et qu'elle ne le devienne tant que durera la rente? Le bailleur n'est-il pas également, au moyen de cette réserve, considéré, pendant toute sa vie, comme retenant, jusqu'à la concurrence de sa rente, la propriété de l'immeuble qu'il a mis pour toujours hors de sa main ?

» Pour qu'il en fit autrement, il faudrait que l'idée d'un droit temporaire fût incompatible avec celle d'un droit réel. Mais bien loin d'être incompatibles, ces deux idées se lient parfaitement ensemble, et rien n'est plus commun que des droits réels à vie. Lorsqu'en vendant un héritage, je m'en réserve l'usu fruit, c'est certainement un droit réel que j'y retiens. Lorsque j'acquiers, sur l'héritage de mon voisin, un droit de passage pour tout le temps que je vivrai, ce droit est certainement réel entre mes mains, ni plus ni moins que si je devais le transmettre à mes héritiers. Enfin, il est bien notoire que l'emphyteose à temps confère au preneur un droit tout aussi réel, et au bailleur une redevance tout aussi foncière, que pourrait le faire une emphyteose perpétuelle. Pourquoi donc la limitation à la vie du bailleur de la rente, qu'il se réserve sur l'héritage qu'il aliene, serait-elle un obstacle à ce que cette rente fût pour lui un droit réel, une redevance foncière? Pourquoi se rait-elle un obstacle à ce que l'acte par lequel il aliene cet héritage, format un vrai bail à rente?

» Mais, a dit la cour d'appel de Douai, il y a vente toutes les fois qu'un bien est aliéné, moyennant un prix distribué en divers paiemens; or, aliener moyennant une Rente viagère, c'est certainement aliener moyennant un prix distribué en autant de paiemens que l'acquéreur a encore d'années à vivre. L'aliénation, moyennant une rente viagère, n'est donc pas un bail à rente, mais une vente proprement dite.

>> On pourrait faire le même raisonnement à l'égard de la Rente viagere moyennant laquelle est aliéné un droit d'usufruit, à l'égard de la pension moyennant laquelle est résigné un bénéfice. On pourrait dire que le droit d'usufruit est aliéné, que le bénéfice est résig. né pour un prix distribué en autant de paie mens que l'acquéreur ou résignataire doit encore vivre d'années. Cependant Loyseau enseigne, et la cour a jugé que cette rente, que cette pension, ne forment pas un prix de TOME XXVIII.

vente, et que les actes qui en contiennent la stipulation,sont de vrais baux à rente foncière. »Et en effet, il est de l'essence du contrat de vente, non-seulement qu'il y soit stipulé un prix, mais encore que ce prix consiste en une somme certaine, et qu'il soit fixé dans l'acte même, soit directement, soit par relation à un moyen de fixation expressément convenu par les parties. C'est ce que décident la loi 7, S. 1, D. de contrahenda emptione, et le S. du titre de emptione et venditione, aux Institutes. Or, l'aliénation moyennant une Rente viagere, n'a point de prix fixe ni qui puisse être fixe par relation à aucune base dont les parties soient convenues; une pareille aliénation ne peut donc pas être considérée comme une vente proprement dite.

» Le vice du raisonnement de la cour d'appel de Douai deviendra encore plus sensible, si nous nous reportons au cas assez fréquent sous l'ancienne legislation où un heritage était aliené moyennant nne rente qui, soit par la convention des parties, soit par la puissance de la loi, était rachetable. Bien certainement alors on pouvait dire, avec la même apparence de raison que la cour d'appel de Douai l'a dit relativement à notre espèce,que l'alienation avait pour prix une somme distribuée en divers paiemens; et dans le fait, l'acquéreur contractait, en ce cas, l'obligation de payer la rente autant de fois qu'il lui conviendrait de laisser écouler d'années sans en faire le rachat. Cependant on n'a jamais douté qu'une pareille rente ne fût foncière; et vous avez vous-mêmes jugé,le 12 pluviôse an 11, en confirmant, au rapport de M. Cochart, et sur nos conclusions, un arrêt de la cour d'appel de Paris, attaqué par le sieur Fortin, que, sous le régime hypothécaire de 1771, les lettres de ratification ne la purgeaient pas.

» Et pourquoi une pareille rente était-elle foncière Pourquoi l'acte qui en contenait la stipulation, ne pouvait-il pas valoir comme vente? Précisément parceque cet acte ne presentait point une aliénation moyennant un prix formé d'une somme fixe d'argent donnée ou promise par l'acquéreur, pour la propriété qu'on lui cedait; parceque cet acte ne présentait qu'une aliénation moyennant une rente qui pouvait se prolonger à l'infini; et que cette rente n'était dénaturée, ni par la faculté de la racheter, ni par la fixation du taux auquel le rachat pourrait s'en faire. Et certes, à nous en tenir à l'argument de la cour d'ap pel de Douai, il y aurait bien plus de raison pour dire la même chose d'une aliénation moyennant une Rente viagère, puisqu'une Rente viagere ne peut jamais être rachetée,

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malgré celui à qui elle est due, puisqu'une Rente viagère n'a point de capital déterminé, même par relation au taux d'un rachat eventuel.

» Mais, a encore dit la cour d'appel de Douai, Pothier, dans son Traité des retraits, n° 79, ne doute pas que le contrat par lequel on vend un héritage pour une Rente viagère, ne soit un contrat au moins équipollent à vente, et même un vrai contrat de vente, la Rente viagère qui a fait le prix de ce contrat étant un prix qui consiste en argent.

» Pothier n'en doute pas ! Mais en parlant ainsi de l'alienation à Rente viagère, la considère-t-il telle qu'elle est dans sa substance, ou ne l'envisage-t-il que sous ses rapports avec le retrait ?

» S'il la considère telle qu'elle est dans sa substance, il avance une grande erreur, en disant qu'elle forme un vrai contrat de vente ; et cette erreur, il l'agrandit encore, en cherchant à l'étayer du prétexte que la Rente viagère est un prix qui consiste en argent. Nous en avons déjà fait la remarque : ce que dit à cet égard Pothier, de l'aliénation d'une propriété à Rente viagère, on peut le dire également de l'aliénation à Rente viagère d'un usufruit. Lorsqu'un usufruit est aliéné moyennant une Rente viagère, on peut dire, comme lorsqu'il s'agit de l'aliénation d'une proprieté sous la même charge, que la Rente viagere est un prix, que ce prix consiste en argent, et que par conséquent c'est à titre de vente que l'alienation est faite. Or, Loyseau, et votre arrêt du 26 pluviose an 11 nous apprennent que, dans tout cela, il n'y a pas un mot de vrai.

» Il y a plus ce que dit Pothier de l'aliénation d'une propriété moyennant une Rente viagère, on aurait pu, avant les lois du 4 août 1789, le dire également de l'alienation d'une propriété moyennant une rente perpétuelle non rachetable: on aurait pu dire que cette rente était un prix, que ce prix consistait en argent, et que par suite l'alienation était un vrai contrat de vente. Or, il n'est personne qui ne sache, et Pothier le dit lui-même, qu'il n'y avait point là de contrat de vente, et qu'une pareille alienation constituait un vrai bail à rente foncière. » Si, dans le cité par la cour d'appel passage de Douai, Pothier n'envisage l'aliénation à Rente viagère que, sous ses rapports avec le retrait, nous conviendrons que sa doctrine est conforme à la jurt prudence constamment suivie dans les lieux où le retrait a été admis. Mais de ce qu'en matière de retrait, l'aliénation à Rente viagère était assimilée à la vente,

que peut-on conclure relativement à notre espèce?

»Le bail à rente rachetable était aussi, quant au retrait, assimilé par la jurisprudence à la vente proprement dite. Dira-t-on pour cela que la rente créée par un tel acte d'alienation, n'était pas foncière ?

» Le bail à rente non rachetable était également réputé ventê en matière de retrait, lorsqu'il y avait, suivant l'expression des cou. tumes, bourse déliée, argent baillé, ou promis bailler, c'est-à dire, lorsque le preneur donnait ou s'engageait à donner au bailleur des deniers d'entrée. Pretendra-t-on pour cela dénier la qualité de foncière à la Rente qui, dans ce cas, était réservée en sus des deniers d'entrée ?

"Non c'était par des fictions,introduites d'abord en faveur du retrait féodal et étendues ensuite au retrait lignager, que notre ancien droit avait ainsi rangé parmi les contrats de vente, des actes qui, ou n'en avaient pas le vrai caractère, comme le bail pur et simple à rente rachetable, ou ne l'avaient que pour une portion de leur objet, comme le bail à rente non rachetable avec deniers d'entrée ; mais il en est de ces fictions comme de toutes les autres : elles doivent être sévèrement restreintes aux matières pour lesquelles la loi les a créées; et vouloir les étendre à des cas qui leur sont étrangers, c'est méconnaitre les premiers principes.

» Il est un dernier argument de la cour d'appel de Douai qui ne nous arrêtera pas long-temps. Par le contrat du 13 juin 1785 (est-il dit dans l'arrêt de cette cour), le sieur Rumets ne se réserve rien, il déclare méme expressément ne se rien réserver, dans les droits féodaux qu'il aliène au profit du sieur Levollant; il les vend en totalité ; la Rente viagère de 150 livres n'est stipulée à son profit que comme une charge dont l'acquéreur se grève personnellement envers lui ; et c'est en quoi cette espèce diffère de celle de l'arrêt de la cour de cassation du 26 pluviose an 11: car dans l'affaire jugée par cet arrêt,il était dit par le contrat, qu'au paiement annuel de la Rente viagère de 2,000 livres, les objets vendus demeureraient, par privilége, non-seulement affectés, obligés et hypothéqués, mais encore

réservés.

» Que voyons-nous dans tout cela ? De vaines subtilités, et rien de plus. Quels que soient les termes dont s'est servi le sieur Rumets dans l'acte du 13 juin 1785, on ne peut nier, on ne nie pas même, qu'à la vente de son fief de Beaucoroy, il n'ait apposé la charge d'une Rente viagère. On ne peut pas nier davan

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