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cision du conseil de guerre de la 11e division militaire, du 4 octobre suivant, lesquelles demeurent nulles et comme non avenues, ordonne que Jean-Joseph Legros, prévenu, sera traduit devant le juge d'instruction du tribunal de première instance de l'arrondissement de Libourne, département de la Gironde, pour être procédé à l'instruction du procès, conformément à la loi, sur la prévention du crime de provocation à la Désertion; et qu'à cet effet, la procédure commencée tant devant le tribunal de première instance de Bordeaux, que devant ledit conseil de guerre, sera envoyée au greffe du tribunal de Libourne; et encore que ledit Legros sera transféré en état d'arrestation provisoire, dans la prison du tribunal de Li

bourne... etc...

>> Fait et prononcé à l'audience publique de la cour de cassation, section criminelle, le 11 décembre 1812».

La même chose a été jugée depuis par un arrêt de la cour de cassation, du 21 mars 1823, au rapport de M. Rataud et sur les conclusions de M. l'avocal-général Marchangy:

« Vu (porte-t-il) l'art. 77 de la loi du 27 vertôse an 8, d'après lequel les jugemens des tribunaux militaires peuvent être attaqués par la voie de cassation, pour cause d'incompétence ou d'excès de pouvoir, proposée par un citoyen non militaire, ni assimilé aux militaires par les lois, à raison de ses fonctions;

» Vu l'art. 1er de la loi du 22 messidor an 4... ; » Vu l'art. 9 de la loi du 13 brumaire an 5...; >> Attendu que le demandeur en cassation n'était justiciable du conseil de guerre, ni à raison de sa qualité, ni à raison du fait pour lequel il a été condamné; qu'ainsi, son pourvoi est recevable;

» Attendu que, si la loi du 4 nivôse an 4 avait soumis à la juridiction militaire les provocateurs à la Désertion, cette disposition, quant à l'attribution de la compétence, a été abrogée par l'art. 1er de ladite loi du 22 messidor, et par l'art. 9 de celle du 13 brumaire an 5, qui, en soumettant à la juridiction militaire les embaucheurs et les espions, n'y a plus soumis, comme l'avait fait ladite loi du 4 nivôse, ceux qui, sans être embaucheurs, auraient provoqué à la Désertion;

» Que néanmoins, le 2o conseil de guerre permanent de la 14e division militaire, séant à Cherbourg, devant lequel le nommé JulienMathurin Adelis, boucher de profession, avait été traduit comme accusé 10 de crime d'embauchage; 2o de fait de provocation à la Désertion, après avoir été déclaré non coupable du fait d'embauchage, au lieu de le renvoyer devant

les juges ordinaires pour être jugé sur le fait de provocation à la Désertion, s'est permis de connaître de ce fait, et a prononcé contre lui la peine de 9 années de détention, par application de l'art. 4 de la loi du 4 nivôse an 4;

» En quoi ledit conseil de guerre a violé les règles de compétence et commis un excès de pouvoir;

» Par ce motif, la cour casse et annulle le jugement rendu par le 2e conseil de guerre permanent de la 14" division militaire, séant à Cherbourg, le 15 février dernier, portant condamnation contre le demandeur, à la peine de 9 années de détention, comme coupable de provocation à la Désertion;

» Et, pour être procédé, conformément à la loi, à raison de ce fait de provocation à la Désertion, dont est prévenu ledit Adelis, par le ministère public et par le juge d'instruction compétent à raison du lieu du délit, ou du domicile du prévenu, renvoie devant le procureur général à la cour royale de Caen (1) ».

§. III. 1o Les peines portées par l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6 contre les fauteurs de la Désertion, sont-elles abrogées, soit par l'art. 12 de la charte constitutionnelle du 4 juin 1814, soit par l'art. 25 de la loi du 10 mars 1818 sur le recrutement?

20 Est ce par le §. 2 de l'art. 239 du Code pénal, ou par l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, que doit être déterminée la peine à appliquer à celui qui a procuré ou facilité l'évasion d'un déser

teur arrêté ?

30 Cette peine est-elle, à raison des circonstances atténuantes que réclame et prouve celui qui l'a encourue, susceptible de la réduction autorisée par l'art. 463 du Code pénal?

I. La première question n'en est pas une, et il est étonnant que l'on ait jamais pensé sérieusement à soutenir l'affirmative, qui d'ailleurs a été, comme on le verra dans un instant, proscrite plusieurs fois par la cour de cassation.

D'une part, en effet, comment l'art. 12 de la charte constitutionnelle du 4 juin 1814 auraitil abrogé les peines portées par la loi du 24 brumaire an 6 contre les fauteurs de la Désertion? Il se borne à dire que la conscription est abolie et que le mode de recrutement de l'armée de terre et de mer sera déterminé par une loi. Or, abolir la conscription, c'est-à-dire,

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 28, page 113.

un mode de recrutement de l'armée, ce n'est certainement pas abroger les lois relatives à la Désertion; ce n'est certainement pas déclarer que, ni les individus qui, soit par ce mode de recrutement, soit par tout autre qui y sera substitué, sont actuellement incorporés dans l'armée ou y seront incorporés dans la suite, ni leurs fauteurs ou complices, ne seront plus passibles des peines portées par les lois précé

dentes.

D'un autre côté, que porte l'art. 25 de la loi du 10 mars 1818? Deux choses.

Il abroge d'abord toutes les dispositions des lois, ordonnances, réglemens ou instructions relatives aux anciens modes de recrutement de l'armée; et assurément de ce que, par là, il rend sans objet, par rapport aux fauteurs de la désobéissance à la conscription, la disposition de l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6 qui les punissa't de la même peine que les fauteurs de la Désertion, il ne s'ensuit nullement qu'il abroge cette disposition par rapport à ceux-ci.

Il ajoute, à la vérité, que les tribunaux civils et militaires, dans les limites de leur compétence, appliqueront les lois pénales ordinaires aux délits auxquels pourra donner lieu l'exécution du mode de recrutement déterminé par la présente loi; mais qu'y a-t-il là d'où l'on puisse, avec tant soit peu d'apparence de fondement, induire l'abrogation de l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, en ce qui concerne les fauteurs de la Désertion? Rien, évidemment rien. Cette disposition n'est relative qu'aux délits qui pourront se commettre dans l'exécution du nouveau mode de recru

tement que la loi substitue à la conscription; elle est donc étrangère à la Désertion et aux actes qui la favorisent; car autre chose est de contrevenir à la loi qui établit un mode de recrutement, autre chose est de contrevenir à la loi qui, lorsque, par l'effet, soit de ce mode de recrutement, soit par l'effet du mode précédemment usit, un individu a été incorporé dans l'armée, lui défend de déserter, en même temps qu'elle défend à tout autre de favoriser sa Désertion.

II. La seconde question n'est pas plus difficile à résoudre. L'art. 5 du Code pénal porte en toutes lettres : les dispositions du présent Code ne s'appliquent pas aux contraventions, délits ou crimes militaires. Or, c'est bien un crime militaire que la Désertion. Ce n'est donc pas dans le Code pénal que l'on doit chercher les peines à appliquer à ce crime. On ne peut donc pas non plus y chercher les peines à appliquer aux individus qui, n'étant pas auteurs

de ce crime et ne pouvant pas même l'être à raison de leur qualité, s'en rendent néanmoins les fauteurs ou les complices. Car le déserteur ne peut pas être soumis, pour la pénalité de son crime, à une loi spéciale, sans que ses fauteurs ou complices le soient en même temps à celles des dispositions de cette loi qui les concernent. C'est ainsi que la vente faite par un soldat de ses armes ou de ses effets d'équipement, étant un délit militaire, le particulier qui achète ces armes ou ces effets, et par là se rend complice d'un vol militaire d'effets appartenant à l'État, doit être puni, non seulement de la peine portée contre les voleurs d'effets appartenant à l'État, par l'art. 33 de la sect. 2 de la loi du 22 juillet 1791, auquel se réfère le Code pénal (1), mais encore de l'amende qu'y ajoute l'art. 5 de la loi du 28 août 1793: et c'est précisément ce qu'a jugé un arrêt de la cour de cassation du 10 septembre 1812 (2).

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Vol, sect. 3, §. 3, dist. 4, questions sur l'art. 401 du Code pénal.

(2) Voici comment cet arrêt est rapporté dans le Lulletin criminel de la cour de cassation:

<< Annullation d'un jugement rendu en dernier ressort, le 7 août 1812, par le tribunal du cheflieu du département de la Loire-Inférieure, dans l'affaire de Pierre Louis, sur le pourroi du procureur général criminel près la cour d'assises de ce département.

»Le tribunal n'avait prononcé qu'un emprisonnement de cinq jours; il n'avait prononcé ni l'amende ni la confiscation contre Pierre- Louis, convaincu d'avoir acheté un pantalon appartenant au gouvernement, à l'un des prisonniers espagnols, assimilés aux soldats français;

» Violation de l'art. 33 du tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791, et de l'art. 5 de la loi du 28 août 1793, et fausse application de l'art. 463 du Code pénal de 1810, à une matière qui a ses règles particulières auxquelles il ne peut être dérogé que par une disposition expresse;

>> Ou M. Oudart et M. Daniels;

» Vu l'art. 33 du tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791; » Vu aussi l'art. 5 du décret du 28 mars 1793;

» Attendu que Pierre-Louis a été reconnu coupable d'avoir acheté de l'un des prisonniers de guerre espagnols (assimilés, quant à la discipline, aux soldats français, par le décret du 23 février 1811), un pantalon portant la marque du gouvernement, auquel il appartient; que ce délit est puni par les lois citées ci-dessus, de la confiscation de l'effet acheté, d'une amende qui ne peut excéder 3,000 francs, et d'une année d'emprisonnement;

» Que l'art. 463 du Code pénal de 1810 autorise les cours et tribunaux, lorsqu'il existe des circonstances atténuantes, et que le préjudice n'excède pas 25 francs, à réduire la peine de l'emprisonnement et de l'amende, et même à ne prononcer que l'une des deux peines ;

Des vérités aussi simples n'auraient jamais dû être méconnues. Elles l'ont cependant été en 1822, dans une affaire où Jean Baptiste Cabut était poursuivi comme prévenu d'avoir procuré ou facilité l'évasion d'un déserteur arrêté.

Le tribunal correctionnel de Louhans l'avait déclaré coupable; mais au lieu de lui appliquer les peines portées par l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, il ne l'avait condamné qu'à celle qu'inflige le §. 2 de l'art. 239 du Code pénal aux fauteurs de l'évasion des détenus pour crime ordinaire; et il s'était fondé tant sur l'art. 12 de la charte que sur l'art. 25 de la loi du so mars 1818.

Vainement le ministère public a-t-il appelé de ce jugement; le tribunal correctionnel de Châlons-sur-Saône l'a confirmé le 27 janvier

1823.

Mais le jugement confirmatif ayant été déféré à la cour de cassation, a été cassé, comme il devait l'être, le 13 mars suivant, au rapport de M. Aumont, et sur les conclusions de M. l'avocat général Freteau de Pény;

» Que la loi du 10 mars 1818, abroge, par son art. 25, §. 1, toutes les dispositions des lois, ordonnances, réglemens ou instructions relatives aux anciens modes de recrutement de l'armée; mais que, ni par cet article, ni par aucun autre, cette loi n'abroge les dispositions des lois relatives aux anciens modes de punition des fauteurs de la Désertion;

» Attendu que le prévenu, dans l'espèce, est déclaré convaincu d'avoir favorisé l'évasion de Charles-Marie Delin, jeune soldat déser

teur;

» Qu'il est donc déclaré coupable du délit prévu par l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6; qu'il devait donc être puni des peines de cet article et de l'art. 14 de la loi du 17 ventôse an 8, qui le modifie, quant à l'amende ; qu'en ne prononcant contre lui que les peines de l'art. 239, §. 2, du Code pénal, par le motif de l'abclition de ladite loi du 24 brumaire an 6, résultant des art. 12 de la charte constitutionnelle et 25 de la loi du 10 mars 1818, le tribunal de police correctionnelle de Châlons-sur-Saône a fait une fausse application évidente de ces articles et de l'art. 239 du Code pénal; et qu'il a manifestement violé l'art. 4 de ladite loi du 24 brumaire an 6...... (1)».

« Attendu que de l'abolition de la conscription, prononcée par l'art. 12 de la charte, ne peut résulter l'abrogation des lois antérieurement rendues contre ceux qui favorisent la Désertion; que la conscription n'était en effet III. La troisième question devrait sans conqu'un mode de recrutement de l'armée, et tredit être résolue en faveur de la réductibilité qu'en abolissant ce mode, la charte a maintenu de la peine, si c'était d'après l'art 239 du Code l'existence de l'armée; qu'elle a donc aussi mainpénal que dût être puni le fauteur de l'évasion tenu les lois qui avaient pour objet d'en préve-d'un déserteur. Mais du moment qu'il est re4 de la loi du 24 brumaire an 6) que connu que c'est par une loi spéciale (par l'art. doit être déterminée la peine à infliger au fauteur de l'évasion d'un déserteur, comme c'était par le

nir la dissolution par la Désertion;

» Que l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, qui a fixé les peines encourues par ceux qui favorisent la Désertion, a donc conservé toute sa

force; que ses dispositions doivent donc être même article que devaient être déterminées les appliquées aux cas qu'il a prévus;

mais qu'il n'accorde cette autorisation que dans le cas où ces peines sont portées par ce même Code pénal de 1810;

par

Que, d'après l'art. 6 du décret du 24 juillet 1810, les cours et tribunaux, lorsque la peine prononcée par le Code pénal de 1810, est moins forte que celle prononcée l'ancien Code, doivent prononcer la peine du Code pénal de 1810; mais que cette disposition ne peut s'appliquer à des matières qui sont réglées par d'autres lois que les dispositions de ce Code de 1810:

>> Que les lois spéciales ne sont ni abrogées ni modifiées par les dispositions d'un Code qui a pour objet de régler les matières générales d'ordre public;

» D'où il suit qu'en ne condamnant Pierre-Louis qu'à la peine de cinq jours d'emprisonnement, et en ne prononçant ni l'amende ni la confiscation, le tribunal du chef-lieu du département de la Loire-Inférieure a violé les luis citées, et fait une fausse application de Part. 463 du Code pénal de 1810;

>> Par ces motifs, la cour casse et annulle...>> TOME V

peines à infliger au fauteur de l'évasion d'un conscrit réfractaire, quelle difficulté peut-il y avoir à dire que cette peine n'est pas susceptible de la réductibilité autorisée par l'art. 463 du Code pénal? Aucune, évidemment aucune, puisque, comme on le verra au mot Peine, §. 3, la disposition de l'art. 463 du Code pénal est inapplicable aux peines établies par des lois qui font exception à ce code.

Et c'est effectivement ce qu'a jugé un arrêt de la cour de cassation dont voici l'espèce.

Le 22 novembre 1812, jugement du tribnnal correctionnel de Limoux, qui déclare Marie Cros, veuve Barrière, convaincue d'avoir favorisé l'évasion de Bernard Barrière, son fils, conscrit réfractaire, détenu dans les prisons de cette ville, et la condamne, conformément à l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, à 500

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 28, page 104. 32

franes d'amende et à une année d'emprisonne

ment.

Marie Cros appelle de ce jugement au tribunal correctionnel de Carcassonne.

Le 16 janvier 1813, jugement qui confirme eclui du tribunal de première instance au chef qui déclare l'appelante coupable du fait ; mais prenant en considération sa qualité de mère, et usant de la faculté accordée aux tribunaux par l'art. 463 du Code pénal, réduit la peine prononcée par les premiers juges, à un mois d'emprisonnement.

Recours en cassation de la part du ministère public; et par arrêt du 12 mars suivant, au rapport de M. Audier-Massillon,

Vu l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, et les art. 13 et 14 de la loi du 17 ventôse an 8; » Vu aussi l'art. 463 du Code pénal;

» Attendu que l'art. 463 du Code pénal n'autorise les tribunaux à réduire les peines de l'emprisonnement et de l'amende, au-dessous de celles qui sont prononcées par les lois, que dans les cas où la peine d'emprisonnement est portée par le même code;

» Attendu que les peines d'emprisonnement et d'amende contre ceux qui recèlent les conscrits réfractaires ou qui favorisent leur Désertion, sont prononcées par les articles ci-dessus rapportés de la loi du 24 brumaire an 6 et de la loi du 17 ventose an 8; que, bien loin que ces lois aient été modifiées par le Code pénal, elles ont au contraire été maintenues par l'art. 235 dudit Code; qu'elles ont continué d'être exécutées comme lois spéciales, absolument indépendantes du Code pénal;

» Attendu que le tribunal de Carcassonne, en reconnaissant que ladite Cros, veuve Barrière, avait favorisé l'évasion de son fils, conscrit réfractaire, et par conséquent qu'elle avait encouru les peines portées par les lois des 24 brumaire an 6 et 17 ventôse an 8, ne pouvait réduire la peine au-dessous du minimum de celles portées par ces lois; d'où il suit qu'en s'autorisant de l'art. 463 du Code pénal, pour réduire la peine à un mois d'emprisonnement, il a fait une fausse application de cet article, et violé l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6 et les art. 13 et 14 de la loi du 17 ventôse an 8 ci-dessus rapportés ;

>> Par ces motifs, la cour casse et annulle...».

§. IV. 10 Celui qui recèle sciemment un déserteur, est-il passible de quelque peine?

20 De quelle peine est-il passible?

30 L'application de cette peine est-elle subordonnée à la condamnation du déserteur lui-même, à la peine qui est infli

gée par la loi au crime de Désertion ; et en conséquence, y a-t-il lieu à l'acquittement du recéleur, lorsque le déserteur n'a été puni par ses chefs que d'une peine de discipline?

J. Que le recélcment d'un militaire que l'on sait être en état de Désertion, soit un délit punissable, c'est une vérité qu'il est impossible de méconnaître. En effet, la Désertion est certainement un crime; et dès-là, quand on ferait abstraction de l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6 qui punit d'une amende de 300 francs à 3,000 francs et d'une année d'emprisonnement tout habitant de l'intérieur convaincu d'avoir recélé sciemment la personne d'un déserteur, il resterait toujours l'art. 248 du Code pénal qui punit de trois mois à deux années d'emprisonment ceux qui auront recélé ou fait recéler des personnes qu'ils savaient avoir commis des crimes emportant peine afflictive.

sitions qui doit être appliquée au recélement II. Mais quelle est celle de ces deux dispo

d'un déserteur ?

C'est, sans contredit, l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, et cela résulte évidemment de deux principes établis dans le paragraphe précédent : l'un que cet article n'est abrogé, l'autre, que la Désertion étant un crime milini par la charte, ni parla loi du 10 mars 1818; taire, ceux qui le commmettent, et ceux qui s'en rendent fauteurs ou complices d'une manière quelconque, doivent être punis, non d'après les dispositions du Code pénal, mais d'après celles des lois spéciales auxquelles ce

Code ne déroge pas.

Cependant Pierre Delsey ayant été poursuivi, en 1820, comme prévenu d'avoir recélé sciembre du conseil du tribunal de première instance ment un déserteur, une ordonnance de la chamavait déclaré, sur le rapport du juge d'instruction, qu'il n'y avait pas lieu à suivre; et cette ordonnance avait été confirmée par un arrêt de la cour royale de Toulouse,du 15 mai de la même année, sur l'unique fondement quel'art.4 de la loi du 24 brumaire an 6 était révoqué par l'art. 12 de la charte.

Mais le ministère public s'étant pourvu en cassation, arrêt est intervenu, le 6 juillet suivant, au rapport de M. Giraud Duplessis et sur les conclusions de M. l'avocat général Hua, par lequel,

« Vu l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, l'article unique de la loi du 30 décembre 1809 et l'art. 12 de la charte constitutionnelle.....,

» Attendu que de l'abolition, prononcée par ledit art. 12 de la charte, il ne peut résulter

abrogation des lois antérieurement rendues contre ceux qui favorisent la Désertion; que la conscription n'était, en effet, qu'un mode de recrutement de l'armée, et qu'en abolissant ce mode la charte a maintenu l'existence de l'armée ; qu'elle a donc aussi maintenu les lois qui avaient pour objet d'en prévenir la dissolution par la Désertion;

» Que l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, qui a fixé les peines qui seraient encourues par ceux qui favoriseraient la Désertion, a donc conservé toute sa force;

Que ses dispositions doivent donc être appliquées aux cas qu'elles ont prévus....;

Et attendu que Delsey était prévenu d'avoir sciemment recélé un déserteur; que la cour royale de Toulouse, chambre d'accusation, saisie de cette prévention par l'opposition du procureur du roi à l'ordonnance de la chambre du conseil, qui avait déclaré qu'il n'y avait pas lieu à suivre contre Delsey, a confirmé cette ordonnance;

Qu'elle n'a point motivé son arrêt sur ce qu'il ne serait pas résulté de l'instruction d'indices suffisans que Delsey eût sciemment recélé la personne d'un déserteur, ni qu'il eût favorisé son évasion, ni qu'il l'eût soustrait d'une manière quelconque aux poursuites ordonnées par la loi, avec connaissance de sa désobéissance aux lois du royaume;

» Qu'elle a confirmé l'ordonnance de la chambre du conseil, sur le fondement que la loi du 24 brumaire an 6 aurait été révoquée par l'art. 12 de la charte, qui a aboli la conscription;

En quoi cette cour a faussement appliqué cet article de la charte, et violé l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6;

D'après ces motifs, la cour casse et annulle....... (1).

Hercule Furtin ayant été poursuivi comme fauteur de la Désertion d'un jeune soldat, pour l'avoir pris à son service sachant qu'il était déserteur, un jugement en dernier ressort du tribunal correctionnel de Châlons-sur-Saône, du 31 août 1822, l'avait, non pas condamné à la peine portée par l'art. 248 du Code pénal, mais acquitté purement et simplement sous prétexte que, quoiqu'il fut bien convaincu d'avoir recélé sciemment le déserteur dont il s'agissait, il ne pouvait néanmoins, d'après l'abrogation de Ï'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, être puni d'aucune peine.

Mais sur le recours en cassation du ministère

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 25, page 277.

public, arrêt du 26 septembre 1822, au rapport de M. Ollivier, et sur les conclusions de M. l'avocat général Fréteau de Pény, par lequel,

Vu l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6... ..; » Vu l'article unique de la loi du 30 décem bre 1809.......;

» Vu l'art. 12 de la charte;

Vu l'art. 25 de la loi du 10 mars 1818, ordonnant aux tribunaux d'appliquer aux délits commis en contravention au recrutement, les dispositions pénales des lois existantes;

Attendu que, de l'abolition de la conscription prononcée par l'art. 12 de la charte, il ne peut résulter abrogation des lois antérieurement rendues contre ceux qui favorisent la Désertion, que la conscription n'était, en effet, qu'un mode de recrutement de l'armée, et qu'en abolissant ce mode, la Charte a maintenu l'existence de l'armée; qu'elle a donc aussi maintenu les lois qui avaient pour objet d'en prévenir la dissolution par la Désertion;

» Que l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, qui a fixé les peines qui seraient encourues par ceux qui favoriseraient la Désertion, a donc conservé toute sa force; que la nécessité de son exécution est implicitement déclarée l'art. par 25 de la loi du 10 mars 1818, ordonnant aux tribunaux d'appliquer aux délits commis eu contravention au recrutement, les dispositions pénales des lois existantes ;

» Que, dès-lors, les dispositions de l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6 doivent être appliquées aux cas qu'il a prévus.....;

» Et attendu qu'il est déclaré en fait, par le jugement attaqué, que le nommé Furtin a recélé sciemment le nommé Gaillard, conscrit déserteur;

» Qu'à ce fait ainsi caractérisé, s'appliquait, d'après la loi du 30 décembre 1809, la disposition pénale de l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6;

D

Que néanmoins, de l'abolition de la conscription par l'art. 12 de la Charte, et de la présupposition du silence de la loi du 10 mars 1818 sur les peines à infliger aux recéleurs de déserteurs, le jugement attaqué a conclu qu'il n'existait pas de loi pénale sur la matière, et il a renvoyé Furtin de la demande formée contre lui;

» En quoi il a fait une fausse application de l'art. 12 de la Charte, a violé l'art. 4 de la loi du 24 brumaire an 6, l'article unique de la loi. du 30 décembre 1809 et l'art. 25 de la loi du 19 mars 1818;

» La cour casse et annulle.... (1) ».

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tom 27, page 383.

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