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formément aux bases établies par l'art. 7 de la même loi ;

» Attendu que le tribunal supérieur qui est saisi de la connaissance de l'affaire, doit exercer la plénitude de sa juridiction, en prenant les voies indiquées par la loi pour connaître la valeur du dommage, et par conséquent celle de l'amende à infliger aux contrevenans;

» Attendu, dans le fait, que la cour royale de Nancy, au lieu de procéder à l'instruction et au jugement, à raison du fait qui donnait lieu aux poursuites du ministère public, a confirmé la décision du tribunal correctionnel de Sarrebourg, qui s'était déclaré incompétent; par où elle a violé les lois de sa propre compétence et méconnu les dispositions du tit. 2 de la loi du 6 octobre 1791;

» La cour, statuant sur le pourvoi du procureur général près la cour royale de Nancy, casse et annulle l'arrêt de cette cour (chambre des appels de police correctionnelle ), du 21 décembre 1825 ».

Il n'y a certainement rien à redire à la cassation de cet arrêt; mais est-elle motivée comme elle devrait l'être ?

Qu'elle fût motivée sur ce que la cour royale de Nancy avait violé les règles de la compétence sous deux rapports;

Sur ce qu'elle les avait violées, en jugeant que de tribunal correctionnel de Sarrabourg avait pu se déclarer incompétent sans estimation préalable du dommage, et par conséquent

alors rien au monde n'était moins certain que que son incompétence ;

Et sur ce qu'elle les a vait violéesenjugeant, au mépris de l'art. 192 du Code d'instruction criminelle, que, même dans le cas où il eût été constant que le dommage n'excédait pas quinze francs, ce tribunal se serait valablement déclaré incompétent, quoiqu'il n'y eût de demande en renvoi, ni de la part du ministère public, ni de la part du propriétaire

lésé;

Rien n'eût été plus simple, plus juste et plus conforme à la loi.

Mais ce n'est pas ainsi qu'est motivée la cassation de l'arrêt de la cour royale de Nancy : elle l'est uniquement sur la première et sur la quatrième des propositions qui forment la base du réquisitoire de M. le procureur général, du 24 mars 1823.

Or, de ces deux propositions l'une est démontrée fausse par cela seul qu'elle est inconciliable, tant avec la faculté qu'il est impossible de refuser à la partie civile, de réduire ses dommages-intérêts au-dessous de seize francs, qu'avec le pouvoir que la loi accorde elle-même au juge de paix de procéder, avant de statuer sur

le fait de police rurale qui lui est dénoncé directement, à une estimation dont le résultat peut rendre sa compétence incontestable.

Quant à l'autre, elle n'est évidemment soutenable, d'après l'art. 192 du Code d'instruction criminelle, que dans le cas où le dommage étant estimé au-dessous de seize francs, le ren voi du fond devant le tribunal de police n'est requis ni par le ministère public, ni par la partie civile; et s'il est vrai qu'en l'adoptant dans toute sa généralité, l'arrêt du 20 juin 1826 s'est mis en harmonie avec celui du 4 avril 1823; il est vrai aussi qu'il s'est par là mis ouvertement en opposition, je ne dirai pas seulement avec l'arrêt du 1er août 1818, mais,.ce qui est bien moins concevable, avec le texte du Code d'instruction criminelle que je viens de citer et dont cependant il ne parle pas.

§. V. Autres questions sur les Délits

ruraux.

V. l'article Vaine pâturè, §. 3.

DELIVRANCE. §. I. L'héritier contractuel est-il obligé de demander Délivrance à l'héritier ab intestat? Y était-il obligé, avant la publication du Code civil, dans les coutumes du haut-quartier de Gueldre?

V. le plaidoyer et l'arrêt du 18 floréalah 12, rapportés au mot Remploi, §. 4.

§. II. Dans quel cas et à qui, sous le Code civil, les légataires sont-ils tenus de demander la délivrance de leurs legs?

V. l'article Testament, §. 12.

DEMANDE NOUVELLE. V. les mots Appel, §. 14, art. 1, no 16 et suivans, et art. 2, no 5; Contrat pignoratif, §. 2; Mariage,

§. 5, et Séparation des patrimoines, §. 3.

DÉMENCE. Peut-on prouver indéfiniment par témoins, qu'un testateurétait en Démence, lorsqu'il a fait sont estament? Le peut-on, sans prendre la voie de l'inscrip→ tion de faux, lorsque, par le testament même, le notaire a déclaré qu'il avait trouvé le testateur sain d'esprit ?

V. l'article Testament, §. 3.

DEMISSION DE BIENS. §. I. Fallait-il, pour la validité d'une Démission de biens antérieure à la publication du tit. 2 du liv. 3 du Code civil, qu'elle fût acceptée

par ceux au profit desquels elle était faite?

Cette question semblerait ne devoir souffrir aucune difficulté.

En effet, veut-on considérer la Démission de biens comme une donation? Il est de principe que personne ne peut être contraint de recevoir une libéralité : non potest liberalitas nolenti acquiri, dit la loi 19, §. 2, D. de donatio'nibus. Veut-on la regarder comme une succession anticipée? Nul n'est héritier qui ne veut: c'est une des règles les plus triviales du droit francais.

Cependant, à entendre Perchambault sur la coutume de Bretagne, le parlement de Paris jugeait « qu'on peut obliger des héritiers d'ac» cepter une Démission, quand les conditions » sont équitables et égales entre co-héri

»tiers ».

Il est vrai qu'il critique cette jurisprudence; mais avant de la critiquer, il fallait s'assurer qu'elle fût réelle, et c'est ce qu'on ne voit nulle part. Dupineau est le seul de tous nos jurisconsultes qui, sur l'art. 260 de la coutume d'Anjou, assure qu'en ligne directe, on est obligé d'accepter une Démission; « sur quoi (dit-il) on rapporte un arrêt rendu contre le sieur de la Tillonère, qui avait épousé la fille aînée de la » dame de la Thibaudière, avec une grande » dot ». Mais quelle confiance peut mériter un arrêt dont on ne retrace ni l'espèce ni la date, et qu'on ne cite qu'en passant?

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Il est d'ailleurs bien vraisemblable que Dupineau aura confondu l'obligation des enfans de nourrir leur père, avec celle dans laquelle illes suppose d'accepter une Démission de biens qui leur est offerte.

Il est inouï qu'un père riche et dont les affaires sont en bon ordre, se soit vu dans le cas de se pourvoir contre ses enfans, pour les forcer à accepter et recueillir les biens dont il veut se démettre à leur profit. Il n'y a que le besoin d'alimens qui puisse porter un père à prendre les voies juridiques pour cette fin. Et que faitlalors? Conclud-il à ce que ses enfans soient déclarés, malgré eux, demissionnaires de ses biens? Non il leur demande seulement une pension alimentaire, aux offres de leur abandonner tous ses biens; or, en cela, rien que de régulier. « A la bonne heure, dit Boullenois * (Questions sur les Démissions de biens, quest. * 4, page 59), que des enfans puissent être for»cés de donner des alimens à leurs père et mère, avec faculté de faire valoir leurs biens, lors» que, par infirmité ou vieillesse, ils sont hors » d'état de le faire. Mais on ne saurait les forcer » d'entrer dans ces biens par succession antici»pée; et s'ils les exploitent, ce ne peut jamais

» être que pour les pères et mères, afin de les » faire vivre ».

§. II. Fallait-il, avant la publication du tit. 2 du liv. 3 du Code civil, que la Démission des biens fút insinuée ?

Cette question ne pouvait alors intéresser que les créanciers du démettant : car à cette époque, les démissionnaires entre eux ne pouvaient jamais s'opposer le défaut d'insinuation: cela est trop clair pour avoir besoin de preuve; et d'ailleurs c'est ce qu'a formellement jugé un arrêt du parlement de Rouen, du 1er mars 1649, rapporté par Basnage, sur l'art. 448 de la coutume de Normandie.

A l'égard des créanciers, on devait, ce semble, distinguer les Démissions faites en ligne directe, d'avec celles qui se faisaient en ligne collatérale:

Pour les premières, la question est discutée dans le Journal du palais, tome 2, page 448.

Le 12 mai 1663, le sieur de Poix et sa femme firent une Démission de tous leurs biens en faveur de leur fils. Celui-ci l'accepta, négligea de la faire insinuer, et cependant prit possession des biens.

Son père et sa mère étant morts, il renonça à leur succession.

Nonobstant sa renonciation, les créanciers de sa mère prétendirent le charger des dettes d'une succession collatérale qui lui était échue quatre jours avant sa Démission, et qu'elle avait acceptée après. C'était soutenir, en d'autres termes, qu'il était tenu de payer les dettes que sa mère avait contractées postérieurement à la Démission, et pour cela il fallait faire tomber la Démission même : c'est ce qu'ils tentèrent, en soutenant la nécessité d'une insinuation, telle qu'elle était alors prescrite pour les donations, auxquelles, disaient-ils, la Démission est assimilée, puisqu'elle est, comme les donations, un titre translatif de propriété.

Le fils répondait que les Démissions des pères et mères en faveur de leurs enfans, n'avaient jamais été considérées comme des donations proprement dites; qu'elles étaient une autre nature de contrat, non sujet à insinuation; qu'elles formaient une succession universelle, quoique anticipée. C'est (ajoutait-il) un dévêtissement général que les pères et mères font de tous leurs biens en faveur de leurs enfans par une voie que l'ordonnance n'a point prévue, ou qu'elle n'a pas voulu comprendre dans sa disposition. Elle n'a point voulu (disait-il encore) imposer de conditions ni de formalités embarrassantes à ces sortes d'actes, de même qu'il n'y en a point pour les successions.

Sur ces raisons, arrêt du 9 août 1683, à la deuxième chambre des enquêtes du parlement de Paris, qui juge que l'insinuation n'est pas nécessaire, et déboute en conséquence les créanciers.

Dans cette espèce, comme le remarque Boullenois (quest. 10, page 211), << on pouvait dire que la mère ayant fait une Démission de » biens à son fils, le droit d'accepter la suc» cession échue avant la Démission, ou d'y re» noncer, avait passé en la personne de l'enfant » démissionnaire; que par conséquent l'accep»tation de la mêre était comme non faite ; mais » il paraît que l'enfant démissionnaire ne vou» lait pas accepter cette succession; ainsi, il » n'était pas possible d'empêcher la mère d'exer>> cer ce droit. Son acceptation devait-elle ré» trograder au préjudice du démissionnaire, » sur le fondement que la Démission n'avait » pas été insinuée ? L'arrêt juge la négative», Lebrun, Traité des successions, liv. 1, chap. 1, sect. 5, no 21, paraît d'abord incliner àl'avis de la nécessité de l'insinuation par rapport à ceux qui pourraient contracter avec le démettant, dans l'ignorance de la Démission; mais il expose tout de suite les raisons contraires, et il finit par dire: « Il est donc vrai que, » de leur nature, elles ne sont point sujettes à >> l'insinuation. La raison des inconvéniens » n'est pas plus grande dans les Démissions » que dans les hypothèques, qui se constituent » pour l'ordinaire aussi sourdement et aussi » clandestinement que les Démissions, et qui » frustrent bien souvent les créanciers posté» rieurs. C'est à ceux qui prêtent ou qui con» tractent, à connaître l'état des affaires de » leurs débiteurs; car dès que les Démissions » sont authentiques, ce sont des actes qui avertissent suffisamment les créanciers >>>.

On objecterait vainement que l'ordonnance de 1731 soumettait toutes les espèces de donations à l'insinuation: car 1o cette loi n'était que le renouvellement et la confirmation des mêmes lois qui existaient à l'époque de l'arrêt de 1683; elle ne faisait mention, dans aucun article, de Démissions de biens; l'intention du législateur n'avait donc pas été de les assujétir, soit à la formalité de l'insinuation, soit aux autres formalités des donations entre-vifs; et c'est précisément ce qu'enseigne Pothier, sur lacoutume d'Orléans, tome 3, page 220. C'est aussi ce qui résulte d'une lettre de M. le chancelier d'Aguesseau, du 22 juillet 1731, au premier prẻsident du parlement de Normandie: « C'est » avec réflexion (y est il dit) qu'on n'a pas jugé » à propos de parler dans la nouvelle ordondes Démissions de biens..... Cela re» garde la matière des partages et des disposiTOME V.

»nance,

» tions entre enfans, qui forment un autre objet....".

En ligne collatérale, l'insinuation était indispensable, soit que la Démission de biens fut envisagée comme donation entre-vifs, soit qu'on la considérât comme donation à cause de

mort.

En effet, par l'édit de 1703, toutes les donations entre-vifs et à cause de mort, faites en ligne collatérale, étaient assujéties à l'insinuation, sous les peines portées par l'art. 132 de l'ordonnance de 1539 et la déclaration du 17 novembre 1690. Or, l'ordonnance de 1539 prononçait la nullité des donations non insinuées ; et par la déclaration du 17 novembre 1690, elles n'avaient leur effet contre les créanciers des donateurs, que du jour de leur insinuation.

Cependant en Normandie, on ne distinguait pas à cet égard la ligne directe d'avec la ligne collatérale. Comme les institutions contractuelles elles-mêmes y étaient assujéties à l'insinuation par l'art. 244 de la coutume, on y tenait pour maxime que cette formalité était égale

ment nécessaire dans les Démissions de biens et cela, disait Basnage, sur le texte cité, «pour » éviter aux fraudes qui se pourraient commet» tre par les pères et les mères, au préjudice » de leurs créanciers ».

§. III. Avant le Code civil, la Démission de biens était-elle révocable?

On convenait généralement de son irrévocabilité dans deux cas :

Le premier, lorsque la Démission n'était pas universelle, mais bornée à une quote des biens, et qu'elle se trouvait revêtue des formalités des donations entre-vifs. La raison en était qu'alors on ne pouvait plus la considérer comme une Démission véritable. Ricard, en son Traité des donations, part. 1, no 995, rapporte un arrêt du 2 mars 1657, qui l'a ainsi jugé. (V. l'article Succession, §. 13).

Le deuxième cas, où l'irrévocabilité de la Démission de biens était universellement avouée, était lorsque cette disposition se faisait par contrat de mariage, en faveur des personnes mêmes qui se mariaient. On peut voir à ce sujet Chopin, sur la coutume de Paris, liv. 1, tít. 2, no 30; Coquille, sur celle de Nivernais, titre des donations, art. 12; Taisand, sur celle de Bourgogne, tit. 7, art. 8, no 14; Lebrun, des successions, liv. 4, chap. 1, no 14; et Boullenois, quest. 17, sur les Démissions de biens.

Hors ces deux cas, et dans la thèse générale, la question de savoir si la Démission de biens était révocable au gré du démettant, partageait

les opinions des jurisconsultes et les décisions des arrêts. Parcourir les unes et détailler les autres, c'est l'objet que nous nous proposons de remplir ici.

Voici d'abord les jurisconsultes qui se rangeaient du côté de la révocabilité.

»

Quand les pères et mères se sont démis de » leurs biens, et ont fait partage à leurs enfans, > ils peuvent y rentrer nonobstant la Démission, qui est une espèce de donation à cause de » mort, et conséquemment révocable à toujours, à l'instar des testamens et dernières >> volontés révocables jusqu'à la mort». Ainsi s'exprimait de Lhommeau, dans ses Maximes du droit français.

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C'était aussi le sentiment de Chopin, sur la coutume de Paris, liv. 2, tit. 2, no 30; de Legrand, sur celle de Troyes, tit. 4, art. 59; de Malicottes, sur celle du Maine, art. 274; de Taisand, sur celle de Bourgogne, tit 7, art. 7; de Ricard, des donations, part. I, no 994; de Lebrun, des successions, liv. 1, chap. I, sect. 5.

Ajoutons-y celui de Boullenois, quest. 17, sur les Démissions de biens; ses termes sont remarquables:

«Les Démissions n'étant que des successions anticipées, la règle est qu'elles doivent être perpétuellement révocables: in omnibus enim quæ concernunt futuram alicujus successionem, consensus et volontas ejusdem mutabilis est et ambulatoria usque ad mortem. (Dumoulin, sur la coutume de Paris, art. 8, gl. I, no 53).

>> Effectivement, ces Démissions tirant toute leur force de la volonté de celui qui se démet, cette volonté n'ayant pour objet qu'une succession anticipée, elle doit étre ambulatoire et révocable, ainsi que toutes les dispositions purement successives. C'est ainsi, par exemple, que le rappel d'un petit-fils ou d'un neveu exclu par la disposition d'une coutume, est toujours révocable, parcequ'il n'est effectivement qu'une donation à cause de mort d'une quote part dans une succession future. (Ricard, Traité de la représentation, nos 34 et 35).

>> Nos Démissions se rapportent assez volontiers aux donations à cause de mort, pratiquées

chez les Romains.

La loi 2, D. de mortis causá donationibus, nous apprend que les Romains reconnaissaient trois sortes de donations à cause de mort. La première espèce était d'un homme qui, sans être dans aucun péril, par la seule pensée de la mort future, faisait une donation.... La seconde espèce était lorsqu'un homme, dans le péril de la mort, donnait et voulait que le donataire fût à l'instant propriétaire.... La troisième, lors

qu'un homnie dans le péril donnait, mais pour que la donation n'eût d'exécution qu'après sa mort.... Pour donner à cause de mort, il n'était pas nécessaire d'être infirme ou malade, la vieillesse seule était plus que suffisante: mortis causa donare licet, non tantùm infirmæ valetudinis causá, sed etiam ætate fessus. (Lois 3 et 5 du titre cité). Le donateur avait toujours la faculté de révoquer, quand il avait donné pour rendre le donataire propriétaire dès l'instant de sa donation : la loi 30 du même titre lui donne, à cet effet, condictionem, qui est une action personnelle, parceque le donataire ayant été fait propriétaire, il fallait faire juger avec lui la révocation valable, avant que de pouvoir s'adresser à la chose donnée. Mais lorsque la tradition était faite, ex donatione simpliciter mortis causá, pour lors comme le donateur n'avait jamais cesssé d'être propriétaire, il avait une action réelle, actionem in rem, sur la chose même, suivant la loi 29.

» La révocabilité de la donation à cause de mort était tellement de l'essence de cette donation, qu'un homme qui donnait à cause de mort, avec déclaration qu'il renonçait à pouvoir révoquer, n'était plus présumé donner à cause de mort, mais entre-vifs; et sa donation, dèslors, perdait la nature et la qualité de la donation à cause de mort, pour prendre celle de la donation entre-vifs, suivant la loi 27.

» Ces donations, comme l'on voit, n'étaient révocables, quoique faites même pour rendre le donataire propriétaire dès l'instant de la donation, que parcequ'elles n'étaient faites qu'en vue de la mort.

» Nos Démissions de biens tiennent beaucoup de ces donations à cause de mort, principalement de celles où il y avait tradition avec translation de propriété; car elles sont faites en vue de la mort, et le démettant quitte, abandonne, cède et transporte dans cette vue les biens de sa succession, dont il saisit par anticipation son héritier futur ; et ainsi, la révocabilité des Démissions est fondée en principes

».

Tel était l'avis de Boullenois, et de la plupart des auteurs qui l'avaient précédé; mais il n'était pas, à beaucoup près, sans contradic

teurs.

Nous ne parlons pas encore des jurisconsultes bretons : tout le monde sait bien qu'ils avaient adopté uniformément le parti de l'irrévocabilité des Démissions.

Mais dans le ressort du parlement de Paris même,il s'est trouvé des auteurs qui ont regardé les Démissions de biens comme irrévocables.

« Père et mère, ou l'un d'eux » (disait Loysel, >>Institutes coutumières, liv. 2, tit. 4, art. 8)

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peuvent, de leur vivant, partir leurs biens » entre leurs enfans, leur légitime sauve; et » est cette disposition réputée testamentaire » et révocable, sinon que la donation eût été » effectuée et parfaite ». Il résulte clairement de là que, dans l'opinion de cet auteur, la Démission de biens proprement dite est à l'abri de la révocation, puisqu'un de ses principaux caractères est d'avoir un effet présent, et que par suite il ne peut y avoir de véritable Démission, sans donation effectuée et parfaite. Loysel semble n'avoir parlé de la sorte que d'après son ami Pallu. Ce dernier, sur l'art. 297 de la coutume de Touraine, disait que les Démissions n'étaient révocables ad nutum, que quand les choses étaient entières; que si, le partage étant fait, nihil de novo emerserit, que le père fùt bien payé de la pension qu'il s'était réservée, que les enfans ne laissassent pas dépérir les biens sur lesquels elle était assignée, en ce cas, le changement de volonté n'était pas toléré.

C'était aussi la décision de Brodeau, sur l'art. 17 du chap. 34 de la coutume de Nivernais. Aux termes de cet article, les partages des pères et des mères étaient révocables jusqu'à la mort; mais, disait Brodeau, «< il en est autre»ment, quand le partage est exécuté par les pères et mères, ou l'un d'eux de leur vivant, » en faisant la tradition réelle, et mettant les » enfans en possession des biens partagés sous la simple réserve d'une pension: auquel cas, » le partage est irrévocable, sauf à augmenter » la pension en cas de nécessité, arbitrio boni » viri; ce que le lieutenant-général de Nevers » ayant ainsi jugé par sentence de 1641, je l'ai » trouvé fort juridique, et ai conseillé d'y ac» quiescer».

Auzanet, sur l'art. 274 de la coutume de Paris, disait pareillement que les Démissions faites par un père, une mère, ou tout autre ascendant, soit de la totalité, soit d'une partie de leur biens, au profit de leurs enfans et descendans, étaient irrévocables, il ajoutait que c'était un des arrêts faits chez le premier président de Lamoignon, et qu'on l'avait trouvé • nécessaire à cause des procès fréquens formés » sur ce sujet ».

Ferrière, sur l'art. 227 de la même coutume, gl. 2, no 36, estimait également « que telles » donations devraient être réputées entre-vifs » et non-révocables..... Puisqu'il est permis » ( continuait-il) de donner tous ses biens pré» sens et à venir, même à des étrangers, sans » que telle donation puisse être révoquée, à plus forte raison les pères et mères peuvent » donner entre-vifs leurs biens à leurs enfans, » sans les pouvoir révoquer; autrement, ils

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pourraient en disposer après la révocation à » leur préjudice, au profit même d'étrangers, >> ce qui paraît très-injuste ».

C'était aussi le sentiment de Furgole, Traité des testamens, chap. 8, sect. I, nos 170 et 171; et cet auteur mérite ici d'autant plus d'égard, qu'il parlait uniquement d'après les principes du droit écrit, par lequel on a vu plus haut Boullenois chercher à justifier l'opinion contraire.. Voici comment il s'expliquait:

«Dans les pays de droit écrit, on n'a ni coutume ni usage, du moins au parlement de Toulouse, qui fasse des Démissions un genre particulier de disposer; cependant elles sont autorisées; elles peuvent être faites en la forme d'une donation à cause de mort, ou bien par donation entre-vifs.

» Dans le premier cas, elles ne constituent pas une espèce de disposition différente de la donation à cause de mort, et elles doivent être réglées par les maximes établies pour les donations à cause de mort...

» Quand la Démission est faite par donation entre-vifs et irrévocable, elle doit aussi étre réglée par les maximes des donations entrevifs.

» Voilà pourquoi elle devra être expressé ment acceptée et insinuée ».

On ne peut rien assurément de plus opposé que cette doctrine au sentiment de Boullenois, et de ceux dont il suivait les traces. Reste à savoir si la jurisprudence des arrêts nous offrira quelque chose de plus concordant.

On cite beaucoup de décisions de différens parlemens, pour la révocabilité des Démissions ; mais il y en a très-peu qu'on puisse regarder comme rendues en thèse; et il en est plusieurs qui paraissent favoriser le parti contraireSuivons-en l'ordre chronologique, en commençant par le premier des ci-devant parlemens de France.

PARLEMENT DE PARIS, arrêt du 14 août 1566. De L'hommeau, à l'endroit cité, fondait sur un arrêt de cette date, le parti de la révocabilité arbitraire des Démissions de biens. Mais il suffit de lire dans le plaidoyer 65 de M. l'avocat-général Servin, l'espèce précise de cet arrêt, pour sentir qu'il n'a pas le moindre rapport à notre question.

«Comme Jean d'Orléans et Marguerite Orry, sa femme (ce sont les termes de ce magistrat) ayant dix enfans, considérant que la meilleure part de leurs biens consistait en un fief nommé les Ouches, sis à Châtillon près Paris, pour l'amour égal qu'ils portaient à leurs enfans, auraient, par contrat en forme de donation entre-vifs, ordonné qu'ils partageraient leurs.

ils

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